Plusieurs jours étaient passés depuis ces quelques incidents et aucun ne s'était reproduit. L'ambiance du palais était plutôt sereine. Étrangement, la professeure de maîtrise des pouvoirs ne pouvait assurer ses cours. Aurora n'avait plus senti cette horrible sensation d'étouffement mais toutes les nuits elle faisait le même cauchemar :

Je marche dans une ruelle sombre, simplement vêtue d'une robe de nuit très légère que le vent fait voler autour de moi, le bruit de mes pas résonne sur le pavé humide. De nombreuses flaques d'eau parsèment le sol. Personne ne se promène. Tout est silencieux.

Un cri résonne dans la nuit.

C'est un cri féminin. Je cours vers le lieu de sa provenance. L'eau des flaques gicle sur mes jambes nues, me faisant frissoner. À l'angle d'une rue, j'entends les cris très proches. J'appelle la personne mais les environs deviennent à nouveau silencieux. Arrivée au centre d'une place ronde et aussi déserte que le reste du village, je m'arrête pour reprendre mon souffle.

Au ciel, Zantra - notre satellite - éclaire fort, cachant la majorité des étoiles. Un nuage sombre porté par le vent approche dangereusement de Zantra et finit par la recouvrir. La place devient dangereusement obscure car les lampadaires n'éclairent que faiblement la rue.

Un cri haineux retentit à ma droite, un peu trop proche à mon goût. Une silhouette se dessine dans l'ombre... et elle me fonce dessus. Je ne réfléchis pas et prends la rue en face de moi, courant à en perdre haleine. Les cris qui se transforment petit à petit en grognements de fureur se rapprochent. À un croisement, je tourne à droite, espérant semer ma poursuivante. Mais cette dernière n'est pas prête à lâcher sa proie - moi - si facilement : elle accélère encore son rythme.

J'arrive finalement devant une femme de dos, aux longs cheveux blond platine. Elle pleure en berçant ce qui me semble être un bébé. Mon idée se confirme quand j'entends un cri provenant de ce petit, puis un second. Elle tient donc deux enfants dans ses bras ! Le monstre arrive dans notre rue, c'est une autre femme, aux cheveux bruns, que je ne connais pas.

Elle court vers la pauvre mère, en passant au travers de mon corps, me procurant une drôle d'impression. Au moment où la jeune femme va enfin se retourner, tout devient noir.

***
Je me retrouve derrière Diuna. Elle semble encore plus jeune et n'a pas sa tenue de reine. Peut-être ne l'est-elle pas encore ? Elle est positionnée face à un miroir dans lequel son reflet représente Luana. Cette dernière la regarde avec une douleur indescriptible. Diuna prend la parole :

- Je m'excuse, Luana. Je ne voulais pas tout ça je...

-Tais-toi ! Retiens juste une chose : je me vengerai.

Aurora se réveillait ensuite avec la gorge serrée, en se demandant ce qu'avait pu faire Diuna. D'autant plus que cela semblait grave. Très grave.

Ce soir Aurora espérait se changer les idées lors de sa fête de bienvenue... si elle avait le courage d'y aller. Le fait d'avoir une fête en son honneur la gênait beaucoup. Mais il aurait été trop impoli de ne pas y aller. Elle finit donc par enfiler sa robe bleu roi, avec des bretelles en dentelle qui se prolongeaient en formant un losange qui laissait apparaître une partie de son dos. Aurora enfila des petites ballerines assorties en attendant l'arrivée d'une coiffeuse. Elle allait avoir du travail pour dompter la crinière de la future reine, mais après tout, c'était son travail.

Le rendez-vous était à vingt heures. La coiffeuse arriva une heure plus tôt dans la chambre d'Aurora. Celle-ci attendait, tranquillement plongée dans un livre qui contait l'histoire de Kaïlé. Les nombreuses guerres qui avaient éclaté entre les humains et les êtres magiques. Les différentes discriminations qu'il y avait eues : dans les villes humaines, les êtres magiques étaient insultés et bousculés et dans les villes des êtres magiques, les humains se prenaient des sorts sans pouvoir opposer la moindre défense. À l'arrivée de la secte des mages violets ces tensions n'avaient fait que croître, jusqu'à ce qu'une guerre civile se déclare. Arrivées au pouvoir, Diuna et Luana, autrefois unies par un lien très fort, avaient réussi à ramener la paix. Ensemble, les différents peuples avaient vaincu les mages violets - provisoirement seulement, malheureusement. Ils étaient revenus une centaine d'années plus tard mais le lien entre les deux sœurs avait été brisé à tout jamais pour une mystérieuse raison. Chacune de son côté avait réussi à protéger le peuple des mages violets, mais ils devenaient de plus en plus forts et les repousser devenait de plus en plus difficile.

