30 - Souvenirs sanglants

44e jour de la saison du sapin 2448

Azéna se précipita au travers de l'académie. Il n'y avait pas beaucoup d'apprentis de sorties à cette heure. En fait, elle fut surprise de ne pas avoir aperçu Fayne et Teriondil dans la salle commune. Ils étaient sûrement à la bibliothèque ou à l'extérieur avec leurs dragons. Elle ne pouvait pas s'empêcher d'être excitée à l'idée de discuter avec un dragon qui avait été tué plusieurs années passées. Maintenant, elle comprenait pourquoi on connaissait cette plume par son pouvoir de communication et de connaissance. Le dragon qui y était piégé avait déjà participé à l'ascension d'un ou de plusieurs jeunes dragonniers de son temps. C'est donc pourquoi il connaissait les réponses à la plupart des questions.

Je vais me ramasser avec les meilleures notes de mon cycle, songea-t-elle, déterminée et émoustillée.

Ce n'est nullement la raison pour laquelle je t'ai contacté, rétorqua Turion. Je ne suis pas un simple objet qu'on peut ingratement utiliser de la sorte.

Elle sentit son estomac se nouer. Elle oubliait que ce dragon lisait ses pensées et il fallait qu'elle s'avère prudente pour ne pas provoquer sa colère.

Rahh... D'accord, d'accord. Excuse-moi. Ce n'est pas ce que je voulais dire.

Elle crut entendre un grognement presque inaudible, mais mis à part cela, Turion resta silencieux.

Continuant son chemin, elle se faufila de corridor en corridor, glissant en tournant les croches trop abruptement.

Pourquoi m'as-tu contacté ? osa-t-elle lui demander. Tu acceptes mes excuses au moins ?

Aucune réponse ne lui fut accordée. Frustrée, elle tourna un coin et aperçut Gragèn qui était tenu par le collet par Serfantor. Elle figea dans sa course et avec discrétion, elle se cacha et écouta.

Comment a-t-il été congédié si rapidement de l'infirmerie ? se demanda Azéna. Ça fait à peine une demi-heure qu'on est sortie du donjon. Un nez cassé, ça ne se guérit pas si aisément.

Si le guérisseur est moindrement compétent, il lui a tout simplement recollé les os à l'aide de magie quelconque, expliqua Turion.

Intéressée par les deux garçons, l'archère ne répondit pas et écouta la conversation. Le ton de voix de Serfantor commençait à monter et ça l'inquiétait.

— Qu'est-ce qui s'est passé ? demanda l'elfe gris avec colère.

— Ce n'est pas de ma faute, répondit Gragèn en haletant. Elle m'a été enlevée.

— Par qui ? Qui l'a prise ?

— Je ne te dirai pas si c'est pour sauver quelqu'un de ton sale caractère.

— J'ai été clément. Très clément. Tu ne voudrais pas que je perde patience, n'est-ce pas ?

— Non, souffla le roux d'une voix tremblante.

— Alors, parle.

Azéna entendit des toussotements et devina que Serfantor devait avoir délivré Gragèn de son emprise.

— C'est Azéna qui l'a volée, finis par révéler la victime.

À cet instant, Azéna eut l'envie de le tabasser et de botter le postérieur de Serfantor, mais elle ne désirait pas prendre le risque de perdre la plume. Du moins, pas avant d'avoir recueilli plus d'information à propos de ce dragon qui habitait en l'objet.

— La fille entêtée du premier cycle à la chevelure argentée ? questionna le prince.

Gragèn poussa un murmure incompréhensible.

— Bon garçon, continua l'elfe gris qui semblait maintenant satisfait. Je ne te dérangerai plus jamais sauf si quelque chose ne va pas dans mes projets.

— Que pourrait-il arriver ? demanda nerveusement son interlocuteur.

— Tu pourrais m'avoir menti, répliqua sèchement Serfantor.

— Je t'assure que non.

— J'espère pour toi que tu vas bien aller. Je ne veux pas devoir utiliser les grands moyens, si tu me comprends bien.

— Tu es très compréhensible, très clair. Mais, si je peux me le permettre, pourrais-je savoir ce que tu vas lui faire subir ?

— T'es un sale type, dit l'elfe sur un ton qui était étrangement serein, mais qui laissait paraitre un brin de malaise.

Il fit une pause.

— Bref, si tu désires vraiment le savoir... Je vais discuter, tout simplement. Après, on verra si elle est assez intelligente pour négocier. Maintenant, sors de mon champ de vision.

Incapable de se retenir plus longtemps, Azéna jeta un coup d'œil en direction des deux garçons. Gragèn était immobile et Serfantor semblait attendre qu'il parte.

Il a peur, songea Azéna avec rage. Tabarnack, que Serfantor lui foute la paix !

Ne réagis pas, lui ordonna Turion. Ton but est de trouver un endroit tranquille auquel nous puissions discuter.

Azéna fusilla le Diramin du regard.

L'espèce de...

Aller ! rugit le wyrm. Vas-y.

Frustrée, elle serra la mâchoire, se faufila derrière Serfantor en espérant qu'il ne la remarque pas. Marchant aussi légèrement que possible, elle craignait de ne pas échapper à ses yeux vigilants. Lorsque le regard de Gragèn croisa le sien, elle lui fit signe de l'ignorer. Le roux obéit du mieux qu'il put, mais sa lèvre inférieure tressaillit.

