C H A P I T R E - D I X
Je suis restée au minimum une quinzaine de minutes, assise sur cette cuvette peu confortable. Le baiser avec Adam m'a toute chamboulée ; mon cerveau en est retourné. Je ne comprends pas son comportement, même si j'avoue avoir plutôt aimé la façon dont il m'a embrassée.
Il faut que j'arrête de me faire des films ! Il voulait simplement que je me taise et il n'a pas trouvé d'autres moyens.
Lentement, je me relève des toilettes et me positionne devant le lavabo. Un miroir est accroché au-dessus, dévoilant mon visage rougi par la réflexion. Un soupir m'échappe et j'essaie d'arranger mes cheveux dès à présent en bordel monstre. J'en profite pour passer un jet d'eau froide sur ma peau, j'en ai bien besoin.
Après m'être répété maintes et maintes fois que tout allait bien se passer, je sors de ce lieu devenu encore plus étroit qu'il ne l'est déjà.
Ivy vient me sauter dessus et je la prends avec joie dans mes bras.
« Dis-donc, t'es tombée dans le trou ou quoi ? me demande Josh, en s'esclaffant.
— Hahaha, très drôle ! »
Mon frère continue de rire à se rouler par terre puis donne une vigoureuse tape dans la main d'Adam. Ce dernier me jette un coup d'œil et je l'ignore royalement. Il m'énerve !
Ma filleule me sort de mes pensées en agitant sa petite main potelée devant mes yeux.
« Je veux jouer à la poupée avec toi ! dit-elle de sa voix adorable.
— Allons-y ! réponds-je en courant vers sa chambre. »
Elle rigole et m'intime de continuer à courir aussi vite que sa licorne préférée. Je ne sais pas si le fait d'être comparée à un animal puisse être gratifiant, mais qu'importe. Je ferai tout pour qu'elle ait le sourire.
En y pensant, Ivy m'a clairement sauvé la vie. Je n'aurais pas pu rester attablée avec tout le monde, surtout après ce qu'il s'est passé. Mes doigts touchent doucement mes lèvres et une délicate chaleur se loge au creux de mon ventre.
Que m'as-tu fait, Adam ?
« Tiens. »
Ivy me tend un poupon dénudé et part déjà farfouiller dans sa caisse à jouets.
« Il ne va pas avoir froid ton bébé ?
— Si, mais je sais pas l'habiller, répond-elle l'air soucieuse. »
Elle me donne des vêtements aussi minuscules que ma main. Et dire que nous sommes tous passés par là. Je me rappelle encore de la première fois où j'ai vu cette petite princesse à la maternité. Elle semblait si fragile dans son lit transparent que je l'ai tout de suite aimée. Au départ, je n'osais pas la porter, de peur de lui faire mal. Mais, lorsque mon frangin l'a doucement déposée dans mes bras et qu'elle a entouré mon index de sa paume, mon cœur a explosé. Un mélange de sentiments m'a submergée et je l'ai câlinée jusqu'à ce que mes parents décident de partir. C'était l'un des moments marquants de ma misérable vie.
« Et voilà ! m'exclamé-je, fière de mon travail. »
Elle saisit le jouet et le balance dans la poussette. Le pauvre, heureusement qu'il n'est pas réel.
« Ivy, doucement, rigolé-je. »
Ses grands yeux émeraude m'observent et elle me sourit, montrant ses petites dents toutes mignonnes. Même si je n'aime pas spécialement les enfants, Ivy me fait craquer.
×××
Après une bonne heure à avoir jouées à la maman, je retourne au salon où je découvre que mes parents ne sont plus là. Ils ne m'ont tout de même pas abandonnée, si ?
« Où sont papa et maman ?
— Ils devaient aller faire quelques courses. C'est Adam qui te ramène, répond mon aîné.
— Je peux prendre le bus, fis-je précipitamment.
— Ça ne me dérange pas de te ramener, alors accepte. »
Mon corps pivote vers le brun qui me regarde un sourire en coin. Ce n'est pas vrai, je vais me réveiller !
« Et si j'ai pas envie ? le provoqué-je.
— Ellie, fais pas l'enfant, s'interpose Josh.
— Je ne t'ai pas parlé à ce que je sache, riposté-je.
— Laisse, Josh. Alors, tu préfères te les geler en revenant à pied ?
— Si je peux me tenir loin de toi alors ça me va ! »
Un véritable combat de coqs se déroule entre nous, je ne lâcherai pas l'affaire. Mon frère souffle, je peux sentir l'agacement qui émane de lui. D'ailleurs, je ne comprends pas pourquoi il se mêle de ce qui ne le regarde pas. C'est vrai, il ne connaît rien de l'histoire et il a le culot de rajouter son grain de sel.
Au bout de quelques instants, je décide de faire abstraction de sa personne. Il me met dans tous mes états et il ne doit pas le savoir. Afin de détendre l'atmosphère, Stella me propose gentiment un café et je ne peux pas refuser. Je m'assois sur l'une des chaises et en profite pour vérifier ma boîte mail. Ma patronne semble conquise, d'après les bons retours que je reçois. Néanmoins, je suis toujours aussi assaillie par le travail.
