𐚁 Chapitre 59

━━━┅━ J I S U N G ━┅━━━

   Mon regard perdu dans le vide comme si le carrelage du sol avait aspiré mon âme, j’écoutais vaguement ce que nous disait la professeure. Ça devait faire une bonne dizaine de minutes que j’avais complètement décroché du cours, ma joue écrasée contre mon poing. Pas que ce cours n’était pas intéressant – du moins, pas plus que d’habitude –, j’avais simplement l’esprit ailleurs et focalisé sur une personne en particulier. Minho n’avait pas quitté mes pensées depuis la veille et je ne cessais de ressasser notre discussion par messages. Enfin, est-ce qu’on pouvait vraiment appeler ça une discussion ? Au lieu de profiter du moment qu’il m’offrait en essayant de calmer le jeu entre nous, je l’avais envoyé valser en express à cause de mon égo blessé par le fait qu’il passait la nuit chez Seungmin.

À vrai dire, je ne regrettais pas totalement mon geste car je me connaissais bien, je savais que je ne me serais pas retenu de lui dire ses quatre vérités, au dépit d’être sec et odieux, de toute façon. J’étais juste contrarié et nostalgique, mon meilleur ami me manquait mais ce dernier ne devait probablement pas le savoir.

Les aiguilles venaient de toucher la quatrième heure de l’après-midi, nous annonçant alors que l’avant-dernière journée au lycée arrivait à sa fin. Ça avait été un soulagement pour moi d’entendre la sonnerie retentir, celle-ci étouffant le discours de la cinquantenaire qui tentait tant bien que mal de nous conseiller sur les techniques de révisions pour l’épreuve de philosophie qui aurait lieu très bientôt. Néanmoins, c’était avec tristesse que je constatai que personne ne l’écoutait, moi y compris. À peine le bruit strident avait terminé de sonner que tout le monde s’était agité dans le but de quitter les lieux. Ce fut ainsi que je me connectai de nouveau à la réalité et me levai pour les imiter.

Un peu plus calmement, je rangeai mes affaires dans mon sac à dos, seul dans mes songes puisqu’aujourd’hui je n’avais pas eu de camarade de table. Hyunjin, qui avait pour habitude de me prêter compagnie depuis un mois maintenant, avait apparemment préféré s’asseoir à côté de Changbin. Tandis que Minho, lui, était évidemment auprès de Seungmin. Je les observais parfois, d’ailleurs, tous les deux au fond de la classe alors que je me situais souvent dans leur diagonale à l’avant. Et à chaque fois, comme à présent, je les voyais en train de se sourire amoureusement.

Nerveusement, je me mis à mordiller l’intérieur de ma joue. Je pensais de nouveau à la soirée qu’on avait passé à la fête foraine et à la manière dont on avait tous les deux laissé nos conflits de côté pour s’amuser ensemble. Une grande première et, si au début je m’étais méfié de son approche douteuse et brutale, je n’avais pas pu lui résister. On avait discuté et ri comme si rien de tout ça n’était arrivé et ça m’avait fait un bien fou de le retrouver, même seulement le temps d’une courte soirée. C’était tellement ridicule comme situation que j’avais l’impression que ça sortait tout droit de mon imagination mais j’étais extrêmement heureux qu’on ait pu faire un pas l’un vers l’autre, aussi petit qu’il soit. Néanmoins, j’avais espéré que le fait que nous ayons enfin repris contact par messages nous aurait permis d’au moins tenter de se rapprocher face à face, en vain.

Au lycée, Minho m’évitait toujours comme la peste et ne me lançait aucun regard, me laissant alors l’horrible arrière-goût de défaite sur le fond de la langue. J’étais très déçu et je ne le cachais pas. Je tentais d’attirer son attention en me tournant vers lui ou en le frôlant dès qu’on se trouvait près l’un de l’autre. Je l’abordais silencieusement avec des sourires timides et des signes de mains légers mais rien n’y faisait. J’avais attendu toute la journée qu’il fasse un pas vers moi mais, visiblement, j’avais dû mal comprendre ses intentions et me faire des films, hier soir.

Las, je jetai nonchalamment mon sac par-dessus mon épaule puis sortis de la salle de classe avec le reste des élèves. Je me sentais terriblement mal, je souffrais de son manque comme s’il m’avait glissé d’entre les doigts à tout jamais et ça me frustrait. Penser à lui non-stop n’était pas le plus simple non plus pour essayer de tourner la page, même si c’était loin d’être ce que je souhaitais foncièrement faire. Alors, je réfléchissais à une solution, à un moyen de régler tout ça et de mettre un terme à cette Guerre Froide sans plus tarder. Et pendant que je me dirigeais vers la cage d’escaliers, m’apprêtant ainsi à dévaler ceux-ci, une conversation provenant de derrière moi attira mon attention. Je n’eus pas besoin de tendre l’oreille au maximum pour reconnaître la voix des deux locuteurs.

— Tu veux rester chez moi cette nuit aussi ou rentrer direct après être passé chercher tes affaires ? Questionna l’un d’eux.

— Mh, je pense pas traîner, en vrai. Mon père se fâchera si je rentre pas ce soir. Répondit l’autre d’une voix douce et presque inaudible.

Marche après marche, je descendis les escaliers en réfléchissant à ce qu’ils venaient de se dire puis, tout à coup, une idée fit surface dans mon esprit. J’étais peut-être un poil immature mais ce qu’on ne pouvait pas me reprocher c’était ma détermination.

Au moment de descendre à l’étage sous-jacent, je pris soin de faire une pause dans ma manœuvre et de lever ma tête vers le duo qui s’engageait à leur tour sur mes pas. L’espace de quelques secondes, mon regard se planta dans celui de Minho et, à cet instant-là, je refusai de lui sourire une énième fois. Le visage fermé, j’entrepris seulement de sortir mon téléphone de ma poche arrière et de l'amener à mon oreille en feignant recevoir un appel, avant d’enfin esquisser un rictus et de détourner le regard. Ainsi, je prétendis discuter avec Hyunmin pour titiller leur curiosité et mettre en fonction mon plan tout fraîchement pensé. Je les connaissais par cœur, après tout. Alors avec un peu de chance, ils me suivraient aujourd’hui aussi.

Ce fut d’une allure tranquille que je quittai ainsi le bâtiment dans lequel nous étions, pour ensuite longer la cour et me diriger vers la sortie du lycée. J’étais confiant et ça se comprenait, étant donné que Seungmin et moi habitions dans la même rue, à quelques maisons d’écart. Il était évident que nous empruntions alors toujours le même chemin pour faire le trajet depuis notre école et qu’ils n’hésiteraient donc pas à me suivre lorsqu’ils se rendront compte que je ne rentrais en réalité pas chez moi.

Un écouteur dans l’oreille et les mains dans les poches de mon short de jogging, je marchai un petit moment sur le trottoir avant de devoir traverser un passage piéton. J’attendis patiemment que les voitures défilent et me laissent enfin une issue puis, au moment où je mis un pied sur la route, je tournai la tête de chaque côté pour vérifier les alentours et en profiter pour jeter un œil aux personnes à ma gauche. Bingo. À à peine dix mètres de là où je me situais, se trouvaient Seungmin et Minho. Un léger rictus souleva un coin de mes lèvres puis je repris ma route. Il n’y avait pas encore de quoi se réjouir, c’était pour l’instant l’unique chemin pour rentrer. Cependant, j’étais tout de même rassuré qu’ils n’aient pas décidé d’attendre que je sois hors de vue pour suivre mes traces.

Mes yeux observant le magnifique ciel bleu qui planait au-dessus de ma tête, je profitais à pleins poumons de la légère brise de vent qui m’effleura en bénissant ce beau temps pour un premier juin. Je n’arrivais pas à réellement me rendre compte que nous étions déjà au sixième mois de l’année et que, pendant tout ce temps, j’avais pris Minho pour acquis. Jamais je ne me serais imaginé qu’on en arriverait là, que notre amitié prendrait ce tournant. Celui de non-retour. Celui qui me faisait déglutir avec grande difficulté et qui me maintenait désormais éveillé la nuit. Celui qui me faisait me questionner sur mes intentions, mes appréhensions et mes sentiments. Ce tournant, je ne l’avais jamais attendu et je n’aurais pas pu le prévoir, non plus. Mais je ne regrettais absolument pas qu’il se présente à moi, aujourd’hui.

