22 - L'épée contre la griffe

34ième jour de la saison de la lune 2448

Le soir, avant de s'endormir, Azéna s'installa confortablement dans son lit et se roula de sorte qu'elle fasse face à Fayne qui se préparait aussi à une bonne nuit de sommeil bien méritée.

— Tu sais..., commença-t-elle.

— Oh, l'interrompit son amie, ce n'est pas la peine de t'excuser à propos de tout à l'heure dans la bibliothèque. J'ai cherché pendant de longues heures et je n'ai rien trouvé d'intéressant. J'étais irritable et fatiguée... De toute façon, je propose qu'on se trouve un moyen d'infiltrer dans la bibliothèque personnelle des maîtres.

Elle cligna quelques fois, choquée.

— C'est vraiment étrange d'entendre ça de ta bouche, mais j'aime ton plan. La bibliothèque des maîtres se trouve dans la Tour Mère et aucun apprenti n'y a accès sans la surveillance d'un membre du personnel. Ça va être difficile de s'y rendre.

— Sois logique un peu et cherche des liens entre la solution et le problème. C'est simple comme bonjour.

— Dis-le donc si tu as trouvé une solution alors. Allez, arrête de me faire languir.

La brunette soupira, de toute évidence peu impressionnée.

— Donc, nous avons besoin de quelqu'un qui serait capable d'obtenir des permissions spéciales, car il a une relation proche avec l'un des membres du personnel...

Elle s'interrompit pour voir la réaction de son amie qui ne dit rien et la fixa bêtement. Découragée, elle compléta l'énigme par elle-même.

— Arièlla, espèce de dinde. Réfléchis un peu. Où est ton sens de logique ?

— Oh ! s'exclama Azéna qui avait enfin compris le sens du lien. Bien sûr. Je pourrais lui demander des faveurs spéciales.

— Bon, va te coucher avant que ton cerveau ne fonde pour surusage.

— Très drôle, marmonna la rebelle.

Fayne tomba aisément endormie, contrairement à elle qui s'assied en croisant les pieds et qui fixa longuement la fenêtre.

À la lumière apaisante de la lune bleue, les dragons blancs brillaient tandis que les noirs semblaient encore plus mystérieux qu'à leur habitude. L'un des plus petits se percha sur un toit à proximité de la fenêtre de la chambre d'Azéna et de Fayne. À peine plus grand que Tyrath, il possédait une apparence jeune, mais endommagée. Ses écailles ébènes étaient usées et certaines étaient cassées. Il fixa ses frères et sœurs avec amertume.

La Kindirah reconnaissait cette expression familière ; il avait honte et inspirait d'être normal comme les autres. Il était l'avorton de la portée, soit naturellement ou par malchance.

Elle ressentit une vague de tristesse l'envahir alors qu'elle l'observait. Ils étaient peut-être puissants et supérieurs aux autres races, mais leurs sentiments les accablaient comme le commun du mortel ce qui prouvait que personne n'était parfait. Puis, comme par instinct, elle se concentra sur le capteur de rêves que Teriondil lui avait offert et trouva le sommeil enroulé dans ses couvertures douillettes.

✦×✦

Le jour suivant, elle profita du temps libre qu'elle avait durant le déjeuner pour faire part du plan de Fayne à Arièlla. La blonde musclée s'avérait hésitante face à la faveur que lui requêtait son amie.

— Tu m'en demandes beaucoup, dragonnière grise, dit-elle sévèrement entre deux bouchées de son omelette.

Azéna ne déclara pas défaite si facilement. Réalisant qu'elle avait besoin d'être plus subtile, elle s'assit à la droite de la pyromancienne et approcha son visage de son oreille.

— Tu n'as qu'à ne pas en parler à ta mère, conseilla-t-elle. Allez, un peu d'aventure ne te fera pas de mal. De plus, c'est pour une bonne cause.

— On dirait les idioties que Maître Eldarytzan lance, rétorqua Arièlla. Mais, pousse-toi un peu ! On dirait que tu me dragues et ça me rend inconfortable.

— Quoi ? questionna la rebelle, laissée pantoise par les accusations d'Arièlla.

— Rah ! Tu es dans ma bulle, énervante.

Elle poussa son amie avec force puis elle analysa les risques et les bénéfices de cette manœuvre pendant un moment avant de répondre.

— C'est entendu. Par contre, je ne te promets rien et je refuse d'aller en retenue alors que c'est ton idée et ta faute. Peux-tu me garantir cela ?

— Je me résoudrai à te défendre et à prendre ta place dans le donjon, soupira Azéna en se levant du sol où elle avait atterri après avoir perdu son équilibre. Et puis, c'était quoi ça ? Me pousser comme ça sans raison ?

— Merde ! Arrête de hurler comme un babouin enragé. Sérieux, c'est marché conclu. Maintenant, laisse-moi tranquille. J'ai une partie importante de skotar ce soir et ça me préoccupe beaucoup.

L'archère sentit un petit nœud à la gorge, restes de jalousie qu'elle surmonta aisément. Elle avait réalisé que la saison de skotar débutait officiellement. La première partie des quarts de finale opposait Fergriffe de l'Académie d'Isriss contre Sombrelame.

