CHAPTER 25
⸻ ❝ 𝚂𝙷𝙸𝙽𝙸𝙽𝙶 𝙹𝙴𝚆𝙴𝙻 ❞ ⸻
⸺【 🜲 】⸺
AUJOURD'HUI MARQUAIT UN tournant décisif : Ego allait enfin révéler les titulaires pour le match contre les U20. Le moment tant attendu, qui déciderait de l'avenir de chacun au Blue Lock, approchait à grands pas.
Dans les couloirs silencieux du Blue Lock, Dojima avançait aux côtés d'Anri, ses mains profondément enfoncées dans les poches de son sweat. Son allure décontractée semblait presque contraster avec l'agitation qui régnait dans son esprit. Chaque pas semblait plus lourd que le précédent, comme si une tension invisible lui serrait la poitrine. Depuis sa confrontation avec Ego, une lourde incertitude avait pris racine en lui, un mélange étrange de frustration et d'anticipation qu'il n'arrivait pas à évacuer. Ce défi, ce pari lancé, l'hypnotisait tout autant qu'il l'agaçait. Pourquoi cette histoire le dérangeait autant ? Il n'était pourtant pas du genre à s'attacher aux autres, à laisser l'émotion prendre le dessus sur la compétition. Mais ce défi... il était comme un poison lent, envahissant ses pensées.
Anri, à ses côtés, semblait absorbée dans ses propres pensées, jetant de temps à autre un regard furtif en sa direction, comme si elle hésitait à briser le silence. Finalement, après une légère hésitation, elle prit la parole.
— « Il y a quelque chose que tu devrais savoir avant l'annonce. »
Le noiraud tourna légèrement la tête vers elle. Ses yeux ambrés se posèrent sur son visage, captant la gravité de sa voix. Il haussait toujours un sourcil lorsqu'un sujet semblait important.
— « De quoi ? »
Anri marqua une pause, son regard se durcissant légèrement, avant de cracher la nouvelle avec une froideur calculée.
— « Shidō ne sera pas dans l'équipe titulaire. »
Dojima s'arrêta net. Le choc le saisit au ventre, plus fort qu'il ne l'avait imaginé.
— « ...Pardon ? »
Sa voix était calme, mais les battements de son cœur semblaient résonner dans ses oreilles. C'était comme si un vent glacial venait de souffler dans sa poitrine, perturbant l'équilibre précaire qu'il croyait avoir trouvé.
La jolie rose croisa les bras, observant son expression avec une anticipation marquée. Elle connaissait déjà la réaction qu'elle allait provoquer.
— « Il va jouer pour les U20. »
Le silence tomba entre eux. Le genre de silence lourd, presque suffocant, où chaque respiration semblait plus forte.
Le jeune homme cligna des yeux, cherchant à digérer l'information. Un éclat de rire amer s'échappa de ses lèvres, involontaire, comme une réaction nerveuse à ce qu'il venait d'entendre.
— « Tu plaisantes ? »
Anri secoua la tête avec une lenteur calculée.
— « Jinpachi lui a déjà donné son accord. Et tu devines sûrement qui est derrière ça. »
Le nom de Sae, le visage implacable de ce dernier, surgit dans son esprit comme un éclair. La présence de l'Itoshi ce jour-là, et cela malgré qu'ils eurent un moment...inattendu. Il n'était pas venu pour rien. Sa présence était calculée. Il était venu choisir.
— « Ce salaud... » souffla t-il, la voix marquée par une frustration qu'il n'avait pas anticipée. C'était un mélange étrange de rancune et d'amusement, comme si ce geste, bien que prévisible, l'avait frappé droit dans l'estomac.
Un poids insoutenable s'installa dans sa poitrine, et il sentit son esprit s'embrouiller. Il tourna la tête en arrière, fixant le plafond, cherchant une réponse à la sensation qui lui écrasait le cœur. Pourquoi ce sentiment de vide ? Pourquoi cette impression de perte, alors qu'il n'avait aucune raison de s'attacher à Shidō ou de se soucier de sa place dans l'équipe ?
Il passa une main sur son torse, comme si ce geste pouvait soulager cette pression invisible qui le comprimait. Son cœur battait plus fort, plus vite, une tachycardie qu'il ne parvenait pas à calmer. Un malaise étrange s'empara de lui, quelque chose qu'il n'arrivait pas à contrôler.
