Chapitre 15 : Touché-Coulé

Première réveillée, Silke s’apprêtait à faire face au désastre du rez-de-chaussée. Après les affrontements, révélations, et heureuses retrouvailles, personne n’avait eu le courage de faire le ménage.

De fait, les doigts de pieds recroquevillés sur la première marche de l’escalier, elle tendait l’oreille, intriguée. Blanche ne lui avait jamais parlé de sa famille. D’un autre côté, elle n’avait apparemment jamais eu l’intention de les revoir. Mais qui eu cru qu’elle faisait partie des Ferguson ? Ces chasseurs de démons avaient une sacrée réputation en Enfer, que même elle avait entendu.

Des assassins sans pitié, des Vikings élevés dans le sang et la guerre, dotés de formes capables de faire des ravages dans n’importe quel plan de ce monde.

Aussi fut-elle prudente en descendant les escaliers. Un bruit discret retentissait, signe que l’on s’occupait des morceaux de verre, éparpillés par terre. En reconnaissant la silhouette colossale de Fergus Ferguson, elle faillit pousser un gémissement de « pourquoi moi ? ». Malheureusement, le métamorphe non identifié se tourna instantanément vers elle, ses grands yeux orangés dardés sur elle. En la reconnaissant, il esquissa un petit sourire.

Cela lui donna une paradoxale impression d’infinie gentillesse, totalement déplacée vis-à-vis du carnage de la veille. Torse nu, Fergus paressait emplir toute la pièce de sa musculature de guerrier, ses cheveux châtains ébouriffés par le sommeil atténuant son côté létal. Sauf qu’il était le chef de Clan des Ferguson. Il ne devait pas être un bon samaritain.

-Bonjour, Silke, lança-t-il, une pelle et une balayette à la main. Bien dormis ?

Une pelle et une balayette ? Sans rire ? Il était en train de nettoyer ses œuvres ? Il allait avoir du mal à combler le trou dans le mur de la cuisine. Enfin, elle pouvait toujours accéder au frigidaire, c’était déjà ça.

-Ça va. Et… Toi ? Vous ? Machin ?

-Appelles moi Fergus. Tu fais partie de la famille, d’après ce que j’ai compris.

Une bouteille de lait dans la main, elle se raidit. Être une amie, peut-être. En faire partie, c’était autre chose.

-Pas vraiment. Alors, ça fait quoi, de retrouver sa sœur ?

-Beaucoup de choses, soupira-t-il, en reprenant son travail.

Tout en cherchant le paquet de céréales dans le placard encore intacte, elle l’observa. Il était au milieu de pierres, de morceaux de plâtres, d’un canapé coupé et en deux, mais lui, il s’occupait du verre. Silke aurait plutôt commencé par déblayer tout le reste.

-C’est pour vous éviter de vous couper.

Mince. Soit il lisait dans ses pensées, soit… Il était perspicace. Mal à l’aise, Silke se concentra de nouveau sur son petit déjeuné.

-Dis-moi, depuis combien de temps est-elle avec ce démon ?

-Hein ?

-Nergal, le démon duplicateur. Ils sortent ensemble, non ?

Elle eut un petit ricanement, la bouche pleine de céréales.

-Ils s’envoient en l’air, c’est tout.

-Vraiment ?

Il lui renvoya un regard étrange. De nouveau mal à l’aise, elle envisagea sérieusement de se replier dans sa chambre. Ce type semblait voir à travers elle, c’était d’un désagréable !

-Tu te trompes, Silke, lança Svenn en descendant les escaliers.

Lui aussi en vrac, il avait une joue enflée. Néanmoins, il adressa un franc sourire à Fergus, dont il serra cordialement la main.

-Nergal a des sentiments pour Blanche, c’est évident.

-Impossible. Ils se connaissent que depuis quelques jours.

-Le cœur a des raisons que la raison ignore, rit Fergus.

-Franchement, pourquoi serait-il allé en Enfer pour elle, sinon ? ajouta le jeune loup.

