Chapitre 3 : L'Ange de la Fornication

De retour dans la Hall de la Souffrance, cette bâtisse tout de bois nordique, Alastor alluma son cigare à la chaleur du brasero. Son costume noir retombait impeccablement sur lui, donnant une illusion d’humanité qu’il haïssait. Il avait toujours préféré le cuir à ce tissu de femmelette. Pourtant, afin de traiter avec les elfes et autres créatures coincées de l’Invisible, il était bien obligé de jouer le jeu.

Il tira une bouffée de son cigare, tout en songeant aux chiens des Enfers. Nergal lui avait servi l’histoire de ces gamines. Ils avaient tout les deux des doutes sur la véracité de leurs dires. Néanmoins, elles sentaient le cas d’urgence à trois kilomètres. Ils avaient donc décidé de leur accorder quelques jours de répits.

Alastor regarda son téléphone. Aucun appel. Il tira une nouvelle bouffée de fumée, les nerfs à vifs. Barbatos aurait dû l’appeler depuis des heures déjà. A la place, il avait des nouvelles de son maudit banquier, toujours d'un avis négatif sur l'état de ses comptes. Que fichait donc cette feignasse d’ange ? Il contempla les flammes du brasero. Puis craqua.

Les tonalités raisonnèrent contre son oreille. Une minute. Une autre encore. Puis on décrocha, avec un soupir langoureux. Espèce de...

« -Al, comment ça va, mon pote ? »

-Ne me fatigue pas ! rugit-il dans l’appareil. Tu aurais dû faire ton rapport il y a un bon bout de temps !

« -Hé, ho, moi aussi, j’ai le droit de dormir ! » s’insurgea l’ange, à l’autre bout du fil.

-Tu es surtout tombé entre les cuisses d’une greluche ! Nous n'avons pas le temps pour ça, Barbatos !

Silence.

« -N’utilise jamais mon nom, Al. Tu sais que je déteste ça. »

-Je ne suis pas responsable de ton patronyme, tête d’emplumé. Tu en es où ?

Il y eut du mouvement du côté de l’ange. Il devait s’asseoir dans le lit, car un gémissement féminin raisonna. Il venait de réveiller sa partenaire.

« -C’est plus compliqué que prévu. L’artefact est bien protégé. Toutefois, je devrai mettre la main dessus d’ici la fin de la semaine. »

-Dépêches-toi. Les comptes sont à sec.

« -Fais en sorte de vendre le casque d’invisibilité, crétin ! »

-On trouve de plus en plus difficilement de preneurs, Barbatos. Il y a un problème dans l’Invisible.

« -Du genre ? »

-Du genre suffisamment grave pour envoyer Phil en reconnaissance.

Au silence qui s'en suivit, l’ange ne semblait pas apprécier la nouvelle. Cela impliquait forcement des difficultés pour trouver les artefacts, avec des proies de plus en plus méfiantes. Cela ne faisait l’affaire de personne, dans l’Invisible.

« -Une guerre a éclaté, c’est ça ? »

-Oui. Mais entre qui et qui… C’est la grande question.

*

Le village était tout simplement superbe. A la lumière du jour, il était d’autant plus impressionnant avec ses pierres d’un doré chaleureux, aux pointes d’ocre offrant une vision unique de cette place forte. Image d’une époque médiévale, toutes les rues étaient pavées, les maisons se jouxtant étroitement, le tout s’articulant autour d’une place centrale. Au milieu de cette dernière, un énorme chêne trônait, mort depuis des années déjà. Pourtant, personne ne l’avait coupé. Il y avait même une petite plaque commémorative à sa base, affirmant que cet arbre était là bien avant la création d’Exil.

Blanche aimait bien l’ambiance de ce village. En dépit de sa réputation, tous les habitants étaient accueillants, certainement à cause des atrocités auxquelles ils avaient assisté avant leur arrivée. Ils devaient être une centaine, en tout et pour tout. Beaucoup de races se côtoyaient, dans un pacifisme parfois forcé, mais nécessaire.

Cela était si différent du château… De sa vie d’avant...

-Oh, la petite soubrette ! s’exclamèrent des voix identiques.

Elle se tourna vers deux Nergal, qui la saluèrent avec un grand sourire.

-Tu es allée voir ta demeure ?

-Non, toujours pas, répondit-elle à celui de gauche. Vous êtes missionné pour quelle tâche ?

-Tour de garde de gauche.

-Tour de garde de droite.

-Moi, je vais aider Thoril à la porte d’Exil, fit un troisième, en sortant d’entre deux maisons. Tu as besoin d’aide pour trouver ton chemin, Blanche ?

La lare cligna des paupières, surprise. Jusqu’à combien de clones pouvait-il produire ? Tous étaient identiques, à tel point qu’elle n’aurait pu dire lequel était l’original. Leurs vêtements aussi, étaient les mêmes. Il y avait de quoi en perdre son latin.

-Non, merci. Elle est bien à côté du forgeron ?

Les membres de l’Invisible se complaisant à l’usage des armes blanches, ce type d’artisan faisait toujours fortune. Une bonne lame sauvait la vie de son propriétaire, de fait, les meilleurs forgerons possédaient une renommée interraciale.