— « Ça te perturbe ? » demanda Anri, son regard scrutant chaque détail de son visage. Elle avait remarqué la différence dans son attitude, ce léger décalage.
Dojima haussait un sourcil, déjouant l'angoisse qui se battait en lui pour garder une façade calme. Il la fixa un instant, avant de sourire, mais ce sourire n'atteignait pas ses yeux. Il n'était qu'une couverture, un masque, et il le savait.
— « Moi ? Pas du tout. »
C'était un mensonge évident.
Mais il n'avait pas envie de plonger plus profondément dans ce tourbillon. Pas encore.
Anri, cependant, n'était pas dupe. Elle savait très bien que quelque chose bouillonnait en lui. Elle le dévisagea, un regard insistant, et il sentit la pression monter, son masque faiblissant à chaque seconde.
— « C'est surprenant, c'est tout. Shidō était un monstre dans notre équipe. Un attaquant incontrôlable... et c'est exactement ce qu'on avait besoin. »
Il soupira, passant une main dans ses cheveux éparse. Son regard se perdit un moment sur le sol, comme si les pensées le submergeaient à une vitesse qu'il ne pouvait pas suivre.
— « Et puis, ça ne colle pas avec son style. Pourquoi il accepterait de jouer sous les ordres de quelqu'un d'autre ? Il en a rien à foutre des U20, de l'organisation, des tactiques. Il veut juste marquer. »
— « Peut-être que c'est justement pour ça, » répondit-elle en croisant les bras, son regard fixant le sien avec une précision presque chirurgicale. « L'équipe U20 va lui donner cette liberté totale. Contrairement à Blue Lock, où Ego impose une structure stricte, les U20 n'ont qu'un objectif : nous écraser. Et Shidō est une arme parfaite pour ça. »
Dojima sentit un léger frisson parcourir son échine. Elle avait raison. Mais cela le mettait dans un état étrange. L'idée que ce blondinet instable, un joueur qui incarnait le chaos et l'indépendance, se retrouve sous la bannière d'une équipe rivale... C'était dérangeant, presque inconcevable. Mais en même temps, il ne pouvait pas s'empêcher de reconnaître la manipulation subtile derrière tout cela.
— « Et puis, » ajouta Anri, d'un ton plus doux mais pas moins déterminé, « ça a l'air de vraiment t'affecter. »
Dojima la fixa longuement, les yeux brillants de quelque chose qu'il ne voulait pas montrer. Puis, comme pour se donner du courage, il détourna le regard, irrité par cette sensation de vulnérabilité.
— « N'exagère pas. »
— « Oh ? » la rosé haussait un sourcil, son sourire taquin trahissant sa perspicacité. « Pourtant, depuis que je t'ai annoncé la nouvelle, tu touches ton torse comme si quelque chose te pesait. »
Le noiraud baissa la main, comme pris sur le fait. Il la fixa un instant, avant de hausser les épaules, essayant de dissimuler l'agitation intérieure qui le traversait.
— « Hm. » Il rit doucement, une risette presque vide. « C'est probablement juste de l'indigestion. »
— « Ou un mensonge bien nul. »
Elle persista, le regardant droit dans les yeux, mais Dojima ne céda pas. Il maintenait son masque avec une persistance silencieuse.
— « Écoute, » dit-elle, plus sérieuse cette fois. « Tu as compris que ce n'était pas un hasard si Shidō est parti. Sae savait exactement qui prendre pour nous affaiblir. »
Dojima hocha lentement la tête, son regard se faisant plus sombre.
— « Ouais... Et il a réussi. »
Il sourit, mais il n'y avait rien de joyeux dans ce sourire. Ce n'était ni de l'amusement ni de la provocation. Juste... de la froideur. Une tension palpable qui flottait dans l'air, aussi aiguisée qu'un fil de rasoir.
— « Tant mieux. »
Anri le regarda, surprise par la réponse. Elle s'attendait à une autre réaction, mais celle-ci ne faisait qu'ajouter à l'intensité de l'instant.
— « Pourquoi "tant mieux" ? »
Le jeune homme ferma brièvement les yeux, avant de les rouvrir, la lueur dans son regard brûlant plus intensément que jamais.
