chapitre 10
| 22 juillet 2005
☆
Avant de le revoir bien vivant et en forme, Asuga n'aurait pas su dire ce qui la retenait dans Roppongi. Elle errait sans réel but entre son district natal et celui des Haitani, était hébergée par les jeunes qui lui étaient fidèles, contactée par toutes les délinquantes du coin qui mouraient d'envie de rejoindre sa cause depuis que son envie de résusciter les gangs sukeban avait été révélée. Son règne était prêt à débuter, elle avait assez de cartes en mains pour partir à la conquête de ce qu'elle avait toujours convoité, et pourtant, elle était incapable de se résoudre à se plonger dans cette aventure, à repartir officiellement pour Kabukichō. Sa capuche rabattue sur sa tête pour éviter qu'on ne repère de loin sa chevelure rose bonbon, elle songeait à ce qu'elle ferait lorsqu'elle y serait si elle n'était pas certaine de pouvoir offrir à ses subordonnés une situation stable. Débuter sa montée au pouvoir avec une potentielle guerre contre Roppongi était hors de question. Sur tous les plans de sa vie, il fallait qu'elle lui parle, qu'elle s'assure qu'ils n'étaient pas ennemis.
Peut-être le savait-elle déjà au fond d'elle, et peut-être cherchait-elle seulement une excuse pour le voir une dernière fois avant un long moment. Peut-être n'aimait-elle pas l'idée de partir ainsi, de le laisser là sans lui avoir fait comprendre que l'oublier n'était pas une option puisqu'elle reviendrait réclamer son dû - le réclamer, lui - un jour où l'autre. Quoiqu'il en soit, Asuga n'aurait pas non plus été capable de décrire le sentiment qui la traversa quand elle aperçut le conducteur de la voiture garée devant elle tandis qu'elle quittait une supérette aléatoire. Du moins, pas avec la précision qu'il méritait, parce qu'elle sentait qu'il s'agissait d'un sentiment complexe mais n'en retenait que la chaleur qui se propageait dans sa poitrine dès qu'il pointait le bout de son nez et l'envie viscérale qu'elle ne redevienne jamais froide.
— Une voiture ? s'étonna-t-elle lorsque Ran lui ouvrit la portière depuis l'intérieur. T'es sûr d'avoir ton permis, au moins ?
— Bonjour, oui je vais bien, merci de demander, tu m'as terriblement manqué aussi.
— Je veux bien te croire sur ce dernier point.
Amusée, la jeune femme s'installa côté passager sans se poser de question. N'importe qui aurait été réticent à l'idée de monter en voiture avec lui après l'incident de leur dernière rencontre, mais se méfier de Ran ne comptait pas parmi les aptitudes d'Asuga, alors elle se contenta de lui sourire derrière la sucette qui occupait sa bouche et de détailler son profil tandis qu'il se chargeait de les emmener quelque part où ils pourraient discuter tranquillement. Sur le chemin, Asuga adressa un signe de la main à un groupe de jeunes femmes comme pour leur indiquer de ne pas s'inquiéter. Ran suivit cet échange silencieux avec étonnement. Si cette ébauche de gang lui était déjà fidèle au point de s'aventurer dans Roppongi avec l'objectif de veiller sur elle de loin, il ne pouvait qu'avoir hâte de connaître la Asuga officiellement nommée leader du premier gang sukeban de la nouvelle vague de délinquance féministe, celle qui serait vénérée comme elle le méritait.
De son côté, la jeune Yano observa discrètement le conducteur en silence. À le voir ainsi, imperturbable et toujours armé de son ironie sans limites, il était difficile de croire qu'on l'avait poignardé quelques jours auparavant. La délinquante grimaça à ce souvenir, ouvrit la bouche comme pour s'excuser, puis la referma sans rien dire. Elle n'avait pas tenu le couteau, pourquoi se sentait-elle désolée ? L'espace d'une seconde, elle se demanda si Rindo prenait aussi bien la chose que son aîné ou s'il la détestait, si leurs activités étaient à nouveau surveillées et s'ils avaient des problèmes... mais elle ne dit toujours rien. Ran n'en avait rien à faire, et la confusion de ce constat était plus forte que son envie d'avoir des réponses.
— Numéro deux du Shirohebi, alors.
Alors que la voiture s'arrêtait à nouveau dans un coin plus reculé, Asuga fronça les sourcils sans prendre la peine d'acquiescer. L'instant d'après, le visage de Ran s'anima en un sourire en coin qui fit tout de suite disparaître son anxiété et parvint même à la faire rire.
