☆ 6. Adepte Du Bavardage... Ou Pas
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Ayana
— C'est qui le gros bébé à sa tata ? Hein ? C'est qui le bébé de tata Maya ? Mais oui, c'est toi, mon amour !
Ma petite sœur babille et s'agite entre les mains de mon amie, ses petites dents du devant exposées par son grand sourire. Elle déblatère un tas de sons incohérents mais joyeux, désirant sans doute discuter avec Maya d'un des mystères indéchiffrables de la vie encore frais dans son cerveau de bébé. Je souris, amusée et attendrie en observant la scène de loin.
La dernière des Moore est le miracle de la famille. Maman est tombée enceinte alors qu'elle était censée être ménopausée, il y a deux ans. Cette période a été un laps de temps éprouvant, mais tout autant délicieux. J'ai été à une place VIP pendant cette grossesse. Je n'étais jamais très loin quand elle vomissait dans le lavabo, ou si elle avait besoin d'un massage, ou encore lorsqu'elle riait en sentant mon ninja de petite sœur s'agiter dans son ventre. J'en garde encore un nombre incalculable de clichés dans mon téléphone.
— C'est bon, elle a fait son rot, m'informe Maya.
J'achève la préparation de nos en-cas dans la cuisine ouverte sur le salon : une crème onctueuse à la banane agrémentée de pépites de chocolats. Je dispose les grands bols pleins sur un plateau et rejoins les canapés en évitant Zak qui court dans tous les sens. Je dépose le plateau sur la table basse et récupère ma petite sœur des mains de Maya pour la bercer.
— T'es vraiment une gaga des bébés, toi, lui fais-je remarquer.
— Chaque fois que je viens ici et que mes yeux croisent cet adorable bout de chou tout droit venu du ciel, je me dis que je devrais me dépêcher de tomber enceinte ! s'exclame-t-elle en s'allongeant dans le canapé.
Je ris jaune. Maya ne mesure pas l'ampleur de ses mots. Un enfant, c'est une charge comme aucune autre pareille et ce ne sont pas mes après-midis à garder mes cadets qui diront le contraire.
— Je te l'ai toujours dit...
— Oui, « il faut y réfléchir avec la tête froide », m'interrompt-elle. Mais regarde-moi ce chef-d'œuvre de la nature ! Hein, que t'es un chef-d'œuvre, ma puce ? Hein ?
Elle s'approche à nouveau pour chatouiller Félina qui se redresse, prête à jouer.
— Arrête ! Elle doit dormir !
— Oui, madame ! abdique-t-elle en retournant dans son canapé pour s'emparer d'un bol qu'elle entame.
Elle exagère les bruits de la cuillère qui cogne les rebords du récipient. À l'entente de ce son, Zak qui s'amusait à faire voler son avion en jouet abandonne l'objet pour venir s'asseoir près de mon amie. Celle-ci lui confie un deuxième bol que le gourmand s'empresse de déguster, sa tignasse noire totalement décoiffée tant il s'agite en permanence. Je continue de bercer Félina en le surveillant, nous-mêmes épiés par les caméras de surveillance.
La gigantesque maison de mes parents est un cocon sécurisé et constamment gardé à l'œil : des domestiques déambulent régulièrement pour s'assurer que tout est en place et que rien de dangereux ne traine dans les parages. Papa est maniaque des bords des meubles pointus, des objets mal posés et des photos qui pourraient se décrocher et tomber sur l'un des enfants. Maman, quant à elle, déteste la saleté et a une technique imparable pour la repérer en un coup d'oeil : ne posséder que du mobilier couleur blanche ou tout ce qui s'en rapproche. Des canapés aux tapis, en passant pas les tiroirs de la cuisine, on se croirait au paradis. Dehors, deux vigiles campent devant le portail qui donne accès à la cour et toutes les autres entrées et sorties sont gardées. La nuit, cette baraque se transforme en château fort tellement l'artillerie est renforcée.
Ma petite sœur finit par s'endormir. Pourtant, quelques secondes après, la porte s'ouvre et une voix criarde annonce :
— Y a du nouveau, les cocottes !