— « Parce que ça va rendre ce match encore plus intéressant. »
Anri sentit un frisson la parcourir. C'était plus qu'une simple compétition. Ce qu'il venait de dire n'était pas une provocation banale. C'était un défi, un appel à la guerre. Le calme avant la tempête.
Dojima Yomamuki venait de déclarer la guerre à ses propres démons.
À son démon...
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⸻ 𝙲𝙷𝙰𝙿𝙸𝚃𝚁𝙴 25 ⸻
:
Jeux ; Attente
Dans le hall central du Blue Lock, la tension était à son paroxysme. Chacun retenait son souffle, le cœur battant à tout rompre, attendant l'annonce qui allait peut-être bouleverser leur destin. Aujourd'hui, les onze élus seraient désignés. Onze joueurs qui porteraient le poids de tout le projet Blue Lock face aux U20 japonais. Une opportunité unique. Une ligne tracée entre l'oubli et la légende.
Le silence était oppressant. Certains tremblaient d'impatience, d'autres affichaient une confiance glaciale. Mais tous, sans exception, sentaient l'adrénaline brûler leurs veines.
Soudain, une porte s'ouvrit dans un souffle mécanique. Une épaisse fumée s'échappa, avant qu'une silhouette fine et élancée n'émerge lentement de l'ombre. Ego Jinpachi, vêtu de son éternel costume sobre, faisait tournoyer sa tablette d'un doigt, un sourire à peine perceptible au coin des lèvres.
— « Vous avez bien joué, mes pépites au talent brut. »
Sa voix, aussi tranchante qu'un scalpel, résonna dans la pièce. Il s'avança, laissant son regard aiguisé balayer les joueurs rassemblés devant lui.
— « C'est la deuxième fois que nous nous voyons en personne. Ravi de vous revoir. »
Un murmure parcourut la salle. La dernière fois qu'ils l'avaient vu ainsi, c'était lors de leur arrivée au Blue Lock, plusieurs mois plus tôt. Depuis, Ego s'était contenté d'observer dans l'ombre, n'apparaissant que par écrans interposés.
Son sourire s'étira légèrement, comme amusé par la tension palpable.
— « Avant tout, un petit rappel. Le football est un sport où il faut marquer. Les buts sont votre seule et unique raison d'exister. De ce fait, j'ai formé une équipe basée sur ce principe fondamental. Uniquement ceux qui ont prouvé être les plus enclins à dévorer leurs adversaires pour inscrire leur nom sur le tableau d'affichage feront partie des titulaires. »
L'air sembla se figer. Certains joueurs se redressèrent instinctivement, d'autres crispèrent les poings.
— « Ouvrez grand vos oreilles. Je vais à présent annoncer les onze titulaires qui affronteront les U20. »
Il marqua une pause, laissant le suspense s'installer.
— « Commençons par le pilier de cette équipe. Le meilleur joueur. Itoshi Rin. »
Personne ne fut surpris. Rin s'avança d'un pas, le visage impassible, comme si cette annonce n'avait rien de surprenant pour lui.
Ego poursuivit l'énumération des titulaires, chacun prenant place sous le regard envieux ou rageur de ceux qui restaient sur la touche.
Gardien : Gin Gagamaru
Défenseur central : Aryu Jyubei
Défenseur central : Niko Ikki
Latéral Gauche : Meguru Bachira
Latéral Droit : Hyoma Chigiri
Milieu Relayeur : Karasu Tabito
Milieu Offensif : Seishiro Nagi
Milieu Offensif : Yoichi Isagi
Ailier Gauche : ???
Ailier Droit : Otoya Eita
Avant-Centre : Itoshi Rin
— « Maintenant, pour compléter la ligne offensive du côté de l'ailier gauche que je n'avais pas cité...»
Un silence de plomb s'abattit sur la pièce.
— « Dojima Yomamuki. »
L'effet fut immédiat. Tous furent frappés par l'incompréhension. Des regards écarquillés, des murmures d'étonnement fusant à travers le hall.
Isagi, les sourcils froncés, se redressa vivement, brisant le silence.
— « Attendez une seconde ! Dojima n'était même pas censé jouer ce match ! »
Ego pivota lentement vers lui, relevant un sourcil, curieux.
— « Oh ? »
Le bleuté, d'ordinaire plus réservé face à Ego, continua, poussé par l'injustice apparente de la situation.