— Qu'est-ce que tu attends ? grogna Serfantor. Je t'ai dit de partir.

— Désolé, souffla sa victime.

Il tourna les talons, hésita, puis il se dirigea vers les cuisines, sûrement pour se dénicher un encas.

— Arrête de t'excuser et travail sur ton courage, conseilla Serfantor. Cette vie n'est jamais facile.

Il fut ignoré. Haussant les épaules, il disparut d'où Azéna provenait.

Cette dernière avait eu beaucoup de chance. Pourtant, elle se demandait ce que signifiait le dernier dialogue de Serfantor. Pourquoi essaierait-il d'encourager Gragèn à se dépasser ?

Ce sont des questions pour le futur, dit Turion dont la voix résonna dans son esprit. Maintenant, concentre-toi sur ton présent. Le bambin à la fourrure rouge sera en sûreté pour le moment.

Azéna rigola intérieurement à cette description de Gragèn et se dirigea vers la salle de bains, l'endroit où les élèves et le personnel se lavaient, qu'on appelait aussi tout simplement les bains publics.

Elle poussa la lourde porte en bois, entra et la referma derrière elle. Elle se retrouva dans une grande salle pour y accueillir confortablement environ trente personnes. Celle-ci était divisée en deux sections de sorte que les sexes soient séparés.

De chaque côté, il y avait un bassin rempli d'eau et une statue de dragon en son centre. Une douce chute d'eau s'écoulait de la bouche des dragons en pierre polie. Ces écoulements étaient connectés à un système de circulation qui permettait d'empêcher l'eau de devenir stagnante.

Heureusement, Azéna était la seule présente.

L'intérieur de ce fort est magnifique, complimenta Turion.

Chaque fois, la splendeur des statues m'émerveille, avoua Azéna. C'est fou comme elles sont authentiques aux vrais dragons de chair. Celle du côté des garçons ressemble à Buhrik. Le décorateur a bien choisi ; ça fait bien du sens que les statues seraient des dragons bleus. C'est dommage que Tyrath ne puisse pas venir ici.

Je comprends totalement. Maintenant, installe-toi bien. Le confort est important pour une longue conversation de qualité.

Azéna jeta un coup d'œil inquiet derrière elle. Elle craignait qu'on la découvre, que Serfantor la trouve. Un déluge d'images des possibilités de ce qui pouvait se passer s'il la trouvait lui traversa l'esprit. Dans un sens, elle n'avait pas peur de ce malfrat, mais, d'un autre côté, elle savait qu'il était sûrement beaucoup plus expérimenté et fort qu'elle.

De plus, son dragon noir était effrayant et repoussant. Il semblait inspiré le mal. C'était le jugé, car tous les siens donnaient cette impression, mais c'était difficile de faire autrement dans cette situation.

Ne t'inquiète pas, rassura Turion. C'est l'heure des cours. Il est sûrement retourné en classe.

Tu as raison, répliqua Azéna. Il est en classe... C'est sûrement pour cela qu'il a laissé Gragèn partir si aisément.

Finalement, elle laissa l'elfe gris de côté et se dirigea vers le bassin des filles. Elle se défit de ses bottes et de ses bas, trempa son pied dans l'eau dont la chaleur la réconforta grandement. Satisfaite de la température, elle se permit enfin de se déshabiller et laissa l'eau la submerger jusqu'aux épaules.

La plume était toujours dans la poche de ses vêtements. Il était inutile de l'exposer puisque Turion pouvait communiquer avec elle par télépathie.

Alors, qui es-tu ? Je ne sais pas grand-chose à propos de toi...

Je suis Turion du clan Thraluan, mais pour ceux qui ne connaisse pas ma véritable identité, on m'appelle l'Œil du Savoir.

C'est donc vrai...

Elle resta bouche bée pendant plusieurs secondes qui lui parurent comme des heures. Durant cet épisode d'abasourdissement, son monde cessa de tourner alors qu'elle réalisait lentement qu'elle s'adressait réellement au légendaire Turionthraluan du vol draconique violet. Initialement, elle ressentit un stress immense qui évolua en ravissement. Elle eut l'envie soudaine de hurler comme une hystérique. Au lieu, elle se contente de laisser son corps trembler légèrement.

Un peu de calme, s'ordonna-t-elle avant d'accorder la parole à Turion. Alors, tu es le dragon qui a signé le pacte au nom de tous les vols draconiques ! Ils pensent tous que tu n'es qu'une simple plume enchantée, mais tu es grandiose !

C'est normal, car, je me suis arrangé pour qu'on pense cela.

Une façade... Je le savais qu'il y avait quelque chose dans tout ça qui était bizarre. J'avais raison pour une fois. Mais... pourquoi tu me dis ça à moi ? Et, pourquoi caches-tu ton identité ? Pourquoi es-tu scellé dans une plume ? Un être, une âme, est dans un corps physique normalement.

Ah... C'est une longue histoire, répondit Turion sur un ton rêveur. Je suis prêt à en partager une partie avec toi, si tu m'accordes cet honneur.

Quelle question ! répliqua Azéna avec sarcasme. Ostie, c'est évident que je veux l'entendre.

