15 - Initium

Cette nuit, alors que l'on scellait les lacets de son corsage, que l'on plaçait les dernières mèches rebelles à leurs places, Narcissa se surprit à pensait qu'elle vivait ces dernières heures en tant que Black. Toute sa vie, on lui avait répété que ce moment serait le plus beau de toute sa vie. Qu'elle se souviendrait jusqu'à sa mort de cette instant où elle dirait « oui ».

Narcissa aimait son nom. Black. Il reflétait toute sa noblesse, toute son histoire si brillante. Cette nuit, elle abandonnerait ce nom qu'elle aimait tant en disant « oui ». Cette nuit, ce simple mot changerait le cours de son existence, donnerait un tout autre tournant à sa vie. Cette nuit, Narcissa porterait le nom Malefoy. À cette seule pensée, son cœur se gonfla de fierté.

– Ça va ? demanda Bellatrix, qui l'observait curieusement avec un froncement de sourcil.

Elle était assise sur une des tables en bois qui servait d'étagère pour le maquillage, lisant le journal comme si elle vivait un jour ordinaire. Narcissa hocha la tête, sans rien dire de plus.

– Je ne me rappelle pas avoir été si heureuse pour mon mariage, déclara-t-elle d'un haussement d'épaules.

– Tu étais trop saoul pour te rendre compte que tu te mariais, rappela Narcissa accompagné d'un léger sourire de moquerie.

– Je ne me rappelais pas de ce détail, gloussa-t-elle.

Les deux sœurs éclatèrent de rire, et Narcissa oublia un instant l'épreuve qui l'attendait dehors. Mais sa mère la ramena vite à la réalité en s'invitant dans la chambre et congédiant les domestiques qui avaient à présent terminé leur travail.

– Oh, Narcissa, tu es si belle ! Je suis si émue !

Bellatrix leva les yeux au ciel et disparut sans plus attendre, leur laissant l'intimité demandée. Druella encadra de ses grandes mains le visage poudré de sa fille, des larmes de ravissement brillant dans ses yeux noirs.

– Je suis fière de toi. De tout ce que tu as accompli et de tout le chemin que tu as parcouru jusqu'ici. Ma dernière petite fille...

Sur ces-derniers mots, sa voix dérailla mais elle cacha son émotion en l'étreignant le plus fort possible.

– Narcissa Malefoy, souria-t-elle en se détachant. Ce nom te sied déjà à merveille.

Narcissa lui rendit son sourire, plus sincère que jamais. Elle était tentée de pleurer devant ce flux trop brusque d'émotions que sa mère déversait, mais elle allait devenir une Malefoy et se devait déjà de se comporter comme telle. Elle voyait sa mère pleurer pour la première fois. Druella Black n'avait jamais craqué. Ni pour sa première fausse-couche, ni pour les mots injustes que lui avait craché Bellatrix lors de ses fiançailles, ni même pour la trahison d'Andromeda.

Mais Druella se permit de verser quelques petites larmes pour le départ de sa dernière fille. Posté devant l'encadrement de la porte, Cygnus observait la scène avec un petit sourire en coin. Narcissa se rendit bien vite compte de sa présence et se retourna, les étoiles pétillant ses yeux.

– Père.

Cygnus décida de s'approcher et ne put s'empêcher de ressentir une fierté gonflante dans son cœur. À la voir si belle, dans cette magnifique robe blanche, et ce voile transparent tenu par une couronne de roses immaculées, Cygnus ressenti une joie pareille à aucune autre. Narcissa était certainement celle qui avait rendu le plus d'honneur à leur nom et leur famille, aussi ne douta-t-il pas un seul instant de son brillant avenir en tant que Malefoy. Elle était sa dernière héritière dont il était si fier.

– Tu as suivi mon conseil, prononça-t-il d'une voix solennelle. J'espère qu'à présent, tu te sens bien avec lui. J'espère avoir fait le bon choix.

– Plus que bien, Père, rougit la jeune fille. Je suis heureuse de m'unir à Lucius.

– Si tu es heureuse, alors il en est de même pour moi.

D'un geste doux qui sied bien à Cygnus Black, il recouvrit le visage de sa fille du voile transparent. Il observa la lune, à travers la fenêtre, et la compara à la luminosité qu'irradiait Narcissa. Il lui tendit son bras, qu'elle entoura timidement.

Alors qu'ils passaient les portes, Narcissa sentit les battements de son cœur accélerer.

Lorsque la grande porte en bois massif s'ouvrit, elle crut qu'il allait finir par sortir de sa poitrine.

Mais lorsqu'elle le vit, il s'arrêta. Son monde entier s'arrêta de vivre. Elle se mordit la lèvre pour ne pas défaillir, et s'avança silencieusement au bras de son père, au milieu de la foule de sorciers qui contemplaient le spectacle sous les lueurs des bougies, avec un sourire ému.

Quelques instants plus tard, Narcissa Black était devenue Narcissa Malefoy.

*****

La porte de la chambre s'ouvrit. Lucius entra, vêtu seulement d'une chemise de nuit ample et d'un pantalon souple. Narcissa l'aperçut par le reflet du miroir devant lequel elle demeurait droite comme un piquet. À travers la glace, leurs yeux se rencontrèrent. Lucius vit dans ceux de sa nouvelle femme la peur et la crainte : jamais elle ne s'était couchée dans le même lit qu'un homme, et jamais elle n'avait fait... Narcissa ferma les yeux pour chasser cette pensée. Tout allait bien se passer. Lucius ne lui ferait jamais de mal. Elle le savait.