Le bébé sursaute et hurle à la mort en gesticulant dans mes bras. Je fusille Jade du regard alors qu'elle lève les mains au ciel pour signaler qu'elle vient en paix.
— Eh, princesse Sofia ! T'es pas dans ton château ici. Manquerait plus que tu nous chantes une chanson Disney toute niaise.
— Ta gueule, Maya !
— Jade ! l'interpellé-je en esquissant un geste de la tête vers Zak.
Elle pose sa main sur sa bouche, l'autre étant encombrée par sa sacoche et quelques papiers. Zak a une fâcheuse tendance à mémoriser les mots qu'il entend pour ensuite les répéter à longueur de journée. Fort heureusement, il est trop concentré à se lécher les doigts. Je me vois contrainte de me lever pour faire les cents pas avec Félina, le temps qu'elle se calme. J'apprécie que mes amies aient accepté de me tenir compagnie pendant que je surveille mes cadets, mais pour qu'elles m'aident et pas pour qu'elles me compliquent la tâche.
La joue écrasée contre mon sein et le dos plaqué contre mon avant-bras alors que je l'entoure de mes mains, Félina hoquette encore de peur pendant que je déambule dans la pièce pour l'apaiser. Jade s'installe, toute excitée par ses dernières découvertes et pioche dans le bol de Maya sans gêne. Ses cheveux de feux sont retenus en queue de cheval et du maquillage couvre ses taches de rousseur. Nous nous sommes connues après qu'elle ait sympathisé avec ma meilleure amie, étant sa collègue la plus proche. Paparazzi à ses heures perdues et journaliste people comme Maya, la rousse s'est vite attachée à nous. Nous sommes rapidement devenues inséparables toutes les trois et nos conversations téléphoniques « professionnelles » se sont transformer en un ramassis de ragots à infirmer ou confirmer pour la prochaine parution du magazine, ou une effusion d'émotions – moi qui pleure quand les amoureux dans un roman finissent par s'embrasser ou qui hurle dans une note vocale si l'auteur tue un de mes personnages préférés.
— Vous n'allez jamais deviner. Non, carrément pas.
— Allez, quoi ! ralé-je. Crache le morceau.
— Aya, tu peux carrément trop nous aider sur le cas Elaine Carter, m'informe-t-elle en se léchant les lèvres. Hum, c'est délicieux ! Qui l'a fait ? Bref, tu peux nous aider, genre de ouf malade trop dingue !
— En quoi puis-je ?
— Lucian Sulton. Vous vous êtes bécotés, non ?
Lucian. Sulton. La vague qui mène loin des rives de la raison. L'océan bleu en surface, énigmatique une fois qu'on plonge la tête dans les eaux : les profondeurs troubles que je dois à tous prix fuir.
— Je te demande pardon ? Et non, ça fait quinze fois que je vous dis qu'il ne s'est rien passé entre nous.
— Certes, mais avec les rumeurs qui ont couru, tu peux facilement te rapprocher de lui, faire semblant de devenir son amie, rencontrer sa famille et croiser Elaine Carter « par accident », fait-elle en mimant des guillemets.
Zak, qui a fini de récurer le fond du bol, délaisse le récipient au sol pour retourner faire voler son avion. Une servante s'empresse de venir ramasser l'objet pour aller le nettoyer et je la remercie pour son efficacité. Pendant ce temps, Maya, la cuillère fouettant l'air à mesure qu'elle parle, formule une question à laquelle j'ai déjà la réponse.
— Lucian Sulton, parenté à Elaine Carter ? Mais comment ?
Je n'arrive pas à croire que je suis au courant d'un scoop avant ces deux-là. J'ai une envie irrépréssible de leur avouer tout ce qui s'est passé entre Sulton et moi, mais je m'abstiens. Tout ça est encore trop irréel pour moi-même.
— ... cousins au n-ième degré, entends-je Jade préciser. Sulton est le neveu de Merlin Hartmann. Vous savez, le type super riche qui investit des fonds colossaux pour soutenir la lutte contre les activités illicites. Et devinez quoi ?