— Bonne chance pour ce soir, dit-elle avec sincérité.

— Je n'aurai nul besoin de chance, mais de performance, répondit la Valkirel avec un sourire narquois aux lèvres. D'ailleurs, comment as-tu su que j'ai été transférée d'équipe ?

— J'ai mes sources.

— Garde donc tes secrets. Ta présence serait appréciée et aiderait surement à me motiver.

— J'y serai, petite vantarde.

Elle alla s'installer en face de Fayne et de Teriondil. La Litfow passa tout son temps libre à fouiller dans ses livres pour un indice quelconque qui mènerait à l'identification des quatre objets volés. Azéna tenta de l'aider, mais elle s'avéra si nulle en recherche qu'elle lui conseilla de travailler sur ses devoirs à la place. Teriondil, de son côté, ne comprenait pas trop les humeurs changeantes de la Litfow et se concentra sur sa recherche qui s'avéra aussi ineffective en raison de son manque de concentration.

— Ce livre est horriblement conçu ! s'exclama Fayne soudainement alors qu'elle survolait le même manuel rapidement pour la troisième fois.

— Qu'y a-t-il ? questionna l'elfe avec une patience qui éberlua Azéna.

— Il n'y a pas d'index, pas de glossaire, pas de référence, rien du tout ! Comment veulent-ils que l'on retrouve quoi que ce soit ?

— Glossaire ? Index ? demanda l'aéromancienne. C'est quoi ces trucs ?

Fayne soupira et posa sa paume sur son front.

— J'oublie chaque fois comment tu es ignorante en ce qui concerne les livres. Comment tes parents ont-ils pu omettre une telle facette de ton éducation alors que tu viens d'une famille noble ?

— Ils ne l'ont pas omis, ils ont abandonné. Nuance.

— Ce que tu es désespérante. Tu m'étonnes à chaque fois.

— Au moins, je sais lire et écrire.

— Heureusement, sinon je douterai sérieusement de ton rang social, avoua Teriondil sans gêne.

— C'est normal, car tous les elfes savent le faire, répliqua Azéna avec légère irritation.

— Oui, mais je connais un peu la culture et les manières des humains. Vous omettez souvent d'apprendre cet aspect essentiel de la vie. Il n'y a que les figures importantes, les scribes et quelques autres métiers qui en tiennent compte. Vraiment, je ne comprends pas...

Il fit une pause.

Le visage de Fayne s'était subtilement rosi sous la flatterie indirecte. C'était effectivement très rare que les roturiers sussent lire et écrire.

— D'ailleurs, Fayne, comment as-tu appris ? demanda-t-il.

— Au travers d'Azéna ainsi que de mon ancien mentor en herboriste, répliqua-t-elle.

— Ah bon, je vois.

— J'emprunte des livres de la bibliothèque de ma famille et je lui emmène, expliqua la rebelle. Ça l'amuse alors, pourquoi pas ?

— Oui, dit l'herboriste mais à quel prix ? Chaque fois, ton père voulait t'étrangler. C'est interdit de sortir ces livres du château et encore moins de laisser une personne de classe pauvre ou moyenne les lire.

— Donc, techniquement, elle les vole, souffla le garçon.

— Roh, vous exagérez, dit Azéna. Ce n'est pas si dramatique que ça.

— Si, ça l'est, ricana Fayne. Les gardes mettaient Nothar à l'envers pour te retrouver lorsque tu faisais ça. Ce n'était pas amusant, ça faisait peur aux habitants.

— Tant d'efforts pour des livres. Je ne comprendrais jamais et je ne comprends toujours pas.

La demoiselle à la crinière acajou pouffa de rire et lui ébouriffa les cheveux. Cette dernière lui lança un regard agacé et les aplatit.

Quelques minutes passèrent et la conversation mourut. Le trio était retourné à leur tâche respective.

✦×✦

Le soir venu, Azéna sentit l'impatience qui grandissait en elle et qui lui rongeait l'âme. La partie de skotar allait débuter dans une demi-heure et Arièlla allait lui annoncer les détails de son plan bientôt. En fin de compte, elle s'était fait une alliée dans les circonstances les plus improbables. À contrecœur, elle devait avouer que Reaginn avait eu raison.

En ce moment, elle était en route vers le terrain de skotar du territoire neutre d'Atgoren. C'était là où les parties du tournoi se déroulaient afin d'éviter des conflits entre les équipes et les académies. Malgré cela, il y avait souvent de la friction et parfois, des combats en naissaient, obligeant les maîtres et les gardes d'interférer. Du moins, c'est ce qu'elle avait entendu des apprentis plus âgés.

— Patience, patience, songea-t-elle en essayant de se convaincre que la partie allait débuter sous peu.

Ses deux meilleurs amis, leurs dragons ainsi que Tyrath la suivaient de près. Ce dernier était aussi emballé qu'elle et ne cessait de tourner en rond, de monter, de descendre en piqué et de zigzaguer, le tout en plein vol. Incapable de se contenir plus longtemps, elle décida de prendre de l'avance sur les autres puisqu'ils attendaient Fayne qui refusait encore de voler avec Buhrik.

