Chapitre 12 : Mortelle Erection
La nuit était tombée sur Exil. Assit sur le rebord de la fenêtre, Svenn scruta les alentours, les nerfs à vifs. Nergal était partit à la recherche de Blanche, le laissant veiller sur l’étrange Silke. De fait, depuis quatre jours, il vivait avec elle dans sa maison, plutôt que son propre chez soi. Évidemment, il n’avait toujours pas eu le temps de réparer le trou ornant sa cuisine, aussi n’avait-il eu d’autre choix que de déménager provisoirement ses affaires.
Le loup poussa un profond soupir. Depuis la mort de sa mère, tout partait à vau-l’eau. Surtout qu’il était toujours incapable de se transformer. Néanmoins, jamais il ne s’était imaginé faire partie de l'équipe de sécurité d’Exil. Ni d’avoir la tâche de veiller sur une créature refusant de dire d’où elle venait, ou même ce qu’elle était.
Silke était étrange. Surtout depuis la disparition de Blanche. Elle ne parlait pas, restait cloîtrée dans sa chambre, lui donnant peu de possibilité pour lui remonter le moral. Avec un soupir, il contempla la pleine lune. Dix-huit ans, et toujours aucune transformation. Il allait devenir dingue, à force de se sentir spolier à ce point. Ce crétin de Kurt commençait même à lancer des rumeurs sur son compte, comme quoi il serait en vérité un humain. Il ne se souvenait vraiment pas de son père, pour prétendre une telle chose. Son père... Lui même se rappelait de bien peu de choses. Mais sa mère lui avait raconté ses faits d'armes. La férocité qu'il avait mis à les sortir des griffes de sa famille, à les sauver de... Quoi ? Il ne se rappelait plus. Ou plutôt, il ne savait pas. Sa mère n'avait jamais été très précise à ce sujet. Il n'avait même pas eu droit à une lettre d'explication pour son suicide. Lui restait le regret, la tristesse, et les questions. Des milliers de questions.
Il dressa soudain l’oreille. Un tintement venait de raisonner dans la maison. Ça, c’était un son anormal. Sautant sur ses pieds, il avait déjà la main sur la poignée dans la porte de sa chambre, quand il aperçut la fumée. Elle filtrait sous le battant, venant lécher ses doigts de pieds.
Un feu ?
Alarmé, il sortit en trombe dans le couloir. Il n’y avait aucune odeur de brûlé, rien. Pourtant, une sorte de brume grisâtre rampait sur le sol, dans tout l’étage. En passant devant l’escalier, il la vit à l’orée des marches, sans pour autant les dévaler. L’épaisseur augmentait, à mesure qu’il se rapprochait de la chambre de Silke. Les sens en alerte, il ouvrit doucement la porte.
Ce qu’il y découvrit lui glaça le sang.
Assise sur son lit, les bras autour de ses jambes repliées, le front posé contre ses genoux, Silke était environnée d’une épaisse brume. Mais si sa posture exprimait une profonde détresse, ce ne fut pas la raison du choc de Svenn.
Ce fut la présence d’un homme et d’une femme, totalement éthérés, aux formes aussi brumeuses que la fumée dont ils émergeaient, irréels. Toutefois, ils repérèrent instantanément le loup.
-Il nous a vu, fit la femme, vêtue d’une longue robe.
Au même instant, il croisa le regard noir de Silke, dont la tête venait de se dresser. L’hostilité qu’il y lut le laissant sans voix, au point de ne pas voir venir l’attaque de l’homme de brume.
Il se retrouva projeté dans la chambre, dont la porte se referma dans un claquement sinistre. Presque aussitôt il sentit le tranchant d’une lame sur sa gorge. Par tous les os de ses ancêtres ! Que ce passait-il !?
En apercevant les pieds, gainés de hautes chaussettes noires de Silke, il oublia un instant les deux autres personnes. Descendue du lit, la jeune femme le toisait d’un regard implacable. De ceux mettant votre vie en jeu à chacune de vos paroles.
-Diras-tu quoi que ce soit, loup ?
Il n’avait pas besoin d’un dessin pour comprendre. Néanmoins, le guerrier dans son dos se sentit obligé d’appuyer la lame sur sa gorge, pour ponctuer ces paroles.
-Il n’y a pas de réponse simple à cette question.
Elle eut à peine le temps de froncer les sourcils qu’il se jetait en arrière, assenant un violent coup de tête au guerrier. La lame effleura sa gorge, sans pour autant la lui ouvrir. Vif, Svenn brisa le poignet de son adversaire, récupéra le poignard et le lança. Sa précision aurait fait pâlir un archer elfique : elle se planta d’un coup sec dans le thorax de la femme de brume, qui s’évanouit dans un hurlement spectral.
