22+1 | Le lieu où tout recommence

NOTE DE L'AUTEURE DANS LA PARTIE SUIVANTE

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Épilogue – Le lieu où tout recommence

AVRIL 2008

Le soleil brillait au-dessus de la Jamaïque, et le doux ressac des vagues apportait à quiconque voulait se poser sur la plage une plénitude complète. D'ailleurs, ça et là, des touristes ou autochtones se reposaient, allongés sur une serviette de plage, tandis que d'autres tentaient de profiter des grandes vagues pour effectuer un peu de surf.

La journée venait à peine de commencer, mais personne ici n'avait l'intention de faire quoi que ce soit d'autre au cours des dix prochaines heures. Ils étaient en avril mais la journée était magnifique, et chacun avait l'intention d'en profiter au maximum. Même si cela impliquait de ne rien faire, et de perdre une journée qui aurait pu être productive.

Quand on voyait tous ces gens paisibles, il était difficile d'imaginer que, dix ans plus tôt, le pays était en proie à de violents conflits entre sorciers et moldus, qui avaient fait plusieurs morts. Aujourd'hui, le calme était revenu partout dans le pays, et même dans le monde entier, mais certains endroits conservaient des stigmates des événements, comme Poudlard, qui n'oublierait jamais la mort de plusieurs de ses élèves, ou le MACUSA, frappé par un attentat au début de l'affaire et qui avait perdu plusieurs Aurors et employés.

Depuis le transat où elle s'était installée, Jitsuko Nakajima observait la population jamaïcaine qui s'étendait devant elle en consultant les nouvelles du monde. Il y avait bien longtemps qu'on ne parlait plus de ce qu'elle avait provoqué, mais aujourd'hui était un jour spécial, et de nombreux articles y faisant allusion avaient été réalisés partout dans le monde.

Était-elle satisfaite ou mécontente de la tournure que la situation avait prise ? Elle l'ignorait. Elle avait consacré de nombreuses années de sa vie à mettre au point son plan, qui s'était au final soldé par un échec. Mais son objectif, rappeler aux sorciers que leur supériorité sur les moldus reposait sur un mensonge, avait été rempli. Désormais, aucun mensonge ne se dressait entre les deux catégories de la population.

Il ne restait que la rancune et la jalousie, qui coûtaient régulièrement la vie à de nombreuses personnes.

Mais ainsi allait la vie non ?

L'instigatrice de la célèbre affaire Mallowan ne regrettait en rien ses actes, ni les vies qu'ils avaient coûtés. Elle avait agi pour ses convictions, et elle se fichait bien de ce que l'opinion publique en pensait. Regrettait-elle d'avoir envoyé son fils accomplir le sale boulot ? Non. Aurait-elle voulu que les choses ne se terminent pas ainsi ? Non.

Elle était loin de sa famille – d'ailleurs, au fond, elle n'en avait plus, de famille. Il ne lui restait que les souvenirs d'une vie autrefois comblée, avec sa mère, son mari et son fils. Une vie qui avait reposé sur des manipulations, mais une vie qu'elle avait apprécié.

Mais si tout était à refaire, elle ne changerait rien. Elle n'effacerait jamais ce qu'elle avait fait, et tant pis pour les victimes innocentes. Elle ne regretterait jamais ce qu'elle avait fait.

Son regard doré se posa de nouveau sur le grand titre de la presse, et elle esquissa un petit sourire. Après cela, elle pourrait réellement dire qu'elle ne regrettait rien.

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En opposition parfaite au calme paisible qui régnait en Jamaïque au même moment, le Ministère de la Magie britannique était en pleine effervescence. Dans ses couloirs, on courrait en cherchant du regard les responsables du chaos ambiant, pour leur poser mille et une questions plus ou moins pertinentes, auxquelles ils répondaient posément.

Adossé à l'une des cheminées du grand hall, Chuuya Nakahara regardait les employés passer devant lui sans lui accorder plus qu'un signe de tête respectueux, ce qui lui convenait très bien. Il ne travaillait pas au Ministère et n'avait théoriquement aucun droit d'être ici, seules ses relations lui permettaient de se trouver là pendant sa pause bien méritée après une conférence de presse de plusieurs heures.