— Je vous rejoins au terrain, annonça-t-elle. Vous êtes lents !

Elle fit signe de la main à Tyrath de la rejoindre, ce qu'il fit avec enthousiasme. Elle l'enfourcha et il prit son essor, laissant un nuage de poussière dans son sillage.

— Tu n'as même pas ta selle ! hurla Fayne entre deux toussotements. Arrête ! Tu vas te blesser !

Elle continua de crier après son amie, mais celle-ci était déjà trop loin pour l'entendre.

Azéna était consciente de sa situation, mais elle ne s'en préoccupa pas. Tyrath rugit alors qu'il aperçut le terrain de skotar qui grossissait à l'horizon. Il prit un détour afin de scruter les environs du terrain. Deux points noirs se trouvaient derrière les gradins. Curieuse, sa cavalière lui fit signe de s'approcher.

— Qui se cache et pourquoi ? se demanda-t-elle avec malice.

Lorsqu'ils furent assez près des deux individus sans pour autant avoir l'air suspicieux, Tyrath s'arrêta et maintint tout simplement son altitude. Azéna les fixa avec intérêt. L'homme était grand, svelte et possédait une chevelure d'argent tandis que la femme était plus courte et costaude que lui. Son visage était encadré de cheveux blond foncé.

— Eldarytzan et Nymia, réalisa l'apprentie.

— Ils se retrouvent toujours là en cachette ceux-là, informa le jeune dragon en battant des ailes lentement, mais avec puissance.

Sa cavalière ne pouvait entendre les paroles des deux adultes. Les gestes des mains de Nymia étaient agressifs et d'après son expression faciale, elle semblait furieuse.

— Approche-toi, requêta Azéna.

— On va se faire repérer.

— Ils sont trop préoccupés. Allez, tu vas voir. Fais-moi confiance.

Tyrath ronchonna et avança de quelques mètres. Là, Azéna pouvait entendre des murmures. Elle se concentra sur ce que les deux maîtres se disaient et enfin, elle comprit.

— ... as-tu osé faire ça !? rugit Nymia sur un ton accusateur.

— Je voulais tout simplement lui faire plaisir, répliqua l'elfe lunaire avec un brin de culpabilité qui teintait sa voix normalement mélodieuse. Je ne savais pas qu'elle allait voler.

— Lui en as-tu parlé au moins ?

— Bien sûr, mais...

— Dis-moi que tu l'as puni au moins, coupa la blonde cendrée avec froideur et autorité.

— Elle m'a promis qu'elle allait me le rendre dès qu'elle aura terminé avec.

Le visage de son amoureuse se tordit de colère et ses poings étaient si fermes que lorsqu'ils se relaxèrent, on pouvait apercevoir les marques rouges qu'ils avaient laissées sur sa peau.

— Elle était curieuse. Elle le voulait seulement à titre de lecture personnel, mais elle n'avait pas osé me demander permission pour l'emprunter, car elle croyait que j'allais l'engueuler, expliqua-t-il alors que son sourire maladroit trahissait son début de panique.

— C'est quand même une apprentie et elle n'a pas accès à ces documents ! hurla Nymia. Quand vas-tu prendre ta profession au sérieux ?

Aucun des deux ne prononça un mot de plus. Ils ne firent que se fixer en restant immobiles.

Après un bref instant, Eldarytzan baissa le visage.

Azéna, de son côté, encaissa la nouvelle avec joie. Arièlla avait accompli sa mission et son père ne l'avait même pas puni.

— Ça ne pouvait pas mieux se passer, n'est-ce pas ? dit Tyrath qui semblait aussi ravi qu'elle.

— Pour nous, répliqua sa cavalière dans un demi-sourire. Je suis heureuse pour nous, mais le pauvre Eldarytzan ne mérite pas ce châtiment. Nymia est brutale. Les couples, c'est le bordel parfois.

— Et vous appelez ça un couple ? Je ne comprendrai jamais les humanoïdes.

L'adolescente ouvrit la bouche pour entamer sa réplique, mais une série de sons graves qui rappelaient à des battements d'ailes l'interrompit. Lorsqu'elle détourna la tête, elle aperçut un immense dragon aux écailles écarlates qui scintillaient sous les rayons des soleils. Ce dernier devait faire au moins le double de la taille de Tyrath, sans toutefois surpasser la splendeur qu'était Rendar. Ses mouvements parfaitement coordonnés étaient la preuve d'un entraînement intensif. Il vint se posa avec lourdeur près de Nymia, signe que la partie de skotar allait bientôt débuter.

La blonde salua son mari d'un hochement de tête et grimpa avec aise sur la selle de son dragon accroupi. Celui-ci se releva et prit son essor en ignorant l'elfe. Le duo se dirigea vers le terrain de skotar où une foule les attendait.

— Allez, on y va aussi, décida Azéna en empoignant fermement deux piquants du cou de son partenaire.

Celui-ci s'élança vers le terrain. Pour ne pas tomber en raison de cette vitesse soudaine, elle serra ses cuisses sur ses flancs. Elle pouvait sentir la friction de son corps contre ses écailles qui menaçaient d'endommager son linge.

