Chapitre 17 : Chance la Garce


Heu... fut tout ce qu'Élisa eut le temps de penser, avant que Nathaniel ne lui saute dessus. Elle eut un hurlement strident de midinette, mais sur le coup, elle s'en fichait. Car il l'attrapa à la gorge, pour renverser sa chaise en arrière et la plaquer au sol. L'arrière de sa tête rebondit douloureusement, lui faisant écarquiller les yeux.

Le visage de Nath n'était qu'un masque de rage. Rien à voir avec ce qu'elle avait pu voir jusqu'à présent ! Crotte... CROTTE CROTTE CROTTE !

-Que... gargouilla-t-elle.

-Tu as un sacré culot pour apparaitre dans ma chambre, gronda Nath en rapprochant son visage du sien. Tu tiens donc tant que ça à mourir ? Ou es-tu venue me narguer après ce que tu as fait ?

-Comprend... pas...

Il la souleva du sol par la gorge, pour la tenir à bout de bras. Sa main compressait sa trachée, l'étouffant presque complètement. Mais il allait la tuer, ce débile !

-Tu ne comprends pas ? Tu oses me dire que tu ne comprends pas !?

Son rugissement parut faire trembler la pièce. Puis il la jeta sur le lit, avec une telle force qu'elle manqua manger un coussin. Un brin paniquée, Élisa se dit qu'être confrontée à son père en colère, c'était de la gnognote à côté de ça.

-Je ne sais pas de quoi tu me parles, espèce de gros crétin ! Mais je voudrais bien savoir pourquoi tu ne cherches plus à me protéger, d'un seul coup !

Debout en simple pantalon au pied du lit, il semblait fait tout de muscle et de haine. Ses yeux violets luisaient d'une rage à peine contenue.

-Te protéger ? Te protéger !? Je rêve de te pendre par tes entrailles au portail du château !

Ah. Oui, c'était tout l'opposé de protéger, ça.

-Nathaniel, tu vas te calmer, oui !?

-Ah, mais j'ai compris, fit-il avec un sourire carnassier. Tu viens du futur. Tu n'as pas encore causé tes méfaits.

Pardon ?

-Ce qui fait que tu ne l'as pas encore tué.

Tué ? Mais tué qui !?

-Si je t'élimine maintenant, alors...

Tout le sang se retira du visage d'Élisa. Elle n'avait pas franchement le temps de réfléchir. Mais là, face à un Nathaniel qui voulait l'assassiner, elle n'avait plus le choix. Adieu les pensées.

Bonjour le chandelier lancé de toutes ses forces dans la tête du crétin.

Nathaniel l'évita de justesse, lui laissant juste le temps de sauter du lit, pour se précipiter vers la fenêtre.

-Reviens ici, rugit-il en la rattrapant.

Cette fenêtre était une maudite de meurtrière ! Néanmoins, Élisa n'était pas un gros gabarit. Et quand vous avez la mort aux trousses, vous pouviez devenir aussi flexible qu'un chat. Sautant presque littéralement au travers du trou, elle se retrouva soudain à l'air libre... Mais tenue par la cheville par Nathaniel.

Bordel !

Le vide la rattrapa, l'envoyant vers le bas. Avec un glapissement terrorisé, Élisa se retrouva la tête en bas, à peine retenue par celui-là même qui voulait la tuer. Pour découvrir un paysage... Atypique. Un ciel rouge. Une légère odeur de soufre. Une grande montagne noire.

Oh... Bon... Sang...

Elle était de retour en enfers !

-NON ! hurla-t-elle.

-Bon voyage vers les pavés, ricana Nathaniel, juste avant de la lâcher.

Les yeux écarquillés, elle chuta pour de bon vers le bas d'un gigantesque château. Son cri de surprise attira tous les regards des personnes en contrebas. Mais surtout, elle exultait. Ce Nath ignorait des choses sur elle !

Après tout, elle était une fée, non ?

Déployant ses ailes, pour la première fois depuis des années, elle prit le temps de faire un doigt d'honneur en direction de ce grand psychopathe, avant de se souvenir d'une chose. Son père avait tenté de lui couper les ailes. L'une d'elles était salement abimée depuis !

Alors elle cria à nouveau, en sentant la douleur lui déchirer le dos. Elle peinait à voler, zigzaguant en tombant inexorablement. Vite. Bien trop vite !

-Bonjour, mademoiselle Klervi.

Son cri resta bloqué dans sa gorge, juste avant que deux bras puissants ne l'enveloppent. Les yeux ronds, elle se retrouva dans une prise implacable dans les airs. Le bruit de deux ailes battant puissamment le vide lui parvint. Deux yeux vairons se plantèrent dans les siens, furieux.

-Vous ne comprenez vraiment rien. Je vous avais dit de ne pas revenir !

-Ah parce que c'est de Nathaniel dont j'étais censée me méfier ? glapit-elle. Désolée, mais ce n'était pas une évidence !

-Navré de vous décevoir, mais je ne sais pas exactement de quelle faille temporelle vous venez, bougonna-t-il. Je ne sais même pas si vous me reconnaissez.

-Duc de Bérith...

