Chapitre 12 : L'ARMÉE DE SOSKA
La forêt était sombre, on n'avait aucune idée de l'heure. Les montres de Leno Tampiar, Irwin, Pjotr, Karel et Angela s'étaient arrêtées depuis longtemps.
Au bout d'un moment, ils s'arrêtèrent dans une clairière. Un carré de ciel noir se découpait entre les arbres.
Ils réunirent quelques branches et allumèrent une flamme, qui grandit et, bientôt, le feu se mit à craquer joyeusement.
Ils s'endormirent tous bien vite, Irwin le premier.
*
Irwin marche. Il marche, encore et encore. Tout est plongé dans l'obscurité. Il se demande où est M. Tampiar, et, Karel, et Angela, et Pjotr. Et puis, il comprend.
Il est en train de rêver.
Il continue de marcher, de plus en plus vite, sans trouver d'issue. Le rythme de son cœur s'accélère.
Puis, enfin, il aperçoit deux points de lumière.
Lumineux.
Orange.
Cruels.
Ce sont des yeux.
IL CRIE.
Puis la voix retentit. Tranchante, cassante, cruelle, brusque, mielleuse, grave, veloutée, enfantine, horrifiante, comme la première fois.
« Viens. »
...
« Viens. »
Non.
« Viens ! »
Non !
« Viens à moi !!! »
Non !!!
« VIENS IMMÉDIATEMENT ! »
IL HURLE !!!
— Non, s'il-te-plaît, Irwin, réveille-toi, c'est moi, Pjotr !
CLAC !
— Irwin !
— Je suis là, répondit-il.
— Pardon, je suis vraiment désolé de t'avoir...
— Mais ?! C'est la nuit ! Que fais-tu réveillé ?
— À vrai dire, tu as crié deux fois, et heureusement, répondit Pjotr avec un pâle sourire.
Il s'écarta du champ de vision d'Irwin.
La première chose qu'il vit, ce fut le fait que tous ses amis étaient ligotés, hormis lui et Pjotr.
Puis il vit des soldats armés jusqu'aux dents juste derrière, se détachant dans l'obscurité.
Le chef s'avança et dit :
— Saisissez-les.
Puis, s'adressant à Irwin, Pjotr, Leno, Karel et Angela :
— Mon nom est Soska.
*
Le trajet fut long et difficile.
Ils marchèrent pendant tout le reste de la nuit et toute la matinée. Quand enfin ils arrivèrent en vue d'une grande ville, ils apprirent qu'il était une heure de l'après-midi et qu'ils avaient marché durant dix heures.
Soska fit signe de s'arrêter.
— Voici Sian, présenta-t-il. Nous nous rendons chez le Seigneur Shan.
Ils reprirent la route et pénétrèrent dans la ville.
Celle-ci ne ressemblait pas du tout aux autres villes qu'ils avaient déjà visité.
Sian était déjà beaucoup plus imposante que Poseide. Les murailles, bien que très hautes, laissaient voir le toit des hautes tours : les habitations pour les citoyens. Même le palais du Seigneur, une demeure construite en marbre blanc, semblait basse comparée aux tours, pourtant elle devait être haute d'au moins trente mètres.
Les gardes s'écartèrent tout de suite à l'arrivée de l'armée. Ils traversèrent un long corridor puis entrèrent dans une vaste salle.
Un homme était assis devant une longue table en verre et était penché sur un gros carnet.
Soska s'approcha, avec derrière lui ses prisonniers.
Irwin jeta un coup d'œil sur le carnet que tenait l'homme. En fait il dessinait. Irwin s'aperçut alors que les murs de la salle étaient tapissés de dessins, aquarelles ou peintures représentant des animaux, paysages ou personnages. L'homme était vraiment doué.
Il leva la tête. Ses longs et volumineux cheveux roux clair étaient jetés sur ses épaules. Ses yeux sombres pétillaient. Il avait aussi un nez aquilin et des pommettes hautes.
— Ah, salut, Sozuk, ça fait un bail ! dit-il.
— Euh... je... Seigneur...
— Appelle-moi Shan !
— Euh... oui, euh... Shan... mon nom, c'est Soska, pas Sozuk...
— OK, OK, nice, Soska ! Quoi de neuf ?
— J'amène des prisonniers.
— Oh.
Soska s'écarta.
— Agenouillez-vous devant votre Seigneur, exhorta-t-il.
— Nice, Soska, laisse-les debout, fit Shan en se levant. Enfin... Tu peux apporter des fauteuils, Solen ?
Un homme se détacha du mur. Ses cheveux, sa peau, ses yeux, ses vêtements, tout chez lui était blanc comme le mur derrière lui.