— « Vous nous aviez dit qu'avec sa fièvre soudaine qui avait atteint 40 degrés, il ne serait sûrement pas en état de jouer ! Franchement, il a eu de la chance de ne pas y passer avec une température pareille... »
Quelques têtes hochèrent discrètement dans l'assemblée. Il n'avait pas tort. Une telle fièvre aurait dû mettre Dojima hors-jeu pour au moins plusieurs jours.
— « Techniquement, Yukimiya devrait prendre sa place. Ce serait plus logique... »
Mais avant que le bigleux ne puisse répondre, un mouvement attira soudain l'attention de tous.
Derrière lui, dans l'ombre laissée par la fumée résiduelle, une silhouette apparut lentement.
Dojima.
Son entrée fut aussi silencieuse qu'inattendue. Il se tenait là, les mains enfoncées dans les poches de sa veste Blue Lock, sa tenue réglementaire visible sous le survêtement qu'il portait négligemment. Un jogging sombre complétait son allure, ajoutant à son aura de nonchalance presque irréelle.
Ses cheveux noirs corbeau étaient légèrement plus ébouriffés que d'habitude, un signe discret de sa récente maladie. Mais son regard... Ses yeux ambrés brillaient d'un éclat indéchiffrable.
Lentement, il avança, dépassant Ego pour se placer à ses côtés, sous les regards incrédules de l'assemblée.
— « J'apprécie ta sollicitude, Yoichi... »
Sa voix était basse, légèrement rauque, comme si elle portait encore la trace de la fièvre qui l'avait frappé.
Un rictus effleura ses lèvres tandis qu'il fixait son coéquipier, ses yeux pétillants d'une lueur provocante.
— « ... Mais tu crois sérieusement qu'un truc aussi insignifiant allait me mettre hors-jeu ? »
Son ton était calme, presque moqueur. Pourtant, une intensité palpable émanait de lui. L'effet fut immédiat. Certains joueurs frissonnèrent malgré eux.
— « T'es... sûr que tu tiens debout ? » demanda Otoya, mi-sérieux, mi-amusé.
Dojima pivota légèrement vers lui, haussant un sourcil avant d'étirer ses bras dans un faux bâillement.
— « Hm... Si je peux encore t'humilier en duel, c'est que je suis en état, non ? »
Otoya hausse les épaules, levant les mains en signe de reddition.
Ego, lui, observa la scène sans émotion apparente.
— « Il semblerait que ton corps ait décidé de tenir, après tout. Intéressant. »
Il tourna ensuite son regard vers le reste des joueurs, son sourire presque imperceptible trahissant un amusement froid.
— « Maintenant que tout est clair... Voici les onze qui affronteront les U20. L'Onze du Blue Lock... »
Le silence retomba, mais l'atmosphère avait changé.
Dojima fit un pas en avant, s'installant parmi les titulaires. Il pouvait sentir les regards sur lui. Certains envieux, d'autres admiratifs, et quelques-uns... haineux.
Il se contenta de sourire, un sourire tranchant, affamé.
Toujours avec son air faussement nonchalant, s'avança légèrement vers Yukimiya. Il leva la main et lui donna une rapide tape sur l'épaule, un geste léger, presque complice.
— « Sowwy, Yuki. » souffla-t-il à voix basse, son ton traînant trahissant une excuse qui n'en était pas vraiment une. « Techniquement, ce poste d'ailier attaquant aurait dû être le tien... mais j'ai fini par te le chiper. »
Un sourire malicieux étira ses lèvres alors qu'il tirait légèrement la langue dans un geste enfantin, contrastant avec son attitude d'ordinaire plus distante.
Yukimiya cligna des yeux, surpris par la sincérité — même si légère — qui transparaissait dans la voix du jeune homme. Pourtant, il ne s'énerva pas. Pas même un froncement de sourcil. Il se contenta de le regarder avec ce même regard doux et posé qu'il affichait toujours, cette patience infinie qui semblait ne jamais vaciller.
— « Ne t'inquiète pas. » répondit-il avec un sourire tranquille. « Fais en sorte que ça en vaille la peine. »
Dojima sentit quelque chose remuer en lui. Une sensation rare. Presque étrange.
Il était habitué aux provocations, aux rivalités, aux regards remplis de défi ou de jalousie. Mais ce genre de douceur ? Cette manière si calme et bienveillante d'accepter les choses, même face à une injustice flagrante ?