Piquant vers le sol, il lui fit clairement comprendre que ce n'était pas le moment pour converser. S'agrippant à lui avec terreur, Élisa vit les pavés se rapprocher à toute vitesse. Des centaines de démons se trouvaient tout autour, s'écartant précipitamment pour former une piste d'atterrissage. Une seule personne ne bougea pas.

Une femme, d'une grande beauté.

Le Duc se posa devant elle avec la légèreté d'une plume, avant de lâcher Élisa, qui chancela un brin.

-Mon amour, il arrive, fit la femme en prenant Élisa par les épaules. Tu vas devoir le contenir le temps que mademoiselle Klervi reparte à son époque.

-Que... Quoi, vous êtes au courant vous aussi !?

-Oui, gronda le Duc. C'est ce qui arrive quand on devient amie avec la Duchesse de Millicent.

Quoi ? Quoi !?

-Tu vois bien qu'elle ne sait encore rien, Hawk, le sermonna la femme. Tais-toi et va maitriser cette tête de mule.

-JE VAIS TE TUER !

Élisa se figea de la tête aux pieds. Les yeux ronds, elle vit Nathaniel tomber littéralement du ciel, une épée à la main. Il allait la tuer ! Il allait la tuer ! Il...

Une autre épée s'interposa, le forçant à se rejeter en arrière. Le Duc de Bérith, qui paraissait plus agacé qu'autre chose.

-Tu oses la protéger ? gronda Nath. Après ce qu'elle a fait !?

-Ton chagrin t'aveugle. Tu dois te calmer.

-Je refuse de me battre contre toi. Laisse-moi passer !

-Soldats ! Plaquez-le au sol !

Aussitôt, non sans réticence, une dizaine de démons en armes sautèrent sur Nathaniel. Avec un rugissement de rage, il abandonna son épée, pour les affronter à mains nues. Horrifiée, Élisa le regarda faire. Il allait tous les repousser ! Non... Non ! Il allait la...

-Je vais te tuer, Élisa ! Que ce soit maintenant ou dans cent ans, je te tuerai !

Les démons volèrent dans tous les sens, repoussés par une force dépassant l'entendement. Il tendit la main vers elle, prêt à l'attaquer... Quand elle se retrouva de nouveau propulsée dans son présent. À elle.

Celui où elle se retrouva face à son père à hurler, sans raison apparente.

Elle s'arrêta net, les yeux écarquillés, surprise de se retrouver face à son paternel. Lui aussi avait l'air stupéfait.

-Quoi ? se reprit-elle. Je n'ai pas le droit de faire des vocalises ?

-Heu...

-Maitre ! s'exclama Hector en rentrant comme un diable dans la pièce. Nous avons une signature énergétique étrange en bordure du terrain. Paulo vous attend dans la salle de contrôle !

Les poings serrés, le Maitre la regarda un long moment, avant de partir avec lui. La laissant seule dans cette salle de torture. Le cœur battant la chamade, Élisa ferma les yeux. Aussitôt, le visage déformé par la haine de Nathaniel lui revint.

Par tous les Dieux ! Il voulait vraiment la tuer !

Son palpitant repartit de plus belle, un frisson d'angoisse remonta le long de son dos. « Que ce soit maintenant ou dans cent ans, je te tuerai ! ». C'était pour cela qu'il l'avait approché ? Pour se venger ? Une vengeance longue, manipulée ? Pour la faire tomber au moment le plus approprié ? Pour la faire tomber amoureuse de lui et ensuite la tuer, avec son sourire le plus cruel ?

Terrifiée, l'épisode de la passation de pouvoir, des urgences lui revinrent en mémoire. Tous ces morts. Tous ces gens tués sans l'ombre d'une hésitation. Avec une facilité défiant toutes les convenances...

Elle devait partir. Nathaniel ne devait surtout pas la retrouver. Or, si elle restait ici, elle allait finir par se faire repérer !

-Il est temps de disparaitre, déclara Hector/Jamie en apparaissant devant elle.

Interdite, elle le considéra un instant sans comprendre. Puis il fit sauter les liens à ses poignets, ses chevilles.

-Attends...

-La signature énergétique correspond sans doute à ce gros bourrin de Nathaniel. Donc soit tu restes là à attendre cette brute épaisse, soit-tu me suis.

Il lui tendit la main, dans l'attente de sa réponse. Franchement ? Elle n'avait pas le choix ! Attrapant sa main, elle se remit debout, en se jurant de garder un œil sur ce nouvel allié franchement louche.

Sans un mot, Jamie la conduisit vers l'arrière de la salle. Un lit y trônait, signe qu'il avait dû passer pas mal de temps ici. Mais qui était-il donc réellement ? S'il ne voulait pas qu'elle se fasse lobotomiser par les Guerriers, pourquoi était-il ici ? Qu'est-ce qu'il lui voulait, lui ? Parce que tout le monde semblait lui vouloir quelque chose !

Jamie, connut ici sous le nom d'Hector, fit glisser le panneau d'un conduit d'aération creusé dans le mur, avant de lui faire signe de passer devant. Et merde. Il y avait juste de quoi passer à quatre pattes.