Des minutes s’écoulaient pendant lesquelles je ne faisais rien d’autre que marcher, marcher et encore marcher. J’avais l’habitude mais ce n’était pas pour autant que ça n’était pas redondant. Heureusement, j’arrivai enfin au rond point qui m’annoncerait si mes deux camarades marchaient toujours sur mes pas ou s’ils avaient plutôt décidé de s'occuper de leurs oignons, pour une fois. Je n’hésitai alors pas une seconde et pris le sens opposé à celui qui menait jusqu’à chez moi. Mon cœur battait plus fort qu’à l’usuel pour je ne sais quelle raison, j’espérais juste ne pas faire tout ça pour rien. Et pour m’en assurer, je connaissais une technique assez discrète – ou pas –.

Une fois que je traversai de nouveau pour rejoindre le trottoir d’en face, je fis quelques pas puis sortis mon téléphone. Le soleil me faisait désormais face et j’arrivais à peine à ouvrir mes paupières par sa faute mais, aussi naturellement que possible, j’étendis mon bras devant moi pour me prendre en photo en feignant quelques poses. Je n’avais pas stoppé ma marche pour autant, ce qui était le plus drôle, étant donné que je tremblais comme si j’avais des spasmes et que, par conséquent, les images étaient floues. En observant mes clichés après cette séance improvisée, et malgré la visibilité qui laissait à désirer, je pus remarquer au loin deux silhouettes. Nul besoin de me questionner sur leur identité, je savais maintenant que mon plan avait fonctionné et qu’il ne me restait plus qu’à le peaufiner.

Là, je m’autorisai à esquisser un sourire vainqueur sur mon faciès. On vagabonda ainsi pendant une autre dizaine de minutes pendant lesquelles je vérifiais fréquemment que ces deux idiots n’aient pas changé d’avis en cours de route. Puis, au bout d’un certain moment, ce fut devant un terrain vague que je m’arrêtai. Je fis une pause de quelques secondes pour m’assurer qu’ils ne me perderaient pas de vue et, aussitôt, pénétrai dans ce lieu soi-disant interdit au public. Ce lieu se trouvait en réalité juste derrière chez moi mais j'avais préféré faire un détour pour éviter de foirer mon plan. C’était un endroit dans lequel nous avions eu l’habitude d’aller à une période, lorsque notre groupe d’amis était encore soudé et au complet.

Je ne pouvais m’empêcher d’être nostalgique à ce moment-là. Il n’y avait rien si ce n’était un tas de ruines et d’anciens bâtiments délabrés, mais je ressentais toutes les bonnes ondes que nous avions répandues ici lors de notre dernier passage. Et plus particulièrement le hangar à moitié détruit par le temps qui prônait au milieu du site. Celui-ci ne tarderait d’ailleurs pas à être réduit en poussière pour qu’autre chose puisse être construit par la suite. En attendant, ce lieu calme était devenu le repère des jeunes du coin le jour et certainement des dealeurs la nuit.

Mon but en ayant amené Seungmin et Minho ici n’était pas de les mettre en danger, loin de là. Je souhaitais seulement avoir une vraie discussion avec eux et crever l’abcès une bonne fois pour toute dans un endroit où personne ne pourrait nous embêter ou nous interrompre. Alors, voilà que je marchais parmi les tas de sable et les parpaings abandonnés en me dirigeant lentement jusqu’à la bâtisse qui me tenait à cœur. Dans celle-ci, je pus redécouvrir les tags et autres graffitis peints sur les murs abîmés et entendre chacun de mes pas résonner. Je n’avais pas regardé derrière moi depuis un petit moment mais j’étais confiant, il me suffisait juste de m’asseoir sur le rebord de ce qui était autrefois une fenêtre et d’attendre patiemment.

Pris d’une soudaine angoisse, je m’accordai un moment pour fermer mes paupières et prendre une profonde inspiration. Si tout se déroulait comme je l’avais prévu, aujourd’hui était le jour où tout s’arrangerait et où je pourrais enfin cesser de me prendre la tête. Seulement, ça me rendait plus anxieux que prévu et l’attente dans laquelle mes amis me laissaient n’améliorait pas mon état.

Le sifflement du vent s’harmonisait avec ma respiration tandis que je balançais mes jambes dans le vide en regardant le paysage dystopique face à moi. On se serait cru dans un film d’horreur et j’aurais rationalisé si des chuchotements et des pas lents ne m’avaient pas surpris. De retour à la réalité, je poussai un bref soupir de soulagement avant de sourire et de tendre l’oreille. Les échos étaient si forts que les syllabes se mélangeaient mais je réussissais tout de même à distinguer les quelques mots que Seungmin et Minho s’échangeaient actuellement, derrière l’encadrement qui servait avant de porte d’entrée. Je fis évidemment semblant de ne pas les avoir remarqués mais, ce qu’ils ne savaient probablement pas – hormis le fait que je les ai volontairement attiré jusqu’ici – c’était qu’ils n’étaient vraiment pas discrets.

Pendant ce qui me paraissait être des heures, tant j’avais hâte de les confronter, je les écoutai débattre sur la possibilité de venir m’aborder. Seungmin était pour, Minho était contre, et leurs positions sur la question ne m'étonnaient pas le moins du monde. En revanche, la seule chose que j’espérais plus que tout était qu’ils fassent le bon choix. Que ce soit de vive-voix ou par messages – même si j’avais ma préférence –, je voulais simplement que Minho éclaire enfin ma lanterne sur tous les événements précédents. J’en avais besoin et notre relation aussi.

Néanmoins, leur conversation secrète commençait à durer et j’en avais marre d’attendre. Les nerfs à vif, je lâchai un soupir lourd qui résonna plus fort que ce que j’avais imaginé, puis me levai de ma plateforme. Sans perdre de temps, je me tournai vers la source du bruit puis marchai dans sa direction. Une fois près du coin de la porte, je pus voir les deux jeunots me regarder, les yeux écarquillés, avant de continuer leur discussion en murmurant de manière plus agressive jusqu’à ce que j’arrive enfin face à eux. Là, silence. Ils s’étaient subitement tus et Minho en avait profité pour se camoufler derrière le mur.

— Ah… Salut, Jisung. Balbutia Seungmin, visiblement embarrassé.

— Pourquoi tu te caches, Minho ? Questionnai-je sans même saluer le brunet en retour. Tu veux toujours pas avoir affaire à moi, finalement ?

Seulement, rien. Le susnommé ne daigna même pas répondre à ma question, pourtant si simple. Alors, je soupirai une nouvelle fois en laissant le silence nous encercler.

— J’aimerais qu’on aille se poser pour parler, je pense qu’on a beaucoup à se dire. Dis-je d’une voix monotone.

J’étais extrêmement déçu que Minho se comporte de cette façon, aussi immature. Il était conscient de ce que je désirais, de ce que j’attendais de lui et, au fond, de ce que je méritais d’entendre. Peu importe si ce qu’il avait à me dire était positif ou négatif, je voulais simplement qu’il me fasse part de ce qu’il ressentait pour que je puisse comprendre où ça avait merdé. Et Seungmin semblait d’accord avec moi, il avait acquiescé aussitôt et m’avait suivi pendant quelques mètres avant de s’arrêter subitement. Confus, je me tournai vers lui alors qu’il se dirigeait de nouveau vers l’entrée en appelant Minho. D’abord une fois sur un ton interrogatif puis une deuxième sur un ton qui se voulait plutôt affolé.

Ni une ni deux, je le rejoignis rapidement et jetai alors un œil derrière le mur mais que fut ma surprise en découvrant que Minho n’y était pas. Les sourcils désormais froncés, mon regard croisa celui de Seungmin qui paraissait tout aussi confus que moi, avant de sortir du hangar. Le soleil était presque aveuglant mais, heureusement, je pus apercevoir une silhouette occupée à courir sur le chemin du terrain vague par lequel nous étions passés. Celle-ci ne pouvant être que Minho, mon sang ne fit qu’un tour. Il était en train de fuir.

Hors de question de manquer cette opportunité, je ne le laisserai pas filer aussi facilement. Ce fut alors sans réfléchir que je me mis à sa poursuite en courant aussi vite que possible. C’était dans ces moments-là que je remerciais Minho de ne pas être doué en sport, et surtout en endurance. Contrairement à lui, c’était mon domaine de prédilection, ce qui me permit sans grandes difficultés de le rattraper. Le sable sur lequel on courait était glissant et de gros cailloux résidaient dans celui-ci, c’était dangereux et mon ami ne semblait pas bien s’en rendre compte. Voulait-il me fuir à ce point ? J’hésitai à plusieurs reprises à abandonner afin de m’assurer qu’il ne puisse pas se blesser mais je ne voulais pas le voir partir, pas une nouvelle fois.

