32 - Le défi
45e jour de la saison du sapin 2448
La noirceur s'emparait de l'esprit d'Azéna alors qu'elle luttait contre l'envie de s'endormir et de tout laisser tomber. La tache argentée était toujours présente dans sa vision. Elle résistait à la fatigue et à la faiblesse. Elle ne défaillit pas.
Après s'être frotté les yeux, sa vision s'éclaircit. La première chose qu'elle aperçut fut de longs cheveux argentés et un visage familier à la peau aussi noire que du charbon. Le regard sterne de l'elfe gris était fixé sur elle. Il était assis sur une chaise rudimentaire à côté d'elle. Plus précisément, à côté de son lit.
— Qu'est-ce qui se passe ? demanda-t-elle.
Son visiteur fronça des sourcils et elle le reconnut enfin.
— Serfantor ! s'écria-t-elle.
Elle eut le réflexe de chercher pour une arme quelconque, mais elle n'en trouva pas. De plus, elle était trop épuisée pour bien réagir.
— Tu te réveilles enfin, dit Serfantor sur un ton impassible.
— Quoi ? Que s'est-il passé ? Que fais-tu ici ?
— Calme-toi un peu. Ta réaction immodérée me donne mal à la tête. Je ne suis pas un nécrodin, tu sais.
— Ce n'est pas un rêve, n'est-ce pas ?
— Non.
— Alors, qu'est-ce que...
Les sourcils du garçon se rapprochèrent soudainement, ses yeux semblaient lancer des éclairs et ses lèvres se serrèrent.
— Silence ! murmura-t-il avec rogne.
Il se calma immédiatement après sa soudaine éruption sentimentale.
Azéna lui lança un regard dominé par la défiance. Elle réalisa qu'il était là pour l'Œil du Savoir ou Turion, dépendant de ce qu'il savait à ce propos. Elle se doutait duquel. Après tout, il était déjà bien établi, capitaine de skotar et fort. Pourquoi aurait-il si désespérément besoin de l'Œil du Savoir ? Il devait forcément savoir la vérité.
Elle sonda les environs et conclut qu'elle se trouvait à l'infirmerie. Il y avait plusieurs lits, tables de nuit et chaises un peu partout. Elle aperçut Leith qui s'occupait d'un autre patient à l'autre bout de la salle puis Fayne et Teriondil qui étaient assis à proximité et observaient Serfantor avec attention. La brunette semblait calme, mais elle remarqua que ses yeux étaient légèrement plus élargis qu'à leur habitude ce qui indiquait qu'elle était belle et bien nerveuse.
— Qu'est-ce qu'il fait ici ? questionna-t-elle ses amis avec légère impatience.
— On n'a..., commença son amie d'enfance.
— Nous devons discuter, interrompit Serfantor. Puisque je n'ai pas de temps à perdre et je n'ai pas l'envie de te courir après, je suis venu te rendre visite et tes deux gardes du corps ont refusé de me laisser seuls avec toi, avec raison. Je ne le déni aucunement. Alors, j'ai attendu patiemment que tu te réveilles.
— Tu es restée inconsciente pendant trois heures, informa Teriondil. Tu semblais souffrir, alors j'ai offert du thé, mais...
— Pas de thé ! lança une voix ferme qu'Azéna identifia comme Leith. Ce n'est pas le moment, Teriondil.
La vieille guérisseuse approcha, observa la Kindirah avec attention puis, retira le bandage ensanglanté de son épaule qu'elle entreprit de remplacer avec un nouveau. Elle serra brutalement. Sa patiente poussa un petit glapissement et secoua ses jambes comme si elle essayait de catalyser sa douleur.
— J'abandonne ! j'abandonne ! pleurnicha-t-elle.
— Le saignement a enfin cessé, informa Leith en souriant. De plus, tu t'es réveillée, ce qui est bon signe.
Elle lui donna une petite bouteille remplie d'un liquide étrangement pâteux et blanchâtre qui émanait une odeur d'herbe prégnante. L'adolescente grimaça, complètement dégoûtée par la préparation médicale.
