Chapitre 12 : La Commère de Modiste
Le bal de leurs deux semaines de mariage se rapprochait à grands pas. La modiste revint donc rapidement, avec deux assistantes pour porter les colis. Maéve était ravie d'avoir une aussi bonne cliente, surtout qu'elle avait déjà colporté les ragots sur son altercation avec Thérèse. Elle devait se demander ce à quoi elle allait pouvoir assister cette fois-ci.
La réponse ne vint ni de Thérèse, ni de Flavia, mais de Lev. Ce dernier, autorisé à marcher, était en train de travailler sur les affaires du duché, lorsqu'il apprit que sa femme avait une séance d'essayage.
Étant donné que Flavia avait bien avancé le travail durant le début de sa convalescence, il fit signe Gaston qu'il prenait une pause. Visiblement, son épouse travaillait sur ce genre de choses chez Véra. Elle avait donc rapidement pris la main sur les papiers, lui facilitant la tâche de manière considérable. D'après son majordome, elle comprenait vite et était bien plus efficace que lui en la matière. Il en était ravi. Lui-même détestait toute cette paperasse, qui lui donnait souvent des maux de tête après s'en être pris plein la poire sur le champ de bataille. De plus, il n'aimait tout simplement pas ça. Il était bon pour gérer ses hommes, surveiller ses terres, s'entendre avec ses gens. Mais tout l'administratif lui pompait l'air. S'il pouvait bénéficier de l'expertise de Flavia, ce serait pour le mieux.
Quoi qu'il en soit, son épouse était en plein essayage, et il comptait bien en profiter. Le salon destiné à cet usage se trouvait à cet étage. Discret comme une ombre, il entra en silence dans la pièce. Il ne put s'empêcher de sourire.
Debout sur une petite estrade, en talons, bas et sous-vêtements, sa Duchesse était resplendissante. Dos à lui, elle ne pouvait le voir. Il s'adossa donc au mur, les bras croisés. Elle parlait d'une robe, qui visiblement était trop décolletée à son gout. La modiste fut la première à le voir. Il lui aurait bien fait signe de se taire, si elle n'avait pas émis un couinement admiratif.
Et merde.
Flavia se tourna aussitôt vers lui... Pour rougir de la plus jolie des façons.
-Dit donc, monsieur le Duc, lança-t-elle, les poings sur les hanches. N'êtes-vous pas censé vous occuper des affaires du duché ?
-Mmh, j'ai mieux à faire, déclara-t-il avec un grand sourire.
La modiste, tout émoustillée face au couple qui alimentait toutes les conversations, les observait avec des étoiles dans les yeux. Lev l'aurait bien mise à la porte, si sa femme ne lui avait pas lancé :
-Oh ? Les affaires de chiffons sont donc plus importantes que celles du duché, selon vous ?
Mmh, qu'il aimait ce petit ton qu'elle prenait pour le gronder, alors qu'elle se trouvait en bas et sous-vêtements, sa peau blanche offerte à son regard.
-Ah, ma Duchesse... Tous les chiffons que tu touches sont plus importants que le duché, déclara-t-il avec se rapprochant, le regard plongé dans le sien. Mais, je croyais que l'on avait dit non au vouvoiement ?
Il s'arrêta à un cheveu d'elle, les mains dans les poches, un sourire mutin aux lèvres. À moitié nue, son épouse le dévorait du regard.
-Le vouvoiement est toujours très utile en public.
-Ah, je vois, fit Lev en coulant un regard vers la modiste, qui rougit face à cet apollon. Dehors.
Stupéfaite, Maéve mit quelques secondes avant de comprendre. Puis elle déguerpit avec ses assistantes et Béa, qui ricanait en quittant la pièce. Flavia, elle, haussait un sourcil, les mains toujours sur les hanches. Avec ses talons sur l'estrade, elle était plus grande que lui.
-Tu sais que ça va être raconté à toute la société ?
L'attrapant par la taille, Lev l'attira à lui. À cette hauteur, il était pile au niveau de sa poitrine.
-Et alors ? En quoi est-ce mal, un mari et une femme qui se désirent ?
Les yeux noirs de sa femme flambèrent, tandis que ses mains se posaient sur ses épaules. Elle était délicieusement écarlate.
-Lev... Et si... Ils nous entendent...
Il attrapa entre ses dents le ruban fermant le devant de son soutien-gorge. Le regard coquin, il tira dessus, faisant tomber le fin tissu masquant sa poitrine.
-Il va falloir que tu sois silencieuse, alors.