— Où peuvent-ils êtres ? se questionna-t-elle en scrutant ses amis du regard.

L'auditoire était si immense qu'on aurait pu jurer que les deux académies avaient été vidées.

Après avoir fait le tour du terrain, le duo les repéra enfin et s'installa à leur côté. Azéna s'empressa de leur raconter ce qu'elle et Tyrath venaient d'entendre.

— Pauvre Maître Eldarytzan, souffla Fayne. C'est en cause de mon idée s'il est dans cette situation fâcheuse.

— C'est dommage qu'Arièlla n'ait pas pris ses précautions, affirma Teriondil qui était accoudé sur la gigantesque patte avant d'Ella. Je paris qu'elle aurait été capable de ne pas se faire remarquer.

— Je ne sais pas trop quoi penser de cela.

— Ne t'en fais pas, conseilla l'archère en grattant le museau de Tyrath qui ronronnait. Au moins, nous aurons une bonne piste en lisant ce livre. Pour le moment, n'y songe pas et régale-toi de cette partie de skotar. Fergriffe contre Sombrelame, ça va être tout un spectacle d'après ce que j'ai entendu. Ils sont des rivaux de longue date.

— Je suppose...

Une bourrasque ébouriffa la chevelure du trio ainsi que tous ceux qui se trouvaient autour d'eux. Les dragons qui passaient à proximité causaient toujours cela en raison de leurs battements d'ailes puissants. Par contre, celui-ci était différent, comme s'il était exagéré. Azéna se retourna et aperçut une immense dragonne blanche derrière elle qui se maintenait en altitude.

— Acceptez mes sincères excuses pour cela, s'excusa Karia de sa voix douce et claire. C'est cet idiot qui voulait absolument que je cause cette provocation désagréable afin d'attirer votre attention.

— Karia ! s'exclamèrent les adolescentes avec autant de joie que de surprise.

Elles montèrent la tête et aperçurent son cavalier qui souriait largement, sa longue chevelure dansante dans le vent.

— Grand Maître Vigoth !

— Alors, quelle équipe soutenez-vous ? questionna ce dernier avec malice et amusement.

— H-heu..., balbutie Fayne qui paraissait tordue entre des choix impossibles.

En fin de compte, elle ne répondit pas. Teriondil haussa les épaules comme si le dénouement de cette partie ne lui importait nullement. Azéna était bien trop loyale envers sa nouvelle amie pour dénier son allégeance.

— Pour Sombrelame bien sûr ! déclara-t-elle avec assurance. Arièlla est dans cette équipe. C'est l'un des rares apprentis de premier cycle à jouer au skotar.

— Oh, la jeune Valkirel, dit Vigoth. J'en ai entendu parler. C'est rare que mon frère brise les règlements. J'ai bien hâte de voir si son héritage va faire la différence. Il lui accorde une chance bien spéciale de se prouver.

— Et toi, tu es de quel côté ? questionna la brunette.

— Eh bien, je n'ai pas vraiment le choix de me ranger du côté de Fergriffe, n'est-ce pas ? répliqua-t-il avec autant de confiance qu'Azéna. Quelle sorte de grand maître ferais-je si je ne supportais pas ma propre académie ? Malgré tout, on ne peut pas toujours se fier aux apparences.

Il leur fit un clin d'œil, sa parure noble amplifiant l'effet. Karia émit un grognement exaspéré, se dirigea vers les membres du personnel et se posa à côté de Rendar, le plus immense dragon des deux académies réunies. Sur le dos de ce dernier se trouvait le frère aîné de Vigoth, Terenas.

Curieuse, la Kindirah tendit l'oreille. Heureusement, ils étaient assez à proximité pour qu'elle puisse les entendre discuter.

— On se fait un pari sur qui gagnera cette fois ? demanda Vigoth à son frère.

— Tu es ridicule avec ces jeux stupides, lui répondit Terenas avec sévérité.

Il tenta de l'ignorer et posa son regard sur les deux entraîneurs de skotar qui se serraient la main au centre du terrain. Vigoth insista en le fixant avec une subtilité de pitié cachée derrière un masque d'enjouement.

— Bah, d'accord. Mais, tu te trouves un autre partenaire de pari si je gagne, déclara Terenas.

— Et si tu perds, tu me garantis que tu parieras avec moi à la prochaine partie.

— Ais-je vraiment le choix ?

— Non.

— Marché conclu, alors. Tu es un véritable enfant parfois.

Vigoth posa ensuite son attention sur Karia et Rendar.

— À vous de jouer, puissances incarnées dans un corps physique.

La femelle roula les yeux, clairement peu impressionnés par la flatterie exagérée de son dragonnier tandis que Rendar resta impassible. Les deux dragons échangèrent un regard et poussèrent un rugissement assourdissant.

Les spectateurs qui bavardaient bruyamment se turent immédiatement. De toute façon, leurs voix avaient été complètement enterrées.

Comme si une rivalité temporaire s'était formée à ce moment, une fois que le silence fut, Rendar posa un œil furieux sur Karia qui l'observait avec autant de défiance. Elle bomba le torse et détourna le regard vers le terrain. Le mâle poussa un grognement silencieux, découvrant ses crocs. Le raclement de la gorge de Terenas lui donna l'indice qu'il devait mieux se comporter. Il renifla agressivement et porta son attention sur le terrain où les regards étaient tous fixés.

