Se blesser
Vendredi 5 avril
Alors, à la base j'avais pas du tout prévu de parler d'un sujet aussi nul que les blessures. Enfin ouais quoi, y a pleins d'autres choses bien plus intéressantes que ça, par exemple le théâtre ou la poésie. Mais bon, entre temps il a fallut que je me blesse aussi. En moins de quatre mois, c'est le deuxième fois que je me fais une entorse à la cheville droite. Su-per. Ex-ce-llent. Vraiment, rien à ajouter là-dessus.
J'étais donc allée à la gym, sans me douter que j'allais me tordre violemment la cheville pour la deuxième fois de ma vie, et me blesser pour la troisième fois de ma vie. Le premier cris que je fis ne fut pas un « aïe » ou un quoique ce soit qui exprimait de la douleur, nan c'était plus un mélange de colère et de mépris envers moi-même pour ne pas avoir fait plus attention.
« Nan pas encore ! »
Voilà ce que mes camarades gymnastes ont pu m'entendre hurler à travers la salle de gym tandis que je m'écrasais au sol, les mains agrippant avec force ma cheville. La douleur était encore plus inouïe, plus vive, plus violente que la première fois. Et elle semblait vouloir persister à me persécuter plus longtemps encore que la dizaine de minutes où j'avais dû me concentrer sur ma respiration pour tenter de diminuer la souffrance. C'était l'un des moments les plus pénibles de ma vie. Les larmes et la morve commençaient à couler en abondance sur mon visage crispé, tandis que le tapis bleu sur lequel je m'étais écroulé me semblait à présent être à la fois plus confortable que jamais et plus désagréable qu'il ne pouvait l'être habituellement. Je ne sentais plus rien d'autre que ma cheville, même mon justaucorps trop serré ne me dérangeait plus.
Même avec les paupières fermées avec insistance, les yeux percevaient des éclairs blancs sur le fond de celles-ci, comme l'électricité de la douleur qui se répandait presque jusqu'à mon genou.
Le pire dans tout ça, c'est que pour une fois j'étais motivée à m'entraîner. C'était le tout premier élément que j'exerçais, la toute première rondade de la journée. Mais il semblait que c'était déjà la rondade de trop. C'était le même exercice que sur lequel je m'étais blessée la première fois, la même rondade. Celle où je retiens ma respiration juste avant de m'élancer, et où au final je me retrouvais à devoir respirer comme une femme enceinte sur le point d'accoucher pour survivre.
Parlons un peu de mes autres blessures. Déjà, là toute première fois qu'on peut me considérer comme blessée, j'ai eu une commotion cérébrale, et en plus c'était de manière nulle. J'évitais une fille dans la cour de mon collège, et pour ça je courais en regardant sur ma droite pour observer la progression de cette fille qui me suivait. Et quand je regardai à nouveau face à moi, pour voir où je courais pour éviter de foncer dans quelqu'un, ce fut à l'instant précis où un garçon plus jeune que moi me fonça dedans.
Premier détail, à l'époque je portais encore des lunettes de vue pour lire sans avoir mal à la tête à cause de mon hypermétropie, que j'avais eu la flemme de retirer, donc elles se sont écrasées sur l'arête de mon nez et contre mon œil.
Deuxième détail, il faisait presque ma taille, donc son front enfonça encore plus violemment mes propres lunettes contre mon visage.
Ultime détail, ce garçon était le petit frère d'un garçon de ma classe, et également un voisin. Oui, cette information est totalement inutile.
Du coup, comme je disais, un garçon plus jeune me fonça dedans, et je m'écroulai donc comme une merde sur le béton. Je ne pouvais plus bouger à présent, malgré le liquide dans lequel mon cerveau baignait dans ma boîte crânienne, il venait de se frapper violemment contre mon crâne, dans la cage qui était censée le protéger.
J'étais tellement sonnée que je ne parvenais même plus à réfléchir à quoi faire, et je suppose que des élèves eurent appelé une des surveillante car rapidement une professeur arriva dans mon champ de vision et décida de m'emmener à l'infirmerie pour appeler mes parents et prendre soin de moi.
Un peu moins d'une demie heure plus tard, je me retrouvais au centre médical de l'autre côté de la voie de chemin de fer qui montrait la limite de la cours d'école au nord. Ma mère était venue me chercher, et m'y avait emmené pour aller aux urgences. Plus tard, on savait que j'avais eu une commotion, et d'ailleurs la zone du haut de la joue et du bord du nez autours de mon œil droit avait gonflé. Le soir même j'aurais un hématome violet, et donc ce qu'on appelle plus communément un œil au beurre noir.