— Du calme, princesse Sofia. Tu insinues que Hartmann est cousin avec l'un des Carter ? Non... Attends, le vice-président lui-même ? s'étonne Maya. Sulton est donc le neveu de Modrich Carter ?
— Bingo, Einstein ! C'est peu connu, mais ça tombe plutôt sous le sens : la fratrie Hartmann, Sulton y compris, a déboursé des moyens hors-normes lors des précédentes élections. C'était pour soutenir Carter. La famille, y a que ça de vrai ! ironise-t-elle d'une voix théâtrale.
Peu amusée, je cesse de marcher en constatant que Félina se rendort. Je reporte ensuite mon attention sur Jade qui, à genoux sur le canapé, le regard brillant d'espoir, attend ma réponse. Je secoue la tête, catégorique.
— Il est hors de question que je fourre mon nez dans cette histoire.
— Mais... Mais tu pourrais...
— Je ne veux plus jamais me rapprocher de tout ce qui a trait à la politique, affirmé-je, le regard ancré dans le sien. N'insiste pas, s'il te plaît.
Elle semble se rappeler mon passif et s'excuse précipitamment, quoique sans vraie sincérité.
— Je suis désolée, j'avais oublié... Brent et tout ça, marmonne-t-elle, ennuyée...
— Jade..., prévient Maya.
— Bah, quoi ? Ça fait des années maintenant, non ? Il a dû passer à autre chose, Aya.
— Il était là à la conférence automobile. C'est lui qui l'a filmée avec Lucian Sulton pour le poster sur son blog anonyme tout débile, révèle Maya à l'ignorante.
Je lâche un soupir éreintée en annonçant que je vais coucher Félina pour ne pas subir la pitié dans le regard de Jade. Je m'éloigne, monte les escaliers et entre dans l'avant-dernière chambre du premier étage. Une pièce baignée de lumière et immaculée, les murs peints de motifs de fleurs. Lorsque l'enfant est bien installée, je caresse sa joue un moment, penchée au-dessus du berceau, perdue dans mes pensées.
Brent m'a entraînée dans une spirale que je n'ai jamais voulu connaître. Je suis tombée amoureuse de lui pendant une période agitée pour sa famille : les élections présidentielles d'il y a trois ans. J'ai aimé cette alchimie, la vivacité de mes sentiments m'a guidée et j'ai cédé à mes pulsions avant de découvrir le personnage dans son entièreté. Il m'a fait visiter l'enfer. Les infidélités de Brent, les menaces que j'ai subies pour m'éloigner de lui et les dangers que j'ai cependant bravés pour me réveiller chaque matin auprès de lui... Mais quelle conne ! Deux bras m'enlacent au moment où je craque. Je me réfugie contre Maya en déversant mes larmes, touchée en plein cœur comme si je revis ces événements.
— Non, madame ! m'interdit Maya. Tu vas pas chialer pour une famille de crétins ! Le karma s'occupe d'eux, d'ailleurs c'est super qu'ils aient lamentablement perdu les élections. Allez, efface-moi ces vilaines larmes !
— Je suis épuisée, Maya, murmuré-je. J'ai tout fait pour me défaire d'eux, j'ai essayé de me refaire une vie, mais regardes ce à quoi j'en suis réduite.
— « Réduite » ? s'étonne-t-elle en m'aidant à relever le visage. T'es aveugle ou quoi ? T'es une vraie petite soldate, comme ton père. C'est la raison pour laquelle ce minable de Brent te court toujours après comme un chien, Aya : tu es ex-cep-tion-nelle.
Je souris, réconfortée par ses mots. Cette fille est une perle. Elle sait allier humour et sincérité dans ses répliques pour m'arracher de la torpeur dans laquelle me plonge mon passé.
— Allez, viens ! Tu n'as encore rien grignoté et on a plein d'autres ragots à te raconter.