Là se trouvaient deux dragonniers et leur dragon. Nymia et son partenaire cramoisi faisaient face à un homme chauve aux épaules solides et au torse musclés ainsi qu'à son dragon, un mâle brun au regard dubitatif, de petite taille et qui semblaient dans une tranche d'âge assez avancée.

— Du côté de l'académie d'Archlan, voici l'équipe sournoise de Sombrelame ! tonna Karia pour que tous les spectateurs puissent l'entendre clairement.

De derrière les gradins apparurent sept dragons montés qui s'élevèrent avec grâce vers le ciel. Après avoir pris assez d'altitude, ils passèrent par-dessus les spectateurs stupéfaits et ils piquèrent vers le centre du terrain.

Serfantor et Shalith furent suivis de leurs attaquants : Arièlla Valkirel, Harath, Lythrana Undrèm et Zurof. Les deux défendeurs, Beldroth Glyn, Ancus, Ragnor Cythra ainsi qu'un dragon blanc, les talonnaient. Finalement, les gardiens, Restelle Virna et un dragon gris dénommé Kold apparurent dans un spectacle solitaire. Ils se positionnaient du côté gauche du terrain.

— Du côté de l'Académie d'Isriss, voici l'équipe intimidante de Fergriffe ! présenta Rendar de sa voix puissante.

Dans le même style, l'équipe de Fergriffe fit son entrée, mais du côté inverse du terrain. Tous leurs dragons étaient comme leurs cavaliers, soient costauds, larges et musclés. Ils étaient plus lents que leurs rivaux, mais ils semblaient être beaucoup plus puissants et dangereux. Leur capitaine d'équipe, un défendeur, s'avança vers le milieu du terrain et serra la main de Serfantor. Son uniforme, tout comme ceux de son équipe entière, était semblable à celui de leur adversaire. Par contre, le noir était la couleur dominante de l'arrière-plan et leur symbole était une griffe acérée de couleur gris fer.

Il était temps pour la griffe contre l'épée.

— Tu vas crever, minable, cracha le capitaine de Fergriffe avec cruauté.

Il dépassait Serfantor d'une tête et arborait plusieurs tatouages tribaux et perçages comme la plupart de ses congénères elfes sylvains. Ses cheveux vert-gris étaient hérissés, sa dragonne appartenait au vol brun et avait un corps trapu. Elle était beaucoup plus petite que sa rivale ébène, mais son regard indomptable fixait ses yeux avec une résolution solide.

— Un maigrichon comme toi ne va pas résister longtemps contre moi, ricana l'elfe des bois.

Serfantor garda le silence. Sa dragonne, par contre, semblait contrarié. Ses naseaux reniflaient avec férocité.

— Sage décision, continua le capitaine de Fergriffe.

L'entraîneur de l'équipe de Fergriffe s'approcha de lui, posa une main sur son épaule et serra fermement.

— Ça suffit, Agalim ! ordonna-t-il d'une voix fauve. Sois poli, hé ?

Il lâcha prise et s'éloigna à grandes enjambées. Le dénommé Agalim avait une veine qui palpitait sur la tempe de son visage légèrement empourpré par la colère.

Les deux capitaines baissèrent la tête en signe de respect puis ils enfourchèrent leur dragon. Celui d'Agalim se positionna en tant que défendeur derrière les trois attaquants de son équipe tandis que Shalith se plaça en tant qu'attaquante entre Harath et Zurof.

Les deux adultes, tous deux à pied, s'avancèrent sous les six attaquants. Leurs mains touchaient chacun de leur côté à la balle élémentaire afin de la supporter sous tous ses angles.

— Débuter ! annoncèrent Rendar et Karia en parfaite synchronisation.

Les entraîneurs de skotar lancèrent ensemble la balle vers le ciel. Lorsque cette dernière tomba, les attaquants se précipitèrent vers elle et se l'arrachaient des mains.

En fin de compte, Arièlla réussit à s'enfuir avec elle qui était devenue une sphère enflammée. L'hexagone de l'équipe adverse était engouffré d'ombre ce qui signifiait que Serfantor devait marquer le but. Pénétrant dans le territoire de Fergriffe, elle le chercha regard tandis que sa dragonne évitait leurs adversaires qui tentaient de leur barrer la route.

— Arièlla ! s'écria Lythrana avec affolement. Le gros lourdaud est sous toi !

Le duo pyromancien détourna leur regard vers le sol et aperçu Agalim ainsi que sa dragonne brune qui fonçait sur eux. Harath battit furieusement des ailes pour se dégager de leur voie. Tête penchée vers l'avant, sa rivale brune heurta violemment le ventre de sa victime. Harath hurla sa douleur et Arièlla faillit laisser tomber la balle sous le choc. Furieuse, elle se tordit de façon à ce que son agresseuse se trouve face à elle. Elle ouvrit la gueule et un jet de flammes de plusieurs mètres s'en échappa. La dragonne brune l'évita de justesse et fila.