— C'est un antidouleur et un anti-inflammatoire, expliqua Leith. Allez, ne fais pas ta difficile.
Azéna obéit à contrecœur et lui remit la bouteille en retenant une envie de régurgiter le liquide.
— Bon... Qu'est-ce qui s'est passé exactement ?
— Tu as attiré la colère d'Umah, enfant, accusa Leith avec des yeux réprobateurs. Apprends à contrôler tes paroles.
— Je suis loin d'être une enfant, grogna l'archère.
— Tu as quatorze ans. Alors, tu es une enfant. L'âge adulte débute à seize ans.
— J'ai eu mes quinze ans. C'est assez vieux pour ne plus se faire traiter d'enfant. De plus, à Daigorn, l'âge adulte c'est ça.
— L'âge n'est qu'un chiffre. Agit comme une adulte et peut-être seras-tu traité ainsi.
Cela dit, elle retourna à ses autres patients.
Azéna balaya la salle du regard à la recherche d'Umah, il n'était pas présent. Honteuse, elle éprouvait de la difficulté à accepter une autre défaite et, en conséquence, sa propre faiblesse.
Évidemment, rogna-t-elle intérieurement. Il n'a pas été blessé, lui.
— Enfin bref, dit Serfantor. J'ai vu toute la scène de la table des apprentis du troisième cycle.
Il disait manifestement la vérité, mais Azéna n'avait toujours pas confiance en lui. Instinctivement, elle leva légèrement sa lèvre supérieure et plissa son nez. Elle se demandait à quoi il jouait, pourquoi la taquinait-elle comme ça ? Elle n'avait aucun intérêt à être manipulée par lui puisque Teriondil et Fayne pouvaient lui transmettre les détails. Elle adopta un calme hautain, ignorant l'inconfort de son épaule mutilée.
— Et, alors ? demanda-t-elle avec froideur. Qu'est-ce que ça peut te faire ?
— C'était très brave de ta part de faire face à Umah.
— C'est une insulte ou un compliment ?
— Je dois confesser que c'est un peu des deux, avoua Serfantor en affichant un sourire narquois.
— Où veux-tu en venir ? questionna Azéna avec impatience.
— J'ai enfin trouvé ce que je vais faire à propos de ce que tu m'as volé.
— Volé ? Elle ne t'appartient aucunement et elle ne t'a jamais appartenu.
— Tu vois de quoi je veux parler. Je la veux et elle sera à moi. J'aurais pu utiliser d'autres moyens... Mais, j'en ai décidé autrement.
Azéna fronça les sourcils.
— Parle, elfe gris.
Serfantor jeta un coup d'œil par-dessus son épaule afin de s'assurer que Leith n'était pas à proximité.
— Par ma parole, je te jure que je ne te dérangerai plus à ce propos si tu réussis à me vaincre en duel, finit-il par dire. Un duel de dragonniers, plus précisément.
Azéna n'y réfléchit même pas. Ses sentiments parlèrent pour elle, le tout sans hésitation.
— J'accepte ton défi. N'importe quand.
Elle n'allait pas le laisser gagner. Elle allait le vaincre. Une vague de colère engloutit le reste et elle sentit Turion s'agiter en elle.
Entretemps, Fayne s'était approchée, le regard brillant d'inquiétude.
— Tu te crois vraiment en état ? Tu es trop faible pour un duel. De plus, tu as besoin de pratique. Tu n'as même pas encore eu ton premier cours de combat. Serfantor est un apprenti du troisième cycle. C'est une situation complètement injuste.
— Tu peux toujours décliner, dit le Diramin, si impassible qu'il semblait se moquer de la réaction d'autrui.
— Non, ça va, répliqua Azéna en souriant avec assurance. J'ai confiance en moi et en mes sources.
— Pour te démontrer ma bonne volonté, je serai au terrain de skotar de l'académie cinq jours avant l'examen final. Ainsi, tu as assez de temps pour te préparer en conséquence et à la suite du combat, de récupérer pour l'examen.
Son visage ne flancha pas, comme s'il n'éprouvait rien pour ce qui venait de se passer. Il se leva tout simplement et partit, sa cape claquant dans le mouvement gracieux de ses pas.