Ce fut dans cette optique que je décidai finalement d'accélérer, déterminé. Il était littéralement à portée de main, je pouvais parfois effleurer son corps en tendant suffisamment le bras, il ne me restait qu’à le lui agripper et l’arrêter dans sa course. Cependant, ce que je craignais arriva.

Alors que j’étais tout près, ma paume enfin sur son avant-bras, nos pieds s’étaient emmêlés et nous étions tombés à la renverse sur le chemin parsemé de gravier. J’avais chuté le premier en emmenant Minho avec moi, celui-ci s’étant ainsi écroulé sur moi avant de rouler sur le côté. La poussière que nous avions provoqué m’avait aveuglé l’espace d’un instant et je me mis à tousser tellement elle était épaisse. D’abord ça, et puis je grimaçai en ressentant des douleurs un peu partout sur mon corps. Il fallait dire que je les avais senties râper contre le sol, mes jambes nues. Et en me souvenant que Minho portait lui aussi un short, je ne pus m’empêcher d’immédiatement m’inquiéter.

Lorsque ma vision put s’éclaircir assez, je me redressai sur mes coudes puis jetai un œil au châtain près de moi. Minho était à genoux et observait ses mains en plissant les yeux. Je me doutai alors qu’il n’avait pas échappé aux blessures et qu’il devait souffrir tout autant que moi. Là, je commençais à regretter ma prise de risque, j’avais agi bêtement en ayant conscience de ce qui pouvait se passer, tout ça pour arriver à mes fins…

Immobile, je l’observais pendant quelques secondes avant qu’il ne lève enfin sa tête vers moi. Tout de suite, je réussis à lire de l’inquiétude dans ses yeux mais pas parce que je me retrouvais dans cet état, plutôt parce qu’il venait de se faire prendre. En moins d’une seconde, il avait fait litière de sa douleur et se préparait à se relever pour fuir à nouveau. Néanmoins, je ne le laissai pas faire et lui sautai dessus en le faisant tomber sur son dos, mes mains lui maintenant fermement les poignets contre le sable. J’étais quasiment à califourchon sur lui mais ce n’était pas pour autant qu’il rendit les armes. Au contraire, il se débattait avec force comme si je voulais lui faire du mal et cette réalisation me fit un pincement au cœur.

— Arrête de bouger, putain ! Qu’est-ce qui te prend ? Lui demandai-je en tentant de le garder plaqué contre le sol.

Seulement, mes plaintes n’avaient aucun effet sur lui, il continuait de s’agiter dans tous les sens pour tenter de se tirer de mon emprise, ce qu’il finit par faire à force de persévérer. En une fraction de seconde, il avait réussi à me projeter sur le côté et à se relever sur ses deux pieds. Nos regards se croisèrent de nouveau dans lequel je le suppliais silencieusement de rester mais il n’en avait apparemment rien à faire. Il frotta légèrement ses vêtements puis recula de quelques pas avant de faire volte-face et d'atterrir directement contre le torse de Seungmin. Ce dernier avait certainement tout vu et j’étais heureux qu’il m’accompagne dans mon idée, puisqu’il empoigna les bras de Minho afin de les mettre derrière son dos, comme s’il le menottait.

En constatant que la bataille était terminée, je pus reprendre mon souffle. Toujours assis par terre, je remerciai le brunet puis posai mon regard sur Minho qui, lui, l’avait détourné, tout aussi essoufflé. Il ne se débattait plus et j’étais rassuré mais aussi attristé qu’on s’apprête à avoir cette fameuse conversation contre son gré.

Ce fut seulement une fois de nouveau à l’intérieur du hangar que Seungmin libéra le châtain. Comme un prisonnier, celui-ci se frotta les poignets, la tête basse et le visage fermé. Et je ne le quittais pas des yeux un seul instant, par peur qu’il veuille de nouveau s’enfuir.

— Bon… Souffla Seungmin en se frottant le front. Va falloir que j’aille chercher de quoi vous soigner, là, parce que vous pissez le sang. Par contre, pendant que je serais parti, pas de bagarre ou je sais pas quoi, vous vous tenez à carreaux.

Désolé qu’il doive faire un aller-retour express jusqu’à chez lui à cause de moi, je n’avais pas dit un mot et avais simplement acquiescé à ses consignes. Moi, je ne comptais pas lui désobéir mais qu’en était-il de Minho ? Il était devenu si hostile depuis, j’avais l’impression d’avoir affaire à un chat errant et qui sait s’il ne prévoyait pas de me défigurer avec ses griffes.

Heureusement, nous nous trouvions tout près de chez nous, alors Seungmin ne devait pas en avoir pour très longtemps avant son retour. En attendant, on allait devoir agir comme des personnes civilisés et je n’étais pas sûr que ce soit dans les cordes de mon très cher meilleur ami. Ce fut ainsi que le brunet s’apprêta à quitter les lieux mais, avant ça, il s’approcha de Minho et lui murmura quelque chose à l’oreille que je ne pus décrypter. Les sourcils froncés, j’observai alors le plus petit réagir à son secret et, à juger son expression, il était évident que ça n’était apparemment pas une chose qu’il lui plaisait. Il semblait fâché, les bras croisés et ses lèvres qui se plissaient de manière à former une moue.

J’étais censé lui en vouloir mais, là, je le trouvais juste… mignon. Tellement que mon visage s’était adouci et mes yeux avaient tout simplement suivi sa silhouette venir s’asseoir sur le sol sale avant de se replier sur lui-même. Il n’y avait désormais que nous deux dans l’immense pièce et, pourtant, j’avais l’impression d’être seul. C’était difficile de se faire ignorer par quelqu’un à qui je tenais beaucoup, c’était encore plus douloureux que les picotements que je ressentais sur mes plaies. En y pensant, je jetai un œil à celles que je m’étais faites à l'instant et à part des tas d'égratignures et un poing en sang, je m’en sortais plutôt bien. Minho, en revanche…

Mon cœur se resserra doucement dans ma poitrine tandis que je l’observais jouer avec une petite brindille de bois qu’il avait dû trouver près de lui. Le silence perdurait toujours et j’étais certain que le châtain ne voulait pas y remédier, alors je décidai enfin de bouger afin de – qui sait – permettre aux choses d’avancer. À petits pas, je m’étais approché de lui et m’étais assis en tailleur juste en face, à un peu plus d’un mètre. Mes bras inclinés vers l’arrière, je ne le quittais pas des yeux mais ce n’était pas pour autant qu’il me prêta la moindre attention. Pour lui, j’étais invisible et ça me blessait.

— T’as rien à me dire ? Osai-je enfin demander sur un ton qui se voulait sec, tout en le toisant du regard.

Et ce ton-là, Minho ne sembla pas l’apprécier puisqu’il leva sa tête vers moi, la colère se lisant alors facilement sur son visage avant qu’il ne prenne enfin la parole.

— Et toi, t’as rien à me dire ? Répliqua-t-il sur ce même ton.

Perplexe par sa question et étonné par son agressivité, j’arquai un sourcil pour l’interroger. Seulement, sans surprise, mon vis-à-vis ne développa pas ses pensées et préféra fuir en baissant de nouveau la tête. Mais j’étais curieux, je voulais en savoir plus, c’était évident.

— Pourquoi tu dis ça ? Je pense pas avoir quoi que ce soit à me reprocher.

Pendant quelques secondes, la seule réponse que je reçus fut un silence et, à cette constatation, je pouffai de manière arrogante. Puis, au bout d’un moment, j’entendis Minho marmonner une phrase.

— Tu m’as fait mal en me faisant tomber…

Immédiatement, je changeai complètement d’expression faciale pour laisser place à des remords. Minho me demandait simplement de m’excuser et je l’avais rejeté violemment. C’était terrible comme un sentiment psychique pouvait se transformer en douleur physique. Il venait de m’arracher les tripes avec sa voix peinée et il fallait absolument que je réussisse à me racheter auprès de lui. Avec hésitation, j’avais glissé sur mes fesses pour me rapprocher un peu de lui sans le brusquer, je devais y aller avec douceur et sincérité.

— Je suis désolé, j’ai pas fait exprès… Dis-je alors en tentant de croiser son regard.