Émoustillée, elle sentait son cœur qui bondissait dans sa poitrine et depuis un moment, elle se sentait comme une enfant qui pataugeait dans le bonheur. Installée sur une plateforme submergée, elle se mit à balancer ses pieds d'avant en arrière.

C'est parti dans ce cas, avertit Turion.

L'adolescente sentit une présence pénétrer dans sa chair, dans ses veines, dans ses os puis dans son esprit. Sa première réaction fut la panique. Son intimité, son corps, toute sa personne était soudainement partagé avec quelqu'un d'autre. Son cœur se mit à se débattre follement. Elle résista et lutta, mais l'esprit de Turion était plus fort. Son anxiété diminua malgré ses sentiments. Enfin, ses muscles se détendirent.

Après un instant, elle fut totalement calmée. Elle baissa la tête et fixa son reflet avec étonnement. Ses yeux ainsi que ses cheveux partageaient la même teinte que la plume, soit un violet doux.

Qu'est-ce qui se passe ? demanda-t-elle, confuse et mal à l'aise avec ces changements inattendus. Dans une situation pareille, normalement, je serai au bord de la folie. Pourquoi mon corps et mon esprit sont-ils coincés dans un calme qui me parait si superficiel ?

J'ai calmé ton corps et j'ai fait ce que j'ai pu pour apaiser ton esprit, expliqua Turion. Tu dois descendre en reddition complète si tu désires que je te partage mon histoire.

C'est très difficile pour moi, rogna-t-elle avec légère irritation. Tu ne peux rien faire de plus ? Toi, le tout puissant Turion.

Elle ne désirait pas insulter le grand wyrm violet, mais par-dessus tout, elle répugnait l'idée que quelqu'un d'autre ait le contrôle de son être tout entier.

Je ressens ton manque de confiance et de concentration, résonna la voix du dragon. Ainsi qu'une source de frustration et de rage enracinée en toi.

Il fit une pause, laissant la demoiselle digérer ces vérités.

Je ne peux pas faire plus, continua-t-il finalement. Je suis impuissant, car mes pouvoirs sont limités. Il y a tant de souffrance en toi. Je peux le sentir et je vis la même chose, mais j'ai bien peur de devoir t'en demander trop. Fais-moi confiance, jeune dragonnière.

Pourquoi en es-tu incapable ? Tu es Turion, le représentant de tous les vols draconiques.

Être scellé dans un objet cause cela, tout simplement. Maintenant, cesse de penser. Vide ton esprit et laisse-moi le contrôle. Tu comprendras assez rapidement pourquoi c'est mieux ainsi.

L'esprit tourbillonnant d'Azéna était coincé dans un défilement de souvenirs, de questionnements et de situations potentielles. C'est comme si son corps et ses sentiments étaient drogués sur des relaxants puissants, mais qu'elle était parfaitement lucide mentalement.

Certaines questions auront des réponses, lui assura Turion. D'autres viendront plus tard, mais tu dois apprendre à me faire confiance si nous allons travailler ensemble.

C'est si difficile, se plaignit la Kindirah. Ma tête refuse de coopérer. C'est comme si c'était du suicide volontaire de faire ce que tu demandes.

Ce n'est qu'un mécanisme d'autodéfense. Tu es capable de le contrôler, tu es forte. Vaincs toi-même ! Évolue et mue ! Débarrasse-toi de tes faiblesses, de ces craintes ! Elles ne valent rien ; elles ne sont que des poids sur ton dos.

Elle s'imagina en train de se battre en duel contre une version embrouillée d'elle-même qui représentait son subconscient. Elle refusait de prendre un seul combat, et ce, contre n'importe qui.

Avec cette motivation et après un moment à suer toute son énergie, elle put enfin calmer son esprit dans sa totalité.

C'est à ce moment qu'elle sentit son esprit se fusionner avec celui de Turion. Son corps n'était plus qu'un vaisseau physique de deux âmes qui se le partageaient.

Une nouvelle dimension envahit ses sens, une certaine puissance ancienne qu'elle n'avait jamais ressentit auparavant : le pouvoir d'un dragon. Plus que jamais, elle se sentait forte et en confiance. Elle avait la nette sûreté que rien au monde ne pouvait lui faire du mal. Elle était au sommet de la chaîne alimentaire. Elle était un apex prédateur. Ce sentiment était exaltant, enivrant.

Pour un instant, elle perdit presque la vue de sa véritable identité. Puis, elle vacilla encore une fois. Cette fois, elle s'imagina déchiqueter ceux qui lui avaient fait du mal, que ce soit physique ou mental, dans son passé.

Ces espèces de vieilles peaux à Nothar qui osaient me juger par la pureté de mon sang et la couleur de mes cheveux, songea-t-elle, une rage profonde s'éveillant en elle. Ensuite, ma famille adoptive... Particulièrement, Bayrne et Sérus... Ce calice de porc qui désirait m'acheter dans ce petit village... Je devrais lui couper les testicules. Puis, à l'académie, il y a tant de choses qui m'énervent... Je pourrai tout simplement rayer ces embarras de ma vie... Maître Ruvior, Vyrius, Maîtresse Sombrelame, Serfantor, même le petit Katanor prétentieux. Et Gragèn... Quel idiot... Je pourrai même forcer Maîtresse Valkirel à me donner une place dans une équipe de skotar... Ça serait facile. Ce ne sont que des insectes ! Au lieu, je devrais brûler des royaumes et m'enrichir des crânes de mes ennemis. Qui pourrait m'arrêter ?