À ses côtés, Sakunosuke Oda tentait de s'isoler du bruit pour vérifier que son dictaphone avait bien enregistré toute l'interview de son ami de longue date. Son directeur risquait de lui en vouloir s'il lui annonçait qu'il n'avait rien d'autre que ses souvenirs pour écrire l'article qui ferait la une de la page sport de la presse britannique, à défaut de faire la une générale ; une interview du capitaine Chuuya Nakahara, c'était exceptionnel, mais ce qui allait avoir lieu dans moins d'une heure, c'était encore plus exceptionnel.

Chuuya passa une main dans ses cheveux en soupirant, voyant que la personne qu'ils attendaient se faisait attendre – mais il n'était pas surpris, après quinze années, il était habitué aux mises en scènes idiotes du jeune homme. Il était juste fatigué d'attendre que son fiancé daigne quitter ses dossiers pour venir accomplir sa mission la plus importante du jour.

« Nakahara ! Oda ! »

La voix enjouée de Yamagawa attira leur attention, tandis que la jeune femme se dirigeait vers eux, sa cape bleu nuit voletant derrière elle. La juriste du Département de la Justice Magique leur adressa un sourire amical en arrivant devant eux ; ils la saluèrent en retour.

« J'ai croisé Dazai tout à l'heure, il aura un peu de retard, les informa-t-elle, bien qu'ils aient déjà remarqué cette évidence.

– Pour ce que ça change de d'habitude, marmonna Chuuya.

– Je peux t'assurer que c'est indépendant de sa volonté, Hawthorne refuse de signer. » Les deux jeunes hommes lui adressèrent un regard outré.

« Il refuse ? s'insurgea Oda. Le Magenmagot a déjà approuvé la décision ! » Yama secoua la tête en levant les bras en signe d'impuissance.

« Oui, mais sans sa signature, impossible de procéder comme prévu. Dazai a contacté le directeur Fukuzawa pour qu'il essaye de le convaincre, mais cela risque de durer un moment. »

Oda soupira d'exaspération. Hawthorne avait beau avoir été un ministre exemplaire, il avait un côté vieux jeu des plus insupportables. Il comprenait bien que c'était dur pour lui d'admettre toutes ses erreurs de parcours, mais les choses avaient bien changé depuis dix ans !

« Vous avez vu Gin ? poursuivit l'ancienne Poufsouffle pour changer de sujet.

– Non, répondit Chuuya. Elle est là ? 

Elle est passée toute à l'heure pour prendre des nouvelles, mais je ne sais pas si elle est déjà repartie voir son frère. Si vous ne l'avez pas croisée, je pense que c'est le cas...

– Tachihara était avec elle ? interrogea Oda d'un ton conspirateur.

Non. Il préfère éviter Akutagawa. Même si officiellement ils sont « réconciliés »... »

Les trois adultes échangèrent un regard entendu. Ils savaient parfaitement que les deux hommes ne pourraient jamais complètement s'entendre, et que leur réconciliation n'était qu'une façade pour faire plaisir à Gin. Elle-même ne devait pas vraiment y croire.

« J'espère que Dazai parviendra à convaincre Hawthorne, finit par souffler Yamagawa.

– C'est Dazai, répliqua Chuuya d'un ton sans appel, et Oda opina en même temps. Il réussirait à convaincre un gobelin de Gringotts de lui donner tout l'argent entreposé dans leur banque. »

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Allongée dans une cellule sombre de la prison de haute sécurité de Belmarsh, Mary Westmacott comptait les fissures du plafond. Et celles des murs. Et bientôt celles du sol.

Les occupations étaient rares en prison, et elle haïssait de savoir que Jitsuko Nakajima coulait des jours paisibles on-ne-savait-où. Elles étaient complices. Et contrairement à la sorcière, elle n'avait rien fait, à part formuler un petit souhait : prendre la tête de l'Angleterre.

