𝟒.


SAMEDI

Il est minuit, je suis super fatiguée, mais je dois tout te raconter !!

À 15h précises (il faut dire que je n'ai jamais eu affaire à autant de ponctualité), Kim Foote a sonné à la porte. Elle était vêtue d'une robe trapèze claire, serrée par une ceinture noire. Elle portait aussi des baskets blanches. Moi je m'étais habillée simplement avec un jean slim et un sweat-shirt à l'effigie de Blondie, mon groupe préféré.

- Salut, a-t-elle dit.

- Hello.

Elle me paraissait étrangement calme et sereine. Ses yeux balayaient la pièce d'une façon pas trop insistante, contrairement à son habitude et elle semblait très tranquille, comme si elle s'apprêtait à mettre à jour un projet sur lequel elle méditait depuis très longtemps.

Cette fois, c'était moi qui avait l'air bizarre avec mes cheveux verts décoiffés et mon sweat trop grand.

Nous sommes montées dans ma chambre, où j'ai dû ramasser ma veste teddy qui traînait par terre pour on ne sait quelle raison.

- Voilà, ai-je dit. Ce n'est pas la Maison Blanche, mais bref, c'est chez moi.

- Oh, tu as un synthétiseur ?

« Où ça ? » me suis-je demandée, mais déjà Kim se précipitait vers le piano électrique coincé entre deux étagères.

- Je ne sais pas en faire, ai-je avoué. Toi, si ?

- En effet. Je peux ?

- Vas-y, j't'en prie.

Elle s'est assise, et s'est mise à jouer après avoir replacé une mèche de ses longs cheveux bruns derrière son oreille. Ses mains, particulièrement belles avec leurs longs doigts, couraient sur le clavier, donnant des notes mélodieuses qui formaient un air magnifique.

- Tu joues super bien ! me suis-je exclamée. Et qu'est-ce que c'est ?

- Je ne sais pas, je l'ai inventé, récemment.

- Ah ouais ?!

- Oui !

Elle m'a adressé un grand sourire, ce qui, pour une raison inconnue, m'a fait énormément rougir. Je me suis détournée pour cacher mon visage et j'ai mis de la musique.

Call me (call me) on the line

Call me any, anytime

Call me (call me) I'll arrive

When you're ready we can share the wine

Call me

- C'est Blondie, non ?

- Yep.

Elle m'a alors proposé un autre titre du groupe, tiré d'un album que je n'avais pas encore écouté : Accidents Never Happen.

- L'album, c'est Eat to the Beat ? ai-je demandé.

- Oui, qui est, selon moi, le meilleur album du groupe, a-t-elle assuré.

C'est alors que je me suis dit que, des personnes qui écoutent Blondie, on en croise pas tous les jours.

- Tu écoutes quoi, comme musique, d'habitude ? l'ai-je interrogée.

- J'explore un peu tout ce que je trouve, mais je préfère Madonna, Hole, et puis la musique des années 70 en général, a-t-elle répondu.

OK, alors, récapitulons : la musique des années 70, c'est tout à fait la période Blondie, Madonna, j'ai jamais écouté, et Hole, je crois pas en avoir déjà entendu parler.

- Et toi ? Tu es plutôt Blondie, d'après ce que j'ai compris, mais c'est tout ?

- J'aime bien Bonnie Tyler, aussi, et puis les chansons que mes parents me faisaient écouter quand j'étais petite, ai-je répondu.

- Aaah, Bonnie Tyler ! Pas mal aussi.

- Tu veux bien me faire écouter Hole ? ai-je questionné.

- Bien sûr, a-t-elle acquiescé.

And the sky was made of amethyst

And all the stars were just like little fish

You should learn when to go

You should learn how to say no

Might last a day, yeah

Mine is forever

Kim avait le regard perdu dans le vide. Ses cheveux étaient comme déployés, pendant de chaque côtés de son visage. Elle a levé la tête, et j'ai détourné le regard vers l'écran de mon téléphone, sur lequel le clip de la chanson défilait. Je me suis alors rendue compte que la chanteuse avait les mêmes yeux que moi. Enfin, peu importe.

- Dis..., a hésité Kim.

- Oui ?

- Tu me montres tes dessins ?

Je suis allée chercher mon carnet et lui ai mis dans les mains. Elle s'est mise à le feuilleter et mon regard s'est à nouveau posé sur ses grandes mains.

- Est-ce qu'on t'a déjà demandé des dessins ?

- Les gens veulent toujours que je les dessine.

- Et tu ne le fais pas ?

- Non, je ne crois pas que ce serait satisfaisant.

- Et ça, c'est quoi ?

Elle me montrait un portrait que j'avais réalisé il y a peu de temps.

- Ouais, bon..., ai-je marmonné.

J'ai levé les yeux vers elle.

- Tu voudrais que je... que j'essaie de te dessiner ?

- Seulement si tu es d'accord.

Pour toute réponse, je lui ai arraché le carnet des mains et me suis levée. Puis je suis allée chercher une feuille et un crayon.

- Tu peux t'installer au piano s'il-te-plaît ? Et jouer hum... quelque chose.

Elle s'est assise sur le siège, s'est humectée les lèvres et a commencé le même morceau qu'elle m'avait présenté plus tôt. Mon crayon parcourait ma feuille, les traits se sont toisés, joints, croisés, fondus jusqu'à la fin. On ne distinguait pas son visage, mais elle était quand même reconnaissable. Kim.

J'ai tendu le bras et elle a attrapé le dessin.

- Tu peux le garder, ai-je précisé.

- Merci, a-t-elle dit dans un souffle.

Elle n'a pas complimenté le dessin, mais les étincelles dans ses yeux mordorés en disaient long.

Quand elle a levé son regard vers moi, plongeant ses yeux dans les miens, je me suis à nouveau détournée pour mettre une autre chanson.

- Je ne connais pas, a dit Kim.

- Toujours Blondie, ai-je répondu. Mais c'est assez récent, c'est leur avant-dernier album.

If you're a boy or if you're a girl

I love you just the same

Where ever you go all over the world

A rose by any name

- Ça n'a pas l'air d'avoir servi, a remarqué Kim.

Ses yeux étaient posés sur un petit crayon à lèvres qui reposait sagement sur mon bureau.

- Euh... non, effectivement.

J'ai baissé les yeux.

- À chaque fois que j'essaie d'utiliser un truc comme ça, je fais un carnage.

- Tu veux que je t'aide ? a-t-elle proposé.

« Quoi ? » ai-je pensé, abasourdie.

J'ai lentement opiné.

Je suis restée assise dans une position que je jugeait confortable, puis me suis figée. J'étais un petit peu tendue, en particulier au moment ou sa main a touché par erreur mon menton. Je sentais le crayon sur mes lèvres, mais je ne m'en préoccupais pas trop.

J'ai d'abord regardé ses cheveux. Longs. Bruns. Auburn au soleil. Et puis ses yeux. Bruns. Ambrés. Dorés. Ses joues. Blanches, mais un peu hâlées et légèrement teintées de rose. Je me suis demandée pourquoi est-ce qu'elle rougissait.

Elle a lâchée le crayon, qui est tombé sur le sol. Puis elle a approché son visage du mien, et j'ai fermé les yeux. Ses lèvres se sont délicatement posées sur les miennes.

1145 mots

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