À ce moment, la lucidité lui revint alors qu'elle réalisa que les ambitions moroses qui naissaient dans son esprit ne lui ressemblaient pas du tout.

L'esprit humain est très fragile, expliqua Turion, mais j'étais certain que tu pouvais te conquérir toi-même. Le pouvoir attire souvent le pire en nous, surtout lorsqu'il est nourri de désirs sombres. Je le répète, tu es forte, jeune dragonnière. Ton cœur est brave. Je n'ai jamais douté de toi et tu es revenue.

Azéna ressentit une profonde tristesse et de la déception en lui, mais avant qu'elle puisse le questionner, elle fut absorbée dans ses songes.

Des images se mirent à défiler involontairement dans son esprit. La première chose qu'elle aperçut fut Turion lui-même. Le dragon violet se trouvait au bord d'un lac gelé. La glace à sa surface était particulière, trop belle et brillante pour que ce soit naturel. Cette glace était en réalité du cristal. Azéna le reconnut comme étant le lac Cristal près de l'académie. Il avait donc séjourné à Atgoren durant sa vie, probablement en raison du pacte entre les dragons et dragonniers.

La vision de l'adolescente devint légèrement floue et elle réalisa que son esprit turbulent reprenait le dessus. Elle reprit rapidement le contrôle de ses pensées.

Sa vision s'éclaircit et la tache violette reflétée au travers de l'eau cristallisée se transforma en tête de dragon. Ce dernier fixa son reflet, celui d'un mâle immense aux majestueuses écailles violettes. Ses deux solides cornes en cristal transparent passaient de lavande à un violet presque noir. Elles pointaient vers l'avant. L'une d'entre elles avait été coupée et d'elle pendait une corde à laquelle était attachée une améthyste. Plusieurs des mêmes cristaux que ses cornes jaillissaient de son dos. Autour de son cou puissant reposait tranquillement un pendentif soutenu par un collier de billes de jade.

Rien qu'en le voyant, Azéna ressentit son pouvoir écrasant, aussi physique qu'émotionnel. Il lui rappelait un moine d'une lignée royale. Les énigmes du monde et le savoir des ères semblaient tourner autour de lui. Contrairement aux autres races draconiques, son regard divin appartenait à l'humanité. Son cœur était fort et durable ; son âme était douce et étrangement attirante.

En admiration devant lui, Azéna sentit ses joues rosirent sous l'effet de la timidité. Pour la première fois de sa vie, elle se sentait comme si elle voulait sincèrement se prosterner. Elle entendit Turion pousser un petit rire amusé.

Le Turion du présent resta immobile, mais plusieurs saisons passèrent en arrière-plan comme pour démontrer qu'il avait vécu pendant longtemps. Puis, les images continuèrent de défiler.

Il prit son essor et se dirigea vers les cieux qui étaient d'un bleu plus pur et beau que toutes les nuances qu'Azéna avait eu la chance de voir. Les nuages, le vent et l'air effleurèrent ses écailles. Ses sens étaient si aiguisés qu'elle avait l'impression de n'être qu'un avec tout son environnement.

Elle réalisa qu'elle n'était que la spectatrice depuis l'intérieur de son esprit. Elle ressentait la source de vie pulsante qui coulait dans chaque créature à proximité. Elle resta bouche bée et en admiration pour l'être splendide qu'était ce dragon.

Un étrange sentiment s'éprit d'elle alors qu'un oiseau approcha de derrière eux. Vieux, il luttait pour rattraper son vol. Son cœur se faisait faible et la source de vie en lui faiblissait.

Elle ressentit une amertume qui lui tirait au cœur. Elle réalisa que la mort était aussi présente dans chaque être, s'éveillant lorsque la fin approchait.

Je n'en reviens pas, songea-t-elle. Est-ce que ce dragon c'est toi dans le passé ?

Exactement, confirma le Turion du présent. Tu es actuellement dans le corps d'un dragon violet, mon corps. Les autres dragons ne peuvent pas ressentir ce que tu ressens en ce moment. Comme tu le sais peut-être déjà, nous les dragons violets, contrôlons l'essence de la vie et ainsi, celle de la mort. C'est pour cela que nous nous sentons si connectés à tout ce qui nous entoure. On peut ressentir la vie quitter le corps d'un être mourant comme on ressent la croissance d'énergie en un être qui s'éveille à la lumière de l'aube.

Le Turion du passé fit demi-tour et le ciel se transforma. Les nuages s'assombrirent et devinrent trop épais pour que les rayons des soleils les percent. Même si c'était le jour, on aurait dit que c'était le contraire. Une pluie torride martelait la faune et des éclairs violents frappaient le sol à quelques secondes d'intervalle.

Azéna ressentit un profond malaise. Quelque chose n'allait pas.

La vie n'est pas toujours positive, grogna le wyrm avec sévérité. Il faut faire le mieux avec ce que nous avons.