— Mon cul ! Rétorqua Minho en le faisant à ma place.

Pris de court par sa réplique, j’avais reculé d’un bond et froncé les sourcils. Il m’avait attaqué sans vergogne alors que j’essayais de me montrer compréhensif envers lui, ce qui me poussa à imiter son amertume.

— T’avais qu’à pas te barrer comme une pédale !

— C’est toi la pédale, d’abord ! Renchérit-il dans la foulée.

— Ouais bah toi aussi, je te rappelle. Dis-je ensuite, un peu plus faiblement.

Le silence de retour parmi nous, aucun de nous deux n’ouvrait la bouche. Il n’y avait rien à ajouter, après tout, si ce n’était davantage d’insultes ridicules et de colère. Alors, on resta ainsi de longues minutes sans rien se dire jusqu’à ce que des pas de course se fassent entendre. Seungmin était revenu et je ne savais pas si je devais le maudire ou en être soulagé.

— Vous êtes toujours vivants, c’est bon ? J’ai fait aussi vite que j’ai pu. Annonça-t-il, hors d’haleine. J’ai aussi apporté une bouteille d’eau, si vous voulez.

Quel ange… Je le détestais.

Il m'énervait à jouer les sauveurs innocents, à tout bout de champ. Moi, je passais pour l’antagoniste de l’histoire alors que, lui, tout pimpant, se récoltait les compliments et l’amour du second personnage principal. C’était injuste et je fulminais de l’intérieur en le voyant s’accroupir près de Minho, souhaitant évidemment s’occuper de soigner son copain en priorité.

Je les observais alors, tous les deux. Seungmin ouvrit la trousse de secours qu’il avait apportée et en sortit un sachet de cotons, du désinfectant, des pansements et même des compresses. Ce qu’il pouvait être prévenant… Détestable. Pendant ce temps, Minho buvait de l’eau en analysant chaque faits et gestes de son compagnon, jusqu’à ce qu’il tourne ses yeux vers moi et que nos regards se plantent l’un dans l’autre avant qu’il ne change tout aussi vite de ligne de mire. Je levai les miens au ciel, froissé, avant d’espionner encore ce que le brunet faisait. Il prépara un morceau de coton qu’il vint humidifier de désinfectant pour l’amener ensuite sur la blessure située sur le visage de Minho.

Il s’agissait d’une égratignure sur le haut de sa pommette. Rien de grave en soit mais elle était rouge vif et gâchait son si beau faciès et, plus important que ça, elle était là par ma faute. À peine Seungmin avait déposé le coton sur la plaie que le châtain hissa de douleur.

— Aïe, ça fait mal ! Se plaignit-il en un couinement en s’écartant du brunet.

— T’abuses.

Le manque de considération et de compassion de la part de Seungmin me fit froncer les sourcils davantage. Si Minho disait que ça faisait mal, alors c’était forcément le cas et ça me tapait sur les nerfs qu’il n’y fasse pas attention. Ainsi, machinalement, je m’approchai d’eux en glissant sur le béton et arrachai la fiole ainsi que le coton des mains du brunet avant de me placer face à Minho. Si son petit-ami n’était pas capable de faire ça correctement, alors je le soignerai moi-même. Et, contrairement à ce que je pensais, le concerné n’avait pas rouspété et m’avait laissé la voie libre.

Minho me regardait avec de grands yeux, son humeur comme revenue à la normale, adouci. Cette fois-ci, ce fut à mon tour de détourner le regard. Il était difficile de le soutenir alors qu’on se trouvait désormais si proche l’un de l’autre et je ne pouvais m’empêcher d’esquisser un sourire discret. Sourire qui s’effaça immédiatement lorsque du coin de l'œil, j’aperçus la main de Seungmin venir tendrement caresser celle de Minho. Je me figeai et tentai de reprendre calmement mes esprits mais c’était voué à l’échec. Là, je vis rouge et abandonnai le coton par terre car, à la place, je décidai d’asperger directement la plaie profonde qu’il avait au genou de désinfectant pour lui faire mal volontairement.

Et ça ne loupa pas. Minho se mit à hurler, les yeux écarquillés d’effroi avant qu’il ne me donne un coup de pied dans le torse bien mérité. Ainsi, je fus propulsé vers l’arrière, mon crâne se cognant brutalement contre le béton. Le hangar n’était alors plus aussi silencieux qu’à l’accoutumée. Minho était en train de sangloter et moi de grogner de douleur contre le sol, tandis que Seungmin, toujours à la même place, soupirait en continu.

— Vous êtes chiants, les gars, premier degré…

Aussitôt, je me redressai en position assise, mes deux mains maintenant l’arrière de ma tête qui me provoquait une douleur insoutenable.

— T’es trop con, putain ! Ça aurait pu mal tourner, ça fait trop mal ! Criai-je en grondant Minho qui, lui, me regardait les yeux larmoyants.

— J’hallucine, c’est toi qui a commencé ! T’es sadique ! Enchaîna-t-il en se tenant la jambe. Et puis c’est toi qui nous a amenés ici.

Seungmin restait silencieux, ses pupilles jonglant entre Minho et moi comme si c’était une partie de tennis. Sauf que, cette fois-ci, la balle était pleine à craquer de reproches et de rancœurs. Néanmoins, il valait probablement mieux se parler en se hurlant dessus plutôt que de ne pas parler du tout, alors je prendrai tout ce que Minho aura à me dire, même si la douleur s’égalait à ma presque-commotion cérébrale. 

— Tu te fous de moi, j’espère ? Questionnai-je rhétoriquement. Je vous ai pas envoyé d’invitation, à ce que je sache. C’est vous qui m’avez suivi jusqu’ici pour la énième putain de fois ! Je peux savoir pourquoi, d’ailleurs ?

J’avais le visage rouge de colère, je sentais mon sang circuler à toute allure et mon coeur faire des bonds tant j’étais à bout. Il me fallait des réponses, il me les fallait maintenant ou sinon je sentais que j’allais leur sauter à la gorge. De manière synchronisée, Seungmin et Minho se jetèrent un coup d'œil qui ne dura pas plus de deux secondes avant que le châtain me fasse de nouveau face et prenne la parole en premier.

— On voulait juste se balader ensemble après les cours. Se défendit-il sur un ton sérieux, malgré les larmes présentes sur ses joues.

Il semblait honnête mais comment pouvais-je le croire alors que Seungmin lui jeta un regard qui laissait transparaître l’impression que ce n’était qu’un mensonge. À ce moment-là, j’avais pouffé amèrement en levant les yeux au ciel.

— Et toutes les autres fois, vous passiez aussi dans le coin par hasard ?

Je savais que je les tenais maintenant, ils ne pouvaient plus me mentir, pas après toutes les preuves que je possédais contre eux et Hyunmin en tant que témoin. Mon regard les analysant un à un, j’attendis seulement que l’un des deux parle en premier. Cependant, je fus surpris quand ils prirent tous les deux la parole au même moment.

— Je vois pas de quoi tu parles.

— On traquait ta localisation Snap’.

Ce que venait d’annoncer Seungmin me frappa tout à coup, comme si c'était la réponse à toutes mes questions, et ça l’était en partie. Quand j’y repensais, ça semblait logique parce qu’il n’y avait aucune autre explication cohérente qui justifierait qu’ils sachent où j’étais et à quel moment précisément. J’étais sous le choc, bouche bée maintenant que tout faisait sens. Il ne me manquait plus qu’à connaître la raison de leurs agissements, pourquoi avaient-ils fait tout ça et dans quel but. Seulement, ma colère était trop forte, il fallait que je l’extériorise à tout prix.

— Vous vous foutez de moi ? Vous êtes des grands malades ! Fis-je alors, ma voix résonnant dans toute la bâtisse.

Seungmin et Minho avaient la tête baissée, honteux. La tension était désagréable et je détestais ça mais, actuellement, je me fichais de savoir s’ils étaient mal à l’aise ou non. Ils me devaient des explications et le brunet s’apprêtait d’ailleurs à ouvrir la bouche quand le plus petit le stoppa dans la foulée en lui donnant un coup de coude. À partir de cet instant-là, ils se jetèrent des regards comme s’ils discutaient via leurs pensées et ça avait le don de m’irriter davantage.

