Day 6 : ashes

Hello ! Ici Rainy !
On se retrouve pour mon dernier jour posté ici uwu
En espèrent que ça vous plaise~

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Fukuzawa avait rencontré Mori Ôgai à l'âge de seize ans.
Malgré leurs caractères diamétralement opposés, leur rencontre avait été la chose la plus simple qu'il y ait été au monde.

Au premier regard, l'argenté et le châtain foncé avaient compris quelle force tirer de l'autre, quelle faiblesse ils complétaient. Leur amitié avait débuté comme ça, à la suite d’un long regard échangé qui en disait long.

Cela avait été comme deux moitié d'une sphère parfaite s'emboitant enfin après s'être cherchées pendant toute une vie.
Il n'y avait rien de plus naturel.

Sa relation avec Mori avait commencé par une évidence, et elle avait continué ainsi.
Un premier rendez-vous au cinéma, des regards gênés, des baisers dans le noir. 
La simplicité même. A l’époque, Fukuzawa ne se voyait finir ses jours qu’avec une seule personne qui n’était qu’autre que Mori.

Leurs proches avaient été surpris qu'à la fin de leurs années de lycée, les deux jeunes hommes étaient restés ensemble, envers et contre tout.
Il n'y avait rien qui puisse éteindre un amour brûlant, même si les mots "je t'aime" n'avaient jamais été prononcés. 

Même s’ils allaient à des universités différentes, suivaient des parcours différents et rencontraient des personnes différentes, cela ne faisait rien. Ils avaient commencé par acheter un appartement dans l’espoir qu’un jour, cela devienne une maison.
Ce fut très exactement pourquoi, le mariage parut la seule option logique, après être resté tant d'années ensembles. 
Fukuzawa Yukichi avait vingt-cinq ans quand il se maria à Mori Ôgai.
Sa vie n'avait pas pu être plus simple.

Son amour pour cet étrange homme au sourire tordu et aux raides mèches noires était la meilleure chose de sa vie, et la plus simple.
Fukuzawa Yukichi se trompait.
Si la passion était un feu brûlant, alors n'importe quel douche de pluie pouvait l'éteindre.
Et il ne resterait rien, sinon des cendres.
Mais il avait naïvement songé que Mori et lui seraient l’unique exception à la règle.

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Fukuzawa avait trente-neuf ans quand il remarqua que sa vie n'était plus aussi simple.
Quand il se surprit à regarder d'autres personnes que Ôgai. Quand il se surprit à arrêter de se languir du retour du châtain foncé.

Peut-être que leur relation était allée trop vite : Yukichi n'avait pas cherché regagner le contrôle, et c'était peut-être là l'erreur de sa vie.

Si, dans ses années de lycée l'argenté avait pris conscience de son amour pour Mori, il n'avait rien dit à voix haute, rien d'explicite.
Il avait laissé le feu se consumer petit à petit jusqu'à ce qu'il étouffe.
Et qu'il s'éteigne complètement.
Il ne restait que des cendres.

Fukuzawa signa un peu trop fort le papier qui était posé devant lui.
S'il avait ouvert un cabinet d'avocats, son compagnon – l'argenté frémit à la pensée de ce mot qui le rendait si heureux autrefois – s'était tourné vers le domaine médical.

Qu'est-ce qui avait pu si mal tourner ? Leur relation semblait si parfaite d'un point de vue extérieur : deux âmes complémentaires s'étant trouvées au lycée et ne se quittant plus.
La réalité était bien autre.
La réalité était bien plus cruelle.

Yukichi contempla son pouce légèrement taché d'encre. L'homme aux cheveux d'argent poussa un soupir.
Il n'était pas un phénix, alors comment était-il censé renaître de ses cendres ?

▪︎■▪︎

Cela faisait longtemps qu'Ôgai et lui avaient arrêté de parler, songea Fukuzawa tandis qu'il tournait les clés dans la serrure.
Cela faisait longtemps qu'il n'avait pas touché son soi-disant partenaire.

— Je suis rentré, s'exclama t-il d'un ton morne dans une maison vide.
Mori n'était jamais rentré à cette heure-ci.
L’argenté fut soulagé à cette idée, et il ne put s’empêcher de s’en vouloir un peu. Mais cette pensée disparut rapidement quand il aperçut que les chaussures de son partenaire étaient posées dans l'entrée.

— Ôgai ? hasarda t-il. Tu es déjà là ?
Son compagnon déboula dans le hall, ses mèches de cheveux brunes légèrement décoiffées après une journée de travail.
— Oui. Je suis rentré plus tôt.