— Plutôt sexy, si tu veux mon avis.
— Pas aussi sexy qu'effrayer tout Roppongi, si tu veux le mien.
— Quelle équipe, ironisa-t-il.
— Tu sais que ma place change rien à tout ce que j'ai dit, pas vrai ? reprit-elle avec plus de sérieux, le regard rivé à son profil comme pour jauger ses réactions. Je déteste réellement mon frère et je veux récupérer le Shirohebi, tout comme je veux que Roppongi et Kabukichō restent en bons termes. Je vous ai caché ça parce que je voulais pas prendre le risque de subir ce que vous faites subir à tous ceux qui vous causent du tort. Tadashi m'a bien envoyée vous trouver et m'en prendre à vous pour lui faciliter la tâche, mais j'ai juste profité de cette occasion pour fuir, j'aurais jamais tenté quoique ce soit.
L'air pensif, Ran hocha la tête sans un mot. Tout ça, il l'avait bien compris. Il s'était toujours douté que quelque chose ne tournait pas rond chez son amie, sans jamais trop s'en inquiéter car le mystère qui l'entourait faisait aussi partie de son charme. Mais jamais l'idée qu'elle eût pu avoir l'intention de leur causer du tort ne l'avait effleuré. Son attitude lorsqu'elle était avec eux ne mentait pas ; elle les appréciait, à la fois individuellement et pour la stabilité de leur duo, qu'elle n'avait jamais pu avoir avec Tadashi. Au fond, derrière toute la violence qui dormait en son sein et tout ce qui pouvait bien clocher chez elle, Asuga n'était qu'une orpheline forcée de s'enfoncer dans l'illégalité pour se faire une place sans ce vaste monde. Pas si différente des frères Haitani, donc. À la seule différence qu'eux se soutenaient pendant qu'Asuga subissait les humeurs de son aîné depuis l'enfance. Bêtement, Ran aurait aimé lui affirmer qu'elle ne les subirait plus jamais, que Tadashi ne pourrait bientôt plus l'approcher, mais il voulait aussi se persuader que cela ne dépendait pas de lui.
Si elle avait été capable de fuir son frère seule, elle serait aussi capable de récupérer le Shirohebi par ses propres moyens.
— T'as réfléchi à ce que tu veux pour avoir à moitié gagné la dernière devinette ? lança-t-il après avoir enfin tourné la tête vers elle. Parce que moi oui, et j'ai jamais aimé attendre.
— Qu'est-ce que tu veux ? s'enquit-elle avec curiosité.
— Ça, pour commencer.
Confuse, Asuga ne put l'empêcher de s'emparer de sa sucette. Il l'extirpa d'entre ses lèvres pour la glisser entre les siennes sous le regard indigné de la jeune femme, visiblement très fier de cette provocation explicite.
— Cerise ? devina-t-il, prenant bien soin d'exagérer la dégustation du bonbon.
— C'est mes préférées, marmonna Asuga qui ne savait plus si elle était agacée ou intéressée.
— J'ai fini à l'hôpital à cause de ton frère, je mérite bien ça, non ?
— C'est bien parce que c'est toi, hein.
— T'as pas répondu à ma question, fit remarquer Ran. Tu sais ce que tu veux ?
— Ça dépend, dit-elle sans quitter ses lèvres des yeux. Est-ce que tu serais l'un des lots disponibles, par hasard ? À bien y réfléchir, je crois que je suis un peu jalouse de cette sucette.
Sucette qu'elle dut d'ailleurs se forcer à lâcher du regard pour croiser celui de son interlocuteur. Elle comprit à l'intensité de la satisfaction qu'elle y lut qu'il avait attendu cette réponse, mais aussi qu'il la voulait au moins autant qu'elle le voulait. C'était idiot et peut-être un peu masochiste ; elle était venue bouleverser son quotidien relativement calme, avait failli causer sa perte, mais il ne rêvait que de l'avoir pour lui. Physiquement, émotionnellement et longtemps, d'autant de manières qu'il en existait quand bien même elle avait passé des semaines à lui mentir. Savoir qu'elle partageait avec lui ces pensées illogiques et cette attirance déplacée l'emplissait d'une assurance démesurée. Ils ne seraient peut-être pas ensemble avant un moment mais ils s'appartenaient, et ce constat lui suffisait.
— Ça peut s'arranger. Mais j'ai une condition.
— Je t'écoute ?