Azéna, au contraire, ressentait un mélange d'enthousiasme, de joie et d'anxiété. Quelqu'un l'avait reconnu et ça, elle l'appréciait. D'un autre côté, elle reconnaissait que son opposant avait raison ; elle était au désavantage contre lui. Elle s'assit dans le lit dans un mouvement brusque et acclama la nouvelle.
— Génial !
La douleur qu'elle avait oubliée revint en force. Elle traversa son bras comme une aiguille brûlante. D'un réflexe, elle vint serrer sa plaie de sa main et serra les dents. Son expression faciale fut transformée par la fatigue. Sa respiration s'accéléra un peu.
— Arrête de t'énerver, grogna Fayne en croisant les bras. Tu vas ouvrir ta plaie et ça va recommencer à saigner.
— Désolé, souffla son amie en riant. La potion magique de Leith ne fonctionne pas.
Son interlocutrice expira longuement.
— Ce n'est pas une potion magique, c'est une préparation herb... laisse tomber.
— Je ne vois pas ce qui a de drôle, dit Teriondil, perplexe, en fixant Azéna.
— N'essaie pas de comprendre l'esprit d'Azéna, lui conseilla l'herboriste. Elle est folle.
Elle sourit légèrement en fixant son amie ce qui écrasa sa crédibilité.
— Alors, qu'est-ce que tu vas faire à propos de ce duel, madame la guerrière ? demanda-t-elle avec sarcasme
— Ne t'inquiète pas, répondit l'archère. Dites-moi juste ce qui s'est passé.
— Maître Valkirel est intervenu lorsqu'Umah était sur le point de se jeter sur toi. Étant mage, il l'a fait léviter afin de l'éloigner de toi et de l'immobiliser. Il n'avait pas l'air heureux de la chose d'ailleurs. C'est bizarre le voir en colère.
— Être lévité sans la possibilité de te défendre est très humiliant, expliqua Teriondil. C'est presque de la tricherie en combat. C'est lâche, mais c'est parfois nécessaire comme dans cette situation.
— Et en fin de compte ? questionna Azéna avec intérêt.
— Les apprentis ont été envoyés dans leur dortoir. Umah s'est calmé et est redevenu à la normale. Puis, Elda... Oh... Je veux dire, Maître Valkirel t'a emporté à l'infirmerie. On a essayé de suivre, mais il nous a vus. Alors, on est retournés à la Tour de la Connaissance jusqu'à ce qu'on nous annonce deux heures plus tard qu'on pouvait venir te voir.
— Attends un instant...
— Quoi ?
— Eldarytzan m'a porté dans ses bras ?!?
— Heu... oui, répondit le garçon, visiblement confus.
— Comme un homme fait à une mariée ?
— Heu... je crois que cela est la tradition dans certaines cultures. Pourquoi une telle question ?
Azéna rosit légèrement et regarda le sol.
— C'est gênant, c'est tout.
— Ne t'en fais pas, dit Leith qui était revenue pour vérifier le bandage et la plaie. Maître Valkirel est un gentilhomme. Il l'a fait, car il fallait que tu sois à l'infirmerie le plus vite possible. Encore une chance qu'il n'ait pas attendue, car, tu avais perdu beaucoup de sang.
Après avoir étendu la même pâte verdâtre qu'elle avait utilisée sur Tyrath sur la blessure, elle remplaça le bandage ce qui fit grimacer la patiente une seconde fois.
— Tu es si âpre, se plaignit cette dernière.
L'adulte répliqua d'un regard sévère qui en laissait savoir long.
— Qu'en est-il d'Umah ? questionna Azéna en essayant de changer le sujet. Pourquoi m'a-t-il attaqué pour si peu ? Et, ses yeux noirs... Ses crocs... Il aurait pu me tuer.
— Ce n'est pas à moi de vous expliquer cela. Grand Maître Jenkins est en train de discuter avec Apprenti Xiphendor. Il m'a avisé qu'il allait venir vous voir par la suite.
L'aéromancienne commença à chercher autour de son lit pour ses affaires. Leith la poussa. Comme une fleur fragile, Azéna fut forcé en position couchée. Elle resta bouche bée devant la force physique de la vieille femme.