Après plusieurs jours d'abstinence, leur excitation explosa. Ils s'embrassèrent follement, oubliant tout de la modiste, de ses assistantes et de Béa à l'extérieur. Nouant les jambes autour de la taille de son mari, Flavia passa les bras à son cou, son corps entier plaqué contre le sien. Il pouvait sentir son urgence à la façon dont ses cuisses se resserrèrent autour de lui, de la cambrure de ses reins tandis qu'elle plaquait ses seins contre son torse.
Les mains sous ses fesses pour la soutenir, il la conduisit jusqu'à l'un des canapés. Où elle se laissa renverser sans soucis. Quittant sa redingote et chemise, Lev crut devenir fou en la voyant se débarrasser de sa culotte tout en le regardant.
C'est en se laissant tomber sur ses avant-bras pour venir l'embrasser sur les coussins qu'il comprit son erreur. Une décharge de douleur parcourut son côté blessé, manquant le faire débander. Merde ! Ça faisait des jours ! Hors de question de flancher !
Mais Flavia comprit immédiatement le problème. Elle se leva d'un bond... Pour le pousser sans ménagement sur le canapé. Il atterrit au milieu de froufrous et de dentelles, s'enfonçant dans un tas de robes. Cela ne le dérangea pas. Car elle s'installa à califourchon sur lui. Lui permettant de reposer ses membres blessés.
Son attention le fit bander encore plus. Et lorsqu'elle libéra d'autorité son érection de son pantalon, il avait envie de la prendre sauvagement. A priori, elle était sur la même longueur d'onde. Ses abdominaux étant épargnés, Lev se redressa, assez pour pouvoir l'embrasser. Les mains sur ses fesses, il suivit son mouvement lorsqu'elle commença à frotter son sexe le long du sien. Une chaleur monta en lui, lui faisant oublier tout ce qui n'était pas elle. Gémissante, Flavia n'y tint plus. L'entendre lui demander de la prendre manqua lui faire perdre son contrôle. Étant donné leur alchimie sexuelle, il pouvait facilement oublier qu'elle était vierge il y avait encore peu.
Saisissant la base de sa verge, sa femme à califourchon sur lui, il guida son sexe en elle. Un gémissement de pure satisfaction emplit la pièce, alors qu'elle renversait sa tête en arrière, une main sur son torse. Cette vision le rendit fou.
Les mains sur ses fesses, il se rua à sa rencontre. Elle se mouvait en rythme, avec une urgence, un désir partagé. Ses cuisses se contractaient sur ses hanches, ses ongles griffaient son torse. En sentant son corps se resserrer autour de lui, en l'entendant crier son nom sans la moindre retenue, il la rejoignit avec une plainte rauque.
Flavia s'écroula sur lui, essoufflée, en nage, à son instar.
Lui caressant les cheveux, il lui embrassa le front, tendrement.
-Lev... on a pas fait de bruits ?
Il haussa un sourcil.
-Personne ne nous a entendus, la rassura-t-il.
Il n'y avait absolument aucune chance pour que la modiste ait loupé le vacarme de leurs ébats. Personnellement, il s'en foutait. Mais il avait conscience que c'était important pour elle. Néanmoins, ce qui était plus important encore, c'était le fait de l'enlacer après avoir fait l'amour. Sentir son corps blotti contre le sien, épanoui et satisfait, était quelque chose d'unique.
D'ailleurs, ils s'endormirent ainsi, sur le canapé, vautré sur les robes de la modiste, dans lesquelles ils s'enroulèrent sans s'en rendre compte. Ce fut Éléazar qui les réveilla.
Ouvrant la porte à la volée, le Mage resta un instant pantois face au spectacle d'un couple ducal entortillé dans des jupons. Puis il éclata d'un rire tonitruant en ressortant. Lev aurait pu le tuer. Se rhabillant en vitesse, les époux se rendirent compte qu'ils avaient dormi une bonne heure. Et que Béa avait dû tenir compagnie à la modiste et à ses assistantes tout ce temps. Confuse, Flavia s'excusa. Lev ajouta qu'ils prenaient toutes les robes, pas besoin d'y toucher. Sa femme rougit en regardant furtivement celles sur le canapé. Plus tard, il sut qu'elle ne voulait pas dépenser autant en vêtements. Pourquoi, ça, il l'ignorait. Ils n'étaient pas sur la paille !
Mais dans tous les cas, ils n'avaient plus le choix, ces robes-ci, il fallait les acheter.