— Récupère le Shirohebi. J'accepterai pas qu'on traite encore ma copine de numéro deux.
Laissée sans voix, Asuga le toisa en silence de son regard pétillant tandis qu'il levait une main pour la débarrasser de sa capuche. Se cacher n'était pas une option pour les forces de la nature comme eux ; encore moins s'il était question de fuir les suiveurs et les faibles comme Tadashi. Lui n'arriverait jamais à rien, c'était une certitude. Mais Asuga... Ran voulait croire qu'elle était capable de tout. Diriger le Shirohebi, surpasser le Tokyo Manjikai qui l'inspirait tant, devenir l'une des délinquantes les plus reconnues de la capitale, elle pouvait bien entreprendre tout ce qu'elle désirait puisqu'elle avait réussi à l'impressionner, lui. Tadashi lèverait peut-être encore la main sur elle, mais quelle importance ? Elle finirait par l'écraser, et il n'existait pas un événement que Ran attendait avec plus d'impatience que celui-ci.
— Et porte ça, ajouta-t-il en déposant une paire de lunettes de soleil familière sur le nez de la jeune femme qui ouvrit grand la bouche de stupeur.
Bien que très distraite par la joie d'avoir à nouveau ces fameuses lunettes en forme de gros cœurs roses en sa possession, Asuga eut la présence d'esprit de retenir la main de Ran lorsqu'il voulut l'éloigner de son visage. Elle la posa contre sa propre joue et fit la moue sous le regard attentif du criminel qui ne s'étonnait plus de son manque de tact.
— Tu m'embrasses même pas ? N'importe qui le ferait, là.
Profitant un instant de la douceur de sa peau sous ses doigts, il dut se faire violence pour ne pas lui rire au nez. Même derrière ses verres teintés, il pouvait deviner la hâte naïve qui illuminait encore un peu plus le bleu de ses yeux déjà étincelant. Elle n'eut aucune honte à se pencher vers lui dès qu'il amorça un geste pour s'approcher, presque certaine qu'elle allait finir par imploser s'il ne lui donnait pas ce qu'elle voulait. L'hésitation s'empara du jeune homme lorsqu'il fut assez près pour sentir le souffle sucré d'Asuga s'échouer contre ses lèvres fermées et que le bout de son nez frôla le sien, mais il ne céda pas. À la place, un sourire satisfait prit place sur son visage et elle comprit qu'il se moquait d'elle.
— Mais je suis pas n'importe qui.
— Enfoiré, jura-t-elle malgré son amusement.
— Je t'ai dit de récupérer le Shirohebi d'abord, non ? la provoqua-t-il sans prendre la peine de s'éloigner, bien qu'il faillit causer sa propre perte quand leurs lèvres s'effleurèrent accidentellement.
— Oh allez, regarde-toi, t'en meurs d'envie.
Elle n'avait pas tort mais, trop fier pour son propre bien, Ran secoua la tête avec arrogance. Asuga leva les yeux au ciel avant de les écarquiller, surprise par la sensation de sa bouche posée au bord de la sienne et électrisant la petite parcelle de peau qu'elle rencontra. Elle tenta bien de tourner la tête pour le piéger et attraper ses lèvres des siennes, mais lorsqu'elle le fit, il s'était déjà écarté pour la détailler de son air narquois qu'elle aimait et détestait à la fois. Elle devina la couleur qu'avaient pris ses joues à l'expression moqueuse qu'elles firent naître sur le visage de Ran.
— Très bien, fit-elle alors. Tant pis, je crois qu'on s'est tout dit. Passe le bonjour à ton frangin de ma part.
— Ça marche.
Exaspérée, Asuga quitta le véhicule sans un mot de plus. Depuis l'intérieur, Ran la suivit des yeux tandis qu'elle lui passait devant et commençait à s'éloigner du côté gauche de la voiture. Il reposa une main sur le contact lorsqu'elle fût de l'autre côté de la rue, puis relâcha les clés et fronça les sourcils en la voyant s'arrêter et faire demi-tour d'une démarche si déterminée qu'elle l'effraya quelque peu. Tandis qu'elle plaçait ses lunettes originales sur le haut de son crâne, il abaissa sa vitre au maximum et tira sa sucette hors de sa bouche avec confusion, prêt à lui demander ce qu'elle avait oublié sans pour autant avoir l'occasion de poser sa question.
— T'as vraiment cru que tu t'en sortirais comme ça ? railla-t-elle.