— Arrête de t'agiter, ordonna celle-ci en fixant ses yeux sévères sur ceux de sa patiente. Tu vas ouvrir la...
— La plaie, termina l'adolescente, irritée. Je sais. Mais, vraiment, je suis en pleine forme, maintenant. Je peux partir, pas vrai ?
— Je ne crois pas. La sévérité de la blessure est tout de même inquiétante.
— Mais, ce n'est qu'une petite égratignure !
— Ne compte pas là-dessus, conseilla Leith en appliquant la crème verdâtre gluante et nauséabonde sur la joue blessée d'Azéna. Tu ne l'as pas vu encore.
— C'est dégoûtant ce truc, se plaignit son interlocutrice.
— Arrête donc de lamenter et repose-toi. C'est une crème qui aide à guérir les petites à moyennes plaies. Elle est faite à partir d'une plante restauratrice.
Azéna marmonna avec impatience et la laissa terminer d'étendre la crème.
— Où est Tyrath ?
— Moi et Teri on peut aller le chercher si tu veux, proposa Fayne.
— Ça serait apprécié.
— Dites-lui qu'il vienne à la fenêtre et qu'il fasse attention de ne pas tout égratigner, demanda Leith.
— Pas de problème, dit la brunette.
Elle et Teriondil sortirent de l'infirmerie.
Azéna questionna Leith sur son travail. Elle lui expliqua qu'elle était, pour la plupart du temps, dans l'académie entrain de soigner les dragonniers et que si quelque chose arrivait aux dragons dans l'écurie que madame Gènar pouvait s'en occuper à un minimum et l'avertir entretemps.
— Ce n'est pas un emploi facile ni reposant, dit l'adolescente.
— Quelqu'un doit le faire et je suis expérimenté dans le domaine, alors, je n'ai pas de difficulté. Bon, je dois retourner à mes autres patients. Attends sagement ici sans bouger. Sans bouger.
— Ça va, ça va. J'ai compris.
Sur ce, Leith la laissa à ses pensées. Celle-ci roula les yeux et s'installa plus confortablement sur le dos puisqu'elle ne pouvait pas se permettre de se placer sur le côté en raison de son épaule.
Quelques minutes plus tard, Tyrath apparu de l'autre côté de la fenêtre à côté de son lit. Il la regardait de ses yeux violets et semblait aussi inquiet que frustré de la voir dans un tel état. Il se mit à grogner, mais elle lui fit signe de se calmer.
Le jeune dragon cessa son affolement et examina l'intérieur de l'infirmerie avec méfiance. Azéna voulait lui parler et la vitre empêchait le son de circuler à son aise. Elle se leva doucement en tentant de faire le moindre de bruit possible pour ne pas attirer l'attention de Leith et s'approcha de la fenêtre les bras étendus, prêts à l'ouvrir.
— Azéna ! appela une voix colérique qui provenait de derrière elle.
Cette dernière tourna la tête et elle aperçut la guérisseuse qui la fixait les bras croisés.
— Combien de fois faudrait-il que je te dise de rester tranquille ? Tu es aussi têtue que ton idiot de père.
— Mais...
— Au lit, immédiatement ! La prochaine fois que tu me désobéiras, je te donne des herbes somnolentes.
Azéna obéit et seulement lorsqu'elle fut couchée, elle alla ouvrir la fenêtre pour elle. Tyrath passa sa tête à l'intérieur avec tant de hâte qu'il faillit se heurter contre le contour.
— Je ne suis pas comme mon père. De plus, il n'est pas mon père ! souffla l'aéromancienne avec irritation. Combien de fois va-t-il falloir que je le répète ?
Tyrath poussa un rire et Leith le fusilla du regard.
— Reste tranquille toi aussi et ne l'excite pas, ordonna-t-elle en retournant à ses autres patients encore une fois.
Au même moment, Fayne et Teriondil firent leur apparition dans la salle. Ceux-ci se rassirent près de leur amie.
— Alors, ça va ? demanda cette dernière en s'adressant à ses trois visiteurs.