* * *
Lucian
Je me tiens sous la douche, la chaleur de l'eau ruisselant sur ma peau, mais mon esprit est ailleurs. Je me représente le contenu de cette journée, la réunion avec l'équipe de conception et d'ingénierie, les visioconférences et ma présence auprès de mon ami, plus tôt, en matinée.
Tom a voulu que je sois là pour sa séance de dédicaces, et j'ai bien fait de m'y rendre. Les souvenirs d'Ayana hantent mon esprit, chaque image d'elle est gravée dans ma mémoire comme un refrain obsessionnel. La marée montante de mes pensées m'inonde comme l'eau qui couvre ma peau. Un sourire prend même place sur mes lèvres en me remémorant la façon dont son corps attirait le mien dans cette salle de conférence. En la voyant fendre la foule pour répondre au téléphone, je me suis empressé de l'approcher, comme mû par un aimant irrésistible. Je ne peux m'empêcher de voir son sourire gêné, ses yeux pétillants de timidité, comme si elle était là, juste devant moi.
Soudain, la porte de la salle de bain s'ouvre sur le pas régulier d'Amel avant que celle de la cabine de douche ne laisse apparaître son corps nu. Un sourire suggestif aux lèvres, elle me rejoint alors que je suis adossé contre la paroi en verre dur, profitant de ma position pour plaquer sa poitrine généreuse contre mon torse.
— Bonsoir, mon amour. J'ai pensé qu'un peu de compagnie te plairait.
Son ton est léger, mais je sens son regard brûlant sur moi alors qu'elle gesticule discrètement contre moi. Habituellement, j'aurais accueilli cette attention sans rechigner, mais aujourd'hui, je ne ressens rien, rien à part un vide oppressant. C'est la raison pour laquelle j'intercepte sa main qui glisse sur mon torse en direction de mon entrejambe.
— Excuse-moi, Amel. Je ne suis pas d'humeur, ce soir.
Ma voix trahit mon désintérêt, mais ma fiancée semble ignorer mes paroles alors qu'elle recommence à me caresser, cherchant à faire naître une flamme qui n'a pourtant jamais brûlé auparavant.
— Allons, chéri, ne sois pas timide. Je sais que tu me veux autant que je te veux.
Son ton est insistant et langoureux, mais plus elle me touche, plus je m'agace.
— Amel, arrête.
Ma voix est ferme maintenant, empreinte d'une résolution un peu plus dure que ce que je voulais exprimer. Je la repousse doucement et sors de la douche après avoir saisi ma serviette, l'eau tiède ruisselante sur ma peau. La vapeur flotte dans l'air, imprégnant l'atmosphere d'une sensation de chaleur et de confort. Les carreaux de marbre brillent sous la lumière tamisée, créant un éclat doux qui enveloppe la pièce dans une aura de luxe. Je rejoins la chambre que je traverse à pas feutrés, mes pieds nus glissant silencieusement sur le tapis gris moelleux qui recouvre le sol. Les murs sont habillés de panneaux de bois sombre, ornés de motifs complexes et de détails ciselés, ajoutant une touche d'élégance intemporelle à l'ensemble de l'endroit. Le lit king-size trône au-dessus de quelques marches, derrière des rideaux qui divisent l'espace de repos du salon. Ce dernier est composé de somptueux canapés en cuir blanc assortis avec leurs coussins tandis qu'une table basse en verre fumé se tient devant un grand écran éteint.
— Ça suffit, Gary ! Pendant combien de temps est-ce que tu comptes m'ignorer encore ?
Je dépasse le meuble envahi de livres en tous genres qui prend l'espace d'un mur pour atterir dans mon dressing, où des rangées impeccables de vêtements suspendus et de chaussures soigneusement alignées s'étendent devant moi. Les lumières automatiques éclairent les étagères en bois poli qui regorgent d'accessoires de luxe, des montres-bracelets étincelantes et des ceintures en cuir finement travaillé. Contre un mur, un grand miroir encadré en or reflète mon image, me renvoyant aussi celle d'une Amel tout à fait à bout de nerfs, couverte de son peignoir.