Jusqu'à ce moment précis, Ran avait toujours juré qu'il détestait être la cible d'une prise d'initiative, quelque soit le contexte. Il avait toujours été celui qui décidait, qui commandait et qui prenait les choses en mains quand il le voulait et comme il le voulait. Pourtant, lorsque les doigts d'Asuga l'attrapèrent par la mâchoire et que ses lèvres trouvèrent les siennes avec force, il se fit la réflexion qu'elle aurait bien pu lui donner des ordres par poignées, il se serait démené pour tous les satisfaire. Malgré cette soudaine et déstabilisante prise de conscience, il n'eut besoin que d'une fraction de seconde pour réagir et s'appliquer à lui rendre son baiser, tant et si bien qu'un sourire échappa à Asuga. Par principe, il tenta bien de reprendre le dessus mais échoua lamentablement. Et Ran aurait beau essayer à chacune des prochaines fois, elle mènerait toujours la danse et déciderait elle-même des moments où il serait autorisé à exercer un quelconque contrôle sur leurs échanges.
Très satisfaite de son propre geste, Asuga ne s'éloigna que lorsqu'elle eut besoin de reprendre son souffle. Le jeune homme la retint néanmoins juste assez pour coller son front au sien, et cette fois-ci, ce fut sur ses traits à elle que se dessina une certaine arrogance. Le regard qu'il lui lança ne pouvait pas mentir ; s'il n'était pas déjà amoureux avant cela, alors ils pouvaient tous deux être sûrs qu'il l'était maintenant.
— Pour être sûre que tu m'attendras, se justifia-t-elle.
— Tu doutes de ma loyauté ? ironisa Ran.
— Jamais, voyons. Tu diras à Roppongi que la reine part reconquérir son royaume et venger son roi mais qu'elle revient vite, d'accord ?
Il crut à tort qu'elle allait ponctuer ces jolis mots d'un dernier baiser avant de s'en aller ; c'était mal la connaître puisqu'elle se contenta d'embrasser la commissure de ses lèvres comme il l'avait fait plus tôt. Son regard azuré, qu'il aperçut brièvement avant qu'elle ne le cache derrière ses lunettes, criait à la victoire. Après tout, elle le lui avait dit ; elle le mettrait lui aussi à genoux un jour ou l'autre, et il commençait déjà à faiblir.
Ce jour-là, en s'éloignant de cette voiture, Asuga s'éloigna aussi de sa version incomplète, qu'elle s'était forcée à jouer toute son existence, celle qu'on qualifiait de numéro deux. Elle ne serait jamais plus la seconde. Elle voulait tout ce qui était à sa portée et finirait par tout posséder. Ou bien elle perdrait sa vie à essayer, mais jamais plus elle ne se contenterait de manipuler les plus influents et de regarder ces derniers s'attribuer les mérites de ses idées. Si voir ses pensées être applaudies - même implicitement - lui avait suffi jusqu'ici, elle ne s'autoriserait plus à rester dans l'ombre. Si l'on devait vanter ses mérites, alors ce serait son nom que les foules crieraient en chœur et pas un autre.
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| 2 août 2005
— On a vraiment besoin de lui ? Je comprends pas ce qu'il a à voir avec le Shirohebi.
Située à quelques mètres de la jeune femme qui venait de lui adresser la parole, Asuga expira un nuage de fumée grise et esquissa un sourire, adressé non pas à cette simple remarque mais à la vue du délinquant qui se dirigeait vers elle. Il n'avait pas beaucoup changé depuis qu'ils s'étaient croisés pour la dernière fois, paraissait seulement plus amusé de sa condition de voyou là où elle l'avait longtemps ennuyé à mourir. Lui aussi souriait bien qu'il ne fût pas encore arrivé au niveau d'Asuga, et elle devina qu'il avait été satisfait d'apprendre qu'elle le cherchait.
— On a besoin de personne, assura-t-elle. Je voulais juste prendre des nouvelles d'un vieil ami, et peut-être qu'on arrivera à en tirer quelque chose d'intéressant par la même occasion.
— Et s'il décide de soutenir Tadashi ?
— C'est vrai ça, pourquoi il serait bien intentionné ? Le Dieu de la Mort, c'est pas un surnom qui donne envie de—
— Vous me faites confiance, oui ou non ?