-J’en sais rien moi. Par culpabilité ?

-Tu es vraiment une attardée en relations humaines, ma pauvre.

*

Après une nuit de pure débauche, Blanche ne s’attendait pas à retrouver sa maison dans un tel état. Oh, elle savait que tout avait été ravagé, mais… Elle n’avait pas prévu de voir Silke sauter sur le dos de Svenn, dans un simulacre d’étranglement plutôt cocasse. Le jeune loup poussa une exclamation hilare en tentant de la déloger, tandis que son propre frère souriait en passant un coup de balayette sur le sol.

-Répète un peu, pour voir !?

-J’ai raison !

-C’est pas vrai !

-Tu es nulle pour parler aux gens !

-Dit celui qui ne parvient pas à se débarrasser de Faith !

-Ça n’a rien à voir !

La chamaillerie continua quelques secondes, jusqu’à ce qu’ils s’aperçoivent de sa présence. Silke quitta alors son perchoir, pour se jeter dans ses bras, tout sourire. Une telle effusion lui réchauffa le cœur.

-Bon retour !

-Bonjour, ma chérie.

-Alors, tu vas bien ? Hier, je n’ai pas pu te demander, mais…

-Tout va bien. Nergal est arrivé avant que la situation ne s’envenime.

-Il a été héroïque ? demanda-t-elle, soupçonneuse.

-Oh que oui. Il a affronté le Prince du Pays des Larmes, m’a aidé à m’évader et nous avons affronté ensemble une horde de gardiens de porte. Il a été merveilleux…

Elle songea au guerrier, durant la bataille, mais aussi cette nuit, si enclin à satisfaire le moindre de ses désirs… Bon sang, elle n’aurait jamais cru qu’il soit si… Et autant… Blanche revint brutalement sur terre, en croisant le regard accusateur de Silke.

-Bon, ok ! s’exclama-t-elle en se tourna vers Svenn et Fergus. Vous avez raison !

Ils éclatèrent de rire, laissant la lare perplexe.

-De quoi s’agit-il ?

-De rien, rit son frère en venant l’embrasser sur le front. Bon retour chez toi, ma sœur.

Chez elle… Elle fixa la pièce, sentant malgré elle les larmes lui monter aux yeux. Chez elle… Elle n’avait plus entendu ces mots, depuis son décès. Après des siècles d’esclavage, elle avait de nouveau un toit, une famille… Sa vision se brouilla. Elle cligna des paupières pour chasser ses pleurs, furieuse de se laisser aller de la sorte, en dépit de son cœur emplit de joie.

-Blanche ? appela doucement Silke.

-Cette maison est un véritable capharnaüm ! s’exclama-t-elle. Ça crispe la lare en moi ! Donne-moi ça, toi !

Elle arracha la pelle et la balayette des mains de son frère, qui haussa un sourcil. Elle insuffla la vie à ces ustensiles, dont les dandinements agitèrent leurs petites jambes, en attente d'instructions.

-Nettoyez-moi tout ça, ordonna-t-elle. Non, Fergus, tu risques de te couper. Va plutôt chercher une brouette, du ciment, de l’eau, une truelle… Tout ce qui faut pour remettre cette maison en état. Exécution !

*

Barbatos avait vécu bien des choses. Des agréables, des désagréables. Des surprises sexuelles ou meurtrières, des défaites cuisantes et des victoires douloureuses.

Néanmoins, il ne s’était encore jamais retrouvé les pieds coulés dans un bloc de béton et jeté au fond de l’océan Atlantique. Pourtant, en se réveillant au milieu de courants douloureusement forts sur son corps, il dut se faire une raison : cette garce de Hell Ferguson avait eu le culot de le faire !

Incapable de mourir dans de telles conditions, il grimaça tout de même en sentant l’eau salée infiltrer ses poumons. En plus ses mains étaient menottées dans son dos. Il n’allait tout de même pas devoir attendre que la rouille les prenne, pour pouvoir s’échapper de là !?