Au même moment, mon cellulaire vibre dans le creux de ma paume, m'annonçant l'arrivée d'un message. Je m'empresse de l'ouvrir et tombe sur une nouvelle photo de Jon.
J'ai retrouvé une vieille image de nous. On était si beaux...
Voilà ce qu'il a écrit en description. Je clique sur la pièce jointe et découvre trois têtes, le sourire aux lèvres. Jon a un genou à terre, les bras croisés tandis qu'Heather et moi sommes toutes deux à ses côtés, une main posée sur chacune de ses épaules.
Je me souviens du jour où nous l'avions prise. Ils étaient venus à la maison afin que l'on répète pour le spectacle de fin d'année du collège. Maman était toujours derrière nous, prenant des clichés à tout va. Elle les avait d'ailleurs fait développer pour chacun d'entre nous. Si seulement nous pouvions revenir à cette époque...
Une douleur me comprime la poitrine, mes yeux s'humidifient. Le manque prend chaque jour un peu plus de place dans mon être, me rappelant sans cesse cette douloureuse période. Je pense que l'on ne se remet jamais vraiment de la perte d'un être cher, même avec les années.
J'adore cette photo.
Puis, je verrouille l'appareil, ne souhaitant pas me faire encore plus de mal.
« Ça va ? demande Adam, en posant sa main sur mon épaule. »
J'ai un mouvement de recul, qui ne lui échappe pas. Il retire alors sa main, se grattant l'arrière du crâne. Ne voulant pas mettre un froid supplémentaire, je hoche simplement la tête.
Il comprend alors qu'il doit lâcher la grappe, au risque de s'attirer mes foudres. Stella revient avec une tasse fumante entre les mains, qu'elle dépose sous mon nez.
« Merci. »
Elle s'assoit aux côtés de Josh qui me scrute d'une drôle de façon.
« J'ai quelque chose sur le visage ? »
Mon frère fronce les sourcils et secoue la tête de gauche à droite, en signe de désapprobation. Je ris doucement en prenant une gorgée de ma boisson. La caféine longe mon œsophage, me procurant une jolie sensation. Je pense que je ne pourrais jamais m'en passer.
« Tu as revu des personnes ici ? demande soudainement Joshua.
— Oui, j'ai passé certains moments avec Jon. Tu savais qu'il vivait dans notre squat ?
— Ah bon ? Depuis quand ?
— Depuis que je suis partie, murmuré-je. »
Mon frère me regarde avec compassion et change de sujet. Évoquer cette année-là est encore délicat.
« Tu savais qu'Adam a encore le bracelet que tu nous avais fabriqué ?
— Josh...
— Oh, allez, fais pas ton timide. Il l'a toujours au poignet. Sauf aujourd'hui, constate-t-il un pli barrant son front.
— C'est vrai ? questionné-je, touchée qu'il ne l'ait pas jeté.
— Oui, dit-il timidement, en frottant ses cuisses. »
Attendrie, j'en oublierai presque ma colère. Sans m'en rendre compte, je cherche ses grands doigts sous la table et les lie aux miens. Ce simple contact m'électrise tout le corps et mes joues prennent une teinte rosée.
Saperlipopette !
Rapidement, j'enlève toute trace d'affection sous le regard rieur du bouclé. Pourquoi ai-je fait une chose pareille ?
J'essaie de passer par-dessus cette histoire si compliquée, en discutant de tout et de rien avec tout le monde. Bien évidemment, je sens qu'Adam est d'humeur taquine. En effet, lorsque je décide de boire, il fait exprès d'effleurer ma jambe de la sienne m'amenant à recracher ma boisson. Je suis étonnée que les tourtereaux n'aient toujours pas remarqué son petit manège.
Le brun zieute son cellulaire depuis quelques minutes et je me fais mille et un film. Et s'il avait une copine ? Je m'en voudrais toute ma vie.
« Bon, je vais y aller, commence-t-il. T'as changé d'avis, miss têtue ?
— Je ne suis pas têtue !
— Oh que si, tu ne t'en rends même pas compte. »
Boudeuse, je le fusille du regard tout en croisant les bras contre ma poitrine.
« Roh, arrête de bouder, miss têtue. Allez, lève-toi, on y va.
— Je n'ai pas à recevoir tes ordres.
— Tu vas pas recommencer quand même ?
— Bon, sœurette, t'as pas vraiment le choix. Donc, accepte.
— Merci, mec ! »
Joshua lui fait un clin d'œil et je lève les yeux au ciel. De toute façon, je peux débattre pendant des heures, je n'ai pas d'autres choix.
J'embrasse alors tout le monde, m'attardant sur la petite qui somnole sur sa mère. C'est peut-être la dernière fois que nous nous voyons avant que je ne rentre chez moi. La réalité me frappe, je commence à culpabiliser. Je me rends compte que j'ai raté énormément de choses en m'exilant.
« On s'appelle ?
— Bien sûr, Josh ! »
Il me sourit tendrement, tout en nous faisant signe. J'entre dans la vieille automobile du bouclé et il s'installe à la place du conducteur.
« Tu n'as toujours pas changé de voiture ? ricané-je.
— Quand on aime, on ne lâche pas au premier problème. »
J'espère que cela vous a plu ! A dimanche <3
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