Aucun de ses subordonnés présents ne prit la peine de répondre, parce que la réponse était évidente ; une bonne moitié des membres du Shirohebi avait fui les idéologies de Tadashi pour la rejoindre au cours des deux dernières semaines, lui offrant ainsi leur entière confiance et, par extension, leurs vies qu'ils plaçaient entre ses mains vengeresses. Tadashi les avait d'ailleurs poussés à la choisir sans s'en rendre compte, car tous avaient été impressionnés de constater qu'elle était parvenue à amadouer les frères Haitani et qu'il avait lui-même pris la décision de l'envoyer conquérir Roppongi. Le premier leader proposait une guerre contre un duo que personne ne voulait vraiment affronter, la deuxième était capable d'allier le Shirohebi au district entier de Roppongi. Le choix était alors vite fait.
Consciente de tous ces éléments qui jouaient en sa faveur et de tout ce qui était désormais à sa portée, Asuga quitta le muret sur lequel elle était perchée et passa entre les voyous qu'elle dirigeait sans les regarder. Bientôt, seuls quelques pas la séparèrent du grand jeune homme au sourire goguenard qu'elle était ravie de retrouver.
— Tu sais à quel point t'es compliqué à contacter ?
Elle reçut un ricanement amusé en guise de réponse. Une main tatouée trouva bientôt le haut de sa tête, et Hanma laissa à son tour s'échapper un nuage de fumée d'entre ses lèvres avant de prendre la parole.
— Sympas les cheveux roses.
— Je complimenterais bien ta coupe en retour, si t'étais fichu de ressembler à quelque chose.
— T'as pas changé, sourit-il derrière sa cigarette presque entièrement réduite à l'état de cendres.
— Vraiment ?
— Ouais, affirma Hanma avant de désigner les jeunes qui l'accompagnaient. J'ai toujours su que tu finirais par remettre l'autre con à sa place. C'était en toi.
Asuga acquiesça avec la satisfaction de le revoir et d'entendre ce qu'elle savait maintenant être la vérité. Derrière elle, quelques uns échangèrent des regards sceptiques lorsque la main du nouveau venu glissa du haut de son crâne jusqu'à son visage pour effleurer sa joue. Le geste ne fit pourtant qu'amuser la jeune femme.
— Navrée, Shūji, mais mon cœur est déjà pris.
— Et le reste ?
— C'est un lot. Et t'aurais du mal à entrer dans la compétition.
Hanma ricana à nouveau, le regard planté dans le sien tandis qu'il éloignait sa main d'elle pour se rallumer une clope. Tous deux savaient qu'il n'existait aucune réelle ambiguïté au sein de leur amitié particulière. Hanma n'avait jamais été intéressé par l'idée d'une relation et ne le serait sûrement jamais, et Asuga ne se serait jamais faite à son impulsivité, à sa dangereuse soif d'adrénaline. Elle avait beau aimer les risques, elle les prenait toujours après un temps de réflexion - Shūji, lui, préférait penser aux conséquences une fois l'acte réalisé. Il ne s'agissait alors que d'une blague entre eux, qui étaient à la fois trop similaires et trop différents pour se supporter sur le long terme.
— J'espère que tu t'es trouvée quelqu'un de drôle, au moins.
— Très, mais malgré lui. Maintenant, est-ce que tu peux me dire qui est le petit lutin à lunettes qui te suit ?
— Ah, lui, fit Hanma après s'être retourné comme s'il venait de se rappeler la présence du concerné. C'est Kisaki. Tetta Kisaki. Il est cool.
— Il en a l'air, oui.
— Je le suis pas, intervint le fameux Kisaki en percevant l'ironie de la jeune femme, mais on connaît rarement le succès en étant cool, pas vrai ?
Surprise, Asuga haussa un sourcil dans sa direction et le détailla rapidement. Il était bien plus jeune qu'elle, plus petit aussi, il portait trop de gel dans ses cheveux et des lunettes qui lui donnaient un peu l'air d'un premier de la classe, mais un charisme étrange émanait de lui. Elle ne tarda pas à comprendre que ce gamin n'était pas celui qui suivait Hanma, mais bien celui qu'Hanma suivait, et cette simple découverte l'intrigua. Qui pouvait-il bien être pour avoir convaincu un énergumène comme lui de se ranger sous ses ordres ?
Quand elle ouvrit la bouche avec l'intention de se présenter de manière plus polie, Kisaki la devança.
— Je sais qui t'es. Asuga Yano, non ? T'es la sœur de Tadashi Yano, qui a créé et dirigé le Shirohebi jusqu'à maintenant. T'as gagné la confiance de Roppongi et réussi à récupérer la moitié du gang de ton frangin mais tu galères à convaincre le reste de te suivre. Tu refuses sûrement de demander de l'aide mais tu te dis aussi qu'avoir plus d'alliés te servirait, et si t'es aussi folle qu'on le raconte, tu envisages sans doute de buter Tadashi. Je me trompe ?