Le Turion du passé se dépêchait. Il était seul et s'éloignait de sa volée. Il était incertain de ses actions, déchirées entre ce qu'il désirait et ce qu'il aurait dû faire. Un poison vorace s'était intégré en lui et commençait à prendre place, tout doucement. Ce poison, la demoiselle le connaissait que trop bien : la peur. Mais que pouvait-il craindre ? La réponse était embrouillée, mais cela avait un lien avec l'amour.

Il atterrit au centre d'un champ de bataille occupé par des humains. Les deux factions se distinguaient aisément. D'un côté, les individus portaient principalement du cuir et de la fourrure. Leur peau était majoritairement exposée et ils favorisaient un style barbaresque. Leur ennemi était plutôt centré sur la défensive. Ils étaient revêtus de pièces d'armure lourde et s'armaient principalement avec des épées.

Ils se faisaient face et clamaient des chants de guerre respectifs à leur style.

— Buttez-les ! hurla le meneur du côté des barbares. Ils osent perturber notre chasse et nous accuser de leurs délires ! Faites leur sang coulé !

— Honorables guerriers ! Vous êtes braves et je vous en remercie de toute mon âme ! annonça le chef de l'opposition. Ces bêtes sauvages ne méritent que la mort après ce qu'ils ont commis ! Chargez, mes frères ! Chargez ! Protégez vos proches !

Tous n'hésitèrent pas. Ils se ruèrent vers leur adversaire, leurs armes en main et le visage crispé par une soif de sang.

La détermination des deux côtés brillait comme des étoiles de feu. Comment en sont-ils venus à se détester autant ?

Le Turion du passé grimaça, semblant empli de désolation.

Le sol était trempé par la pluie et par le sang de ceux qui étaient tombés. La musique de cette violence résonnait, mais les cris de douleur et d'effroi régnaient. Cette scène abominable déchira l'âme d'Azéna. Jamais elle n'aurait imaginé qu'un tel combat aurait pu avoir lieu.

C'est ça une guerre ? demanda-t-elle bien qu'elle fut consciente la réponse.

Non, souffla Turion avec rage. C'est une boucherie, une idiotie. Mais, dans la noirceur, quelque part, il y a toujours une source de lumière. Il suffit de la trouver et parfois, elle se trouve à un endroit où l'on n'aurait jamais imaginé.

Le Turion de la vision se posa au centre de l'action. Il semblait épris d'une colère presque fiévreuse. Ce qu'Azéna connaissait cette expression, ce désespoir et cela lui apportait de l'amertume.

Elle sentit son crâne se fendre lorsqu'il poussa un hurlement déchirant. Même le rugissement de Rendar n'allait même pas à la cheville de ce chant assourdissant.

Soudainement, tout s'arrêta.

Un silence s'installa. Chaque regard se tourna vers le grand dragon violet. Celui-ci baissa les yeux sur eux, les toisant de sa taille colossale. Il était encore plus grand que les arbres. On aurait dit une montagne vivante qui reluisait d'améthystes. Ce qu'il était majestueux, mais aussi tordu par ses émotions.

— Ça suffit ! tonna-t-il entre ses dents exposées.

Les humains se figèrent et se tournèrent vers lui.

Les barbares du Sang du Dragon perdirent leur intérêt en leurs adversaires et se précipitèrent vers le wyrm, brandissant leurs armes dans les airs.

Les soldats à l'allure plus noble fixèrent la scène, perplexes. Leur chef leur donna le signal de retrait. Il y en avait donc un parmi eux qui était doté d'un brin d'intelligence.

Turion fut submergé par les humanoïdes qui grimpaient sur lui et brisaient ses écailles à coups de hache. Il poussa un deuxième cri et déploya ses ailes. La plupart des barbares furent propulsés au loin comme des vermines.

Malgré ses efforts, d'autres vagues de plusieurs hommes vinrent. Le grand dragon sentit son énergie qui fuyait lentement son corps. Éventuellement, la faiblesse s'en prit à lui, mais il lutta. Il refusait de mourir, mais aussi de s'enfuir ce qu'il aurait pu faire. Pourquoi ?

Comme préparés pour une situation de la sorte, les barbares dévoilèrent leur arme secrète : une catapulte. Et ils en abusèrent, tirant des filets qui encombraient les mouvements du béhémot.

Lorsque son corps défaillit enfin, le Turion du passé tomba lourdement au sol. Sa vision était trop embrouillée par la pluie et le sang pour qu'il y voie clairement.

Malgré tout, il aperçut une silhouette devant son museau qui se plaça dos à lui. Le guerrier était minuscule à ses yeux, faisant peut-être cent quatre-vingt-trois centimètres tout au plus. Tout était flou, mais l'homme semblait se battre avec une épée ainsi qu'un bouclier rond de taille moyenne. Il le défendait de tout son pouvoir. Sa technique n'était pas la seule chose qui l'impressionnait. Il était le seul humanoïde qui démontrait autant de détermination et d'intérêt à l'aider.