Petit souhait, grandes conséquences. Jistuko lui avait offert une chance de le réaliser, et seul un fou ne l'aurait pas saisie. Et folle, elle ne l'était pas, même si les critiques prenaient un malin plaisir à la qualifier ainsi. Elle avait peut-être organisé le meurtre de son mari, mais elle était tout à fait sensée.

Elle se souvenait encore de sa rencontre avec Jitsuko, avocate prometteuse d'un prestigieux cabinet moldu. Elles avaient pris un verre ensemble à plusieurs reprises, et la complicité s'était installée entre elles. Et un soir, après plusieurs verres, l'aveu avait éclaté : elle voulait prendre la place de son époux à la tête du pays.

Loin d'être offusquée, Jitsuko lui avait jeté un regard d'abord curieux, pour voir si elle était sérieuse, puis déterminé. Elle avait ensuite prononcé ces mots, qui avaient tout commencé :

Et si c'était possible ?

Elle aussi avait d'abord cru à une blague, avant de comprendre que son amie était parfaitement sérieuse. Ensuite, Jitsuko avait déclaré qu'elle trouverait un moyen d'accomplir son souhait, sans pour autant détailler ce qu'elle avait en tête.

Et, quelques mois plus tard, elle lui avait exposé son plan. Elle lui avait dit comment elle comptait brouiller les pistes, et s'en sortir sans la moindre inquiétude. Comment elle allait manipuler le monde, et réaliser ce qu'elle avait toujours voulu. Et, Mary qui n'était pas encore Mary avait ressenti de l'admiration pour cette femme capable d'imaginer les scénarios les plus tordus pour réaliser un simple souhait d'enfance qui n'avait pas disparu avec la jeunesse.

Alors, elle avait accepté la proposition de cette femme, de cette sorcière puisque c'était ce qu'elle était. Elle l'avait regardée, telle une spectatrice d'un film machiavélique, tuer Max Mallowan. Et elle l'avait regardée lui donner ce qu'elle voulait, la tête de son pays. Tout s'était déroulé comme elle l'avait prévu, et le rêve était devenu réalité.

Mais il n'avait que la frôler, cette réalité, et il s'était finalement évaporé, lorsqu'un simple adolescent avait révélé le sombre mensonge dans lequel la célèbre première ministre britannique Mary Westmacott vivait.

Ou plutôt, Agatha Christie.

Lorsqu'il avait révélé à tous que Mary Westmacott et Agatha Christie, veuve éplorée de Max Mallowan soi-disant retirée loin des paparazzis, étaient la même personne, l'opinion publique avait été offusquée devant un tel mensonge. La carrière politique de Mary n'était rien d'autre que de la fumée suffisamment épaisse pour que personne ne voie à travers, qui lui avait permis de devenir chef du gouvernement. Un mensonge de plus tissé par Jitsuko.

Quand elle pensait à Jitsuko, elle était persuadée que la femme ne regrettait rien. Elle n'avait jamais donné l'impression d'avoir assez de cœur pour ça.

Mais Mary, elle, elle regrettait un peu. Elle avait pu réaliser son rêve, oui, mais le retour à la réalité était difficile, maintenant qu'elle n'avait plus rien. Et c'était la raison pour laquelle elle espérait que les Aurors retrouveraient Jitsuko. Pour qu'elles vivent la même chose. Après tout, elles étaient complices non ?

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Ryunosuke enfonça ses mains engourdies par le froid mordant qui l'entourait, et laissa échapper un long soupir qui devint instantanément visible, tant la température autour d'eux était glaciale. A ses côtés, Gin soufflait sur ses doigts pour essayer de stopper leur tremblement, sans réel succès. Autour d'eux, le fracas sonore des vagues déchaînées était assourdissant, et les plus hautes manquaient parfois de les atteindre, quand bien même ils s'étaient réfugiés au plus près des murs, et le plus loin possible du bord.