— Ça me semble correct, avoua-t-elle malgré son étonnement. Et toi, on peut savoir ce que tu veux ?
— Je veux voir le Tokyo Manjikai s'effondrer.
Asuga se redressa face à cette annonce qui l'intéressait plus que d'être analysée ainsi. Elle jeta un regard à ses subordonnés avant de reporter son attention sur l'adolescent avec scepticisme.
— C'est pas mieux d'avoir un gang pour ça ?
— J'en ai un, que ton précieux ami Hanma dirige pour moi.
— Hein ?
— Ouais, confirma l'intéressé avec un sourire idiot. C'est un peu que des merdes mais c'est marrant.
Confuse, la jeune femme garda le silence tandis que Kisaki reprenait la parole afin de lui fournir les informations dont elle avait besoin. Ce fameux gang s'appelait Moebius et leur véritable leader avait récemment été poignardé par le capitaine de la troisième division du Tokyo Manjikai. Il était vivant, mais en convalescence et incapable de diriger ses subordonnés alors Hanma avait pris sa place, secrètement lui-même sous les ordres de Kisaki. Hayashida Haruki, le coupable, s'était rendu à la police sans hésiter et sans savoir qu'il était devenu un sujet de conflit au sein du Toman. Asuga se demanda bien comment ce gamin pouvait en savoir autant sur le quotidien et les querelles internes d'un gang auquel il n'appartenait pas, mais elle se fit vite à l'idée qu'il était dangereux et qu'elle n'avait pas besoin d'en savoir plus. Ce qui déchirait alors le Toman était simple ; Mikey, le chef, souhaitait sortir son ami de là et le couvrir quitte à attirer des ennuis à tous les autres tandis que Draken, son bras droit, respectait le choix de leur ami et refusait de s'interposer. Et si ces deux-là avaient fini par se mettre d'accord sur cette deuxième vision des choses, les quelques jours qu'ils avaient passés à se disputer avaient assez marqué le gang entier pour que des camps s'y soient formés.
Tout ce récit passionna Asuga, elle avait l'impression d'avoir attendu toute sa vie d'entendre ainsi parler du Toman, de s'en trouver aussi proche même si c'était à travers quelqu'un d'autre. Le plan de Kisaki la passionna aussi, bien qu'elle sût rapidement qu'elle ne pourrait jamais lui faire confiance ni même l'apprécier sincèrement. Ledit plan était lui aussi très simple ; le meilleur ami du coupable, Peyan, avait été facile à manipuler et n'avait pas trop hésité avant de s'allier à Moebius au moment le plus important du conflit qui menaçait d'éclater contre le Toman. Cette trahison les menait donc à une date, à un plan d'autant plus concret, à une mort prévue.
— Quand est-ce que vous attaquez ? s'enquit Asuga.
— Je veux ta parole avant de te donner plus d'infos, rétorqua Kisaki avant de poursuivre devant son regard interrogateur. Je veux pouvoir compter sur le Shirohebi en cas de besoin. Si je te contacte pour un service, tu réponds et tu m'aides. D'accord ?
La délinquante se retourna pour balayer son gang du regard, jaugeant leurs réactions bien qu'un refus catégorique de leur part aurait été incohérent. Le Shirohebi avait besoin de soutien. Celui d'un jeune homme aussi influent que Kisaki en plus de celui de Roppongi leur serait utile, d'autant plus si ses motivations s'approchaient autant de celles d'Asuga. Alors elle acquiesça avec toute la dignité et la confiance de la leader qu'elle était désormais, et s'engagea définitivement sur le chemin qui la mènerait jusqu'à sa rencontre prochaine avec le Toman.
— Je t'avais dit qu'elle comprendrait, intervint Hanma avec fierté.
— La ferme, Shūji. Alors, vous attaquez quand ? Quand est-ce qu'il meurt ?
— Demain.
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。・:*:・゚★,。・:*:・゚☆
dernier chap de la partie une et je l'aime pas du tout mais on fait avec^^
j'aime bien relire toute ma fic sérieusement pour corriger des p'tits trucs là vraiment c'est sympa,
d'ailleurs j'aurai normalement fini de tout reposter dans la semaine !! après je pourrai reprendre avec la suite hihi
brefbref je vous laisse avec la partie deux pour le moment
bisouent
- daeremagon
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