𝘗𝘙𝘖𝘓𝘖𝘎𝘜𝘌




ELIZABETH LUCK, malgré son nom, était tout sauf chanceuse. Elle n'était pas maladroite comme certaines de ses connaissances, dont le nom ferait mieux de rester secret -pour l'instant au moins-, mais elle avait été dotée dès la naissance d'une malchance non-mesurée qui faisait qu'elle réussissait toujours à se mettre dans les pires situations sans le moindre effort. 

C'était d'ailleurs l'une des raisons pour laquelle elle s'était bien souvent pris les foudres de certains de ses camarades qui ne cessaient de se moquer d'elle, que ce soit gentiment ou non. Elle avait d'ailleurs reçu le surnom de "Elizpas Luck" en première année, enfin, avant qu'on ne trouve autre chose sur quoi la moquer. Alors qu'elle croyait qu'on ne pouvait trouver pire, au bout d'un bon mois de cours, le surnom "Flocon" était né.

Il ne fallait pas se méprendre, Flocon pouvait sembler innocent, gentil, voire mignon si on ne cherchait pas de sens trop profond. Qu'est-ce qui pouvait être plus beau, plus doux qu'un flocon de neige tombant sur le sol pour y fondre? Mais non, ce n'était pas le sens qui lui avait été donné. Ce n'était pas non plus le sens "sensible" qu'on lui avait légué : si elle pouvait, comme tous les êtres humains, montrer sa sensibilité, ce n'était pas le trait qui ressortait le plus chez elle. Non, la raison pour laquelle Elizabeth était prénommée Flocon était pire, et assez simple à trouver si on s'approchait assez d'elle.

En effet, d'aussi loin qu'elle pouvait se rappeler, Elizabeth Luck n'avait senti qu'une seule fois la sensation de chaleur auparavant. Peu importait combien de couches de vêtements elle enfilait, ou encore le niveau de température de la pièce, elle restait froide, gelée presque. Les caresses de ses proches ne lui offrait aucune sensation autre que la rencontre de deux corps.

Petite, elle n'y avait jamais vraiment fait attention -ô, qu'elle aimerait retourner à cette époque d'innocence!-, et s'habillait comme bon lui semblait, été comme hiver. Et pour cause, un beau jour d'hiver, où le bleu du ciel avait été couvert par de gros nuages blancs semblables à de la barbe à papa, elle avait enfilé une petite robe rose aux motifs fleuris, cadeau de sa mère pour son anniversaire -le six juin, plus précisément-. Se penchant au dessus de l'évier dans sa cuisine, elle avait regardé par la fenêtre pour voir le sol se couvrir d'un voile blanc, et des flocons tomber en tas. Un rire cristallin avait quitté ses lèvres boudeuses d'enfant, et elle n'avait pas hésité une seconde avant de courir vers sa porte d'entrée, la poussant grande ouverte pour se jeter dehors, émerveillement se lisant dans ses yeux bleus.

Elle avait passé la journée dehors sans qu'aucun adulte ne la surveille, sa mère -une journaliste- comme son père -un dentiste- n'étant pas présents. Elle ne les blâmait pas : comment auraient-ils pu deviner le désastre qui allait arriver ? Il ne l'avaient retrouvée qu'en début de soirée, un sourire ravissant dansait sur ses lèvres bleus, tandis que son nez et ses joues étaient teintés d'une couleur fraise incontournable. Elle tremblait incessamment, sans pour autant se rendre compte du mal. Elle était, en effet, plus surexcitée qu'autre chose : pour la première fois depuis ce qui lui semblait être une éternité, entre tous ces moments où le même froid terne se baladait dans son corps, elle avait ressenti un éclat de chaleur !

Elle avait presque douté de son existence, mais il avait bien été là, laissant une cicatrice blanche sur son coude droit (l'endroit de son corps qui s'était le plus enfoncé dans la neige). Après cette journée, elle avait passé plus d'une semaine au lit avec une énorme migraine, des allers-retours incessants aux toilettes et la visite ponctuelle d'un docteur. Malgré tous ces soins, des traces restaient, si bien que jamais elle ne put se débarrasser du blush rouge envahissant son visage, des pommettes jusqu'au nez.


Les élèves de Poudlard n'avaient cependant aucune idée des antécédents d'Elizabeth "Flocon" Luck (ni pourquoi elle était toujours froide, ni la raison de ses joues toujours rougies, ni le fait qu'un éternuement, même en pleine été, pouvait quitter sa bouche), puisque jamais elle n'avait osé raconter la raison de sa condition. Même ses amis n'en savaient rien, car elle craignait que parler allait provoquer un mouvement de panique chez eux. Elle n'avait déjà pas beaucoup de vrais amis, elle ne pouvait pas en plus les faire fuir.

Enfin, jusqu'à sa troisième année, lors de son cours d'Histoire de la Magie, lorsque la seule place disponible fut à côté d'un garçon de son année. Remus Lupin était doté d'un calme phénoménal -et c'était d'ailleurs une chance pour lui, étant donné ses fréquentations-, mais aussi d'un sérieux enviable -qui pouvait facilement disparaitre-, et, plus que tout, il était compréhensif.

Alors un jour, après l'annonce inattendue d'un examen censé être "surprise" en Histoire de la Magie, ils s'étaient donné rendez-vous à la bibliothèque en un regard. Lorsqu'ils furent tous deux disponibles, seulement une heure plus tard, ils s'étaient retrouvés avec leurs affaires, et avaient foncé.

Leur spot préféré -une banquette aménagée qui était connue pour être celle d'Elizabeth- était à l'angle nord-ouest de la bibliothèque, assez éloignée du milieu de la pièce pour ne pas être dérangé, et aussi assez loin du bureau de Madame Pince pour qu'elle ne s'énerve pas en entendant un chuchotement ou deux. L'endroit était baigné par une lumière sortant des fenêtres à proximité. Personne d'autre qu'Elizabeth ne s'y asseyait, à moins d'être personnellement invité par Elizabeth. Remus était de ceux qui y avaient droit.

Elizabeth tirait une certaine fierté de ce spot : elle aimait à penser que personne ne le lui volait parce qu'ils avaient peur d'elle, elle et ses pouvoirs flamboyants. Après tout, étant une Gryffondor et une née-moldue, elle se réjouissait de l'idée qu'on puisse la craindre. Cependant, c'était probablement davantage parce qu'elle était positivement -la plupart de temps- populaire, et que personne n'avait envie de la provoquer.

C'était assis sur cette banquette plus que confortable -il avait fallu du temps à Elizabeth pour la rendre ainsi-, positionnés sur des coussins moelleux à la perfection, que son secret avait glissé des lèvres d'Elizabeth.

Sans aucun contexte, aucun avertissement, elle avait ôté la plume en sucre qu'elle suçotait jusqu'alors, tapoté deux fois contre son cahier avant de se frotter le nez. Quand elle avait ouvert la bouche, tout était sorti. Remus n'avait pas dit un mot de tout son récit, levant simplement la tête pour la regarder dans les yeux. Son air compréhensif et ses yeux rassurants avaient poussé Elizabeth à continuer jusqu'au bout, ne prenant que de petites inspirations de temps à autres.

À la fin de son récit, Remus avait délicatement attrapé la main d'Elizabeth, ne fléchissant pas d'un muscle lorsqu'il en sentit la fraicheur. Il avait l'air de comprendre ; il avait compris.

Après tout, Elizabeth Luck n'était pas la seule à être maudite.

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