En lisant cela, Aurora fronça les sourcils, son cauchemar avait-il un lien avec cette mystérieuse distance entre les deux reines ? Mais ses questions furent de courte durée car elle se mit vite à grimacer de douleur pendant que la coiffeuse démêlait ses cheveux. Elle tirait dans un sens, dans un autre, les entortillaient autour d'objets étranges et les soulevaient, les emprisonnant finalement dans un magnifique chignon haut, avec deux tresses sur les côtés de sa tête.

Une fois qu'elle fut prête, elle sortit de la chambre et descendit dans la salle de bal. Aurora ne l'avait encore jamais vue. Elle se situait dans l'aile gauche au premier étage - donc à l'opposé de sa chambre qui se situait au deuxième étage de l'aile droite. Le bruit de ses pas résonnait dans le couloir mais elle entendait aussi la musique qui provenait de la salle de bal. Elle arriva devant la porte avec la boule au ventre, inspira un bon coup et fit signe au domestique qui gardait la porte de la lui ouvrir. Lorsqu'elle pénétra dans l'immense salle, un tonnerre d'applaudissements la fit sursauter. Ses joues s'empourprèrent et elle fonça tête baissée vers Zylian, qui était debout à côté d'une adolescente qui avait environ le même âge qu'Aurora. Elle avait des cheveux aussi noirs que ceux de Zylian et des yeux d'un marron très foncé, derrière ses lunettes rondes. Lorsqu'il vit Aurora, Zylian l'invita à s'approcher.

- Élaïs, j'ai l'honneur de te présenter la future reine du jour, Aurora la Sublime. Reine Aurora, je vous présente ma merveilleuse - et cruelle, soyons honnêtes - petite sœur, Élaïs.

Les deux filles se détaillèrent, un grand sourire aux lèvres suite au discours de Zylian.

- Mmm, elle est pas trop moche, ça va plaisanta Élaïs.

- Merci, ça me touche vraiment, ironisa Aurora. Zylian, tu me vouvoies maintenant ?

- C'était pour te faire une belle présentation. Bon les filles, le buffet m'appelle, à plus tard ! s'exclama Zylian en se précipitant vers le buffet pour faire une réserve de biscuits et de divers victuailles.

Il se faufilait à travers la foule, n'ayant pour seul objectif que l'immense table qui trônait sur le côté droit de la salle.

Alors qu'elles allaient commencer à faire connaissance, Diuna arriva en courant puis prit Aurora par le bras sans aucun ménagement. Elle l'emporta à travers la foule jusqu'à un groupe d'hommes et de femmes importants. Elle présenta ensuite l'adolescente à toutes les personnes présentes. La pauvre ne retint aucun nom, elle se contentait simplement de sourire dès qu'on lui parlait en hochant la tête positivement. Élaïs avait rejoint son frère au buffet et se servit de tout. Elle et Zylian n'étaient pas frère et sœur pour rien. D'autres jeunes s'amusaient et dansaient ensemble pendant que les plus âgés discutaient tranquillement en sirotant une étrange boisson. Au bout d'un moment, Diuna fit un petit geste à Aurora, la laissant retrouver ses amis.

L'adolescente salua les différents membres du groupe et partit vers le buffet. Elle retrouva la fraterie immédiatement, en train de se disputer devant des boissons. Elle allait leur dire de se calmer quand une main lui empoigna le bras et la tira violemment en arrière. L'adolescente était un navire à contre-courant, les vagues s'éclataient contre elle sans qu'elle puisse opposer la moindre défense. Certaines personnes se plaignaient quand elle les bousculait mais elle ne pouvait s'arrêter, on la tirait avec force. La personne la traînait dangereusement près du balcon. Bientôt il y aurait moins d'invités et elle pourrait découvrir son identité.

Arrivée sur le balcon, elle étouffa un hoquet de stupeur.

- Qu'est-ce que tu fais ici ? Le questionna Aurora.

- Je vois que tu es heureuse de me retrouver. Ça fait plaisir, répondit Tyler avec amertume.

- Tu disparais pendant presque une semaine et tu espères que je vais te sauter dans les bras ?

- J'avais un espoir, comme je me doute que je t'avais beaucoup manqué... expliqua-t-il avec un sourire en coin.