— Vous voulez bien arrêter de parler par télépathie ? Questionnai-je après les avoir observé un court moment. J’aimerais bien comprendre ce qui se passe, là en fait. Je sais pas si vous vous rendez compte d’à quel point c’était un enfer de vous avoir sur le dos ! Vous avez tout gâché entre Hyunmin et moi…

Je baissai le volume de ma voix en citant ma dernière phrase. Je ne mentais pas, c’était bien à cause d’eux si notre relation, quelle qu’elle avait commencé à devenir, était désormais terminée. Malgré son départ un peu foireux, j’en avais attendu beaucoup et Hyunmin aussi. Seulement, en nous suivant, en nous épiant et en semant le doute dans mon cerveau, ils avaient inconsciemment mais volontairement participé à notre fin et il était évident que ça me blessait plus que ça ne m’énervait. Je tenais à Hyunmin, énormément, et j’aurais très bien pu couper les ponts avec Seungmin et Minho pour lui, mais jamais ça n’avait été une possibilité. Jamais j’aurais pu abandonner le peu d’espoir qu’il me restait vis-à-vis de mon amitié avec Minho pour un crush d’un mois, pas alors qu'il avait été le premier dans mon cœur.

Aujourd’hui, c’était différent, mais je tenais tout même bien plus à lui qu’à n’importe qui d’autre. J’étais le désert, il était la pluie, j’étais le papier, il était le poème que je voulais écrire tous les jours en pensant à lui.

Personne ne répondit à mon petit monologue mais j’aperçus Seungmin hocher doucement la tête en signe d’approbation. C’était bête mais pendant tout ce temps j’avais pensé qu’il s’agissait de son idée à lui alors que, maintenant, je réalisais que Minho était le cerveau derrière tout ce stratagème. Ça me contrariait au plus haut point et je me demandais ce qui lui était passé par la tête pour qu’il en arrive là. Pendant quelques minutes qui me paraissaient s’écouler comme des heures, je cogitais. J’avais en face de moi l’opportunité en or de briser la glace et de mettre fin à tout ça, alors je n’hésiterai pas. La première question qui me vint à l’esprit devenait pour moi vitale, tantôt on me l’affirmait, tantôt c’était ambigu, mais je ne l’avais jamais encore posé à Minho.

— Vous êtes en couple, oui ou merde ? L’interrogeai-je alors en le fixant droit dans les yeux.

— Merde ! Lâcha-t-il en soutenant mon regard.

J’étais tellement sidéré et frustré de le voir si agressif envers moi, lui qui était si doux d’habitude. Je soupirai, défaitiste. Je me demandais où était passé mon Minho, si j’avais fini par le perdre en chemin et s’il était possible d’un jour le retrouver. Je ne voulais plus me battre, pas contre lui.

— J’ai fait quoi pour que tu te comportes comme ça avec moi ? Bredouillai-je en relâchant mes épaules, la mine ternie. Je veux récupérer mon pote, moi…

Je n’affichais plus aucune once de colère sur mon visage, rien que du regret et de l’incompréhension, sans pour autant le quitter des yeux. Mais quand le châtain leva de nouveau sa tête pour me regarder et subitement sourire de manière acerbe, je ne pus m’empêcher d’être confus.

— Tu le récupéreras pas ton pote. Dit-il, tranchant. On l’a jamais vraiment été, au final…

— Quoi ? Pourquoi tu dis ça ? Demandai-je à la seconde, presque paniqué suite à ses propos.

Mon cœur venait de se fissurer dans un bruit sourd qui m'assourdissa le temps d’un instant. Minho venait de me cracher à la figure que je ne comptais pas pour lui, que notre amitié n’avait été que superficielle et qu’il n’en restait rien. Nauséeux, je papillonnais des paupières pour assimiler doucement l’information, une chose que je n’avais jamais imaginé entendre un jour. Les larmes me montaient aux yeux et j’avais l’impression que l'entièreté de mon corps tremblait comme une feuille. Et Seungmin sembla remarquer la détresse sur mon faciès puisqu’il se tourna vers le châtain pour marmonner son prénom dans un soupir. Néanmoins, ce qu’il récolta ne fut qu’un regard noir de la part de son copain avant que celui-ci ne dirige de nouveau son attention sur la brindille avec laquelle il jouait depuis tout à l’heure.

Le silence qui s’installa alors était pesant et m'écrasait peu à peu. Je me demandais bien pourquoi j’avais autant insisté, si ça en valait finalement la peine. J’aurais mieux fait de laisser les choses telles quelles et ce que murmura Minho par la suite me conforta dans cette idée.

— C’est juste que, de mon côté, ça fait déjà un moment qu’on est plus amis, c’est tout…

Ce fut sa seule justification. Tendrement, Seungmin s’était approché de lui pour lui frotter le dos comme s’il le consolait. Et ça me rendait furieux car j’étais la victime de l’histoire, pas Minho. Pas après ce qu’il venait de me dire. Je croyais qu’on avait quelque chose de spécial, tous les deux, un lien qui volait au-delà du terme “amitié”. Je pensais qu’il appréciait ma compagnie, qu’on s’amusait bien ensemble et que rien ne pourrait gâcher ça. Seulement, j’étais tombé des nues en m’apercevant que tout ce que j’avais ressentis jusqu’à maintenant n’était pas réciproque. Il avait fait semblant et c’était devenu ennuyant pour lui de me supporter, voilà tout.

Et, bordel, que ça faisait mal.

— Qu’est-ce que tu veux dire par-là..? Demandai-je dans un dernier élan d’espoir.

Du silence, encore. Minho ne me répondit pas et ne m’accorda aucun regard, j’étais visiblement plus rien pour lui.

— Mais expliquez-moi, au moins ! Hurlai-je soudainement, faisant ainsi sursauter mes deux vis-à-vis. Je compte plus du tout pour vous ? Pour toi non plus, Seungmin ?

— Si, évidemment… Il déglutit, l’air coupable avant de me regarder. Et j’aimerais tout te raconter mais c’est pas à moi de le faire, je trahirai pas la confiance de Minho.

— Je comprends pas. Soufflai-je en secouant ma tête. Je comprends pas pourquoi t’es plus loyal envers lui qu’envers moi alors qu’on s’est rencontrés en premier ! T’es mon meilleur pote, de base.

— C’est pas une question de favoritisme. Je vous adore tous les deux à la même échelle, mais en connaissant la situation de Minho, je préfère l’aider plutôt que de rester passif et rien faire. M’avoua-t-il calmement.

Je le sentais sincère mais j’avais du mal à saisir certains aspects de ses propos. Je tiquai surtout sur sa neutralité vis-à-vis de sa relation avec Minho. Peut-être que je me faisais encore des films mais ce qui était sûr c’était qu’ils ne m’avaient pas tout dit et que je risquais encore de tomber de haut.

— Je vois. Dis-je avant de renchérir. Mais en tant que pote, t’aurais aussi pu venir me parler du problème qu’il a avec moi et tout se serait arrangé en une seconde ! Je pense que j’ai été assez compréhensif et patient depuis le début donc tout ce que je vous demande en retour c’est d’arrêter de me prendre pour un abruti. Parce que c’est ce que vous faites, là, vous me prenez pour un con !

J’en avais marre de toute cette situation et il me semblait que je m’exprimais suffisamment clairement pour que ces deux-là comprennent mon désarroi. Et je soupirai en ne recevant encore une fois aucune réaction, ce traitement du silence constant finirait par me tuer. Les yeux clos, je pris un moment pour rassembler mes esprits et me calmer. Ma tension devait probablement être élevée à son maximum et à part me faire du mal, ça ne m'avançait en rien. De plus, ma blessure au poing me faisait de plus en plus mal. En l’observant, je réalisai à quel point la plaie était longue, je ne m’étais pas loupé, ça pour sûr.

Alors, dans l’unique but de la soigner avant qu’elle ne risque de s’infecter, je me redressai et me penchai ensuite vers la trousse de secours ouverte posée au sol. J’étais tout juste sur le point de l’attraper lorsque Minho me devança. Immédiatement, je relevai la tête vers lui en fronçant les sourcils, prêt à m’en prendre de nouveau à lui mais me résignai sans hésitation en constatant sa mine innocente et les joues humides de son visage abîmé. Trop gentil, je réprimai un soupir d’agacement en retournant m’asseoir à ma place. S’il souhaitait se soigner en premier, que grand bien lui fasse. Néanmoins, je fus surpris en le voyant se lever et avancer de quelques pas avant de s’installer juste devant moi, en tailleur.