Il ne s’arrêta pas là pour autant. D’un coup de poings, il brisa la rotule du guerrier, dont le rugissement de douleur raisonna dans toute la pièce. Débarrassé de lui, Svenn attrapa Silke par les genoux, et tira suffisamment fort pour la faire tomber en arrière. Sans un glapissement, elle tomba sur le dos. Elle aurait déjà répliqué si le loup ne lui avait pas sauté dessus, la clouant au sol de tout son corps, une main sur sa gorge. Aussi s’immobilisa-t-elle, son regard venimeux luisant dans le noir.
-Dégage de là, gronda-t-elle.
-Pas avant d'avoir mis les choses au clair : es-tu un danger pour Exil ?
Ses yeux se plissèrent, plus noirs encore. Par la lune, le contraste avec sa blondeur était saisissant !
-Si je l’étais, que ferais-tu ?
A la limite de son champ de vision, il devina la brume mouvante, dont s’élevaient des colonnes menaçantes. A n’en pas douter, des silhouettes émergeaient lentement autour d’eux, et certainement pas pour prendre son partie à lui.
-Je te tuerais, Silke. Alors je répète ma question : es-tu un danger pour Exil ?
Elle le toisa. Il ne sut pas ce qu’elle lut en lui, mais elle finit par pousser un grommellement.
-En moi-même, non.
-Et toi-même, qu’es-tu ?
Car il n’avait jamais assisté à pareil phénomène. Certes, il n’avait pas vécu longtemps, mais on lui aurait parlé de ce type de manifestation fantomatique. Or, jusqu’à présent, il n’avait jamais vu de « brume » devenir assez solide pour coller une raclée à quelqu’un.
-Ce que je suis n’a pas d’importance, souffla-t-elle, son ton brusquement radoucis. C’est qui je suis, qui l’est.
Svenn lâcha sa gorge, lentement. Les silhouettes avaient reflué dans la brume, qui commençait à se dissiper. Quoi qu’il se fût passé, cela s’arrangeait. Accroupit sur ses talons, il dégagea la jeune femme de son poids.
-Tu n’es pas une candidate au sacrifice à Belzébuth, n’est-ce pas ?
Elle secoua la tête. Déjà, elle rabattait son capuchon bardé de pointes sur son visage, sorte de barricade entre eux deux.
-Qui es-tu, Silke ?
-Personne que tu souhaites connaître, Svenn.
Involontairement, il fit la moue.
-Je n’aime pas particulièrement les questions sans réponse. Mais si tu me promets de ne pas mettre le village à feu et à sang parce que tu t’inquiètes pour Blanche, je me tairai.
-Peuh. Comme si j’allais raser un territoire de bouseux.
-C’est tout ce que tu as à me donner ?
Assise à genoux sur le sol, les bras croisé sous sa poitrine, elle lui adressa un regard en coin de mauvaise aloi. D’accord. Mieux valait ne pas trop insister.
D’ailleurs, quelqu’un toquait à la porte d’entrée, à l’étage inférieur. L’oreille dressée, il attendit une poignée de seconde. Puis l’on recommença, plus fort cette fois-ci. Irrité, il quitta la jeune –quoi, d’abord ? Selon toute vraisemblance, elle était aussi peu humaine que lui- femme. Qui pouvait bien venir, en pleine nuit ? Franchement…
Il eut la surprise de découvrir Faith, ses grands yeux ouverts d’un air effrayé, sa bouche rubis attestant un passage récent de rouge à lèvre.
-Svenn ? fit-elle timidement. J’ai entendu des bruits bizarres, alors…
Apparemment, il devait répondre, mais il prit un malin plaisir à garder le silence. La vampire eut une moue désapprobatrice. A n’en pas douter, elle attendait quelque chose de lui. Certainement qu’il lui offre son sang, ou son lit. Or, il n’avait pas l’intention de lui offrir l’un ou l’autre.
-Cette humaine ne m’inspire rien qui vaille. Tu devrais venir, pour…
Les paroles de Faith moururent, une fraction de seconde avant qu’une main ne vienne griffer les pectoraux de Svenn. Son corps se tendit dans un sursaut, tandis que Silke apparaissait à ses côtés, les cheveux en bataille, un air mutin sur son joli visage.
-Un problème ? s’enquit-elle, en laissant une main possessive sur le torse du loup.