En plus, dans de telles profondeurs, il n’y voyait pas grand-chose. Des courants frétillants le frôlaient par moment, lui indiquant la présence de la faune marine. Ne restait plus qu’à prier pour qu’aucun requin ou autre carnassier ne fasse son apparition. Il n’aimait pas l’idée de jouer les brochettes aquatiques.

La pression entravait ses mouvements. Bandant ses muscles, Barbatos tira de toutes ses forces sur ses poignets… En vain. Hell avait dû lui coller de l’acier spécial pour les natifs de l’Invisible. Bon sang… Qu’avait-elle avec les anges déchus, pour lui infliger un truc pareil ? Il n’avait même pas eu le temps de lui faire quoi que ce soit !

L’ange leva les yeux vers la surface, certainement des kilomètres plus hauts. Il percevait à peine une lumière diffuse en dessus de lui. Pourtant, il vit clairement trois formes fendre les flots, dans sa direction. Et quand il comprit de quoi il en retournait, il eut une expression dégoûtée.

Ils venaient jusqu’au fond de l’océan pour lui pourrir la vie. Décidément, il y en avait qui n’avaient que ça à faire.

*

Blanche partit, Nergal avait envisagé de continuer à se reposer. Très sérieusement. Après tout, ne revenait-il pas de l’Enfer, où il avait affronté des hordes de démons ?

Ha ha.

Alastor ne l’entendait pas du tout de cette oreille. Dix minutes après le départ de sa belle, le démon était sur le pas de sa porte. Étant donné leur horaire de couché, il ne s’était pas attendu à voir cette flemme se lever si tôt.

Pourtant, il l’était, et d’une humeur massacrante. Il avait un « problème », avait-il dit. Il aurait au moins pu être plus explicite. Ça lui aurait évité de se retrouver comme deux ronds de flancs devant ce gigantesque chêne de nouveau en vie… Et qui plus était, doté de la parole.

-La vache…

-Seigneur Nergal, c’est de moi dont vous parlez ? s’enquit le chêne, d’une voix sortit d’il ne savait quel conte, un croisement entre le bisounours et le cauchemar d’un schizophrène.

-Oui, c’est de toi que l’on parle.

Cassandra, bras croisés, surveillait les deux démons. Bien campée dans ses bottes de cuirs, sa robe moulante noire lui allant à la perfection, la nymphe ne paressait pas de meilleure humeur qu’Al.

-Voilà le problème : Cass refuse de me laisser le débiter en petits morceaux, grogna le Bourreau, délibérément hostile.

-Tu es dingue !? On a un arbre qui parle !

-C’est bien là le problème. Il se souvient de tout ce qui c’est passé ici, depuis la création d’Exil.

Nergal haussa un sourcil, en détaillant le chêne. Ce dernier lui adressa un grand sourire joyeux. Oh bon sang… C'était vraiment bizarre.

-Et alors ? On a rien à cacher. Heu… Si ?

Alastor paressait sur le point de lui sauter à la gorge.

-Il sait tout, Nergal ! De tout ce qui a été dit devant lui, de tout ce qui a été fait !

Ok, d’accord. Il avait dû se passer quelque chose dont il n’avait pas connaissance. C’était l’unique chose capable d’expliquer ce comportement suspect. Surtout que le Bourreau avait toujours aimé cet arbre. Il avait même mit deux jours à s’en remettre, à sa mort.

-Bon… Je suis censé faire quoi, moi ?

-Comme la nymphette refuse de me laisser le couper… Je veux que tu convainques la lare de le ramener à l’état de simple bout de bois.

-La lare s’appelle Blanche. Tiens, d’ailleurs, toi, on devrait t’appeler Freddy.

-Freddy ? répéta le chêne.

-Ce n’est pas un animal de compagnie ! rugit Alastor.

-Oui bon d’accord ! Je vais voir avec Blanche…

-Tout de suite.