Mes yeux gros comme des billes, je l’observai sans dire un mot. C’était si étrange qu’il fasse enfin un pas vers moi, surtout après ce qu’on venait de se dire mais, malgré ma rancune, je ne comptais pas le repousser pour autant. Le sentir proche, nos tibias se frôlant, me mettait dans un état déplorable. J’avais le cœur qui battait la chamade et tous mes sens en éveil, comme si Minho avait manqué à mon corps lui-même. Là, j’avais envie de le prendre dans mes bras et de le serrer fort contre moi mais jamais je n’oserais… Il valait mieux que je patiente, que je le laisse contrôler les choses à sa manière pour le préserver au maximum.

Minho était en train d’arracher un bout de coton de son paquet et d’y verser quelques gouttes de désinfectant tandis que j’observais chacun de ses mouvements. Il était précautionneux et attentif, ses yeux plantés sur ce qu’il faisait. Du coin de l'œil, j’aperçus Seungmin se lever soudainement avant de tapoter son derrière probablement sali par la poussière.

— Je sors fumer, soyez sages. Nous avait-il simplement prévenu avant de quitter la bâtisse une nouvelle fois.

Je me doutais bien qu’il s’agissait là d’une excuse bidon pour nous laisser seuls tous les deux car le hangar était totalement délabré, il n’y avait plus aucune fenêtre et très peu de murs alors le brunet aurait clairement pu fumer à l’intérieur. Seulement voilà, j’étais plutôt content qu’il ait pris cette initiative, plus loin il était, plus près de moi était Minho. Et désormais rien que lui et moi, je me devais d’en profiter. Un sourire naquit sur le bord de mes lèvres à cette réalisation et je ne pus le réprimer. J’étais tout retourné par ce que je ressentais actuellement et mon vis-à-vis sembla apparemment remarquer mon rictus puisqu’il le releva aussitôt.

— Qu’est-ce qui te fait rire ? Me questionna-t-il sur un ton neutre.

— J’ai peur que tu te venges en me faisant la même chose que je t’ai faite, tout à l’heure…

Les lèvres toujours plissées, je gardais mon regard posé sur lui et mon sourire s’agrandit lorsqu’il croisa le mien. Son visage arborant une expression de malice mélangée à du défi, je commençais à regretter mon affront. Il approchait sa main lentement de ma jambe pour maintenir le suspense et, au contact du coton et du liquide froid, je sursautai. Ma respiration se coupa et Minho se moqua silencieusement en souriant à son tour avant de pincer ses lèvres. Mon membre tendu vers lui, il s’occupait de tapoter les égratignures avec minutie. Il n’en loupait pas une, vérifiant à chaque fois que je ne souffrais pas trop. Ce n’était pas le cas, je ne sentais rien mis à part quelques picotements.

L’ambiance n’était plus aussi pesante qu’autrefois, la chaleur était étouffante mais les brises de vents qui pénétraient par les trous béants du toit nous allégeaient grandement. Je souhaitais engager une conversation, quelle qu’elle puisse être, mais je n’osais pas. Je n’osais plus dire un mot par peur de blesser Minho à nouveau. Alors, égoïstement, je décidai de me taire, d’accorder du temps au temps. Et quand il termina de désinfecter ma jambe gauche, il entreprit de soigner la droite avant de se redresser en me regardant droit dans les yeux.

— Tu veux des pansements ? Demanda-t-il d’une petite voix.

— Non, merci. Ça ira… Répondis-je en jetant un œil à mes blessures superficielles. Par contre, toi, t’en auras besoin.

En effet, j’avais eu de la chance en tombant sur mon flanc car Minho, lui, s’était retrouvé les genoux et les mains en sang en se rattrapant sur les graviers du sol. Il me faisait de la peine, sa mine triste et angoissée me donnait envie de l’enlacer. Et il acquiesça en baissant la tête.

— Tu… Tu veux que je m’en charge ?

À l’entente de ma proposition, Minho posa de nouveau son attention sur moi, les yeux ronds. Je ne savais pas si j’avais dépassé les limites et si c’était approprié mais, intérieurement, j’espérais qu’il accepte. Je voulais qu’on se rapproche, qu’on se sente à l’aise l’un avec l’autre, comme avant. Alors, ce fut un immense sourire que je tentai de réprimer lorsqu’il me laissa le feu vert en hochant légèrement la tête. J’étais heureux d’enfin pouvoir avoir un contact physique avec lui, même si ce n’était qu’effleurer sa peau de mes doigts.

Rapidement, je m’empressai de prendre un coton et de l’imbiber de produit avant de me rapprocher davantage de Minho. Ce dernier avait les jambes pliées contre son torse tandis que les miennes étaient écartées pour l’encercler et, ainsi, m’approcher au maximum de lui. Je commençai d’abord par nettoyer le filet de sang qui dégoulinait le long de son mollet de bas en haut en remontant lentement jusqu’à son genou. Arrivé près de celui-ci, je pris un coton propre et passai sur cette plaie que j’avais précédemment maltraitée pour maintenant la choyer avec douceur. Il avait à peine réagi à ce contact, apparemment bien trop occupé à jouer avec la brindille qu’il ne semblait plus vouloir quitter.

Je ne m’attardai donc pas dessus et m’occupai de son autre genou, celui-ci encore plus amoché et ensanglanté. Je dus d’ailleurs changer plusieurs fois de cotons afin d’essuyer tout le fluide qui ne cessait de couler malgré mes efforts. Et une fois la blessure nettoyée, il fallait maintenant la désinfecter, chose que Minho appréhendait grandement à en croire la manière dont tout son corps était tendu. C’était alors avec délicatesse que je déposai le bout de coton, seulement, ça n’avait pas suffit. Aussitôt, le châtain avait sursauté et grimacé en se plaignant, sa voix craquant tandis qu’il me demandait d’arrêter.

— Je suis désolé, je suis désolé… Lui répétai-je en lui caressant tendrement la cheville pour l’aider à se détendre.

Sa main était venue empoigner mon bras pour l’écarter de sa blessure le temps qu’il se remette de la douleur. Ses paupières étaient closes mais je pouvais voir ses cernes s’humidifier peu à peu. Je patientais alors, autant qu’il le voudrait, car je refusais de lui faire davantage de mal.

— Est-ce que tu veux le faire tout seul ?

— Non… Vas-y. Chuchota-t-il en ouvrant enfin les yeux.

J’étais touché car ça signifiait qu’il me faisait confiance et, pour moi, c’était tout ce qui comptait. Avoir perdu son amitié était une chose, perdre l’estime qu’il possédait envers moi en était une autre, et je refusais que tout se casse la figure à ce point. Remonté à bloc, je préparai un nouveau coton pour continuer de soigner cette plaie délicate. Celle-ci était capricieuse et, afin de l’analyser plus sérieusement, je m’inclinai dessus puis m’aperçus que sa peau s’était en fait déformée en profondeur, certainement à cause d’un cailloux sur lequel il était tombé. Là, je me sentis coupable. Minho s’était blessé par ma faute et il s’en sortirait sûrement avec une grosse cicatrice à cet endroit-là. Mon cœur se serra dans ma poitrine à cette idée, il aurait raison de m’en vouloir.

— Je suis désolé Murmurai-je alors inconsciemment.

Je n’osais plus le regarder dans les yeux, j’avais honte de m’être comporté ainsi avec lui. Quant au châtain, il demeurait toujours aussi immobile qu’à son habitude. Et lorsque je désinfectai de nouveau sa plaie ouverte, ce fut un peu plus paisiblement qu’il avait réagi. Avec le silence présent dans la bâtisse, je réussissais à entendre sa respiration saccadée, comme s’il avait peur que la douleur revienne à chaque touché. Une fois cette étape terminée et avant que le sang ne coule à nouveau, je me dépêchai de prendre une compresse et de lui poser dessus. Par la suite, j’incitai Minho à la tenir à ma place pour que je puisse m’occuper de son bandage. Il suffisait d’enrouler le tissu autour de son genou et de le serrer suffisamment afin qu’il stoppe le sang de couler comme il faisait si bien.

— T’oublies pas de changer la compresse tous les jours, voire deux fois par jour, en fait. Et de désinfecter à chaque fois pour pas que la plaie absorbe le tissu, sinon tu sauras pas le retirer sans douiller. Lui expliquai-je calmement.

— Compris.