La modiste repartit donc les poches pleines et la langue bien pendue. D'ici demain, tout le royaume saurait que Lev couchait avec sa femme. Ce qui n'était pas pour lui déplaire. Après tout, cette bande de cons devait faire des paris dessus.
-El, qu'est-ce que tu veux ? demanda-t-il, tout en observant sa femme, qui allait dans la chambre pour se reposer.
-Je voulais voir si mon petit convalescent allait bien. Mais je pense que je me faisais du souci pour rien.
Lev grimaça. Il était fatigué, lui aussi. Néanmoins, il fit signe au mage de le suivre. Amis de longue date, ils se connaissaient par cœur. Oh, il ne doutait pas qu'il s'inquiéta pour lui. Néanmoins, il savait discerner les problèmes chez Éléazar. Le meilleur moyen pour le faire parler, c'était de le mettre dans son bassin privé des sources chaudes, et de le laisser décanter jusqu'à ce qu'il parle.
Mince, les cheveux blancs et les yeux bleus, il était un Mage d'une puissance inégalée. Néanmoins, cela avait des conséquences. Des conséquences terribles qui le poussaient à se taper n'importe qui.
-Qu'est-ce que tu as encore fait ? lui demanda Lev, au bout d'un moment dans l'eau chaude.
-Rien.
-El. Arrête de mentir.
Le Mage regarda le plafond. Lev pensa à sa femme, qui dormait dans la chambre juste à côté. Heureusement, il y avait une autre entrée à la salle de bain privée.
-Je me sens seul, Lev.
Il considéra son ami, avant de hocher la tête.
-Je sais. Aucun de tes coups d'un soir ne comblera le vide dans ton cœur.
-Tout à fait, soupira El.
-D'un autre côté, si tu étais moins têtu, le problème serait réglé depuis longtemps.
-Merci pour le réconfort.
-Mais de rien. Les amis, c'est fait pour dire la vérité.
Le Mage le fusilla du regard. Lev lui sourit d'un air narquois.
-Elle n'attend que ça. Dis-le-lui, et ta solitude prendra fin.
-Tu sais très bien pourquoi je ne le dirais pas, cingla le mage. Ce serait égoïste de ma part de lui faire part de mes sentiments.
-C'est vrai que c'est moins égoïste de la laisser te voir te taper tout ce qui bouge, afin de combler un vide béant dans ton cœur à grands coups de reins.
-Le mariage te rend poète ?
-Non, sincère. Je t'ai toujours dit la même chose, et je te le dirais encore. Tu devrais le lui dire. Tu devrais saisir ta chance. Tant qu'il en est encore temps.
Le Mage secoua la tête.
-Non.
-Alors, tu vas rester dans ta solitude, et devenir connu pour être le plus grand noceur de l'histoire de Gentem.
Éléazar rit, mais d'un rire creux, plein d'un désespoir vibrant. Lev ne pouvait rien pour lui, à part l'écouter. Alors, il l'écouta, comme toutes les autres fois, et comme les prochaines fois. Avoir une oreille attentive était primordial. Ils l'étaient tous les uns pour les autres, à un moment donné. El et sa vie en miettes. Rainier et son mariage raté. Cara et son enfant sans père. Véra et son cœur brisé. Ils avaient tous besoin de parler, à un moment ou un autre.
*
Deux jours plus tard, Lev était totalement remis. Donc, deux jours plus tard, il se retrouva à enfiler son armure. Évidemment, les repos ne duraient jamais bien longtemps. Mais Flavia et lui avaient eu le temps de profiter de ces quelques jours de calme et de convalescence. Ils s'étaient rapprochés, c'était indéniable.
Mais elle n'avait pas eu le courage de lui parler des lettres. Elle n'osait pas.
Sentant son anxiété, Lev alla au-delà du portail pour s'assurer que tout était plus ou moins sous contrôle, avant de revenir, sous l'œil amusé de ses soldats. Flavia lui serra la main, lui assurant que s'il revenait en aussi mauvais été que la dernière fois, ça allait barder.
L'embrassant tendrement, il fut contraint de repartir. Enfilant son casque à cornes, il se retrouva dans l'air saturé de soufre des terres désolées. Face à lui, des créatures grouillantes, rampantes, et un de type draconique dans les airs. La journée s'annonçait longue.
Un cri retentit derrière lui.
Non...
Se retournant d'un bloc, il écarquilla les yeux en voyant Flavia à quatre pattes, qui regardait derrière elle avec des sourcils froncés. La seconde suivante le portail disparut.
Laissant sa femme sur le champ de bataille.
-Bordel de merde !
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