Cela lui fit... quelque chose.
Son sourire s'adoucit légèrement, imperceptiblement, alors qu'il détournait le regard, passant une main dans ses cheveux comme si de rien n'était.
— « Ouais... Je vais faire en sorte que tu ne regrettes pas. » lâcha-t-il d'un ton plus sincère qu'il ne l'aurait voulu.
Le brun observa l'autre mannequin un instant, puis, sans perdre son sourire paisible, il leva la main pour attirer l'attention d'Ego.
— « J'ai une question. Pourquoi Shidō ne fait-il pas partie de l'équipe ? » demanda-t-il calmement. « En plus d'être le numéro 2, il a marqué énormément de buts. »
La tension dans la pièce monta légèrement. Certains avaient peut-être pensé la même chose sans oser le dire. Shidō Ryûsei était un monstre sur le terrain, un attaquant aussi imprévisible que redoutable. Son absence parmi les titulaires paraissait étrange.
Ego, toujours impassible, fit tourner sa tablette entre ses doigts avant de répondre d'un ton mécanique.
— « En effet. Statistiquement, Ryûsei Shidō possède une belle moyenne de deux buts par match. » Il ajusta ses lunettes d'un geste sec. « Cependant, il n'a jamais marqué autrement qu'en solo. En résumé, lors de la détection, il n'a jamais formé de cocktail explosif avec Rin. »
Son regard balaya l'assemblée avant de conclure d'une voix tranchante :
— « Et puis, soyons honnêtes : s'il en vient aux mains en plein match, il prendra un rouge et nous handicapera. »
Quelques murmures parcoururent la salle. Certains approuvaient. D'autres semblaient plus mitigés.
Mais Dojima, lui... n'écoutait pas vraiment.
Ses yeux dorés restaient fixés sur un point invisible, son expression toujours aussi indéchiffrable.
Il ne se souciait pas de tout ça.
Ou plutôt... il ne voulait pas s'en soucier.
Il fixa le sol, ses pensées s'égarant dans un tourbillon intérieur. Il savait que ce qu'Ego venait de dire avait une certaine logique. Shidō, avec ses impulsions incontrôlées et ses actions souvent solitaires, pouvait effectivement devenir une arme à double tranchant. Mais... quelque chose bouillonnait en lui à cette idée.
Une étrange sensation, difficile à identifier. Frustration ? Tristesse ? Peut-être un mélange des deux.
Car même s'il ne l'admettait jamais à haute voix, même s'il préférait l'ignorer et garder ses distances, Shidō... il l'aimait bien. C'était le seul, avec Bachira, qui acceptait ses instabilités, ses humeurs changeantes. Le seul à se nourrir de son côté imprévisible, à se frotter à ses excès sans se laisser déstabiliser.
Dojima se souvenait des moments où Shidō, dans ses éclats de folie, avait été capable de suivre ses impulsions les plus déraisonnables sur le terrain. Ensemble, ils se comprenaient dans un langage tacite que seuls les vrais fous du football pouvaient comprendre.
Il n'avait pas besoin de se justifier, pas besoin de s'ouvrir sur ses émotions. Après tout, il n'avait jamais eu l'intention de se lier avec qui que ce soit dans ce Blue Lock, et encore moins avec un personnage aussi imprévisible que Shidō. Mais la vérité, c'était que dans un coin de son esprit, il avait espéré... qu'il aurait l'opportunité de jouer avec lui.
Peut-être pas pour la gloire, pas pour la victoire. Mais juste pour voir où leurs délires pourraient les mener. Pour découvrir quel genre de chaos maîtrisé ils pourraient créer ensemble. Et maintenant, cette opportunité lui échappait.
Il serra les poings dans ses poches. Pourquoi ce sentiment d'absurde frustration ? Shidō était un implacable solitaire. Mais dans le fond, ils se ressemblaient. Deux âmes perdues, rejetées par le système, tentant de s'imposer à leur manière.
La pensée de Shidō manquant ce match l'agaçait plus qu'il ne l'aurait voulu. Pas de manière évidente, mais de manière sourde, comme une brûlure sous la peau.
C'était un sentiment dérangeant.