Satisfait par sa réponse, je me chargeai de prendre un pansement, cette fois-ci, puis de venir le coller sur son autre genou. J’avais fait du bon boulot mais ce n’était pas encore fini car Minho possédait des tas d’égratignures comme les miennes sur les tibias et les mains. Alors, dans la continuité des événements, j’entrepris de tapoter le produit sur chacune d’entre-elles tandis qu’il s’occupait en même temps de ses paumes. Une fois ceci accompli, je levai mon regard vers mon vis-à-vis et l’observai un long moment avant qu’il ne le croise. Je baissai la tête à la seconde, gêné.

— Seungmin t’a déjà soigné la joue. Soufflai-je plus comme une constatation qu’une question.

— J’aimerais quand même que tu me soignes, toi… S’il-te-plaît. Se permit-il tout de même de répondre, d’une voix presque inaudible.

Mon palpitant venait d’exploser et d’arrêter de fonctionner à l’entente de sa demande. Clairement, je ne m’étais pas attendu à ce revirement de situation mais je ne pouvais qu’en être ravi. Je déglutis, une vague de chaleur m’envahissant soudainement comme si je ne transpirais déjà pas assez. Minho avait son visage tourné vers sa droite, m’offrant ainsi sa pommette gauche, sur laquelle prônait sa petite égratignure écarlate. Il jouait avec sa brindille pour se distraire en attendant que je m’exécute et, moi, j’étais encore figé, complètement cloué au sol par ce sentiment étrange qui faisait surface dans le creux de mon estomac. Ce fut sans dire un mot que je me décidai enfin à soigner sa blessure, tapotant gentiment le haut de sa joue saillante.

Nos visages étaient proches l’un de l’autre, Minho s’était légèrement penché vers moi et j’avais fait de même pour mieux voir. À cette distance assez minime, je trouvais ça dingue comme il était facile de distinguer les milliers d’étoiles dans les pupilles du châtain. J’adorais, d’ailleurs, sa manie à cligner des yeux sans arrêt, un tic que j’avais remarqué il y a déjà bien longtemps et que j’aimais toujours contempler. Je pris ainsi tout mon temps pour nettoyer sa blessure déjà soignée, uniquement pour profiter de notre proximité et du silence agréable qui s’était installé, là, entre nous. Je le trouvais rassurant et c’était quelque chose que je n’avais jamais ressenti auparavant, que je ne ressentais pas avec Hyunmin non plus.

Il était donc normal que je me questionne sur sa nature, sur la raison pour laquelle ce sentiment me paraissait authentique avec Minho et pourquoi ce dernier était extraordinairement beau aujourd’hui, bien plus que d’habitude. Même dans une situation pareille, je continuais d’être tourmenté par sa présence et ces questions existentielles me donnaient un étrange goût de mauvaise idée. Il suffisait de voir comme je l’observais actuellement, je le faisais de manière tellement intense que ma main avait cessé d’elle-même de bouger. Évidemment, Minho s’était interrogé sur mon inertie et me le fit silencieusement comprendre, son regard désormais lui aussi planté dans le mien. L’Univers s’était comme mis sur pause, je n’avais plus aucune conception du temps. Celui-ci était superficiel.

Lorsque je récupérai mes esprits, subitement fouetté par une brise de vent, je me rendis compte d’à quel point nous étions proches et mon cœur se mit à faire des pirouettes. Il augmentait peu à peu de rythme, me laissant l’horrible impression qu’il cognait violemment contre mon buste et qu’il menaçait d’en sortir à tout moment. Je me demandais même si Minho avait la possibilité de l’entendre de là où il se trouvait. Néanmoins, avant que cet instant ne devienne gênant, je décidai de me redresser lentement et de retirer ma main, les lèvres pincées.

— Ton poing… Bredouilla le châtain.

— Mh ?

— Tu saignes. M’informa-t-il en le pointant vaguement de son index.

J’étais bien au courant de cette blessure, seulement, juste pour avoir l’attention de Minho encore un peu, je choisis de prétendre l’ignorer. Une idée pas si mauvaise, cette fois-ci, car il avait alors immédiatement revêtu son costume d’infirmier en décidant de me soigner une nouvelle fois.

Tous les deux assis en tailleur l’un en face de l’autre, mon bras étendu et posé sur la cuisse nue de mon vis-à-vis, celui-ci s’occupait d’essuyer le sang quasiment séché sur mes jointures. Il était doux dans ses mouvements et je n’arrivais pas à le quitter du regard un seul instant. Je ne prêtais même plus attention à la douleur que provoquait le désinfectant tant j’étais épris de Minho. C’était perturbant, je me sentais tout chose et je devais avouer que cette nouvelle sensation était addictive. Sa main, plus petite en comparaison, tenait la mienne dans son creux et, dès lors qu’il estima que ma blessure était suffisamment propre, il attrapa plusieurs petits pansements colorés qu’il vint coller avec précaution sur mes plaies.

Mon poing comme neuf, j’aperçus un sourire satisfait étirer ses lèvres tandis qu’il contemplait son œuvre. Moi, de mon côté, je ne pus résister à l’envie de venir subitement déposer ma main libre sur sa tempe, la massant ainsi grâce à mon pouce alors que Minho s’était complètement figé suite à mon geste. Ses yeux écarquillés mais toujours baissés, il n’avait pas dû comprendre mon intention et j’avouais ne pas totalement la saisir non plus. Je ne possédais aucune arrière-pensée, je voulais juste me sentir proche de lui, là maintenant. Automatiquement, mes doigts glissèrent dans ses cheveux, passant à travers quelques-unes de ses longues mèches avant de sourire niaisement.

— Tes cheveux ont drôlement poussé. Fis-je remarquer en un murmure.

— Oui, je… Je voulais essayer… Balbutia-t-il au même volume.

— Ça te va bien.

J’adorais le complimenter car, à chacun de mes compliments, il avait tendance à esquisser un rictus léger et timide, celui qu’il affichait désormais sur son visage devenu cramoisi. Le mien l’était d’ailleurs tout autant, bouillonnant, ce qui n’irait pas en s’arrangeant avec la température du jour. Délicatement, je retirai ma main de sa chevelure châtaine et posai celle-ci sur ma propre cuisse, la paume tournée vers le ciel pour inciter explicitement Minho à venir glisser la sienne dessus. Ce fut ce qu’il fit après plusieurs secondes d’hésitation, son regard fixé sur elles en clignant nerveusement des yeux. Là, je me mis de nouveau à sourire et il m’imita en croisant brièvement mon regard. Nous étions alors restés ainsi sans dire le moindre mot car il n’y en avait pas besoin à ce moment-là, on appréciait tout simplement la présence de l’autre, ça nous suffisait.

Quelque chose de fort était en train de se créer entre nous, à cet instant. Peu importe ce que Minho insinuait, je savais que notre relation n’était pas arrivée à sa fin et qu’il nous restait justement beaucoup plus à construire. J’ignorais de quoi il s’agissait exactement mais une chose était sûre, je ne laisserai plus jamais Minho partir loin de moi. J’avais trop souffert de son absence pour recommencer, il en était hors de question et je tenais à le lui faire comprendre.

— Tu me manques. Chuchotai-je assez fort pour qu’il puisse m’entendre.

Les yeux écarquillés, il semblait surpris par mes propos, voire déstabilisé. Ça l’étonnait donc tant que ça ? Certainement à court de mots, il se mit alors à déblatérer toutes sortes de syllabes sans corrélation entre elles, ce qui m’amusait. Tout de suite, je me mis à ricaner pour me moquer gentiment pendant que je caressais instinctivement le dos de sa main à l’aide de mon pouce. Il ne savait pas quoi me répondre mais je n’avais jamais rien attendu en retour, de toute façon. Mon but était simple ; je souhaitais qu’il ait conscience de l’affection que je lui portais et de la sincérité dont je faisais preuve, rien d’autre.

— Toi aussi, tu me manques…

Cette fois-ci, ce fut à moi de me raidir, pris de court. J’aurais juré avoir mal entendu si je n’avais pas été qu’à quelques centimètres de sa bouche. Évidemment, ce fut pour moi un immense soulagement qu’il admette enfin ressentir la même chose que moi. Je savais bien qu’il n’avait pas été honnête et je ne pus me cacher de sourire à cette réalisation, Minho de même. C’était agréable. Notre proximité, son sourire, nos aveux, son touché… Je désirais plus que tout qu’on continue sur notre lancée et qu’on décèle tous nos secrets inavouables, quitte à nous fissurer un petit peu. Cependant, tout ne se passait jamais comme prévu et j’en fus convaincu lorsque des pas se firent entendre au loin, annonçant très certainement le retour de Seungmin.