-Hors de question que je...

À cet instant, le bruit de grenades qui explosent et de fusils qui entrent en action se fit entendre. D'accord. Ce n'était pas le moment de tergiverser sur un trajet à quatre pattes !

S'engouffrant dans le conduit, Élisa insulta le destin et tout ce qui était responsable de près ou de loin de sa situation. Franchement ! Elle avait plus de poisse qu'un homme maudit !

À sa suite, Jamie remit la grille avant de la suivre. Dehors, des cris venaient agrémenter le bruit des coups de feu.

-Je suis un agent double, se sentit-il obligé d'expliquer, pendant qu'ils avançaient dans le noir.

-Double ?

-Je suis une créature du paranormal ayant infiltré les Guerriers de la Pureté.

Dans l'obscurité, Élisa fit les yeux ronds. C'était super dangereux !

-Tu fais partie de la Police Spéciale ?

-Non. Je suis un... indépendant, on va dire.

Voilà qui ne la rassurait pas du tout.

-Dans ce cas, qui t'a envoyé nous surveiller, Daphnée et moi ?

Silence. En grande partie parce qu'elle buta contre une paroi. En apprenant qu'ils allaient devoir remonter le conduit en s'appuyant sur les murs à la façon d'un acrobate, Élisa se permit de copieusement insulter Jamie. Il ne fit aucun commentaire sur son langage fleuri.

-Alors ? râla-t-elle une fois arrivée en haut, pour recommencer à quatre pattes. C'est qui qui t'envoie, le petit futé ?

Ils devaient être au rez-de-chaussée de la maison, maintenant. Les nerfs à vif, Élisa se rendit compte que les cris et les tirs résonnaient bien plus fort ici. C'était vraiment Nathaniel qui affrontait les Guerriers ? Une ombre d'inquiétude la balaya, vite remplacée par la vision de Nath prêt à la tuer. Il ne méritait pas sa compassion !

-Tu ne me croirais pas même si je te le disais.

-Génial. Et tu es censé faire quoi de moi, hein ?

-Silence. Nous sommes au bout de la conduite.

Effectivement, elle voyait la lumière au bout du tunnel. Peu rassurée par cette analogie, Élisa regarda tout de même au travers de la grille. Ça donnait sur l'extérieur, où il n'y avait personne. À première vue. Parfait.

Se tortillant comme elle pouvait, elle donna un grand coup de ses deux pieds, faisant sauter ce rempart vers la liberté. Plusieurs choses frappèrent Élisa dès qu'elle fut dehors. D'abord, le crépuscule s'installait déjà. Et puis... Il était indéniable qu'ils se trouvaient sur une propriété paumée en pleine forêt. Parfait. Ça ne faisait pas du tout repaire de psychopathes, ça !

-Sortez la mitrailleuse ! rugit-on de l'autre côté de la maison.

La mitrailleuse ? Mais quelle mitrailleuse ? Ils étaient combien à attaquer les Guerriers, bon sang de bonsoir !?

-Ils sont combien !? rugit la voix de son père.

-J'en sais rien !

-Nathaniel se trouve parmi eux !?

-Non chef !

Nathaniel n'était pas là ? Surprise, Élisa regarda un instant Jamie, qui fronçait lui aussi les sourcils. Qui attaquait la maison, si ce n'était pas lui ?

-Nous n'avons pas le temps de tergiverser, déclara-t-il en l'attrapant par la main. Allons-y !

Ils se précipitèrent dans la forêt, disparaissant dans les ombres des ramures. Suivant Jamie, Élisa n'avait de cesse de se demander qui se trouvait de l'autre côté du repaire des Guerriers. Puis elle se fit la réflexion que c'était très étrange.

Nathaniel avait toujours été là pour lui sauver la mise.

Pourquoi n'était-il pas intervenu, pour le moment ? Cela faisait-il partie de sa vengeance ? Justement, lui faire croire qu'il serait toujours là, alors qu'il ne cherchait que sa mort ?

Prise par la course et ses réflexions, elle ne vit pas le piège. Son pied alla droit dedans, et la seconde suivante... Elle se trouvait pendue par la cheville à la branche d'un arbre, plusieurs mètres au-dessus du sol. Mais qu'est-ce que...

Son cri aigu s'était répercuté dans toute la forêt, faisant s'arrêter net Jamie, dont les yeux s'arrondirent comme des soucoupes.

-Non, mais tu n'as vraiment pas de chance, toi !

-Tais-toi et fais-moi descendre !

-Du calme, du calme... J'arrive. Ne bouge pas.

-Si je pouvais bouger, je serais déjà en train de te gifler, gronda Élisa, les nerfs à vif.

-Tiens tiens, fit un timbre sifflant. Nous avons fait une belle prise, à ce que je vois.

Quoi ? Encore un revirement de situation ? Il n'y en a pas déjà assez comme ça ? pesta intérieurement la jeune femme, en tournant la tête en tous sens. Pour s'arrêter presque aussitôt.

Crotte...

Des vampires ? Sérieusement ? Mais la chance lui crachait vraiment dessus, la garce !

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