Turion fut épris d'une soudaine attirance pour cette âme. Ce n'était pas rare qu'il s'intéresse à leur peuple, mais ceci était différent. Un second sentiment inattendu envahit son esprit : le désir de tout partager avec lui, de devenir son fidèle compagnon, son frère. Une vague de chaleur réchauffa son cœur. Il se sentait chez lui, comme si le chaos du moment n'existait pas, comme si ses erreurs commises étaient pardonnables. Soudainement, sa tristesse s'était dissipée, lui accordant une nouvelle vitalité. Ses yeux s'écarquillèrent alors qu'il réalisait ce qui se passait.

— Après tant de saisons... C'est donc ça le sentiment qu'on éprouve lorsqu'on se lie à un humanoïde. C'est à la fois émouvant et terrifiant. Dis-moi, qui es-tu, guerrier ?

L'homme se tourna brièvement vers lui. Enfin, Turion pouvait le dévisager et s'émerveiller de son dragonnier. Ce dernier possédait une peau blême et laiteuse, un visage creusé par la fatigue comme s'il avait été soumis au combat pendant des jours et une robuste carrure digne d'un rescapé de la guerre. Ses yeux gris intense scrutaient tous les angles qu'ils le pouvaient et ses longs cheveux rayonnaient d'un blanc de givre.

À cet instant, Turion perça l'âme de l'elfe et y trouva de la peur, de l'amertume, de la déception profonde, mais aussi une détermination et une loyauté inébranlable.

Le nouveau dragonnier fronça les sourcils et hésita. Puis il se retourna vers l'avant. Il se mit en position défensive, se préparant pour l'assaut d'une nouvelle vague de barbares qui approchait.

— Ce n'est pas vraiment important, souffla-t-il faiblement. Certains me surnomment le Visionnaire Pâle tandis que d'autres m'appellent tout simplement « traître ».

— Je dois savoir ton prénom, insista Turion tel un enfant désespéré.

Alors qu'il attendait une réplique, il se perdit dans ses songes. L'image d'une demoiselle se forma dans son esprit. Elle paraissait bien, propre et surtout, sympathique. Sa robe brillait sous les jumeaux et elle tournait sur elle-même dans un champ, un sourire aux lèvres.

Un hurlement d'agonie retentit et elle disparut.

L'elfe venait de se faire poignarder à l'épaule. Celui-ci tomba à genoux en pressant une main sur sa nouvelle blessure. Un barbare plus grand, plus costaud et plus intimidant que tous ses compagnons se tenait devant lui.

Turion ne pouvait pas voir qui était le coupable, car sa vision était encore floue, mais il reconnut la hache de guerre que le barbare tenait d'une seule main. Il rugit, s'élança vers l'avant dans une impulsion, dans l'espoir de sauver son dragonnier. Dans son élan, la boue et la pluie l'aveuglèrent. La dernière chose qu'il vit fut la hache qui était sur le point de trancher la tête de son âme sœur.

Il sentit ses crocs et ses griffes fendre la chair de son ennemi, puis il entendit un cri dominé par l'effroi, par la douleur éternelle. Du liquide chaud fut éclaboussé dans tous les sens. Il déchiqueta sa victime en lambeaux alors qu'il hurlait son agonie.

Je vais me venger ! beugla-t-il, une lueur de haine dans son regard fixé sur son meurtrier. Rien ne peut me détruire ! Je suis le fils de No..

— Je m'en fous ! hurla Turion.

Il ouvrit les mâchoires puis les referma sur la tête de l'homme et tira. On entendit un craquement. Le cadavre décapité tomba. Turion tira la tête au loin puis se positionna entre les barbares et son dragonnier qui était étendu sur le sol. Ses dents acérées et parsemées de sang furent révélées alors qu'il grognait avec férocité.

— Partez, sbires du Sang du Dragon ! rugit-il avec une voix si forte qu'on l'entendait de l'autre côté du champ de bataille. J'ai arraché la tête de votre chef de guerre. Je vous offre la vie tant que vous ne démontrez aucun signe d'agressivité. Abandonnez votre chasse, quoiqu'elle fût !

L'un d'eux s'avança et leva sa massue vers le ciel.

— Nous reconnaissons ta force, dragon ! Nous obéirons, pour cette fois. En ce qui concerne notre chasse, c'était toi la cible originale. Cependant, nous n'oublions pas la promesse de vengeance de notre chef.

Les autres membres du Sang du dragon hésitèrent puis, après un moment d'incertitude, baissèrent les armes.

— C'est terminé ! déclara Turion.

— Tu crois ? résonna une voix sombre et grave.

Un homme revêtu d'une armure de plaques ébène apparu d'un nuage de brouillard sombre. Il était aisé de l'identifier en cause de sa peau pâle, ses longs cheveux et yeux noirs ainsi que son habit. Il était de la taille d'un humain, mais Turion savait que ses pouvoirs étaient bien plus grands que les siens. À la vue du nouveau venu, le cœur du wyrm sembla se perdre dans le néant.

— Noktow, grogna-t-il avec mécontentement. Que veux-tu ?

Pour un instant, le dieu parut désemparé, jusqu'à ce qu'une fermeté de fer prît le dessus.

— Pas content de voir son père ? questionna-t-il avec un sarcasme amer.

Il fit une pause pendant laquelle Turion laissa ses émotions paraitre : ses babines tremblaient, menaçant de dévoiler ses crocs.

— Tu as tué mon fils ! continua-t-il avec colère. Mon...

Il s'interrompit comme s'il cherchait ses mots, ou peut-être, sa conviction.

