𝕱𝖆𝖈𝖎𝖓𝖌 𝖙𝖍𝖊 𝖙𝖗𝖚𝖙𝖍

Omori n'a pas succombé.

Il ne succombera jamais.

Hero l'aimait et tu l'as tué

Il avait peur. Il était effrayé.

Aubrey l'aimait et tu l'as tué

L'envie de s'enfuir devenait plus urgente à mesure que le torrent de regrets s'intensifiait. À tout moment, ses jambes menaçaient de lâcher prise.

Kel l'aimait et tu l'as tué

La silhouette déformée continuait d'assailler l'adolescent avec ses plus grandes armes : les mots et le couteau. Auparavant, ce petit garçon en noir et blanc, à l'expression terriblement neutre constituait son petit cocon, le personnage qu'il s'était forgé dans ces rêves.

Basil l'aimait et tu l'as tué

Omori représentait tout ce qu'il voulait devenir, ce qu'il rêvait d'être. Omori ignorait la vérité, il n'était coupable de rien. Il avait son groupe d'amis avec qui ils s'amusait.
Ils jouaient ensemble, riaient insouciemment et partaient à l'aventure.

Omori n'avait pas besoin de la dure réalité. Tant qu'il se portait bien dans son monde, le reste n'importait plus.

Tu l'aimais et tu l'as tué

Mais Sunny n'est pas Omori. Pour aller de l'avant, il faut le battre.

Le problème c'est que la réalité et les ambitions ont toujours eu un décalage déconcertant. Un coup d'oeil suffisait pour déterminer l'issue du combat, mais Sunny n'abandonne pas.

Il n'abandonnera plus.

Elle t'aimait et tu l'as tué

Alors que les ombres rouges gelaient toujours plus son corps pétrifié, Sunny rassemblait toutes ses forces pour combattre sa peur.

Quatre ans qu'il s'enfermait dans le déni, qu'il vivait uniquement dans ses rêves, laissant petit à petit Omori supplanter sa propre personne. Quatre ans qu'il menait un train de vie très douteux, disons extrêmement mauvais. Quatre ans qu'il s'était enfermé chez lui, laissant ses amis seuls face à l'idée que Mari mit fin à sa vie au solstice de son jour le plus attendu.
Quatre ans qu'il se ment à lui même et aux autres.

Mais les choses ne pouvaient pas se terminer là, pas comme ça. Sunny ne pouvait pas déménager et abandonner ses amis une seconde fois. Ce fardeau qui le hantait depuis ses douze ans ne pouvait rester enfoui sous cette fragile enveloppe. Il doit dire la vérité à ses amis, ils ont le droit de savoir et lui la responsabilité de mettre les choses au clair.

Pour aller de l'avant il doit faire face à ces démons.

Mari ne s'est pas suicidée. C'est lui qui l'as tué.

Juste meurs.

Quelle utilité de vivre maintenant ?

Omori asséna un énième coup à Sunny, infligeant une lourdeur phénoménale à ses bras. Ses orbites sombres laissaient couler de l'encre noire, et sa peau de craie était salie par le rouge de son sang. Le couteaux de cuisine qu'il gardait constamment près de lui luisait étrangement, reflétant les deux silhouettes jumelles.

Le monde se portera mieux sans toi.

Il avait l'impression de suffocer.

Meurs, meurs, meurs, meurs, meurs.

Sunny doit accepter la vérité et y faire face. Il doit l'accepter pour pouvoir avancer et se pardonner. Oui il a tué sa grande soeur, l'unique être qui le couvait d'amour. Oui il a fait croire à son suicide, parce qu'il était effrayé. Que diraient les autres ? Qu'en penseraient ses amis ? Ils le traiteraient de criminels, de déchet. Ils l'insulteraient de tous les noms avant de le jetter en prison avec les pires pourritures, dans le même sac.

Quand bien même il s'agissait d'un simple accident.

"Les accidents, ça arrive. Ce n'est pas de ta faute, ils comprendront."
Cette idée toute simple lui semblait pourtant surréaliste.