-Non, je vais d’abord…

-Ce n’était pas une question.

Face à une telle bonne humeur, Nergal préféra tourner les talons. Il n’avait aucune intention d’être contaminé par un Alastor de mauvais poil. Surtout qu’une dispute se déclara presque aussitôt entre lui et Cassandra. Il ne voulait surtout pas savoir de quoi il en retournait.

Toujours joyeux, il remonta les rues d’Exil, le cœur léger. En passant devant la maison de Svenn, il surprit une pelle, un mortier et une truelle vaquer tranquillement sur son mur éventré -ils avaient complètement oublié de faire les travaux-. Ça, c’était signé Blanche. D’ailleurs, en arrivant devant chez elle, il croisa un ballet de la même sorte, fort occupé à prendre l’eau du puits. On se serait vraiment cru dans un dessin animé…

-Génial, un démon en approche.

Ha. Hell Ferguson, la foldingue rousse, était sur le pas de la porte, un balai inanimé à la main. Vêtue d’un pantalon de pyjama à grosse roses rouges et d’un débardeur, elle paressait beaucoup moins dangereuse. Par contre, teigneuse, elle l’était toujours.

-Ne t’approche pas de cette maison, saleté de démon !

-On se croirait dans Roméo et Juliette, grinça-t-il entre ses dents.

-Pardon ? Tu crois peut être que ma sœur nourrit pour toi le moindre sentiment ?

Mouais. Celle-là, il la méritait. Ils se connaissaient depuis trop peu de temps pour ça. Pourtant…. Lorqu'elle ouvrit la fenêtre, il ne put s’empêcher de sourire. De la poussière encombrait ses cheveux châtains, ses yeux verts brillèrent lorsqu’ils croisèrent les siens. Son sourire manqua lui faire trembler les genoux.

-Oh non…

Il ne prêta pas attention au gémissement de Hell. Il alla droit à la fenêtre du rez-de-chaussée, pour s’y accouder, nez à nez avec Blanche.

-Bonjour, fit-elle sans reculer.

-Bonjour… Je viens pour une belle lare. Vous ne l’auriez pas vue ?

-Mmh… Ça dépend, c’est pour quoi ?

-J’ai une folle envie de l’embrasser.

Elle eut un petit rire sexy, qu’il cueillit du bout des lèvres. Il savoura ce baiser si tendre, plein de sentiments qui lui brûlèrent la poitrine.

-Oh, pitié, je vais vomir…

-Que ce passe-t-il ?

-Ils nous font la scène du balcon, ces deux crétins !

Ils rompirent leur étreinte dans un fou rire. L’indignation de Hell fut douchée par son frère, qui l’entraîna sans ménagement dans la maison. Hilare, Blanche grimpa sur le rebord de la fenêtre, le laissant la prendre par la taille afin de la déposer au sol.

-Bon, alors. De quoi retourne-t-il, petit démon ?

-Petit ?

Elle lui fit un clin d’œil, la main dans la sienne.

-Viens. Tu dois en juger par toi-même.

-Ha. C’est pour l’arbre, c’est ça ?

Il s’arrêta, intrigué. Dans ses yeux verts, il lut une pointe de malice.

-Comment…

-Cassandra. Elle a dit, dans le texte « ce sale con d’Alastor va te demander d’ôter la vie au chêne ». C’est de ça dont nous avons discuté hier soir.

-Et ?

-Et j’ai une dent contre lui, donc je refuse d’embêter ce pauvre arbre.

Une dent ? Pourtant, il n’avait rien fait pour le mériter. Certes, il était souvent d’une humeur affreuse quand elle était là, mais cela tenait plutôt d'un concours de circonstances. D’un autre côté, il était aussi aimable qu’une porte de prison…

-Tu as conscience que ce n’est pas finit ?

Ses grands yeux verts étaient emplis de cette certitude. Elle savait qu’ils reviendraient. Soit les Cabires, soit les démons, pour reprendre Silke. Jeune femme dont ils ne connaissaient toujours rien, outre les mensonges qu’elles proféraient depuis leur arrivée.