— Mon seul et unique enfant authentique qui a été créé par les pouvoirs de l'univers et non par les nôtres ! Tu as fait pleurer ta mère pour ça ! Et, les massacres n'ont pas aidé à son moral même si moi, ça me plaisait bien. Mais, elle est plus importante que mes plaisirs alors...

— Tu n'as pas le droit d'intervenir dans notre monde pour des raisons aussi négligeables ! se déchaîna Turion.

— J'ai mes raisons pour agir ainsi.

— J'ai les miennes aussi ! Et tu oses t'appeler notre « père » ! Disgracieux ! Si vous êtes si puissants, pourquoi ne pas arrangé les fautes de ce monde ?

Le dragon violet rugissait autant qu'il parlait. Il semblait détruit, à bout, si épuisé. Une larme roula le long de son visage écaillé, mais il démontrait que des signes de colère.

Azéna pouvait sentir l'anxiété du Turion du présent le ronger jusqu'aux os. Il ne désirait pas revivre ce moment.

Elle aussi devait encaisser beaucoup : elle ne pouvait plus dénier l'existence du panthéon, elle venait d'être témoin d'un véritable massacre et de l'histoire du grand Turion, elle savait maintenant comment se sent un dragon violet et qu'elle était sujette à la corruption de la faiblesse humaine.

Elle remarqua ensuite que le Turion du passé s'inquiétait pour son dragonnier qui frôlait la mort. En effet, la pulsation du flux de son énergie vitale n'était plus qu'un murmure. Tout ce que le wyrm espérait c'était que Noktow ne le remarque pas. Il désirait le sauver s'il le pouvait, sinon, il planifiait lui donner le cadeau d'un enterrement mémorable que seul un dragon pouvait offrir.

— Disgracieux ? cracha le dieu de la mort avec véhémence. Disgracieux !?! En plus, tu oses m'attaquer verbalement, dragon. Moi, qui suis la raison de ta présence en ce monde. Eh bien, la vie n'est pas juste ! Même un dieu n'est pas parfait alors, je briserai les règles. Pour ton insolence, tu vas périr !

Il croisa ses doigts en plaçant ses mains de sorte que les paumes fassent face à Turion. Ce dernier sentit son corps être attiré par le centre des paumes de la divinité. Il tenta d'y résister. Il griffa le sol, battit des ailes, mais rien ne fonctionnait. Petit à petit, il s'approchait de la noirceur croissante. Il fixa son regard sur son dragonnier, en espérait qu'il allait survivre.

Un rugissement puissant retentit puis, les dernières paroles qu'Azéna entendit du Turion du passé furent : « Pourquoi ai-je été condamné par mon propre père ? ».

L'adolescente sentit son crâne se faire accabler par la douleur. Elle s'empoigna la tête et tomba à genoux. C'est alors que la présence du wyrm disparut de son corps. Elle était enfin libre et se sentit si légère. Son cœur battit violemment après toutes ces manifestations et émotions. Perplexe, elle regarda autour d'elle pour se rendre compte qu'elle était revenue dans la salle aux deux bassins.

— Plus qu'un mauvais souvenir, murmura-t-elle avec incertitude. Ce n'est qu'un cauchemar...

Plus elle y songeait, plus elle vint à la conclusion que tout ce qu'elle venait de vivre était bel et bien réel. Pourtant, elle refusait de l'accepter.

Qu'est-ce qui s'est passé ? demanda-t-elle à Turion pour confirmer qu'elle était toujours saine d'esprit.

Je ne pouvais plus le soutenir, répondit le grand dragon avec tristesse. Mes pouvoirs sont si faibles...

De nulle part, les yeux d'Azéna furent submergés d'eau comme si elle était sur le point de pleurer. Elle eut un soudain haut-le-cœur et faillit vomir comme si son corps désirait expulser le choc des sentiments et des visions. Elle trembla de tous ses membres et se rendit compte que ses muscles pouvaient à peine la soutenir. Elle tendit le bras et s'accrocha au bord du bain chaud.

Mais, tu es mort. Comment... est-ce possible que tu sois ici, avec moi ?

Un dragon a toujours la possibilité de sceller son âme dans l'objet le plus près de lui qui appartient à son dragonnier. Noktow est un dieu, mais les divinités ne peuvent pas contrôler les âmes des dragons. C'est un détail important qu'il avait oublié sous l'impulsivité. Oui, il m'a tué, mais après que mon âme était séparée de mon corps, j'ai fait ce que je voulais. Et ce que je désirai le plus dans la vie, c'était de rester dans le monde des mortels pour les protéger et, peut-être, avec un peu de chance... apprendre à connaître mon dragonnier...

Le fait que les divinités n'avaient aucun contrôle sur les âmes draconiques dérangeait la rebelle. Ça semblait étrange, mais elle n'y connaissait rien aux pouvoirs divins donc, elle ne le questionna pas.

Tout ceci est tellement triste. Comment es-tu tombé ici dans cette académie ?