Néanmoins, avant ça, avant que ce moment magique ne cesse entre nous et avant de continuer quoi que ce soit qui me donnerait de l’espoir, je voulais en avoir le cœur net.

— On devrait s’éloigner, Chuchotai-je à nouveau. je veux pas foutre la merde dans votre couple.

Lentement ensuite, je retirai ma main de celle de Minho et, dès lors, son sourire s'effaça. Ça me brisait le cœur mais je n’avais pas d’autre choix pour avoir le fin mot de l’histoire car, s’il était véritablement en couple avec Seungmin, alors je refusais de lui donner ce genre d’affection. Seulement, à en juger l’air à la fois surpris et paniqué du châtain, je mettais ma main à couper que leur soi-disante relation était fausse. Et, au fond, il était clair que j’espérais avoir raison.

— Attends, Jisung… Commença-t-il alors que le bruit des pas résonnait de plus en plus fort. C’est pas vrai, d’accord ? Il y a pas de couple, il y en a jamais eu… On t’a menti.

Là, mon cœur cessa de battre. En réalité, il était tombé dans mes chevilles tant ce qu’il venait de m'annoncer me choquait. Malheureusement, je n’eus pas l’occasion de réagir convenablement que Seungmin était apparu sur le pas de ce qui était anciennement une porte.

— J’interromps quelque chose, j’espère ? S’amusa-t-il à demander.

Immédiatement, Minho se leva en bondissant sur ses pieds tandis que je restais assis sur le sol sale, littéralement sur le cul après sa révélation. C’était encore une fois une étrange sensation car, au fond, je m’en doutais mais l’entendre me le confirmer de vive-voix m’avait apaisé. L’épine du doute m’avait soudainement été retirée du cœur et ça me faisait un bien fou autant que ça me rendait confus. Il me restait tellement de questions à poser, tellement de réponses à recevoir, je désirais plus que tout qu’il m’en dise davantage. Mais surtout, qu’il n’y ait plus aucun mensonge entre nous.

Seungmin s’avança vers nous en nous questionnant du regard comme s’il sentait que quelque chose se tramait. Les mains dans les poches, il se stoppa une fois qu’il nous fit face puis haussa un sourcil en attendant que l’un de nous prenne la parole.

— Depuis le début ? M’offusquai-je alors subitement. Vous êtes pas du tout en couple et ça, depuis le début ?

Ma question était rhétorique et le brunet sembla le comprendre rapidement puisqu’au lieu de m’interroger sur la source de ce que j’affirmais, il se tourna tout de suite vers Minho pour lui offrir son plus beau sourire et venir l’enlacer. C’était une étreinte à sens unique, le châtain avait l’air tétanisé devant l’attitude spontanée de son faux petit-ami. Les bras ballants, il attendit simplement que Seungmin le lâche pour me lancer un regard de détresse.

— Je suis fier de toi, mon Minho ! Fit-il en lui ébouriffant les cheveux comme s’il venait d’apporter une bonne note.

Mon Minho ?

L’utilisation de ce pronom possessif me fit écarquiller les yeux. Plus les minutes passaient, moins je comprenais. Minho venait pourtant de m’assurer qu’ils ne sortaient pas ensemble, qu’en réalité jamais ils n'avaient formé un couple. Et maintenant, Seungmin osait prétendre qu’il était son Minho ? J’étais perdu. Alors, désireux plus que tout d'obtenir des réponses, je me levai soudainement et les pointai du doigt pour paraître menaçant.

— Vous êtes bien mignons, mais je commence à en avoir marre de me faire tourner en bourrique. Expliquez-moi ce qui se passe, à la fin !

À peine eus-je échappé ces quelques mots que Seungmin s’éloigna du châtain. Il laissa passer un léger soupir par-delà ses lèvres avant d'à son tour prendre la parole. 

— Tu peux pas savoir à quel point je suis soulagé que Minho te l’ait enfin dit… On a jamais été en couple, tout ça c’était du cinéma. Confessa-t-il doucement, probablement par peur de me voir l'agresser de nouveau et ce n’était pas l’envie qui me manquait.

— Vous êtes vraiment sérieux, alors ? Questionnai-je sans perdre un instant. Pourquoi vous avez fait ça ? Pourquoi avoir prétendu l'être ? Pourquoi, hein ?

Minho préférait visiblement rester silencieux, pour changer. Il baissa la tête, les mains jointes, puis concentra une nouvelle fois son attention sur sa nouvelle meilleure amie la brindille. Il jouait avec du bout du pied tandis que Seungmin, lui, me fuyait du regard. J’étais épuisé par toute cette situation, c’était la goutte d’eau de trop.

— Je vous ai posé une question, au cas où. La moindre des choses serait de me répondre.

— C’est compliqué à expliquer… Justifia le brunet en regardant son acolyte du coin de l'œil.

— Arrêtez avec cette vieille excuse ! J’ai assez attendu comme ça, j’en ai marre que vous me barratinez à chaque putain de fois !

Et encore du silence. Il fallait dire que ça ne m’étonnait plus, désormais. Je voyais bien que Seungmin était plein de bonne volonté et je devinais facilement qu’il serait prêt à craquer si j’insistais juste un peu. Seulement, au moment où je m’apprêtais à prendre la parole pour réitérer mes propos, une sonnerie de téléphone se mit à retentir dans l’immense pièce qui lui prêta écho. Tous les trois confus, on se regarda à tour de rôle avant de se rendre compte qu’il s’agissait du cellulaire de Minho. Celui-ci le sortit alors immédiatement de sa poche afin de connaître l’identité du perturbateur puis nous annonça qu’il s’agissait de son géniteur.

— Décroche, décroche. Lui suggéra Seungmin, ce à quoi le châtain obéit dans la seconde.

Le père de Minho était un personnage assez étrange et très flippant. Je n’avais pu le croiser que peu de fois mais celles-ci avaient déjà été de trop, pour moi. Son aura me faisait froid dans le dos et la façon dont il traitait son propre fils ne me plaisait pas le moins du monde. À en juger l’expression sur le visage de ce dernier, d’ailleurs, et au son étouffé de la voix de son interlocuteur, ça ne laissait présager rien de bon. Complètement figé sur lui-même, je l’observais se décomposer à chaque seconde qui passait sans avoir la possibilité de faire quoi que ce soit.

— D’accord, papa. Articula-t-il faiblement avant de raccrocher.

— Tout va bien ? Questionna ensuite Seungmin en s’approchant de quelques pas.

— Non… Il faut que je rentre au plus vite, je vais me prendre une rouste sinon…

Là, je compris alors qu’il allait devoir partir et, plus cette réalisation me frappait, plus mon cœur se compressait dans ma poitrine. Ce moment était beaucoup trop court, on avait à peine eu le temps de rentrer dans le vif du sujet. Je ne voulais pas qu’il parte, que ce soit pour ma soif de réponse ou juste pour lui.

— Attends, attends ! Tu peux au moins me répondre, non ? Tu peux pas encore t’enfuir en me laissant en plan, comme ça… Suppliai-je presque en m’avançant vers lui.

Il avait les larmes au bord des yeux, je le voyais et ça me fendait le coeur. Seulement, je voulais être égoïste. J’avais besoin de lui, besoin de ses mots, besoin qu’il m’accorde encore un peu de son temps ou bien carrément toute son attention. Il ne pouvait pas m’abandonner, pas alors que je venais de le retrouver. Cependant, mes espoirs furent ruinés lorsque Minho recula pour agrandir la distance entre nous avant de se tourner vers Seungmin.

— Lui dis rien, s’il-te-plaît. Avait-il murmuré, larmoyant.

— Non, Minho, écoute-moi ! Dis-je à mon tour en venant lui prendre l’une de ses mains. Tu dois me parler, me laisses pas sans nouvelles.

— On se reverra pour en discuter, je te le promets.

Ce fut les derniers mots auxquels j’eus le droit avant qu’il ne recule à nouveau jusqu’à ce que nos mains finissent par ne plus se toucher. Seungmin l’avait suivi aussitôt après m’avoir salué silencieusement et, moi, j’étais resté ici un long moment en repensant à ce qu’il s’était passé. Le hangar était désormais vide, calme et chaud, il n’y avait plus aucune brise de vent. Mais Minho m’avait promis, alors je n’avais plus de soucis à me faire ou sinon, j’irais chercher mes réponses moi-même.

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