Ce dernier jeta un coup d’œil implorant à la lune. S’il ne pouvait pas se transformer, on pouvait au moins lui accorder de ne pas avoir une érection au vu et au su de deux femmes agressives, non ? Car les doigts chauds de Silke déclenchaient une série de sensations plus que plaisantes en lui. Pas chez Faith, en revanche. Elle se décomposa sur place, les yeux écarquillés, son rouge à lèvre choquant sur son teint devenu livide.
-Heu… Je… J’avais entendu du bruit, et…
-Tu t’inquiétais ? Oh, ne t’en fais pas, vampirette. On jouait simplement à des jeux… d’adultes.
Sur quoi elle claqua la porte d’entrée, la laissant sans voix sur le palier. Elle n’était pas la seule, d’ailleurs. Le souffle bloqué dans sa gorge, Svenn baissa les yeux sur Silke.
-Au moins elle te laissera tranquille, fit-elle avec un clin d’œil.
Il s’autorisa à respirer lorsqu’elle eut réintégré sa chambre. Là, il prit une profonde inspiration, un tantinet affolé. L’agressivité, il gérait à merveille. En revanche, un faux jeu d’amants torrides, ça, il avait plus de mal.
Svenn leva une nouvelle fois les yeux sur les escaliers, conscient de la rougeur de ses joues.
Bon sang. Cette fille était vraiment un oiseau venu d'une cage dorée ?
*
Il devait l’avouer, retrouver Blanche en soubrette sexy était franchement excitant.
Afin de lui prodiguer les premiers secours, elle avait découpé des bandages dans sa robe de travail, la raccourcissant de façon… Parfaitement indécente. Les yeux rivés sur l’ourlet effilé, il sourit.
-Une érection te tuera, Nergal. Garde ton sang pour le reste de ton corps.
La lare attrapa le poignard, avec lequel elle s’était effeuillée. Bon sang, il se sentait minable, de presque défaillir pour quelques blessures, mais il y avait une sacrée contrepartie. Elle avait des jambes… Ils avaient peut-être déjà connu une nuit d’amour torride, cela ne l’empêchait pas de découvrir ce grain de beauté, là, juste sur le côté de sa cuisse...
-Nergal !
-Mmh, oui ?
-Nous devons rentrer au plus vite. Tout le monde sait à quelle vitesse les plaies s’infectent, en Enfer.
S’appuyer sur l’un des rochers noirs, pour se relever, lui arracha une grimace douloureuse. Ils se trouvaient non loin du Château du Déchu, dans un renfoncement entre les rocs. Moloch avait envoyé des unités à leur recherche, mais voilés comme ils l’étaient par leurs anneaux, ils avaient été incapables de les repérer. Une chance, étant donné le temps qu’avait pris les soins de premiers secours.
-La première porte des Enfers se trouve à un kilomètre de là, à l’est, fit-il en se tenant les cotes. Il y a de fortes chances pour qu’elle soit gardée. Ce crétin sait au moins comment bloquer les accès.
Il lorgna Blanche, sans concupiscence cette fois-ci. Elle paraissait épuisée.
-Tu te sens de marcher ?
-De nous deux, je suis la plus en état de le faire, Nergal.
Ce n’était pas faux. Bandant ses muscles, tout en redoutant le kilomètre à venir, le démon amorça sa marche. Le chemin accidenté les ralentit quelque peu. Les rochers déchiquetaient la route, aussi noirs que la terre devenait rougeoyante, sous l’éclat des cieux infernaux. Blanche le lorgnait régulièrement, inquiète. Certes, il était blessé, mais il pouvait toujours marcher, non de non!
-Dis-moi, finit-elle par dire, pour briser leur silence concentré. Pourquoi as-tu abandonné Lucifer ?
Il tiqua autant sur la question que sur sa formulation.
-Abandonné ? Cet emplumé n’était pas ma femme !
-Tu as compris ce que je voulais dire, Nergal.
Il sauta une faille, avec une aisance née d’une brusque colère. Lucifer. Ouais. Il l’avait « abandonné » il y avait des siècles de cela. Pourtant, des bouffées de haines le prenaient régulièrement, réminiscence d’un passé haïe.
-C’est bien simple, bougonna-t-il en se tenant les cotes. Il a fait la pire chose à me faire.
-C’est-à-dire ?
Il s’arrêta. Blanche en fit de même, tendue. Elle était sur le point de récupérer sa question, il le devinait. Néanmoins, la plaie avait été rouverte. Il n’y avait plus de retour en arrière possible.