Dans ce qui semblait avoir été une autre vie, Ôgai aurait ouvert ses bras, et Fukuzawa en aurait profité pour nicher son menton dans le creux de son cou.
Une éternité était passée depuis ces moments de tendresse entre deux journées de travail.

Depuis combien de temps n'avait-il pas renfermé ses bras autour de son soi-disant partenaire ? Longtemps, trop longtemps.

Mori ne fit aucun mouvement pour venir rejoindre l'argenté.
— Ravi de te revoir.
Son ton ne pouvait sonner plus faux, et  Fukuzawa sentit un goût de bile monter dans sa bouche.

— J'ai mis des toasts à cuire, commença le brun.
Bientôt, toute cette fausseté lui fut tout simplement insupportable. 
— Ne fais pas semblant, gronda l'argenté. N'ose pas prétendre que tu es heureux de me revoir.

Mori avait stoppé tout mouvement, figé sur place, la bouche entrouverte.
— Pardon ?
— Arrête la comédie maintenant Ôgai. On peut peut-être continuer à tromper notre entourage, mais entre nous, on ne peut pas continuer à prétendre.

Le brun parut plongé dans ses pensées encore quelques instants avant d’enfin réagir : il secoua doucement la tête.
— Qu’est-ce qui a pu si mal tourner Yukichi ? Hmm ? Réponds moi, qu’est-ce qu’on a fait de mal ?
— On était jeune et insouciant.
— Ne mets pas ça sur le compte de la jeunesse : tu ne disais pas ça à l’époque. C’est même toi qui m’a demandé en…
— Ne finis pas cette phrase.

Un sourire moqueur apparut lentement sur les lèvres du brun.
— Toi qui m'a demandé en mariage.

La colère brûla à l'intérieur de ses veines avec la même fougue qu'une feu destructeur, dévorant tout sur son passage.
— Tu sais quoi ? C'était une erreur. La plus grosse de ma vie.
Mori fronça les sourcils.
— Ne dis pas ça. Tu ne le penses pas vraiment.
— Ne fais pas l'hypocrite. Si tu continues encore à nier l'essoufflement de notre relation, c'est uniquement pour ton amour-propre. Tu ne supporterais pas d'échouer, je me trompe ?

Le silence du brun parla longuement pour lui-même.
Fukuzawa hocha une fois la tête : ils n'auraient pas pu à continuer de vivre sans crever l'abcès, en faisant semblant que tout allait bien entre eux.

— Vas-tu demander le divorce ?
L'argenté considéra pendant un court instant les options qui s'offraient à lui : Mori venait de le piéger, et ce fait apparut à ses yeux comme une évidence
Fukuzawa ne pouvait pas se rétracter, pas après toutes les paroles qu'il venait de prononcer. Il ne lui restait plus qu'une seule solution : assumer.

— Oui.
Sa voix était plus nouée qu'il l'avait imaginée. Mori représentait pour lui toute sa jeunesse au lycée, ses premiers pas dans le monde du travail et en tant qu'adulte.
Cela signifiait fermer un volet entier de sa vie  et l'argenté n'était pas si sûr de vouloir faire ce choix.

Rester dans sa petite vie confortable qui l'étouffait petit à petit, ou reprendre sa liberté ?
— M'aimais-tu si peu Yukichi, pour ne pas tenter de te battre pour notre mariage ?
— Je me suis battu, souffla l’argenté, tu étais seulement trop centré sur toi même pour t’en apercevoir.
Cette fois-ci, le châtain foncé parut réellement destabilisé.
— Je… je n’avais jamais été au courant.
— Evidemment.

Fukuzawa essaya d’atténuer les sentiments qui perçaient dans sa voix, mais il ne put dissimuler son amertume.
— Tu n’as jamais rien vu à part toi, toi et encore toi. Tu as toujours été centré sur toi-même et ta misérable petite vie professionnelle. 
— Tu aurais dû m’en parler ! répliqua avec véhémence Mori. N’importe quand, n’importe quel petit mot ! On aurait pu en discuter, par exemple.
— Je ne crois pas que la discussion ait été notre fort.

Le brun acquiesça lentement, comme si ça lui coûtait de le reconnaître.
— On avait pas besoin de parler pour se comprendre.
— Avant, ajouta l’argenté.
Et le regard de douleur que lui jeta son ancien compagnon le fit frémir.
— Avant, répéta le brun.