— Oui, dit-il.
Il s'apprêta à s'en aller.
— Et apporte aussi quelques rafraîchissements.
Solen opina du chef et s'éclipsa.
— Well... Vous avez l'air sympathique, vous savez ? demanda Shan en souriant. Comment vous prénommez-vous ?
— Leno.
— Irwin.
— Karel.
— Angela.
— Pjotr.
— OK ! s'exclama Shan. Moi, c'est Shan, mais vous le savez déjà.
À ce moment précis, Solen réapparut, apportant des fauteuils et du thé vert glacé.
— Asseyez-vous donc ! dit Shan. Maintenant, éclaircissons les choses; que faîtes-vous dans cette forêt ?
— Nous voulions aller à Héphaïst par l'Océan, mais le capitaine de bateau a été rappelé chez lui. Ils nous ont laissé dans la forêt.
— Ah ! Fort bien ! Mais vous me paraissez très étranges, seriez-vous terriens ?
— Nous le sommes. Eux sont français; moi, roumain.
— Oh oh ! Moi, je suis américain. Vous devez être fatigués. Je vous propose de rester quelques jours dans notre ville.
— Pourquoi pas ? fit Leno Tampiar.
— Ha ha, oui, why not ?! Bon, ça suffit, moi j'ai des dessins à finir, par personne ! Soska, emmène-moi tout ça... quelque part.
— Où ça ?
— Ben, chais pas moi, t'as un cerveau, qu'il te serve à quelque chose, pour une fois ! Allez, te vexe pas, j'ai un humour pourri, je sais.
Soska fronça ses sourcils puis se détourna vers la porte.
— Bon, on y va, dit-il.
Ils sortirent du palais et Soska les conduisit dans une auberge. Il commanda une soupe de légumes pour tout le monde. Il ses séparèrent en plusieurs tables, une table avec M. Tampiar, Irwin, Karel, Angela, Pjotr, Soska et deux soldats, puis ils firent quatre tables de cinq soldats.
— Vous avez de l'argent, au moins ? demanda Soska.
— Oui. Il faudra changer la monnaie en arrivant au Clan du Feu, répondit Leno Tampiar.
— Je vois. Nous ne payons qu'avec du cristal de Pyerrott, dit Soska.
— Oh. Je vois.
— La soupe n'est qu'à deux pièces.
— Ce n'est pas cher du tout. À Poseide, c'est quatre.
— C'est quoi vot' métier ? s'interrogea Karel.
— Je commande les troupes de Shan, expliqua Soska. Ça ne sert pas à grand chose; on est tous en paix et les humains des clans pensent qu'on est des sauvages sans foi ni loi.
— Aaah, dit Karel. Je comprends. Et les Elfes ?
— Eux, ils sont amicaux. Ils nous livrent des marchandises.
— Ils ont vraiment l'air cool, ces Elfes.
Soska éclata d'un rire amer.
— Si tu arrives chez eux et que tu es inconnu, tu passes une semaine en prison, incarcéré. Sinon, ils sont cléments. Un peu comme Shan, mais en plus sérieux. Au temps de Shaw, vous auriez eu droit à un long entretien avec lui.
— C'est qui, ce Shaw ? demanda Pjotr.
— Le prédécesseur de Shan.
— C'est son père ? s'enquit Angela.
— Non, nous, nous élisons notre Seigneur.
— C'est un bon Seigneur, Shan ? interrogea Irwin.
— Très bon, même s'il n'en a pas forcément l'air. Il baisse ou monte les impôts et taxes dès qu'il le faut. une fois par semaine, il écoute les demandes du peuple. Et il a enlevé la peine de mort.
— Parce qu'il y avait la peine de mort ? s'exclama Angela.
— Oui. En fait, depuis que Shaw avait commencé à régner, la peine de mort était beaucoup moins utilisée qu'auparavant, mais c'est Shan qui l'a véritablement abolie. La nouvelle a couru dans tout Lirian, et les Clans se sont dépêchés de faire de même. Les Elfes, c'était déjà fait depuis belle lurette, mais on les prenait (et on continue) un peu pour des coincés.
— C'est bien, mais c'est quoi, Lirian ? demanda Karel.
— Comment dîtes-vous ? Elathe ? Oui, voilà, c'est ça. Et les Elfes ont encore une autre façon de dire. Les Elfes, ici, on les appelle les Ermels. Karel, mange ta soupe, elle va être froide.
— Vous avez retenu mon prénom ?! s'étonna Karel.
— Bien sûr, il y a un cerveau, là-dedans, tu crois quoi ? Faut pas écouter tout ce que dit Shan !
Tous éclatèrent de rire.
*
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