Escapade
Tapis dans son nid entre Petit Feu et Petite Lionne, Petite Tache guettait la respiration de leur mère. Les sept chatons avaient décidés d'attendre que les reines dorment pour s'évader du camp, mais Petit Vent, Petite Poussière et Petite Griffe s'étaient endormis aussi. La détermination de Petite Tache était partie en même temps que le soleil: la nuit était terrifiante.
Les oreilles aux aguets, Petite Tache comptait les respirations de Doux Murmure. Elle espérait qu'elle ne dormirait pas trop vite, mais la reine ronflait déjà doucement.
- On peut y aller, déclara Petite Lionne à voix basse.
Elle se redressa doucement puis alla secouer les chatons de Lumière Pâle. Petit Feu, quand à lui, s'ébroua pour chasser la mousse de son pelage.
- Tu es sûre que c'est une bonne idée de les emmener? S'inquiéta-t-il.
- Mais oui, s'énerva Petite Lionne tandis que Petite Poussière ouvrait difficilement les yeux. C'est comme une aventure!
- Laisse au moins Petite Griffe et Petit Vent dormir, bailla Petite Tache. Ils ont l'air épuisé.
Clignant des yeux pour ne pas s'endormir, elle soutint difficilement le regard agacé de sa soeur.
- Toi aussi, remarqua Petite Lionne. Reste ici avec eux, tu vas nous ralentir.
Vexée, la chatonne blanche se rassit dans le nid, les pattes lourdes de sommeil et de honte, puis regarda la mini-patrouille s'échapper du cocon de feuilles. Petite Poussière, Petite Tempête et Petit Feu suivaient Petite Lionne la queue bien haute et les moustaches frémissantes, excités par l'aventure qui les attendait.
Petite Tache se rendormit, le coeur serré et vaguement inquiète. Pourvu qu'ils reviennent vite.
*
Les oreilles pivotant dans tous les sens et la truffe en l'air, Petite Lionne menait sa troupe à travers les taillis qui bordaient l'entrée du camp. Tromper la vigilance de Soleil Hivernal avait été un jeu de chaton: il était focalisé sur ce qui risquait d'entrer, pas sur ce qui pouvait sortir. Petite Lionne fit signe aux autres de ramper derrière elle sous les ronces, afin d'atteindre le grand chêne qui marquait l'entrée du camp: personne ne les verrait, cachés derrière ses énormes racines.
La rouquine grimpa la première sur le bois rugueux et vérifia qu'on ne la voyait pas, avant de se tourner vers ses camarades et son frère. Elle songea que Petite Tache avait bien fait de ne pas venir: sa fourrure blanche les aurait trahi, dans la pénombre. Et au camp, elle ne risque rien, songea Petite Lionne avec soulagement.
- Qu'est-ce qu'on fait, maintenant? Demanda Petite Poussière, surexcitée.
- On cherche la piste des guerriers, déclara leur meneuse en humant l'air.
- Minute, gronda Petit Feu. Pourquoi c'est toi qui donne les ordres?
- Parce que je suis la plus grande! Feula sa soeur. On continue à se disputer ou on se rend utile?
- Je sens Coeur de Fauve, lança soudain Petite Tempête.
Le chaton reniflait une racine un peu plus loin, près d'un sentier créé par les nombreuses allées et venues des guerriers.
Les trois autres petits le suivirent hâtivement, rampant sous les fougères et escaladant les racines, jusqu'à la frontière du Clan de la Lumière, où les menait la piste.
De nouveau à la tête du groupe, Petite Lionne leva la queue pour faire signe aux autres de s'arrêter.
- Coeur de Fauve et Plume de Givre sont là-bas, chuchota-t-elle en montrant deux félins qui arpentaient les buissons frontaliers, un peu plus bas. Allons plus en aval.
Les chatons longèrent donc les troncs, les yeux tantôt rivés sur la plaine, tantôt sur la forêt, guettant le moindre signe suspect. Les branches des arbres, décorés de jeunes bourgeons, dansaient dans le vent tandis qu'il chantait entre les branches. En face, l'herbe ondulait comme la fourrure d'un chat, et les collines brillaient presque sous la lumière argentée des étoiles. Quelque part entre les dômes de verdure se cachait le camp de la Lumière.
- Je suis fatiguée, se plaignit soudain Petite Poussière en baîllant. Et puis, on marche depuis si longtemps...
- Courage, ronronna Petite Tempête, on va bientôt trouver Brin d'Osier. Hé, d'ailleurs, ce ne serait pas une touffe de poil à lui, là-bas?
Ragaillardie, le chaton tigré trotta jusqu'à un buisson d'aubépine: au bout d'une de ses branches se balançait un duvet brun.
- Bien joué Petite Tempête, le félicita Petite Lionne. On devrait pouvoir remonter sa piste, maintenant.
- Tu ne crois pas que d'autres guerriers l'ont senti aussi? S'étonna Petit Feu.
Les tâches crème de son pelage scintillaient sous la lune.
- Je ne sens que Brin d'Osier, le contredit Petite Tempête. Et...pouah! Une odeur pestilentielle!
Petite Lionne acquiesça, le museau froncé: elle n'avait jamais senti pareille odeur, et ça ne lui disait rien qui vaille. Petit Feu aussi faisait la tête.
Petite Tempête se frotta la truffe, dégoûté, tandis que Petite Poussière reniflait autour.
Elle commença à suivre une piste, la queue en l'air, puis fila tout d'un coup à travers les fourrés.
- Hé, attends-nous! Protesta Petit Feu.
Mais la femelle brune était déjà partie, filant comme une folle à travers les taillis. Derrière elle, Petite Tempête s'élançait à son tour, quand la chatonne disparu brusquement dans un cri aigu.
- Petite Poussière! Gémit son frère en s'arrêtant net.
Courant les rattraper, Petite Lionne se hérissa en découvrant que la petite chatte était tombée dans un trou béant: la terre semblait s'être effondrée sous son poids.
- Recule! Feula la rouquine en tirant Petite Tempête en arrière.
La terre s'effritait sous les pattes du jeune chat et s'affaissa sur elle-même au moment où Petite Lionne jetait son cadet loin du trou.
Le pelage en bataille, elle s'approcha le plus prudemment possible pour tenter de voir la blessée.
- Petite Poussière? Miaula-t-elle. Tu m'entends?
Un faible gémissement lui répondit.
- Je vais chercher les adultes, lança Petit Feu.
- Non! Cracha aussitôt sa soeur. Ils ne doivent pas savoir qu'on est sorti! Vas vite chercher une tige de ronce assez longue pour que Petite Poussière puisse l'attraper!
Le ton autoritaire de la femelle dissuada son frère de discuter. Il partit en courant chercher la lianne, Petite Tempête sur les talons.
- Ça va aller, Petite Poussière, lança Petite Lionne sans savoir si la chatonne l'entendait. Nous allons te lancer une tige, et toi tu l'attrapera entre tes crocs et tes griffes pour remonter, d'accord?
Cette fois, ce ne fut pas un gémissement, mais un grognement lugubre qui lui répondit.
Perchés sur la pénombre, juste en face de la chatonne, deux petits yeux luisants la dévorait déjà du regard.
- Petite Poussière? Miaula-t-elle tout bas. Surtout, ne bouge pas...
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