Mon dragonnier... Je ne sais pas ce qui est arrivé, mais il n'était plus là. Il était probablement mort. Il l'est forcément puisque je me suis lié à toi. Un dragon ne peut pas être lié à deux personnes simultanément. Noktow a donné la plume au nouveau chef de guerre du Sang du Dragon afin de s'assurer que je reste dans une solitude éternelle. Les Gardiens d'Aerinda n'ont pas approuvé et m'ont récupéré. Mon secret est mort avec les générations et actuellement, on croit tous que je suis qu'une plume enchantée.

Azéna se sentit extrêmement frustrée face aux actions du dieu sombre. Elle ne comprenait pas pourquoi il agissait ainsi. Elle avait entendu des rumeurs que Noktow était un filou et un manipulateur, mais personne n'avait jamais eu l'honneur de confirmer ces affirmations. Cela la poussa à questionner le reste du panthéon. Distraite, il lui fallut un instant à réaliser que Turion avait mentionné qu'il s'était lié à elle.

Même Terenas ?

L'exception est les grands maîtres, répondit le wyrm violet.

Elle fit une pause, réfléchissant.

Qu'y a-t-il ? questionna son partenaire défunt.

Donc, il y a toujours moyen que ton identité soit révélée.

Un grognement sourd résonna dans son crâne, indiquant qu'il était mécontent.

Possible. Le bambin roux ne semblait pas au courant.

Cela ne veut rien dire. C'est la source qui m'inquiète.

Humph. Tu es, en effet, très méfiante. Ton âme ne mentait pas.

Azéna ne put s'empêcher de sourire, connaissant cette partie d'elle comme le fond de sa poche. Ce n'était aucunement surprenant venant d'elle. Elle commençait déjà à bien l'apprécier, ce vieux dragon fantôme.

Pourquoi prendre le risque de te découvrir maintenant et, surtout, pourquoi moi ?

J'attendais tout simplement, avoua Turion, mais je me suis lié à toi lors de ta première retenue. Tu m'as approchée lorsque tu traînais derrière. Alors, c'est toi ma dragonnière à présent. Je ne choisis pas à qui je me lie. Je n'ai pas d'explications à te donner.

Quoi !? Comment est-ce possible ? J'ai déjà Tyrath.

C'est un évènement rare. Très rare. Un dragonnier qui est lié avec deux dragons simultanément se produit une fois environ toutes les trois décennies. On ne sait pas pourquoi, mais c'est la nature des choses. Le pacte entre dragons et dragonniers est une forme de magie bien mystérieuse.

Azéna se sentit soudainement coupable comme si elle avait trahi la confiance de Tyrath. Pourtant, elle était dans l'incapacité de choisir et ce fait la réconforta.

Comment Tyrath va le prendre ?

C'est souvent un grand dilemme pour le dragonnier, car il ne sait pas qui choisir entre les deux. Tu ne pourras pas monter les deux en même temps et ce problème se produit pour beaucoup de choses. Par chance, je n'ai pas de corps physique alors, tu n'auras pas autant de problèmes qu'à la normale. Ne dis pas à personne sauf Tyrath à propos de moi. C'est meilleur ainsi, car je te mets en danger en raison de qui je suis.

Il fit une pause avant de continuer.

Si on découvre ce que je suis véritablement, on me désirera pour mes pouvoirs. Rares sont les dragons violets de nos jours et en avoir un, particulièrement un aussi puissant que moi, dans nos rangs est très avantageux. Comme tu l'as ressenti toi-même plus tôt, la corruption de la soif du pouvoir est très dangereuse. Aussi, le Sang du Dragon a juré vengeance...

J'ai entendu dire que le Sang du Dragon prépare quelque chose. Ils sont de plus en plus actifs à chaque jour qui passe.

C'est mauvais, très mauvais. Ils cherchaient à nous exterminer, moi et mon vol.

Qu'est-ce qu'il faut faire ?

Prépare-toi à une guerre qui peut éclater à tout moment, répliqua Turion dans un grognement. C'est tout. Les soleils sont encore présents, mais les nuages noirs reviendront.

Attends un instant...

Qu'y a-t-il ?

Pourquoi me parlais-tu seulement momentanément au cours de l'année ?

En temps normal, tu étais trop éloignée pour que je puisse atteindre ton esprit. Il te fallait être dans le donjon pour que je puisse le faire. Sinon, parfois, je me sentais un peu revigorer, mais c'était rare.

Azéna hésita longuement avant de parler à nouveau, incertaine de ce qu'elle pouvait lui demander sans provoquer sa colère.

Le symbole que tu portais autour de ton cou...

Turion réfléchit lui aussi avant de répliquer.

C'est le symbole le plus important de ce monde. Il signifie la vie et la mort ; l'équilibre des deux qui permet l'existence. Aucun être ne peut vivre sans les deux, comme le crépuscule ne vient pas sans l'aube et vice-versa. C'est le cycle infini des temps.

Mais, les dragons violets...

Ils ont perdu la raison de vivre, tout simplement.

Où sont-ils ?

Le grand dragon mit du temps à répondre. Azéna le sentit lutter. C'est comme s'il essayait d'établir une connexion avec quelqu'un, mais il n'y arriva pas.

Dans les profondeurs du désespoir. Ils écoutent ses chuchotements et se noient dans leurs plaies.

Ça ne me dit pas où ils se cachent, souffla la jeune dragonnière. Tu parles en énigmes.

Malheureusement, c'est tout ce que je sais à ce propos.

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