— Arièlla ! appela Lythrana qui se trouvait sous sa coéquipière de skotar. Ici !

La Valkirel lui lança la balle élémentaire. Sa dragonne s'élança en direction de l'hexagone le plus haut de Fergriffe qui était protégé par son gardien, un aéromancien ainsi que son dragon gris qui exhalait des bourrasques violentes dans l'espoir de les faire dévier. Son cavalier n'avait pas remarqué Shalith et Serfantor à sa gauche.

L'hexagone était toujours enveloppé d'ombre. C'était le moment ou jamais. Alors que Lythrana lança la balle à son capitaine, quelque chose heurta son dragon avec force. L'impact le blessa à l'aile droite. Sa cavalière fut si secouée que son esprit se brouilla. Toute sa concentration fut requise pour qu'elle reste cramponnée à Zurof qui tournait en rond à perpétuité. Finalement, un autre tremblement lui fit lâcher prise et elle s'écrasa au sol.

— Lythrana ! s'écria une voix féminine. Lythrana !

Cette dernière ouvrit les yeux alors qu'on la tenait assise et aperçut Arièlla qui la soutenait.

— Arièlla ? balbutie-t-elle.

— Allez, on se lève. La partie n'est pas terminée.

— Qu'est-ce qui s'est passé ?

La pyromancienne l'aide à se relever en lui tirant le bras.

— Le dragon de cette espèce de brute à chargé dans Zurof qui par la suite avait trop de douleur pour s'enfuir alors, le gardien a profité de sa faiblesse et l'a emprisonné dans un mini tourbillon de vent. Par la suite... Zurof a foncé dans l'hexagone et vous êtes tombés.

La panique pris contrôle du corps de Lythrana qui se mit à respirer rapidement, les yeux larmoyants.

— Est-ce qu'il va bien ? Zurof !

— En pleine forme, lui assura son partenaire ailé qui lui câlina la joue de son museau et qui ronronna brièvement.

Lythrana se calme instantanément.

— Les dragons rouges sont endurants, de véritables durs.

— Serfantor a pu marquer un but grâce à toute cette distraction, informa Arièlla. Le capitaine de Fergriffe est en rogne. C'était hilarant de le voir perdre la tête. Il a pété les plombs contre son équipe. Leur entraîneur a été obligé de le calmer encore une fois.

— On va casser la griffe de fer en deux ! s'écria Lythrana avec détermination en souriant.

Zurof et Harath poussèrent un rugissement, puis invitèrent leur dragonnière à grimper sur leur dos.

— Allons-y ! lança Lythrana. Whoo!

Pendant ce temps, depuis les gradins, Fayne grimaçait devant toute cette violence tandis qu'Azéna et Tyrath clamaient sans arrêt, encourageant chaque joueur de Sombrelame. Teriondil était calme, buvant son thé comme à son habitude avec la queue d'Ella qui serpentait de façon protectrice autour de lui. On dirait qu'elle avait peur que les joueurs de Fergriffe allassent s'en prendre à lui. Elle grognait fréquemment et ne lâchait pas la partie des yeux.

— On dirait une bande de barbares qui se harcèlent pour un morceau d'os, souffla la Litfow pour elle-même.

— Allons, allons, dit Buhrik. Je sais que ce n'est pas ton activité préférée, mais prétends que c'est une forme d'entraînement et que les accidents sont inévitables parfois.

— Là, tu me prends pour une dinde. Entraînement, mon postérieur. C'est juste une excuse pathétique pour divertir les gens et satisfaire leur soif de sang.

— Langage, grogna le mâle bleu.

Il se mit à ricaner et lui fit un clin pour détendre l'atmosphère.

— Non, mais la ferme ! râla Azéna. Rah ! Bordel !

Buhrik parut autant offusqué que surpris. Il racla sa gorge et détourna son attention vers le terrain. L'archère savait bien qu'elle était très bruyante aussi, mais au moins, ça avait un lien avec la partie de skotar.

Le pointage demeura serré. Les deux équipes ne faisaient que se surpasser. Fergriffe démontrait leur force impressionnante tandis que Sombrelame prouvait qu'ils pouvaient les duper aisément.

Lythrana eut sa vengeance en volant la balle élémentaire d'Agalim. Elle l'entraîna par la suite vers la base des gradins où un mur protecteur se dressait afin d'assurer la sécurité des spectateurs de premier rang. Au dernier moment, son dragon changea de cape. La dragonne brune ne put s'arrêter à temps et s'écrasa contre le mur qui se fendit à quelques endroits. Heureusement, les têtes de dragons bruns sont les plus dures alors elle ne se blessa pas. Enragée, elle se chargea à toute allure vers Zurof qui l'évita de justesse. Sur le coup, une bataille fut déclenchée.

La partie fut momentanément arrêtée.

Tous les regards étaient fixés sur les quatre combattants et ce n'est que lorsque Lythrana reçut un coup de poing au visage que son frère jumeau, Nymfrein, ainsi que sa dragonne blanche se placèrent entre eux pour les arrêter.