— Je ne t'ignore pas, Amel.
Je fais glisser les ceintres pour m'emparer d'une chemise élégante d'un bleu foncé. Dans un tiroir, un lot de pantalon en tissu léger est soigneusement plié.
— Dans ce cas, pourquoi est-ce que tu ne me touches plus ? se plaint-elle en m'enlacant.
Maladroitement, elle cherche à défaire la serviette nouée autour de mes reins. Je dépose mes effets et, avec toute la délicatesse dont je peux faire preuve, je me retourne, réunissant ses poignets dans ma main. Elle lève les yeux vers moi, le minois déconfit.
— Veux-tu cesser de te comporter comme une femme au foyer aimante et pleine d'égards ? Tout ce que tu arrives à faire, c'est te donner en spectacle.
Alors que je lui adresse ces mots, je scrute attentivement son visage, cherchant les signes subtils de sa réaction. Je vois d'abord ses sourcils se froncer légèrement, une lueur d'incompréhension traverse ses yeux alors qu'elle tente de comprendre mes paroles. Puis, lentement, une expression d'humiliation commence à se dessiner sur ses traits délicats. Ses lèvres se pincent légèrement, trahissant une pointe d'irritation, et elle cligne rapidement ses yeux brillants de plusieurs émotions. Je peux presque sentir la tension qui monte en elle, comme si elle retenait à grand-peine ses émotions. Pendant un bref instant, je perçois un éclair de défi, comme si elle était prête à riposter avec une réplique qui pourrait davantage m'irriter. Puis, elle se ravise, ses épaules se raidissant légèrement, et elle détourne le regard, laissant échapper un soupir de frustration contenue.
Je lâche ses mains et m'habille alors qu'elle s'installe sur le banc qui siège au mileu de la pièce. Elle m'observe fermer les derniers boutons de ma chemise dans un silence qui doit oppresser ses poumons, puisqu'elle finit par argumenter :
— Juste parce que notre mariage a été arrangé par nos familles, est-ce que ça signifie que nous n'avons pas le droit de nous aimer ? Tes parents se sont connus par ce genre de procédés, les miens aussi. L'amour peut naître entre nous, alors pourquoi est-ce que tu ne nous laisses pas une chance, Gary ?
Cette fois-ci, je m'assois près d'elle pour enfiler mes chaussures, elle en profite donc pour poser sa joue contre mon épaule.
— Tu mouilles ma chemise, lui fais-je remarquer.
Elle se détache de moi à contrecœur.
— Des investisseurs souhaitent faire la fête dans une de mes boîtes de nuit. Nous pourrons faire la parlotte à mon retour, d'accord ?
Piquée au vif, elle se dresse devant moi, hystérique.
— Ça fait des mois que tu ne m'as pas fait l'amour. Est-ce que tu me trompes, Gary ? Tu ne m'as rien expliqué au sujet de cette photo indécente qui a déferlé la toile, tu refuses de dormir avec moi et tu balaies mes efforts d'un revers de main. Tu n'iras nulle part si nous ne discutons pas.
Mes cheveux encore humides me barrent le front. Je me lève une fois mes mocassins aux pieds et un peu de parfum aspergé sur mon corps. Je m'empare d'un blazer ajusté couleur noir avant de me poster devant celle qui me sert une scène de ménage en bonne et due forme.
— Je te demande pardon, mais cette discussion est d'un ridicule outrageux. Je déteste être méchant avec toi, mais je déteste aussi te voir essayer d'édulcorer cette bêtise qu'est notre relation. Je suis au courant de chacun des baisers que tu as partagé avec le plus insiginifiant des hommes qui a pu te tomber sous la main, de chaque nuit que tu as passée avec chacun d'entre eux, et je te tolère parce que ma famille compte sur notre union pour signer des contrats qui nous seront tous bénéfiques. Or, tu commences réellement à mettre à l'épreuve la dernière de mes cellules nerveuses qui accepte de réfléchir sur ton cas, alors je vais te demander de rentrer chez toi pour méditer sur le sujet et prendre de nouvelles résolutions comme rester à la place que je te désigne. Est-ce que je suis limpide ou je dois te le dessiner, Amel ?