— Ça pourrait aller mieux si tu pouvais venir voler avec moi, dit Tyrath sur un ton taquin.
— N'y compte pas, déclara sa dragonnière en faisant la moue. Je n'en suis pas très ravie non plus.
— Pourquoi tu t'es encore mise dans le pétrin ? Et de surcroit, quand je n'étais pas là !
— Il fallait bien que je protège mon amie, rétorqua son interlocutrice sur la défensive.
Son visage s'illumina avec un sourire aux lèvres. Fayne de son côté, avait rougi et fixait le plancher.
— Ne t'en fais pas, dit Azéna. En revanche, je te conseille de ne plus t'approcher d'Umah. Il est dangereux et hors de contrôle.
— Je crois qu'elle est au courant, souffla doucement Teriondil. Laisse-la faire ce qu'elle veut. Elle est assez grande pour prendre ses décisions toute seule.
— J'ai bien vu ça. Le problème n'est pas l'intention, mais qu'elle se met dans le pétrin chaque fois qu'elle essaie de faire ses actions de gentillesse et de grâce.
— Ça va, dit Fayne en remontant le regard vers ses amis. J'ai compris.
— Je crois que ce qu'Azéna essaie de dire, commença l'elfe avec une pointe de sarcasme, mais puisqu'elle est incapable de s'exprimer et que ses paroles sortent de travers, c'est qu'elle t'aime et qu'elle ne voudrait pas qu'il t'arrive quelque chose.
— Ouais... c'est ça, murmura Azéna d'une voix fêlée, trop embarrassée pour ajouter quoi que ce soit.
Elle hésita, luttant entre son désir de se défendre et de garder le silence.
Finalement, elle fixa Teriondil en fronçant des sourcils. Avant qu'elle ne puisse prendre la parole, la porte de l'infirmerie s'ouvrit et Terenas fit son entrée.
— Vous êtes réveillée Apprentie Kindirah, dit le grand maître avec joie.
Azéna détestait qu'on l'appelle par son nom de famille puisqu'elle ne se sentait pas à sa place dans cette famille. Terenas remarqua la frustration qui régnait sur son visage et vint s'asseoir à côté de Fayne et Teriondil.
— Vous devez savoir pourquoi je suis ici, dit-il avec douceur.
Tyrath grogna avec défiance, mais l'adulte n'y prêta aucune attention.
— Vous n'allez pas me punir pour avoir protégé mon amie ! jappa Azéna avec rage.
— Bien sûr que non, dit Terenas en souriant. Je crois que je vous dois une simple explication en ce qui concerne notre jeune Apprenti Xiphendor. Nous avons longuement discuté et il m'a donné la permission de vous révéler certaines informations à propos de lui. Cependant, soyez discret à ce propos.
— Il est dangereux. Pourquoi se faire discret ?
— Parce que c'est sa vie privée. Il faut respecter cela. J'ai bien peur qu'il faille que je vous demande votre parole dans l'affaire, Teriondil, Tyrath et Fayne inclus.
Fayne et Teriondil acceptèrent sans hésitation. Tyrath y réfléchit un instant puis déclara qu'il suivrait ce que sa dragonnière déciderait.
— Hmph, grogna Azéna. Bon, c'est entendu. Pourquoi m'a-t-il attaqué avec une telle violence ? N'a-t-il pas de contrôle de ses émotions ?
— Il n'est pas question d'un contrôle de soi dans son cas.
— Vraiment ? questionna-t-elle avec surprise. Qu'est-ce que vous voulez dire ?
— La raison pour laquelle Umah vous a attaqué est parce qu'il est un chaman et certains d'entre eux éprouvent des difficultés avec leur pouvoir. Que savez-vous à propos des chamans ?
— J'en ai beaucoup entendu parler, partagea Teriondil. Des rumeurs courent à notre citée à propos d'une famille de chamans. On m'a dit comment les identifier dans l'éventualité d'une attaque.
— Nous en savons un peu sur les chamans à cause du folklore raconté à Daigorn, expliqua Fayne avec un immense intérêt. Mais vraiment, je ne suis même pas sûr si cette information était vraie. Depuis que nous sommes ici, il semble que Aerinda est un monde complètement nouveau.