Pendant un long moment, ils se perdirent dans les prunelles de l’autre, et Fukuzawa essaya de ressentir désespérément les mêmes symptômes qu’avant lorsqu’il contemplait Mori. Étrange sentiment qui lui comprimait le ventre et le coeur. Respiration qui se coupait momentanément. Mains qui devenaient moites.

Yukichi essaya de retrouver toutes ces sensations, mais la seule chose qui demeura fut un vide étouffant. 
Il ouvrit la bouche pour dire quelque chose, quand Mori brisa le contact visuel, les yeux en alerte.
— Ça sent le brûlé.
L’argenté huma l’air à son tour pour se rendre compte que le brun avait raison.
— La cuisine, murmura t-il.
Et d’un commun accord, les deux hommes se bondirent hors du couloir pour se précipiter dans la cuisine.

Mais c’était déjà trop tard : les flammes commençaient déjà à lécher l’encadrement de la pièce. Fukuzawa voulut faire un pas en avant afin d’examiner l’ampleur des dégâts et s’il pouvait se charger du feu tout seul, mais Mori le tira avec force en arrière.
— Rentrer dans cette cuisine serait la pire idée de ta vie, lui souffla le brun.
— Pire que t’avoir demandé en mariage ? ne put s’empêcher de répliquer Yukichi.
En guise de réponse, son ancien partenaire lui asséna une tape sur le bras avant de le traîner à sa suite.
— Appeler les pompiers me semble être l’option la plus sûre.
Fukuzawa n’avait pas la force de protester.

Tandis qu’il regardait sa maison brûler dans la pénombre de la nuit, il songea que c’était toute une partie de sa vie qui se consumait avec le bâtiment.
Et il ne pouvait rien y faire.

▪︎■▪︎

 
Les évènements de la soirée lui donnaient encore mal à la tête. Jamais Fukuzawa n’avait souhaité précipiter à ce point son divorce. Il songea qu’il aurait très bien pu rester dans le déni de leur relation perdue pendant encore quelques temps. Mais la confrontation était inéluctable.

L’homme soupira : Mori avait tenu à garder les pans de sa dignité attaquée en lui présentant le matin même le contrat de divorce.
Malgré tout ce qu’il voulait faire croire, le brun savait tout aussi bien que lui qu’ils n’étaient plus un couple à proprement parler depuis quelques années.
Ils étaient juste devenus forts pour prétendre au reste du monde qu’ils étaient heureux.

Mori l’avait défié du regard, une lueur de défi brillant dans ses pupilles. La survie de leur mariage déjà enterré n’était autre qu’un pari de plus pour le docteur.
Il ne savait pas qui avait perdu, qui avait gagné, mais il était sûr d’une chose : ils se séparaient d’un commun accord.

— Aux plus belles années de ma vie ! s’était exclamé Mori en soulevant un verre de champagne dans l'hôtel où ils avaient été logés. 
— Et à une vie pleine de libertés nouvelles, avait-il continué.
Fukuzawa s’était contenté d'observer l’homme qu’il avait aimé. Son coeur ne s’était pas emballé, restant parfaitement calme à l’intérieur de ses côtes.
Il avait sourit et avait trinqué avec l’homme qui partageait autrefois sa vie. Fukuzawa aurait parié que c’était un sourire rempli de nostalgie.

Tandis qu’il se tenait devant les ruines de sa maison, l’argenté ne put s’empêcher de faire un estimation rapide du coût des travaux de réparation.
Les pompiers avaient mis plus de temps que prévu à venir, et les délais de leur arrivée se faisaient sentir.

Rien avait été épargné : seules les fondations tenaient encore debout, et on pouvait deviner la forme de certains meubles qui avaient été carbonisés.
Des cendres, une mer de cendres se tenaient devant lui.

Fukuzawa se perdait dans l’immensité de gris qui s'étalait devant ses pupilles. En l’espace d’une nuit, toute sa vie avait été chamboulée.
Il leva son regard glacé sur les particules noirâtres qui papillonaient dans les airs.

Devant lui se tenaient les vestiges d’une vie passée, qu’il avait chéri malgré tout ce qu’il pouvait bien dire.
Pendant un court instant, avant de se replonger dans la galère qu’était devenue sa vie, il s’accorda du temps pour contempler les restes de sa maison. Cendres de son passé, qui représentaient tout ce qu’il avait perdu dans le feu.
Au final, Yukichi Fukuzawa ne regrettait pas sa décision.

Et la seule chose qui restait à la fin, était des cendres.

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