Aurora essaya de ne pas montrer son amusement face à la réaction de son ami mais ce fut compliqué. Il leva son regard vert d'eau sur elle et s'approcha d'un pas. Puis d'un autre. Et d'encore un. L'adolescente n'osait plus bouger, elle était comme hypnotisée.

- Ma reine, veuillez m'excuser pour mon absence. Pour me pardonner, je vous propose une danse.

La future reine lui lança un regard amusé et demanda :

- Tu te crois dans un film ?

- Non, c'est juste que j'ai froid et que j'ai envie de rentrer donc je me suis dit que tu accepterais plus facilement si je te proposais de danser. Quelle idée j'ai eu de t'emmener ici ! C'est à croire que j'ai été bête.

- Ça serait dramatique si c'était le cas !

Tyler répondit par un clin d'œil et prit la main d'Aurora pour la ramener à l'intérieur.

- C'est vraiment une manie chez toi de tirer les gens partout où tu vas ! s'insurgea Aurora.

- Tu aurais préféré rester seule sur le balcon, loin de moi ?

Non, je n'aurais pas préféré rester seule sur le balcon, oui j'aurais préféré rester loin de toi, lui répondit mentalement l'adolescente. Il la regardait, un sourcil arqué en attente de sa réponse.

- Non je n'aurais pas voulu rester seule sur le balcon, soupira-t-elle.

- Et tu aurais voulu rester loin de...

Zylian et Élaïs arrivèrent vers yeux, leurs joues aussi rondes que des joues de hamster. Ils avaient la bouche remplie.

- Vous vous amusez bien sans nous ? demanda Zylian en postillonant sur Tyler.

- Ouais, on s'amusait merveilleusement bien sans toi, répondit sèchement ce dernier.

Les yeux des filles passaient d'un garçon à l'autre, étonnées par la tension qui venait d'arriver. Les garçons se jaugeaient silencieusement en plissant les yeux. Soudainement, la musique mouvementée qui résonnait depuis quelques minutes changea et fit place à une douce mélodie.

Zylian chuchota quelque chose à l'oreille d'Aurora pendant que Tyler bouillonnait intérieurement. Les deux amis partirent un peu plus loin sur la piste de danse sous le regard de braise de Tyler. Il n'arrivait plus à les lâcher des yeux et sursauta quand il se remarqua la présence de Diuna à ses côtés. Elle regardait avec bienveillance Aurora qui dansait et riait quelques mètres plus loin.

- Fais attention à elle, il se pourrait que des gens lui veuillent du mal et profitent de cette soirée pour l'enlever. Ne reste jamais loin d'elle, ordonna Diuna sans lâcher sa protégée du regard.

- Bien entendu, ma reine.

- Bonne soirée Tyler, n'oublie pas de t'amuser, c'est une fête ce soir.

Elle s'éclipsa comme elle était arrivée : en toute discrétion.

La fête battait son plein, la musique résonnait si fort qu'elle en donnait mal à la tête. Certains étaient sortis pour prendre l'air et réussir à tenir le reste de la soirée. De plus, le niveau de nourriture sur le buffet avait considérablement diminué.

Détournant un peu les ordres de Diuna, Tyler s'approcha de Zylian et d'Aurora et les sépara en expliquant :

- Je dois rester avec Aurora, ordre de la reine.

Les deux amis se regardèrent avec déception et Zylian s'éloigna en grognant des choses incompréhensibles. Étonnamment il n'avait opposé aucune résistance.

- Tu veux qu'on aille se promener ? proposa Tyler.

- Mais tu avais froid tout à l'heure. Ce n'est peut-être pas judicieux de sortir à cette heure-ci, rétorqua Aurora.

- C'est vrai. Qu'est-ce que tu veux faire ? Étant donné ma place ici, on peut faire tout ce que tu veux, dit Tyler en essayant de ne pas être trop modeste.

Son interlocutrice fronça les sourcils et réfléchit un peu.

- Je voudrais retourner avec les autres.

Son gardien serra les poings mais ne dit rien et chercha les autres pour y emmener Aurora. Le temps qu'il les trouve, elle avait déjà commencé à marcher dans leur direction. Il soupira de déception et la suivit. Lorsqu'il arriva, Aurora et Élaïs étaient déjà lancées dans une discussion dont Zylian ne perdait pas une miette, scrutant celle qui prenait la parole ; une fois sa sœur, une fois son amie. Tyler se plaça face à Zylian et essaya de comprendre le sujet de discussion.

De temps à autre, une personne venait les couper pour parler à Aurora, lui poser des questions ou prendre une photo. Toujours gentille, la future reine du jour acceptait avec un grand sourire malgré sa frustration d'avoir été interrompue en pleine conversation.