-Oui, à gauche. Ne t’en fais pas, il est bourru, mais au fond il est adorable.

L’un des Nergal ricana à cette idée, ce qui lui valut une tape dans le dos du deuxième. Blanche sourit. C’était amusant de voir autant d’exemplaires d’une même personne. Elle ne doutait pas qu’il se promenait ailleurs encore en Exil, gardant un œil sur l’ensemble du village.

-On se croisera encore, lancèrent-ils en se dispersant.

-A plus tard, alors.

Il était peut-être temps de voir la nouvelle maison. Par réflexe, Blanche tira la montre à gousset de sa poche. Son tic-tac emplit aussitôt ses oreilles, en dépit de la rumeur d’Exil. Elle referma le clapet dans un soupire. Avec un peu de chance, Silke trouvait son bonheur dans la penderie de la nymphe. Elle arriverait même à s’habituer à sa vie, ici. Elle y croyait dure comme fer.

Du moins, jusqu’à ce qu’un rugissement déchire le ciel matinal.

*

Svenn commençait vraiment à désespérer. Mit à la porte du dressing de Cassandra, il attendait depuis une heure que le monstre à tête d’ange en sorte. A ce rythme-là, ils n’allaient jamais arriver à l’heure pour les cours. Or, le loup détestait arriver en retard !

-Silke ! rugit-il en cognant au battant, toujours assit par terre. Il te faut combien de temps, encore !?

Elle choisit ce moment-là pour ouvrir la porte à la volée, manquant le faire tomber à la renverse. Une seconde fois quand il découvrit sa tenue. Oh… Bon… Sang… Elle s’était cachée dans une veste noire, dont la capuche était rabattu sur son visage pâle. Une capuche… Ourlée de pointes de deux bons centimètres, aussi piquantes que la fourche de Satan. Une jupe noire plissée dépassait, s’arrêtant à la moitié de magnifiques cuisses. Des bas noirs remontaient jusqu’au-dessus de son genoux, pour disparaître dans de lourdes bottines plaquées de fer. Elle était… Sexy en diable.

-Fermes la bouche, tu baves, ricana-t-elle, les poings sur les hanches.

-Ha ha, très drôle. Tu sais que tu es une vraie peste ?

-Mmh… Ouais. C’est ce qui arrive, quand on est élevé par un monstre. Et toi ? Ton air stupide est de naissance ?

Svenn roula des yeux exaspérés. C’était bien sa veine, de ramener une peste infecte en cours. Elle était belle à en rêver, néanmoins elle allait rapidement le faire cauchemarder, avec de telles réflexions.

-Allez, viens. Je dois te présenter aux autres élèves.

-Ha, oui. L’école.

La façon dont elle prononça le mot lui fit froncer les sourcils. On eut dit que c’était une chose nouvelle pour Silke.

-Tu n’y es jamais allé ?

-Jamais eu l’occasion.

-Rapport au monstre ?

-Ouais.

-Le même qui a voulu te sacrifier à Belzébuth ?

Elle haussa les épaules en lui passant devant. Elle sautillait en marchant, faisant onduler les plis de sa jupe autour de ses cuisses. Oh, dieux… Elle était à croquer. Il se demanda ce qu’elle avait mis sous sa veste… Ou même sous sa jupe. Des intrigues féminines qu’il mourait d’envie d’élucider.

-Tu as entendu ? fit-elle soudain, l’oreille tendue.

Au même instant, il perçut le rugissement de rage, à l’extérieur de la maison. Un de ceux encore jamais entendu, en dépit des fréquentes bagarres en Exil. L’adrénaline inonda ses veines, le faisant courir à toute vitesse sur le pas de la porte. Dans la rue, Blanche venait de s’écrouler sous le poids d’une créature ailée. La chose poussa un nouveau cri perçant, d’une bouche humaine pourvue de crocs tordus, ses cheveux gras retombant jusqu’à son torse atrophié de femme, ses jambes pourvues de plumes à l’instar de ses bras en forme d’ailes.

-Où est la fille !? siffla la harpie.

-Blanche !

Silke tenta de repousser Svenn, mais il ne fallait pas être devin pour réagir. La harpie darda ses yeux rougit sur elle, un sourire torve déchirant sa face jaunâtre. Il la jeta dans la maison, et eut tout juste le temps de claquer la porte avant qu’une deuxième créature ne se jette sur lui.

Dans l’incapacité de se décaler, il décida que la meilleure défense était l’attaque. Il n’était pas encore bon guerrier, pourtant, il plongea en avant, les poings brandit. Il atteignit la harpie à la mâchoire, coupant son élan. Enchaînant avec plusieurs autres coups, il la fit reculer, le sang souillant ses phalanges. Il pouvait voir la nouvelle lutter au sol, toujours bloquée sous le poids de son assaillant.

-Blanche !

-Non, Silke ! hurla-t-elle, sans la regarder. Reste à l’intérieur !

-Mais…

-Obéis !