Le lendemain, je ne vais pas à l'école, parce qu'il faut laisser du temps à mon cerveau pour s'en remettre, et aussi parce que rien que l'exposition prolongée à la lumière me donne des migraines. Je traîne dans ma chambre, dans l'obscurité. Je dors. Je rêve éveillée. Dans tous les cas je reste allongée toute la journée sans pouvoir faire autre chose.
Quand je retournerai à l'école, je devrai supporter les questions et angoisses d'une horde d'enfants de 11 ans, l'âge pour entrer à Poudlard. Oui, je fais beaucoup de comparaisons d'âge dans la vie de tous les jours.
Comme par exemple, à ce jour, si j'avais été à Poudlard, j'aurais déjà été en dernière année, très certainement dans la maison Serdaigle.
Ou sinon je compte le nombre de Jeux Olympiques que l'on peut mettre entre deux événements. En comptant par tranche de quatre et si on arrive à la fin avec un reste de deux, je dis « on peut mettre n JO plus une édition des JO d'hiver ».
Bref, avoir un œil au beurre noir sans jamais s'être battu, ça a l'air d'être un motif suffisant pour que la maîtresse vous permette de garder votre capuche sur la tête pour cacher votre visage. J'étais mal à l'aise, tous les regards se tournaient régulièrement vers moi.
Par contre à la maison, c'était comme d'habitude : les regards n'étaient pas tournés vers mon nez gonflé ou contre mon œil coloré. Donc j'oubliais l'existence de mes blessures, je me sentais juste un peu anesthésiée d'une partie du visage.
Le pire, c'est que ma grand-mère qui m'avait rendu visite m'avait persuadé que le froid ferait dégonfler mon œil, mais en vrai j'avais juste la moitié du visage frigorifié.
C'est marrant à quel point on croit totalement à ce que les adultes nous disent quand on est enfant, surtout quand ils ont une certaine forme d'autorité sur nous.
Je crois que la pire sensation quand on est blessé-e, c'est pas la douleur, c'est pas l'ennui, c'est la sensation de ne pouvoir rien faire en elle-même. Genre t'es là, t'as un membre en moins ou t'es simplement handicapé-e, et tu peux rien y faire. Tu peux juste attendre que ça passe, en espérant que ça prenne pas trop de temps.
Du coup tu dis que t'as plus de temps pour lire, écrire, ou jouer vu que t'as plus de leçons de sport, tant scolaires que de loisirs, mais au final tu n'y feras rien parce que comme d'habitude tu es une flemme.
En tout cas, je pense que c'est ce qui va m'arriver, une fois de plus. Déjà quand je suis malade je me dis ça et j'en fais rien du tout.
Je me dis que je vais réviser. Mais comme d'habitude je fais plus des activités chronophages sans but plutôt que de faire des activités constructives.
Au moins, je pourrai regarder plus de vidéos YouTube et rattraper mon retard dans les séries que j'avais commencé. Voltron, American Horror Story et Les Nouvelles Aventures de Sabrina n'attendent plus que moi et mon visionnage intempestif.
Je pourrai enfin me remettre à lire les Percy Jackson, j'ai d'ailleurs acheté les trois premiers tomes pour me motiver à recommencer. J'ai deux livres de Stephen King à lire, et une d'un auteur de ma région qui a de plus en plus de succès. Le futur Agotha Kristof des polars suisses. Et plusieurs livres de type « roman ados » avec de la fantasy et du mystère.
Oh et ce serait sympa de regarder Evangelion sur Netflix quand il sort aussi. En vrai j'aurai jamais le temps de faire tout ça. Mais pas grave, l'espoir fait vivre comme on dit.
Je viens de me faire la réflexion mais je ne me suis blessée que trois fois dans ma vie, et ça fait plus que ma petite sœur. On voit qu'on ne se blesse que très rarement dans ma famille du coup. Rarement, mais violemment. Ma petite fée s'est cassé le bras à ski, et elle aussi c'était la première descente de la journée. En même temps, un enfant était tombé du tire-fesses sur une piste noire, et il fallait donc descendre le récupérer. Puis avec la glace, le manque d'échauffement dû au fait que c'était la première piste de la journée, et même de la semaine de ski, et PAF, ça fait des chocapics. Non, par, un bras cassé. Le moniteur de ski a dû descendre le reste de la piste avec ma sœur entre les jambes, en tenant fermement son bras pour être sûr qu'on la ramène dans l'hôpital de notre région et non pas du « département » d'à côté.
Et la première fois que l'on peut considérer comme une véritable blessure pour elle, c'est quand elle s'est précipitée vers la porte d'entrer alors que ma mère allait l'ouvrir. Résultat : la porte passe sur son pied, et lui retourne l'ongle du gros orteil. Ma mère sera obligé de le couper avec une paire de ciseaux, sous les pleurs et les gémissements de douleur de ma sœur, pour qu'il repousse correctement par la suite.
Parfois, il faut souffrir pour guérir.
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