-Selon certains, c’est envers Alastor que ma haine devrait être tournée.
-Pourquoi ?
-Parce qu’il était le Bourreau des Enfers. Mais ces crétins ne connaissent pas la véritable histoire. Ils ne savent pas ce que m’a fait Lucifer.
Nouveau silence. Il reprit sa marche. Après cette petite colline, ils devraient atteindre le portail. Ils n’avaient vraiment pas le temps de s’arrêter, même sous le coup d’un sentiment venimeux.
-Nergal ?
-Sur une décision arbitraire, il a exécuté mon fils, lâcha-t-il d’un coup.
Un profond silence accompagna sa déclaration. Il n’en eut cure. Il continua à marcher, trouvant à nouveau cette haine qu’il avait enfoui dans son cœur. Ce jour-là, il n’avait pas plu à Lucifer. Il avait osé prendre le partit d’Alastor, l’ennemi juré de l’ange. Le soir même, il pleurait sur le cadavre de son enfant. La plaie, encore à vif, saignait à la moindre occasion.
Elle se refermerait uniquement à la mort du Déchu.
Atteignant le sommet de la colline, il darda un regard noir sur le portail, un peu plus bas. Oui. Lucifer avait fait la dernière chose que Nergal pouvait supporter. Il avait alors défié le Justicier, dans un combat dont son visage se souvenait encore. Sans Alastor, il serait probablement mort, aujourd’hui. Il n’aurait pas pu tuer celui qui était devenu son pire ennemi, ni même tout tenter pour créer une zone de havre pour tous les pourchassés de l’Invisible. Il devait sa vie au Bourreau. Ironique, non ?
En apercevant les troupes de Moloch, tout autour du portail, il retint difficilement un grondement de fureur. Il jeta un coup d’œil à Blanche, qui l’observait, silencieuse.
-Tu as un autre tour dans ta manche ?
Après quelques secondes circonspectes, elle secoua la tête.
-Non. J’ai épuisé toutes mes tactiques.
-Tant mieux, rit-il amèrement, en tirant son téléphone -miraculeusement intacte- de sa tenue de combat. Parce que moi, j’en ai encore.
*
Alastor tira une longue bouffée de son cigare, perdu dans ses réflexions. Il avait beaucoup de sujets à traiter, ces derniers temps. Comme : pourquoi cet emplumé de Barbatos ne répondait-il plus au téléphone ? La guerre allait-elle retomber sur eux ? Quel allié chercher ? Silke était-elle une bombe à retardement ? Ce maudit Nergal était-il toujours vivant ? Son banquier allait-il finir par lui tirer une balle dans la tête ?
Autant dire qu’il fumait cigare sur cigare, au point que même un démon aurait pu attraper un cancer. Les caisses étaient toujours vides. Il allait se retrouver à braquer une banque d’humains, il le sentait venir. L’argent était le nerf de la guerre, surtout lorsqu'on assumait les dépenses de tout un village d'exilés.
-La lune t’inspire ?
Cassandra se porta à sa hauteur, ses talons hauts claquant sur le parquet du Hall de la Souffrance. De ces hautes fenêtres, ils pouvaient voir l’astre luire sur la contrée humaine, en contre-bas. Dans ce coin reculé de France, peu de lumière venaient souiller la beauté de la nuit, au grand plaisir du Bourreau.
-Non. Pas particulièrement, marmonna-t-il.
-Tu fumes trop, Al.
-Qu’est-ce que ça peux te faire ?
-Je refuse d’avoir un cancer par ta faute.
Malgré lui, cette réplique lui fit suspendre sa main, le cigare à mi-chemin de ses lèvres. La nymphe ne le regardait pas, perdue dans la contemplation de la lune. Ses cheveux blonds, coupés courts, reflétaient beaucoup de choses. Tout comme ses tenues de cuir, ses corsets mettant en valeur ses formes, et sa personnalité plus piquante qu’un hérisson.
-Si tu n’es pas contente, tu n’es pas obligée de me côtoyer.
Là, il méritait l’œillade noire.
-Je suis venue te dire que tu n’étais qu’un sale con.
-Tu me dis toujours la même chose. Tu n’as rien de neuf ?
-Si.
A son silence, il faillit croquer dans son cigare. Elle savait qu’il détestait ça. Les intrigues, les promesses, puis plus rien. La garce.
-Parle.
-Le grand chêne est revenu à la vie.
-Hein ? fut tout ce qu’il trouva à dire, avec une expression fort intellectuelle.