Svenn n’eut pas l’occasion de voir si elle s’exécutait. La harpie lui donna un coup d’aile dans la gorge, suffisamment vicieux pour lui écraser à moitié la trachée. Il recula en hoquetant, prit d’une sourde douleur. Son adversaire s’apprêtait à lui porter le coup de grâce, quand elle se retrouva clouée au sol, une épée en travers du torse. Cassandra lui donna un coup de talon dans la mâchoire, lui plongea une dague dans la gorge pour l’achever. Au même instant, Nergal libérait Blanche du poids de sa harpie, son poignard l’éventrant proprement. La nouvelle ne se formalisa pas du sang répandu sur elle. Bien au contraire.

Elle bondit sur ses pieds, les yeux rivés sur les cieux. Les guerriers poussèrent des jurons étouffés en apercevant plusieurs silhouettes, prêtent à fondre sur eux.

-Svenn, Blanche ! cria Nergal. Rentrez dans la maison, vite !

Mais elle ne l’écouta pas. Elle se jeta sur l’étal du forgeron, où trônaient des arcs et des flèches. Les objets scintillèrent instantanément sous ses doigts. Puis l’improbable se réalisa : les arcs se bandèrent deux mêmes, pointés vers les harpies sifflantes. Les flèches fusèrent, abattant trois d’entre elles.

*

La respiration sifflante, Blanche contempla la chute des harpies, non sans un mauvais sourire. Depuis le temps qu’elle rêvait d’abattre ces garces… Comme quoi, la vengeance, même minime, apportait une intense satisfaction.

Elle devina Silke, retenue de justesse par Svenn. Le loup la maintint à l’écart, laissant Nergal s’occuper de son cas. Le démon l’attrapa par les épaules, les sourcils froncés. Déjà, les arcs et flèches retombaient  inertes autour d’elle.

-Tout va bien ? demanda-t-il.

Ses mains la brûlaient, au travers de ses vêtements. Elle lâcha un léger halètement, qui le fit se figer.

-Blanche ?

-Je… Nergal…

Son léger couinement provoqua une étrange réaction de la part du démon. Il la traîna jusqu’à la maison voisine –la sienne, son nom était gravé sur la porte-, où il les enferma sans mot dire. Quand il se tourna de nouveau vers elle, ses yeux noisettes brillaient de férocité, ses cheveux en bataille lui donnant une folle envie de s’y agripper.

-Explique-moi la présence de ces harpies, gronda-t-il. Et ne me fais pas croire qu’elles n’en avaient pas après toi et la fille !

-Elles cherchent la proie de Belzébuth, siffla-t-elle, tremblant pour ne pas se cambrer contre lui.

Plaquée comme elle l’était contre le mur, elle n’avait aucune échappatoire. Oh bon sang… Ses sœurs lui avaient parlé des vertus aphrodisiaques du combat, de l’adrénaline… Jamais elle n’aurait cru… en arriver à un tel stade. Étais-ce juste la faute du combat ?

-Alors dis-moi comment une lare peut utiliser ses dons pour le combat ! Comment as-tu pu abattre d’une volée de flèches ces créatures !?

-Parce que je suis morte guerrière ! rugit-elle. Le combat coule dans mes veines, même si j’en suis réduite à servir les sbires de Belzébuth !

-Mais qui es-tu !?

Le timbre rauque de Nergal eut raison de ses dernières forces. Incapable de se contrôler, elle l’attira à lui, pour un baiser féroce. Qui n’avait rien à voir avec ceux des lares soumises, cette engeance de soubrettes promises à une vie de servitude. Tout son passé de guerrière passa dans ses lèvres, ce qui ne le laissa pas de marbre. Loin de là. Il lui répondit dans un grondement assoiffé, plaquant son corps musclé contre le sien. Blanche se cambra, ivre de son contact. Elle désirait plus. Beaucoup plus. Ils se retrouvèrent allongés sur le sol, accrochés l’un à l’autre. Impérieuse, elle se mit à califourchon sur lui, sans rompre une seconde le contact. Les ongles du démon griffèrent ses fesses au travers de son jean, ses hanches se plaquèrent contre les siennes, lui faisant apprécier la dureté de son érection. Oh bon sang…

-Blanche ! s’exclama-t-il en sentant sa main directement sur son sexe.

Il se tendit contre elle, avec un halètement qui lui monta à la tête. Il prit de nouveau sa bouche, laissant ses doigts découvrir toute la longue de son membre, soyeux contre sa paume. Ses hanches ondulèrent, il glissa les mains sous son t-shirt. Elle gémit sourdement en le sentant prendre ses seins en coupe, la sensation de plaisir la prenant au dépourvu. Elle voulait plus. Encore plus.

-Nergal…

-Ouais, Nergal. C’est quoi ce BORDEL !?

Le démon roula aussitôt au-dessus d’elle, la protégeant de son corps tandis qu’il retenait sa main autour de sa verge. Blanche se tortilla, pour voir qui avait osé les interrompre. Alastor, dont le regard de vipère les crucifiait sur place.

-Dehors, ordonna son partenaire, d’une voix délicieusement rauque.

-Toi aussi, rétorqua le Bourreau Et elle, elle nous doit des explications.

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