Après avoir refermé la porte, il s'approcha d'elle lentement et posa une main sur son bras. À ce contact, Narcissa frémit. Elle pensa à ce qu'ils devaient faire dans quelques minutes. C'était certainement la partie la plus crainte du mariage pour Narcissa. Elle avait voulu entendre Bellatrix la rassurer durant la cérémonie mais celle-ci était bien trop occupée à parler magie noire avec son époux et ses confrères. Elle s'était retrouvée seule avec ses pensées terrifiantes, et son installation au manoir Malefoy n'avait fait que renforcer son angoisse. Mais à présent, le moment était venu. Elle savait. Elle savait qu'elle ne pourrait pas le repousser éternellement.

Lucius sentit son inquétude car il se contenta de coller son corps contre le sien et lui embrasser tendrement l'épaule, seulement recouverte d'une longue chemise de nuit fine. Il voulait la laisser faire, la laisser agir librement sans tenter de brusquer les choses. Il avait appris au cours de ces derniers mois que la laisser agir en premier était la meilleure chose à faire pour qu'elle arrive à accepter.

Seulement, Narcissa était pétrifiée. Elle ressentait une peur si immense, une peur qui s'étendait sur chaque partie de son corps et l'empêchait de faire le moindre mouvement. Elle voulait être autre part. Au bord d'une plage de galet, qui brillerait de milles feux sous le clair de lune. Au milieu d'une dune de sable, pourquoi pas, et l'océan qui s'étendrait tout autour d'eux, jusqu'au bout du monde. Mais elle était dans une chambre aux murs gris, un poids immense lui comprimant la poitrine. Elle aimait Lucius. Elle l'aimait plus que quiconque. Mais entre ressentir l'amour, et le faire, il y avait un monde.

Lucius sut que la seule chose dont elle avait besoin était de la rassurer. Alors il approcha ses lèvres de son oreille et lui murmura ce poème qu'il connaissait par cœur à force de le lire :

– Les violons mêlaient leur rire au chant des flûtes

   Et le bal tournoyait quand je la vis passer.

   Avec ses cheveux blonds jouant sur les volutes

   De son oreille où mon Désir comme un baiser

   S'élançait et voulait lui parler, sans oser.

Narcissa esquissa un léger sourire et ferma les yeux, inspirant une grande gorgée d'air pour se donner du courage. Mais alors que sa main s'apprêtait à dénouer le lacet de sa robe de nuit, la même peur qu'il l'avait paralysée quelques instants plus tôt revint et immobilisa son geste. Elle sentit une larme dévaler lentement sa joue, grasse et lourde, emportant certainement avec elle quelques cellules de sa peau. Elle n'y arriverait pas. Elle ne pourrait pas le faire.

Lucius s'écarta en soupirant, et Narcissa reçu ce geste comme une gifle. Elle le décevait.

– Lucius... prononça-t-elle d'une voix tremblante.

– Ce n'est pas grave. On le fera quand tu seras prête. Ça peut attendre.

Narcissa sentit une boule lui obstruer la gorge, et une deuxième larme coula. Elle avait si peur, mais elle ne voulait pas non plus le décevoir. Elle voulait lui montrer qu'elle était forte, et qu'elle oserait, pour lui. Elle était une Malefoy à présent. Rien ne devait lui faire peur.

Alors qu'il s'apprêtait à s'emparer d'une veste pour s'en aller, Narcissa se retourna et prononça d'une voix claire son nom. Il se retourna, légèrement surpris, et la vit alors tirer sur un lacer d'une main si tremblante qu'il crut qu'elle n'allait pas y arriver. Perturbée par ce geste si soudain, il ne bougea pas, incapable de réfléchir correctement. Alors, d'un geste maladroit, elle dégagea son épaule de sa chemise. C'était un mouvement si innocent et pur à la fois, le signe qu'elle était prête à le faire, pour lui.

Puis elle ferma les yeux, laissant une troisième larme couler, et attendit. Les membres raides, les traits du visage crispés, elle sentit les mains de Lucius dénouer les derniers lacets et la dénuder.

Elle sentit ses mains parcourir toutes les courbes de son corps, elle sentit ses lèvres caresser les siennes, apaisant la tempête qui déferlait en elle.

Lorsqu'il la déposa doucement sur le lit, elle le laissa faire. Elle entendit ses vêtements tomber sur le sol et ignora sa peur qui la ravageait de l'intérieur. Elle le laissa faire jusqu'à un certain point, mais arriva un moment où de sa propre volonté, elle engagea la danse et se perdit dans ses propres émotions.

Alors elle se donna à lui et devint sienne, autant qu'il devenait sien.

Les violons mêlaient leur rire au chant des flûtes

Et le bal tournoyait quand je la vis passer

Avec ses cheveux blonds jouant sur les volutes

De son oreille où mon Désir comme un baiser

S'élançait et voulait lui parler, sans oser.


Cependant elle allait, et la mazurque lente

La portait dans un rythme indolent comme un vers

– Rime mélodieuse, image étincelante –

Et son âme d'enfant rayonnait à travers

La sensuelle ampleur de ses yeux gris et verts.


Et depuis, ma Pensée – immobile – contemple

Sa Splendeur évoquée, en adoration

Et dans son Souvenir, ainsi que dans un temple

Mon Amour entre, plein de superstition.


Et je crois que voici venir la Passion.

Verlaine, Poèmes Saturniens

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