Le chêne, situé dans la place centrale d’Exil, était devenu le symbole du village. Malheureusement, il était mort plusieurs siècles plus tôt. Cassandra ne s’était jamais remise de cette perte. Les nymphes étaient trop attachées à la nature, avait toujours pensé Alastor. Mais il devait avouer que cela l’avait lui aussi affecté. Ce bout de bois les avait vu depuis leurs balbutiements sur le chemin de la liberté. Ou des ennuis.
-Le premier Avril est passé depuis longtemps.
-Ce n’est pas une blague, Alastor.
-Et comment peux-tu en être certaine ? Je veux dire, tu es une nymphe, mais…
-Viens voir.
Elle le planta là. Rah, ça aussi, il détestait ! Les phrases mouches et la fuite en avant ! Le cigare bloqué entre les dents, il lui emboîta le pas, son chapelet de jurons à faire rougir Satan se perdant entre ses dents.
Dehors, la lune éclairait Exil, le nimbant d’un voile argenté. Tout était calme dans leur traversée silencieuse. Ils croisèrent la jeune Faith, en larmes, mais ni l’un ni l’autre ne prirent le temps de s’appesantir sur le sujet.
En mettant un pied sur la place du Chêne, Alastor se sentit pâlir. Cass n’avait pas mentit. Les feuilles fraîches peuplaient les branches de l’arbre, lui rendant sa majesté, depuis longtemps perdue. Son tronc semblait plus vivant que jadis, son écorce moins sombre que la veille. Il se rapprocha, indécis. C’était impossible.
Tous avaient attesté de la mort du Chêne. Comment un tel miracle était-il possible ?
-C’est incroyable… murmura-t-il.
-Ce n’est pas ça.
Il haussa un sourcil. Cassandra était agitée, ses bras enlaçant son propre torse. Elle lui fit signe de se rapprocher de l’arbre. Il s’exécuta, à deux doigts de toucher le tronc millénaire, quand un mouvement le fit se figer. Les yeux écarquillés, il en rencontra une paire rivée sur lui, taillée dans le bois.
-Oh putain ! s’exclama-t-il en sautant en arrière. C’est quoi ce truc !?
Le tronc était aussi doté d’une bouche, car il éclata d’un rire étrange, dont l’écho agita jusqu’à ses plus hautes feuilles. Livide, Alastor jeta un coup d’œil à Cass. Elle non plus, ne savait pas ce qui ce passait.
-Je suis enchanté de vous revoir, monseigneur Alastor, fit le chêne. Je suis mort depuis tant d’années, que je ne pensais pas vous revoir, vous et la charmante dame Cassandra.
-Hein ? Tu nous connais ?
L’arbre lui sourit, chose si bizarre qu'un frisson horrifié courut le long de son dos.
-Je vous connais depuis votre arrivée, monseigneur. Je connais tout d’Exil, depuis sa naissance jusqu’à ce jour.
-Tout… Tout ?
-Tout.
Le Bourreau ferma les yeux. Les rouvrit.
-Comment es-tu revenu à la vie ?
Bon sang, il posait vraiment cette question à un arbre !? D’ailleurs, ce dernier réussit à avoir l’air gêné ! Il rêvait… C’était impossible… Après des siècles d’existence, il y avait encore des choses inattendues.
-En fuyant Nergal, pour lui épargner sa destruction par le Cabire, dame Blanche a usé de son pouvoir. Ce n’était certes pas volontaire de sa part… Mais elle a ramené à la vie la vieille branche que je suis.
Il ouvrit la bouche. La referma. La lare avait ressuscité le vieux chêne ? Un chêne qui parlait, désormais ? Le long silence fut brisé par la sonnerie de son téléphone. Il décrocha de façon automatique.
-Quoi, encore !? rugit-il.
-Hé, parles-moi sur un autre ton, face de vipère ! rétorqua Nergal, en beuglant aussi fort que lui. Tu m’as proposé ton aide, je te rappel !
-Tu choisis bien ton moment, toi ! Tu es où !?
-Bloqué à un kilomètre à l’est du Château du Déchu. Près d’une porte.
-Ha, celle-là. J’arrive. A tout de suite, râla Alastor en raccrochant. Cass, je dois aller en Enfer.
-Je viens avec toi.
-Très bien. Quand à toi…
Il se tourna vers le chêne, les mâchoires serrées. S’il était toujours « vivant » à leur retour, les choses allaient désagréablement se pimenter, il le pressentait.
-... si tu parles de quoi que ce soit, je te débite à la hache.
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