— Bah, explique-moi, dit Azéna, qui s'impatientait. Est-ce contagieux ?
Terenas sourit, visiblement amusé par les réponses des apprentis.
— Ne vous inquiétez pas. Ce pouvoir n'est transmissible que de façon héréditaire, soit de parents à enfants.
— C'est comme une malédiction alors, murmura la rebelle.
— Pas nécessairement. C'est subjectif. La malédiction, ou la bénédiction des chamans, dépendant comment tu le perçois et le gère, peut devenir une terrible chose et, malheureusement, on ne s'en défait pas. Le poids des chamans peut rendre son protégé irritable, impatient, colérique et violent. Notez que l'opposé peut s'avérer aussi vrai.
— C'est compliqué et ça n'explique pas les changements physiques, ronchonna son interlocutrice en croisant les bras derrière sa tête.
— Un chaman change d'apparence lorsqu'il entre en transe spirituelle, continua le grand maître. Chaque chaman est très différent. Dans le cas d'Umah, les émotions peuvent déclencher ce processus. Par exemple, lorsqu'il est en colère. Plus la transformation avance, plus il a de la difficulté à l'arrêté et il perd contrôle de son corps.
Azéna se souvint de ce que Turion lui avait dit la journée précédente à propos des émotions qui pouvaient se transformer en poison. Elle eut de la difficulté à ravaler le sien.
— Qu'est-ce qu'il fait dans un endroit comme celui-ci ? C'est un danger pour tous d'avoir un chaman comme lui dans l'académie.
— Il suffit de le laisser tranquille, dit Terenas en fixant Fayne du coin de l'œil. Il désirait devenir un dragonnier respectable et je ne pouvais pas le laisser partir sans éducation.
Azéna ouvrit la bouche bêtement pendant un instant. Elle n'en revenait pas de ce qu'elle venait d'entendre.
— Mais, tu ne vas tout de même pas le laisser continuer son entraînement après ce qui s'est passé, assuma-t-elle.
— Ne vous inquiétez pas. Il ne fait rien de mal tant qu'on le laisse tranquille. Alors, faites ce que je vous demande et tout ira bien.
Il se leva. Fayne paraissait autant choquée que triste.
— Je dois maintenant partir, dit Terenas. Ces informations doivent rester entre nous, c'est bien clair ?
Il tourna les talons, mais ne bougea pas.
— Ne pense pas que je t'ai oublié Tyrathralent, avertit-il. Cela va pour toi aussi.
Le drake haussa la tête et renifla avec colère, comme si le grand maître l'avait insulté.
Le grand maître l'ignora et partit. Fayne le suivit d'un pas déterminé.
— Pourquoi part-elle ? questionna Azéna, surprise des actions de son amie.
— Je ne sais pas, dit Tyrath avec confusion.
— Vous n'êtes pas très brillants parfois, souffla Teriondil avec patience. Elle veut aider Umah.
Azéna et Tyrath se retournèrent vers lui et le fusillèrent du regard, insultés par ses paroles.
— Comment croit-elle accomplir ça ? questionna la rebelle. Terenas nous a dit de ne pas l'approcher.
— Penses-y un peu. Elle est herboriste.
Elle songea à la question, mais rien ne lui vint à l'esprit, alors elle cligna des yeux innocemment.
— Et ?
— À chaque fois, tu m'impressionnes.
— Oh, merci !
— Ce n'était pas un compliment, soupira Teriondil. Je paris que tu n'as même pas pensé à ce que je t'ai dit. Enfin bref, elle va se proposer pour trouver une potion pour Umah qui l'empêcherait de se transformer ou encore qui le calmerait.
— Mais, on ne doit pas l'approcher. D'ailleurs, qu'est-ce qui se passe avec toi ? Tu es soudainement attentif. Allez, tu es censé me soutenir dans mon idiotie.
— De l'idiotie... Je ne vois pas ma distance sous cet angle honnêtement. Au contraire, c'est une forme d'intelligence.