Un cri de surprise fut émis par les spectateurs, car Nymfrein n'était pas un joueur de skotar et n'avait pas le droit de se mêler à la partie. Les deux entraîneurs se précipitaient vers eux pour vérifier qu'ils n'avaient pas besoin de soins. Aucun des quatre n'était gravement blessé, mais Lythrana était en piteux état à comparer à Agalim.

Ils furent envoyés à l'infirmerie et leur dragon à l'écurie de leur académie respective. Lythrana jeta un regard noir à son frère avant de partir.

— C'est bon ! annonça Nymia. Continuer la partie ! Chaque équipe a perdu un joueur donc, le compte est toujours égal !

Quelques minutes plus tard, alors que le temps restant à la partie se faisait court, Arièlla se faufila derrière l'un des défenseurs de Fergriffe et signala à Harath de charger. Sa partenaire ailée obéit, poussa brutalement le plus petit dragon hors de son chemin et permit à sa cavalière de voler la balle élémentaire de son adversaire en passant.

Azéna, incapable de retenir son excitation plus longtemps, se leva et hurla :

— Casse-lui la gueule, Ari ! Whooo!

La blonde cendrée entendit l'acclamation de sa nouvelle amie, se retourna pour voir de qui il s'agissait et sentit ses joues brûler de honte.

— Arrête ! cria-t-elle à son tour. Tu me distrais !

Harath fila en passant devant l'archère. Cette dernière continua ses encouragements exagérés. Éventuellement, Fayne dut la forcer à se rasseoir. Elle posa sa main sur l'épaule de la quasi-groupie et murmura à son oreille :

— Calme-toi... S'il te plaît... On nous regarde avec de gros yeux... Je n'aime pas ça.

Azéna parut offusquée. Elle se dégagea de l'herboriste et continua d'agir comme une démente en frappant les pieds sur les gradins.

— Tu ne me laisses pas le choix, grogna la brunette, autant gênée qu'irritée.

Elle invoqua toutes les goutes de sueur qui parsemaient la peau de son amie pour former une bonne somme d'eau, lui donna une pousse pour qu'elle s'assoie et gela ses mains au banc. Fière d'elle, elle eut un sourire coquin et continua de regarder la partie de skotar qui touchait à sa fin.

Arièlla venait de marquer un but et la moitié de la foule l'acclama tandis que l'autre parut déçu.

— VICTOIRE À SOMBRELAME ! s'écria Azéna.

Sans même se préoccuper de sa situation, elle se releva et brisa la fragile couche de glace d'un coup sec. Fayne abandonna la lutte et soupira son martyr en tentant d'ignorer les apprentis à proximité qui étaient irrités du comportement de sa compagne.

Teriondil, de son côté, fut si secoué par le cri qu'il échappa son thé et oublia ce qu'il se passait, sa concentration entièrement dédiée à l'horreur qui venait de se produire. Le liquide bouillant roula sur ses jambes et brûla son entrejambe, mais il ne s'en préoccupa pas. Son thé avait été souillé par la mort !

✦×✦

En fin de compte, Sombrelame avait été accordé deux points et Fergriffe qu'un seul pour leur défaite.

À la fin de la partie, le trio se rendit à l'infirmerie ensemble. Teriondil expliqua à Azéna et Fayne que Lythrana et Nymfrein étaient ses partenaires de classe de l'an dernier et qu'il les connaissait un peu.

— Enfin... pas vraiment, mais assez pour rendre visite à Lythrana, se corrigea-t-il nonchalamment. Vous savez, on avait un projet en maîtrise élémentaire de base et nous formions une équipe. Sacrée Maîtresse Blakar... Il fallait s'organiser avec nos éléments à créer quelque chose d'artistique à l'improviste. Ma plante formait le corps d'une torche et Lythrana l'enflamma alors que Nymfrein éclairait la pièce en prétendant que notre torche fonctionnait. C'était bien marrant.

Arrivées à destination, les deux demoiselles attendirent à l'entrée et observèrent. Elles aperçurent des lits, dont plusieurs étaient vides, ainsi qu'un visage familier.

Teriondil ne semblait pas reconnaitre Leith. L'an passé, c'était probablement quelqu'un d'autre qui occupait son poste.

— Excusez-moi, où est Lythrana Undrèm ? questionna-t-il en approchant de la vieille femme.

— Là-bas, répliqua Leith en souriant malgré son air sévère qui trahissait sa joie. Ne restez pas trop longtemps. Apprentie Undrèm a besoin de repos.

—Va-t-elle... ?

— Oui. Elle va bien. Ne vous inquiétez pas.

— Merci.

Il se rendit à l'endroit désigné. Il ne fut pas surpris de retrouver Nymfrein installé sur une chaise à côté du lit de la blessée. Cette dernière faisait la moue et semblait de mauvaise humeur. Azéna pouvait enfin les observer de plus près. Les jumeaux se ressemblaient énormément : peau gris pâle, longs cheveux neige, beau visage à la mâchoire carrée, taille moyenne... les yeux de différentes couleurs. Elle fronça les sourcils, un peu surprise de sa découverte. L'œil droit de Lythrana était bleu et celui de gauche était vert ; ceux de Nymfrein avaient l'effet contraire.