Dojima ferma les yeux un instant, comme pour faire taire cette voix qui lui murmurait des choses qu'il ne voulait pas entendre. Non. Il n'avait pas à s'attacher. Pas à se laisser aller à de telles émotions. Il était là pour l'adrénaline, pour la compétition. Ce n'était pas le moment de penser à des liens qui n'existaient pas.
Lorsqu'il rouvrit les yeux, il tourna discrètement son regard vers Yukimiya, comme pour se raccrocher à quelque chose de plus tangible. Son visage calme, presque serein, contrastait tellement avec la tempête qui grondait à l'intérieur de Dojima. Mais même lui... même lui faisait fondre une partie de ce mur de glace qu'il s'était construit autour de lui.
Il détourna les yeux rapidement, évitant de se perdre dans des pensées inutiles. Le match approchait. Et tout ce qui comptait, c'était de prouver qu'il était capable de surmonter tout ça.
'Je lui ferais passé l'envie de jouer dans le camp ennemie...'
La pièce était faiblement éclairée par l'écran de surveillance, projetant une lumière froide sur les visages de deux hommes. Le plateau de Go entre eux était un champ de bataille silencieux, où chaque pierre posée résonnait comme un coup stratégique. Dojima jouait distraitement, le regard parfois perdu sur les moniteurs affichant l'entraînement des titulaires. Son esprit était ailleurs, mais ses mains, elles, plaçaient les pions avec une précision presque instinctive.
Ego, quant à lui, l'observait avec son habituel sourire calculateur. Il savait que Dojima était un joueur hors normes, pas seulement sur le terrain, mais aussi dans sa manière d'analyser le monde autour de lui. Ce gamin avait une façon unique d'approcher le football... et la vie en général.
— « Tu es étonnamment doué à ce jeu, » fit-il en posant une pierre blanche, cassant le silence pesant.
Le jeune homme esquissa un sourire en coin.
— « C'est juste une question de contrôle. Ce jeu est une métaphore du terrain. Poser ses pierres, c'est comme prendre du terrain, enfermer son adversaire dans un piège. »
Ego croisa les bras, curieux.
— « Et pourtant, tu n'as jamais cherché à contrôler un match de bout en bout. Tu préfères attendre, observer, puis frapper au moment opportun. Un serpent plutôt qu'un conquérant. »
Dojima haussa les épaules, plaçant un pion noir sans même regarder le plateau.
— « Un serpent survit plus longtemps qu'un conquérant. »
Le binoclard eut un léger rictus.
— « Hm... intéressant. Par contre, je trouve ton optimisme un peu excessif concernant notre petit pari. »
Il fit tourner sa tablette du bout des doigts avant de poursuivre :
— « Tu es persuadé que nous allons gagner ce match contre les U20, et que ta proposition pour la sélection sera acceptée. Trop confiant, Yomamuki. »
Dojima posa un coude sur la table, soutenant sa tête d'une main paresseuse.
— « Échouer n'est pas dans mon vocabulaire. »
La réponse était immédiate, presque mécanique. Une vérité qu'il s'était imposée depuis longtemps.
Ego plissa les yeux, l'observant plus attentivement.
— « Hm... intéressant. Pourtant, quelque chose semble te bloquer ces derniers temps. Tu joues bien, mais tu n'es pas aussi affûté que d'habitude. Ton feu est un peu plus froid. »
Le noiraud ne réagit pas immédiatement. Il regarda la partie en cours, comme s'il pouvait y lire la réponse à une question qu'il n'avait pas encore formulée. Puis, il haussa légèrement les épaules.
— « Qui sait. »
Il ne mentait pas. Il ne savait pas vraiment ce qui le freinait. Ce n'était pas un manque d'envie, ni une perte d'intérêt... mais quelque chose en lui était légèrement décalé, comme une note fausse dans une mélodie.
Et ça l'agaçait.
Ego ne le pressa pas davantage. Il savait que forcer une réponse chez un joueur comme Dojima ne mènerait à rien.
— « Eh bien, on verra si tu trouves cette réponse d'ici le match. En attendant, je suis curieux de voir jusqu'où ton instinct te mènera. »
Dojima observa le plateau un instant, puis se redressa.
— « Moi aussi. »
Il jeta un dernier regard aux écrans de surveillance avant de quitter la pièce, le sentiment étrange qu'un puzzle invisible tentait de se former dans son esprit.
Ego observa le plateau un instant, puis la silhouette du jeune homme s'éloignant vers la sortie. Un léger ricanement s'échappa de ses lèvres.