— Revenons au sujet, s'irrita Azéna. On ne doit pas approcher Umah, alors comment Fayne va-t-elle lui venir en aide ?
— Faire une potion pour quelqu'un ne requiert aucunement d'approcher le buveur.
— Mais, Terenas a dit que cette condition était incurable.
C'est à ce moment que Fayne revint. Elle s'assit à sa place et ne dit pas un mot.
Le silence devint rapidement lourd et inconfortable.
— Alors, Fayne, qu'est-ce que tu as demandée à Terenas ? questionna Azéna avec innocence.
— J'aurais pu inventer une potion pour aider Umah, répondit-elle avec découragement. Terenas m'a refusé.
— Pourquoi ? siffla Tyrath.
— Il disait qu'il allait s'en occuper.
— Peux-tu véritablement créer une telle potion ?
Azéna savait que cette affaire tenait la Litfow à cœur alors, elle fixa Tyrath avec rage du coin de l'œil. Son expression n'échappa pas au drake qui baissa honteusement les yeux.
— Pas en ce moment, avoua Fayne avec gêne. Mais, un jour avec de la recherche et de la pratique.
— Ça serait une tâche compliquée et difficile à atteindre, dit Teriondil. Mais, ça serait un grand exploit.
Azéna se sentit soudainement mal à l'aise, car, elle devina que Terenas avait refusé Fayne probablement parce qu'il désirait qu'elle se concentre sur son entraînement et ses études.
✦×✦
À la tombée de la nuit, Teriondil et Fayne partirent. Leith fut obligée de se quereller avec Tyrath et de le menacer pour qu'il laisse Azéna dormir.
— Tu pourras sortir demain, annonça l'adulte alors qu'elle avait terminé de changer le bandage de la plaie de sa patiente. Assure-toi de faire attention à ce que la blessure ne s'ouvre pas entre temps. Je vais terminer le processus de guérison demain matin. Maintenant, repose-toi.
— Mouais, mouais...
✦×✦
Le lendemain, Azéna put enfin sortir de ce petit lit inconfortable. Elle détestait être coincée à un endroit, particulièrement lorsqu'elle se sentait inutile et faible. Elle se rendit à ses cours comme à son habitude.
Le soir venu, dans la Tour de la Connaissance, elle s'assit à la table où Arièlla était installée.
— Quelle belle surprise, dit la blonde aux yeux d'un bleu pétillant. Comment ça va avec ta blessure ?
— Bien, répondit Azéna. Leith m'a tout guéri ça.
Elle tira la manche de sa tunique vers le bas pour révéler son épaule. Il n'y avait aucune trace de la blessure.
— C'est incroyable ce que cette femme peut faire, s'étonna Arièlla. Il n'y a même pas de cicatrice après cette terrible blessure. C'est surement un mélange de magie et d'herbes puissantes.
— Ma première cicatrice sera issue d'un véritable combat ! Parlant de combat, Arièlla, je peux te déranger pour une faveur ?
Elle remit sa tunique en place.
— Ça dépend de ce que c'est, répondit la Valkirel avec méfiance. La dernière fois, je me suis mis dans le pétrin pour toi. Fais attention à ce que tu vas me demander.
— J'aurai besoin d'un entraîneur.
— Un entraîneur ? Pourquoi ?
— J'ai un duel très important contre ton capitaine de skotar et... et...
Elle serra la mâchoire, amassant tout son courage pour lâcher ses prochains mots.
— Je ne sais pas me battre efficacement.
La fierté d'Azéna la rongeait en dedans. Ça lui en avait pris beaucoup pour avouer qu'elle était faible.
Heureusement, Arièlla ne se moqua pas et n'encouragea pas la pensée négative. Au lieu, elle resta bouche bée, les yeux écarquillés par la surprise. Puis, les deux orbes bleus se rétrécirent pour en devenir malicieux.
— Tu veux donner une raclée à ce vieux Serfantor ! tonna-t-elle comme si elle venait d'être inspirée par la requête. L'affaire est dans le sac ! J'ai précisément ce qu'il te faut. On va bien s'amuser.
Elle sourit largement, comme si elle était fière de son amie pour avoir accepté un tel défi.
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