— C'est normal ça ? chuchota-t-elle à Fayne.

— Leurs yeux ? devina la brunette. C'est plus commun chez les hybrides. Ils paraissent comme des elfes gris, mais ils doivent avoir du sang d'une autre race.

Elle se fâcha en remarquant où elle regardait.

— Mais arrête de la fixer ! C'est impoli !

Azéna dirigea son attention vers le plafond, incapable de détacher ses pensées des jumeaux. La brunette soupira longuement.

— C'est le mieux que je puisse faire, rétorqua la Kindirah avec impatience.

Fayne se racla la gorge et se mit à discuter avec Leith tandis qu'Azéna tendait l'oreille en espérant entendre quelque chose d'intéressant du côté de Teriondil et des jumeaux.

Lythrana aperçut l'elfe sylvain la première.

— Bonsoir, Teriondil.

— Teriondil Murkwan, dit Nymfrein en souriant largement. Ça fait longtemps qu'on ne ta pas vue.

Les Undrèm regardèrent le fixèrent avec autant de joie que de surprise.

— Alors, s'impatienta Lythrana, qui a gagné ?

— Sombrelame a triomphé d'un point, expliqua Nymfrein. Donc, vous avez gagné deux points pour la partie gagnée et Fergriffe, qu'un seul.

— Il va falloir se défoncer la prochaine fois, grogna-t-elle avec passion. Deux points ne sont pas assez ! Il en faut trois pour montrer à ces morveux insolents qui sont les maîtres !

— La prochaine fois, je serai là pour te surveiller, répondit -il avec sévérité.

— Qu'est-ce que tu veux dire ?

— Je reviens dans l'équipe pour toi. Je ne supporte pas de te regarder te faire massacrer sans pouvoir faire quelque chose. Je serai défendeur de Sombrelame.

— Va en parler avec Nymia et Serfantor, mais je ne crois pas que tu pourras. C'est trop tard dans la saison. De plus, je te préviens, je ne veux pas avoir tes sales pattes dans mon chemin.

La tension montait et Teriondil affichait une subtile grimace, suggérant de l'inconfort.

— C'est bien la première fois que je te vois aussi sévère, commenta-t-il en guise de Nymfrein.

— Je m'inquiète pour elle, c'est tout.

— C'est bien. Bon, je ne vous dérangerai pas plus longtemps. Je voulais tout simplement avoir des nouvelles de Lythrana. Bonsoir à vous deux.

Il tourna les talons et partit.

Il se sépara de ses deux campagnes pour un moment et les rejoignit dans la salle commune de la Tour de la Connaissance. Celles-ci l'attendaient installées à une table avec un gigantesque livre aux pages jaunies par l'âge et à la couverture en cuir bosselé. Fayne avait le nez plongé dans ce nouveau monde lettré tandis qu'Azéna attendait pour quelque chose avec une impatience évidente.

— Alors ? questionna-t-il alors qu'il s'asseyait en face d'elles.

— Étonnant ! s'écria l'adolescente studieuse avec enthousiasme, ce qui fit sursauter ses deux amis.

— Quoi ? Quoi ? questionna la Kindirah alors qu'elle se remettait de son choc.

— Dans ce livre, on retrouve un peu d'information à propos du vol draconique violet.

— Mais, raconte ! Qu'est-ce que tu attends ?

Fayne retourna en début de page et récita le texte :

— Dans l'ombre se cachent les dragons aux écailles violettes et à l'esprit sensible. De tous les vols draconiques, c'est la leur qui est la plus méconnue et incomprise. On les caractérise de créature magique et surnaturelle, car eux-mêmes ne comprennent pas toujours leurs pouvoirs. Contrôlant non un élément, mais un aspect vital du cycle de la vie, ils ne sont pas toujours en mesure de définir l'ampleur de leurs actions. Imprévisibles et dangereux, certains les craignent tandis que d'autres les admirent. Aujourd'hui, ils sont les plus nombreux des dragons et on les considère comme le vol draconique dominant. On les surnomme les dragons dieux, mais ils sont humbles et sociaux. Ainsi, ils rejettent ce titre.

— Irréel, souffla Azéna avec étonnement. Comment ont-ils pu devenir aussi déchus ?

— Je n'en ai aucune idée, continua l'herboriste avec un léger brin de tristesse. D'après moi, c'est possible qu'on ait renversé leur vol draconique pour une raison quelconque.

— Je ne vois vraiment pas pourquoi.

Arièlla entra dans la salle avec une mine sévère. Elle s'approcha du trio et soupira avant de leur tendre la main.

— Je dois reprendre l'encyclopédie. Je suis désolée. C'est le plus longtemps que j'ai pu négocier. Je dois le retourner à mon père.

— Merci quand même, dit Fayne.

— Merde, grogna Azéna. Nous n'avons pas terminé de le lire.

La blonde sourit faiblement, lui donna une tape d'encouragement sur l'épaule et partit.

— Au passage, beau jeu que vous avez joué, complimenta l'aéromancienne, un peu envieuse, mais sincère.

La joueuse de skotar vacilla brièvement son attention sur elle, mais sans plus. Elle emprunta les escaliers en colimaçon et disparut. 

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