-Tu ne veux toujours pas me dire ce qui ce passe ? murmura-t-il, en lui effleurant la joue.

Elle ferma les yeux, se frotta contre sa paume rendue calleuse par les combats.

-J’ai peur, Nergal.

Son cœur se serra. Sa belle guerrière n’était pas du genre à dire cela.

-Tout cela est la conséquence du départ d’Alastor, ajouta-t-elle.

-Quoi ?

-ALERTE !

*

Le hurlement d’un des Gardiens, en plein milieu de journée, fit sursauter Silke. Elle était attachée à la distribution de l’eau aux différentes équipes d’outils de Blanche, quand il déchira le calme d’Exil. Svenn, qui se trouvait avec elle pour sortir le sceau du puits, réagit au quart de tour. Une seconde, elle était assise sur le rebord de pierre. La suivante, elle se trouvait prise en poids, le sol défilant à tout à l’allure sous ses yeux. Encore une fois.

-Svenn ! Mais qu’est-ce que tu fais !?

-Tu es un aimant à problèmes! C’est sûrement pour toi !

Avant d’avoir pu dire ouf, il pénétrait dans le Hall de la Souffrance. Là, il la jeta presque sur le parquet ancestrale. Elle glissa à cause de son short noir, sa capuche bordée de piquants tombant sur sa nuque. Sans s’arrêter, Svenn attrapa une épée et une pièce d’équipement en acier.

-Attends, qu’est-ce qui te fait croire ça !? s’exclama-t-elle en se remettant sur pieds, plus furieuse qu’effrayée.

-Les démons n’attendent jamais, après un affront. D’autant plus dans un climat de guerre civile, ajouta-t-il.

Il attacha le brassard en acier à son avant-bras, fit tournoyer son épée dans l’autre main, l’air implacable. Le loup paressait décidé à la protéger.

-Tu as conscience que je suis plus puissante que toi ?

-Tu as conscience que tu n’as pas le droit d’utiliser tes pouvoirs ?

Ils se jaugeaient, quand une explosion fit trembler le Hall. Des hurlements retentirent à l’extérieur, si stridents qu’elle sentit son sang ne faire qu’un tour. Oui. Ils venaient la chercher. Mais qui avaient-ils envoyés ?

-Silke !

Cassandra et Blanche déboulèrent dans la pièce, les joues rougis par leur course. Hell et Fergus les talonnaient, encore en tenue débraillée de travaux. La lare se précipita vers elle, les yeux légèrement écarquillés.

-La porte vient de sauter ! s’exclama la nymphe, à demi dans l’encadrement de la porte. Je ne sais pas ce qui nous arrive dessus, mais ça a l’air puissant !

-Terriblement, ajouta Nergal en s’engouffrant dans le bâtiment. Alastor et moi formons un barrage, mais ça a déjà eu Thoril et Stefan.

-Cette lopette de vampire ? fit Hell. Pas étonnant.

-Tu nous l’avais sérieusement amoché, je te signal. Blanche ? Une idée de ce que ça pourrait être ?

La lare serra Silke à l’en étouffer. Ce comportement glaça cette dernière. Son sang parut se figer dans ses veines, alors qu’un écho raisonnait au plus profond d’elle. Oh non… Tout, tout mais pas ça…

-Dis à Alastor de venir ici, souffla Blanche. Et fais disparaître tes doubles, Nergal.

-Quoi !?

-Fais ce que je te dis ! Sinon, tu mourras !

-Qu’est-ce qui se passe !?

Face à son mutisme, il poussa une bordée de jurons, dans une langue inconnue. Déjà, les Ferguson se déplaçaient dans la pièce, cherchant le meilleur angle d’attaque. Cassandra et Svenn encadraient Silke, prêts à en découdre.