Régulièrement, passaient au-dessus d'eux des ombres qui ravivaient de terribles souvenirs à l'ancien Serpentard, malgré la présence « rassurante » du corbeau argenté qui voletait au-dessus d'eux et gardait les Détraqueurs à distance. Le patronus de Ryunosuke n'était pas d'une forme qui inspirait énormément la confiance, mais il remplissait sa mission ; les souvenirs qui revenaient dans son esprit n'étaient pas ravivés par le pouvoir terrifiant des créatures, mais simplement par leur vision.

« Il est en retard, souffla Gin d'une voix forte, néanmoins atténuée par le vacarme des vagues autour.

C'est Dazai, répondit son frère sur le même ton, je ne vois pas en quoi c'est surprenant. »

Comme pour lui prouver qu'il était de mauvaise foi, ce fut ce moment précis que choisit Dazai pour transplaner devant eux, un épais dossier sous le bras. Il leur adressa un petit sourire avant de sortir sa baguette et de l'agiter, faisant apparaître son patronus pour alléger la tâche de celui de Ryunosuke. La panthère du jeune homme avait meilleure allure que son corbeau, il fallait l'avouer.

« Hawthorne aura tenté de refuser jusqu'à la dernière minute, commenta-t-il, pour justifier son absence.

Tu n'as pas dû être assez convainquant alors. » répliqua le jeune homme aux cheveux bicolores. Dazai afficha une mine légèrement offusquée, mais laissa passer.

« Sans le directeur Fukuzawa, je crois qu'il n'aurait vraiment pas cédé.

Comment s'y est-il pris pour le convaincre ? voulut savoir Gin.

Je ne sais pas exactement, ils ont été parler en privé, et quand ils sont revenus, Hawthorne a signé.

C'est ce qui est important, bougonna Ryunosuke. Déjà qu'on a dû s'embêter à faire toute cette paperasse inutile...

Ce n'est pas inutile, c'est la loi. Nakajima ne t'avait pas demandé de ne rien faire d'illégal ? »

L'aîné Akutagawa marmonna une insulte mais n'insista pas. C'était la vérité après tout. Il laissa Dazai prendre la tête en entrer dans l'immense bâtisse, en sa qualité de chef des Aurors. Les couloirs étaient aussi lugubres que dans son souvenir, et les cellules toujours aussi surpeuplées. On pouvait entendre dans le lointain une comptine enfantine scandée, entrecoupée de cris de folie qui leur glacèrent le sang. Rien ne semblait avoir changé, songea-t-il amèrement.

Ils avancèrent un long moment, sans dire un mot tandis que les prisonniers qui apercevaient leur présence les invectivaient violemment. Ils arrivèrent finalement devant la cellule qu'ils cherchaient ; les chiffres étaient presque invisibles, mais Ryunosuke les devina sans problème, car il les connaissait très bien. La cellule devant eux était son ancienne cellule, comble de l'ironie de la vie. Il y avait plus de dix mille cellules à Azkaban, pourtant la personne qu'ils venaient chercher s'était retrouvée dans la même que lui, la cellule 01643.

Dazai ouvrit la porte doucement, et seul Ryunosuke pénétra dans la cellule. Il aperçut immédiatement son occupant, silhouette assise et immobile, le regard fixé sur le vide. Ses yeux si particuliers finirent par se relever, et se poser sur le nouveau venu. Il resta ensuite un instant figé, comme s'il n'en croyait pas ses yeux. L'ancien Serpentard fut presque soulagé d'y lire une lucidité encore presque complète.

Le prisonnier tenta de se lever, mais manqua de chuter tant ses jambes étaient faibles. Ryunosuke le rattrapa rapidement, et, avec un sentiment de déjà vu, le serra dans ses bras. L'autre lui rendit son étreinte, et se hissa même sur la pointe des pieds pour l'embrasser doucement. Et, alors qu'ils se séparaient après avoir échangé leur premier baiser depuis plus de dix ans, la voix de Dazai résonna, un simple murmure mais parfaitement audible pour eux deux :

« Atsushi Nakajima, sur l'ordre du Ministère de la Magie, tu es aujourd'hui mis en liberté conditionnelle. »

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