Elle reste là, immobile, comme si mes mots l'avaient pétrifiée sur place. Son regard, précédemment vibrant de détermination, s'assombrit peu à peu, trahissant une profonde blessure. Je peux voir la lueur de colère s'éteindre dans ses yeux pour laisser place à une tristesse glaciale, comme si mes paroles avaient éteint toute flamme qui brûlait en elle. Ses épaules s'affaissent imperceptiblement, comme si le poids de mes mots avait soudainement écrasé son énergie. Résignée, elle se décale pour me laisser passer. Je la remercie d'un bisou sur la tempe et décampe.
Je quitte ma chambre, laissant derrière moi l'atmosphère feutrée de la pièce. Je traverse mon bureau privé puis emprunte la route de ma salle de cinéma. Mes pas résonnent sur le sol de marbre poli alors que je m'avance dans le couloir de l'étage, m'immergeant dans l'ambiance élégante de ma demeure. Les murs lambrissés de bois sombre et les colonnes imposantes qui encadrent l'espace créent une impression de grandeur et de raffinement. En descendant l'escalier principal, je suis accueilli par la lumière douce des lustres, baignant le hall d'une lueur chaleureuse. Les œuvres d'art accrochées aux murs, les tapis persans luxuriants sous mes pieds et les meubles d'époque soigneusement disposés ajoutent une touche de sophistication à l'ensemble.
Enfin, j'atteins mon bureau du rez-de-chaussée. Ce sanctuaire de calme et de productivité au cœur de ma demeure est aussi l'endroit où je reçois mes invités la plupart du temps. Les étagères en bois massif sont remplies de dossiers et de documents importants, tandis que mon bureau en acajou trône au centre de la pièce, impeccablement organisé. Les grandes fenêtres offrent une vue sur les jardins verdoyants, éclairés par des lampadaires qui luttent contre l'obscurité de la nuit. Je m'installe derrière mon bureau et presse un bouton du fixe qui trône à ma gauche. À la première sonnerie, on décroche au bout du fil.
— Sont-ils arrivés ?
— Oui, M. Sulton. Ils viennent d'accéder à la propriété.
Pile à l'heure. Je ne les aurais pas attendu, dans le cas contraire.
— Dans mon bureau du rez-de-chaussée.
— Tout de suite, monsieur.
Je raccroche, plongé dans mes pensées. Ma famille n'a que faire de mon besoin de routine. Elle se pointe à l'improviste, ou ne prend la peine de prévenir que lorsqu'elle se dirige vers moi, ce qui n'est qu'un chouïa plus appréciable que la première option. Tout comme Amel, chaque membre de ma parenté sert mes intérêts alors je ne peux pas me permettre de les ignorer ou les envoyer voir ailleurs. Pas encore.
J'ai des obligations à remplir, quand bien même je suis las de chaque visage qui compose ce clan. Alors, je patiente, percevant depuis le hall les pas de la dizaine d'hommes en chemise blanche et pantalon de costume qui investit la pièce dans les secondes qui suivent. Une sorte de dress code chez ces hommes de mains à l'allure sinistre. Chaque centimètres de mon bureau est analysé avec la plus grande diligence, puis trois autres hommes font leur entrée : mes deux oncles et mon cousin.
— Wir müssen reden (1), Gary, annonce Vladimir de sa voix théâtrale.
(1) : Il faut qu'on parle.
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Salut, mes océans ! En espérant que vous vous portez bien et que ce chapitre vous a plu, je tiens à vous remercier pour tous vos retours fantastiques. L'histoire n'a même pas encore commencé que vous me faites déjà entièrement confiance et j'apprécie beaucoup votre soutien 😍
🌟 : Une étoile si vous avez aimé.
💬 : Un commentaire si vous avez une remarque (ne la gardez surtout pas pour vous, ça m'aide à me corriger et à avancer) ou quoi que ce soit d'autre à (me) dire.
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