A l’extérieur, le soleil fut voilé. La luminosité tomba brusquement dans le Hall, uniquement éclairé par les immenses braseros. La température chuta. Comme dans un cauchemar, une brume commença à tapisser le sol, se répandant aussi sûrement qu’un feu de forêt.

-Silke, fit Svenn, tendu. Calme-toi.

La jeune femme déglutit nerveusement, agrippée à Blanche.

-Ce n’est pas moi.

Le loup pâlit, Cassandra lui jeta un coup d’œil interrogateur. Au même moment, Alastor arriva au pas de course, une hache à double tranchant à la main.

-Que ce passe-t-il !? rugit le démon, ses yeux rouges étincelant de sa soif de combat. Pourquoi m’avoir dit de me replier, Nergal !?

-Demande à Blanche ! Elle sait ce qui arrive et…

-Méfiez-vous de la brume ! s’exclama soudain Svenn. Des guerriers peuvent en surgir.

-Quoi !?

A peine eut-il prononcé ces paroles, que deux silhouettes jaillissaient derrière le Bourreau. Il fut projeté en avant, le poids de la brume le clouant au sol. Sur son dos lacéré, deux panthères éthérées feulèrent, leurs crocs aiguisés en dépit de leur inconsistance.

-C’est quoi ce bordel !? s’exclama Al en tentant de se redresser.

Les créatures plantèrent plus profondément leurs griffes dans ses reins, ses omoplates, l’immobilisant dans la douleur. Nergal voulut se porter à son secours, mais la fumée tapissant le sol se dressa soudain entre eux. Le guerrier armé d’une hache qui en surgit manqua le décapiter.

Partout dans la pièce, des créatures apparurent, prenant au dépourvut tous les protecteurs d’Exil, et même les Ferguson. Svenn poussa un grognement quand une massue s’abattit entre ses omoplates, Blanche fut brutalement arrachée à Silke par un colosse barbu. Cassandra chercha à lui venir en aide. Un autre soldat l’arrêta d’un coup à l’estomac.

-Arrête ! hurla Silke. Par tous les dieux de cette maudite terre, Rika, arrête !

Dans le chaos ambiant, une fine silhouette apparut entre les guerriers de brume. Vêtue d’un débardeur trop court, d’un pantalon noir orné de bretelles pendantes, Rika la contempla de ses yeux noirs. Un mince sourire étirait ses lèvres, d’une cruauté sans nom.

-Pourquoi m’arrêter, petite sœur ? Personne n’est encore mort.

-Ils n’ont rien à voir avec ça !

Rika haussa un sourcil, pointa un doigt mutin sur Alastor, en train de se faire dévorer par les panthères. Pourtant, il continuait à lutter, pour s’arracher à leur emprise, dardant sur la femme un regard rouge de haine.

-Même lui ? susurra-t-elle. Pourtant, il est responsable de notre sort.

-Il ne sait rien ! Il n’est au courant de rien, alors prends-moi, mais laisses-les tranquille !

-L’ignorance n’a jamais ôté la culpabilité des responsables, petite sœur.

-Ne fais pas ça, Rika ! hurla Blanche, en se débattant contre un guerrier.

-Oh… La lare rebelle… Ce doit être dur, de s’apercevoir de la futilité de ses vains efforts, pas vrai ? Enfin… Le devoir m’appelle. Viens, Silke.

La jeune femme regarda autour d’elle, haletante dans la panique. Tout le monde était presque terrassé, le surnombre de ces soldats les écrasant littéralement. Elle n’avait pas le choix. Pour une fois, elle allait devoir prendre une décision raisonnable.

-Uniquement si tu les laisses sains et saufs, Rika. C’est ça, ou rien.

Sa sœur sourit de plus belle.

-Parfait petite sœur.

Silke glissa sa main dans la sienne, le cœur glacé. Ça n’aurait pas dû ce passer ainsi. Ils n’auraient pas dû l’envoyer, elle. Ils auraient au moins pu prendre une personne qu’elle aurait été capable de tuer.

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