— « Hmph... ce gamin est vraiment fascinant. »
Il baissa les yeux sur le jeu de Go, réalisant qu'il venait de perdre. Dojima l'avait battu sans même y prêter attention, comme si son esprit jonglait entre la partie et un autre combat intérieur.
— « Tch... » Ego fit tourner sa tablette entre ses doigts, amusé. « Il ne sait peut-être pas ce qui le bloque, mais il continue d'avancer. Honnêtement, c'est presque terrifiant. »
Il jeta un dernier coup d'œil aux moniteurs, où les joueurs s'entraînaient encore intensément. Mais son regard revint rapidement vers la porte par laquelle le jeune homme avait disparu.
— « Trouve ta réponse, Yomamuki... et montre-moi jusqu'où va ton instinct. »
Puis, il se détourna, prêt à analyser les données du jour. Ce match contre les U20 promettait d'être bien plus intéressant qu'il ne l'avait prévu.
Hôpital ??? — 17h54
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Le jardin de l'hôpital était paisible, bercé par une brise froide qui portait avec elle le parfum lointain de la pluie. L'herbe, légèrement givrée, craquait doucement sous les pas de l'homme qui poussait lentement un fauteuil roulant à travers les allées bordées d'arbustes endormis par l'hiver. Assise, une femme élégante profitait du silence, le visage levé vers le ciel gris, comme si elle cherchait à y capter un éclat de lumière caché derrière les nuages.
— « L'air est plus pur ici qu'à Djibouti... » murmura-t-elle, un sourire paisible aux lèvres.
L'homme massif qui l'accompagnait ne répondit pas tout de suite, ses mains gantées solidement posées sur les poignées du fauteuil. Après quelques pas, il laissa échapper un léger ricanement.
— « C'est parce que tu n'as pas encore senti l'odeur du chauffage collectif. »
Elle rit doucement, un son discret mais chaleureux, comme un écho du passé.
— « Toujours aussi pragmatique, toi. »
Ils continuèrent à avancer, le bruit feutré de leurs pas et du fauteuil roulant se mêlant au souffle du vent. L'homme jeta un regard autour d'eux, s'assurant qu'ils étaient seuls avant de reprendre la parole.
— « ...Il va jouer un match bientôt. »
Elle ne répondit pas immédiatement, savourant ces mots comme une gorgée de thé bien chaud en plein hiver. Puis, ses doigts fins vinrent ajuster la couverture qui recouvrait ses jambes.
— « Un grand match ? »
— « Un grand match. »
Elle hocha doucement la tête, un éclat tendre illuminant ses traits.
— « C'est bien lui. Toujours là où il faut être. »
L'homme resta silencieux un instant, comme hésitant à poursuivre. Finalement, il se pencha légèrement en avant, baissant la voix comme s'il révélait un secret.
— « Il a tenu tête à son père. »
Cette fois, son sourire s'adoucit, mais il ne vacilla pas. Elle inspira lentement, laissant l'air froid emplir ses poumons.
— « Ah... Alors, c'est vraiment sérieux. »
L'homme croisa les bras, un rictus amusé au coin des lèvres.
— « Très. Il n'a jamais été aussi clair dans ses intentions. »
Elle baissa un instant les yeux, son regard perdu dans les motifs entrelacés de la couverture sur ses genoux. Puis, dans un souffle, elle murmura :
— « Il l'a fait pour moi, n'est-ce pas ? »
L'homme ne répondit pas tout de suite, mais son silence en disait long.
— « Hm. Pour toi. Pour la famille. »
Elle ferma brièvement les yeux, profitant du poids rassurant de ces mots. Puis, dans un soupir léger, elle releva la tête vers le ciel.
— « Alors... je veux le voir. »
L'homme la regarda un instant, ses yeux sombres sondant les siens. Puis, après un moment, il hocha simplement la tête.
— « Bientôt. »
Elle tendit doucement la main vers lui, effleurant la sienne du bout des doigts.
— « Bientôt... » répéta-t-elle, un sourire paisible au coin des lèvres.
Le vent se leva légèrement, soulevant quelques feuilles brunes qui dansèrent un instant avant de retomber mollement sur le sol gelé. L'hiver était là, mais dans cet instant suspendu, il semblait presque doux.
TO BE CONTINUE...
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