Élaïs, très observatrice, remarqua vite sur qui était essentiellement posé le regard des garçons. Elle les épiait avec un rictus amusé, la concernée était si happée dans ses explications qu'elle ne voyait rien. Réfléchissant à une activité amusante, elle entendit une nouvelle musique dans les enceintes. Une musique dansante. Ses yeux luirent d'une malice effrayante.

- Et si on allait danser sur cette belle musique ? proposa-t-elle.

Qui allait-elle choisir comme cavalier ? Qui allait-elle désavantager ? Qui allait-elle faire enrager ? Son frère, ça serait amusant.

- Zylian, tu veux bien te mettre avec moi ?

Sans montrer le moindre signe de déception, il accepta pendant que Tyler était à la limite de lui lancer un grand " bien fait pour toi ! " à la figure. Aurora lança un regard meurtrier à son amie et s'en alla avec Tyler.

Ils se placèrent face à face et ne bougèrent plus. Le gardien brisa ce silence devenu si habituel entre les deux :

- Tu as peur de danser proche de moi ?demanda-t-il avec son éternel sourire en coin.

- Absolument pas, nous ne sommes pas obligés de danser proches, regarde Élaïs et Zylian.

- Tu me désespères...

- Oh, tu lis dans mes pensées ! C'est dingue !

Tyler fit les gros yeux. Aurora avait plus de confiance en elle maintenant. Il ne savait plus comment réagir.

- Si je le faisais je serai flatté par toutes les belles choses que tu penses de moi et que tu n'assumes pas, répondit-il sans se laisser décontenancer.

Son amie pencha la tête sur le côté pour réfléchir à une nouvelle réplique.

- Peut-être que tu serais déçu de n'y voir que de l'exaspération, du désespoir et de la pitié à ton sujet ?

- C'est scientifiquement impossible. De la pitié ? l'interrogea-t-il.

- Oui, peu de personnes doivent être capables de te supporter. Je suis certaine que même ta famille n'y arrive pas !

À ces mots, le visage de Tyler se ferma. Un voile de tristesse assombrit ses yeux et il contracta sa mâchoire sans répondre le moindre mot. Aurora sentit tout à coup une forte culpabilité l'envahir, personne ne lui avait dit que ce sujet était sensible pour son ami. Désormais elle s'en voulait terriblement. Ils dansèrent en silence, en parfait accord. C'était une danse emplie de tristesse. Les deux détournaient le regard sans cesse, ne sachant comment réagir après ce moment étrange.

Finalement, Tyler se détourna et partit se promener dans le parc du palais, la laissant seule. Aurora n'avait pas vu le temps passer et constata que beaucoup de personnes étaient parties de la fête. Sa tête commença à lui tourner ; ce devait être la fatigue. Elle souhaita une bonne nuit à Diuna et à la fraterie avant de partir à son tour, le ventre tout retourné.

La future reine marchait lentement dans ces couloirs qui lui appartiendraient un jour, admirant les différents tableaux. Ses tableaux préférés étaient les paysages, ils lui rappelaient les rares sorties qu'elle avait faites dans la campagne avec son orphelinat. Elles s'y étaient bien amusées avec Cassidy. Aurora repartit ensuite d'un pas trainant vers sa chambre. Parfois, elle avait l'impression que les statues en marbres qui ornaient les couloirs se mettaient à bouger derrière son passage.

Les escaliers furent la partie la plus difficile à affronter pendant son retour à sa chambre. Quand elle y fût enfin elle ressentit un grand soulagement. Elle tourna la poignée qui céda immédiatement puis ouvrit la porte. Un courant d'air la fit frissonner. Bizarrement, la fenêtre était ouverte et laissait voler le grand rideau de lin. Pourtant certaine de ne pas l'avoir ouverte avant de partir, elle s'avança pour la fermer quand elle poussa un cri de frayeur.

Quelqu'un l'attendait dans le coin de la chambre.

Coucouu ! Ça fait longtemps hein... oui je sais, je sais mais j'ai une excuse ! Hehehe !

Comme vous le savez sûrement j'écris d'abord sur papier et dans mon avancée, j'ai modifié des choses futures. J'ai eu de nouvelles idées qui ont fait que j'ai beaucoup modifié ce chapitre extrêmement important pour la suite.

Voili voilou, vos impressions ?

noix36 es-tu contente ? Tyler n'a pas été exptionnel à son retour mais... il a ses raisons. Bref je ne vais rien dévoiler hihi.

Bonne soirée à tous et la publication deviendra plus régulière normalement.
À bientôt 😘