Tes amis ne te pardonneront jamais.
Ils t'abandonneront comme ce que tu leur a fait... et c'est ce que tu mérite.
Quand pensera-tu aux autres ?
Combien de temps vas-tu laisser les gens prendre soin de toi ?
Tu dis que tu t'en préoccupe mais tu es un menteur.
Tu n'as jamais rien fait pour qui que ce soit.
Tu es inutile... plus qu'inutile.
Tu es malade.
Les personnes comme toi ne méritent pas de vivre.

Pris au dépourvu le corps de Sunny toucha le sol. Les mains rouges l'immobilisaient comme autant de chaînes qui l'empêchaient de se relever et reprendre l'équilibre.
Comme ça, il était vulnérable aux attaques d'Omori.

Tu n'es rien d'autre qu'un menteur... et quand ils verront la vérité... ils t'haïront autant que tu te haï toi-même.

La respiration de Sunny reprit ses vas-et-viens effrénés sans qu'il ne puisse contrôler la cadence de sa poitrine. Des gouttes de sueurs perlaient de plus en plus sur son front alors qu'il tentait quelques mouvements pour se sortir de cette cage. Tout ce qu'il pouvait faire, c'était observer son alter-ego déformé par ses peurs le détruire. Il ne semblait pas y prendre du plaisir. En fait, son manque d'expression était ce qui caractérisait son personnage.

Omori était neutre.
Il ne faisait que le nécessaire, savait prendre du recul sur les événements et savait contrôler ses émotions. Cela lui était bien utile et lui évitait énormément d'erreurs. Par exemple, la rage ne l'entrainerait pas à pousser sa soeur du haut des escaliers.

Omori ne l'aurais pas tué.

S'ils découvriront la vérité tu ne seras plus jamais capable de regagner leur confiance.
Peu importe ce que tu feras, ça sera vain.
Tout ce que tu fais c'est d'empirer les choses.
Ce serait mieux de juste mourrir...

Au fond... il avait peut être raison.
Sunny était et a toujours été un poids pour sa famille et ses amis. Il est celui qui a causé le drame, celui qui a causé la dépression d'Hero et la rage d'Aubrey par son mutisme. Kel semblait lui seul être parvenus à faire son deuil, mais le fait qu'il perde chacun de ses moments libres sur le sport prouve qu'il évite d'y penser.

Penser à tout ce que Sunny a causé.

Il faisait cela aussi, en choisissant de s'enfermer chez lui et dormir toute la journée. En fermant les yeux, Sunny cessait d'exister et Omori vivait l'enfance qu'il chérissait encore du haut de ses seize ans.

Au fond... Omori avait certainement raison.
Finalement il valait peut être mieux pour lui de disparaître...

Cesser d'exister pour de bon. Autant dans le monde des rêves que dans le réel.

Cesser de souffrir.

Les paupières de Sunny devenaient étonnamment de plus en plus lourdes. La fatigue lui engourdissait le corps, et son esprit s'enfonçait doucement au milieu d'un gouffre sans fin. Une fois qu'il fermera les yeux... il ne les rouvrira sans doute plus jamais.

C'était sûrement mieux comme ça..

...

...

Les amis... les amis doivent être là les uns pour les autres.

Kel.

J'espère que tu retrouveras un peu de paix... ou tu sais... un peu de joie.

Aubrey.

La dernière fois... on a commis l'erreur de s'abandonner les uns les autres au moment où l'on avait le plus besoin de notre présence unie.
Cette fois... on restera ensemble.

Hero.


Juste au moment où il s'apprêtait à plonger dans un profond sommeil, une effluve de paroles virent lui remettre les pendules à l'heure.
Ils lui firent l'effet d'une glace croquée à pleine dent ou d'une douche froide au mois de Février. Les paroles de ses amis s'affichaient plus clairement que jamais dans son esprit. Il se permis une pensée qu'il n'aurait jamais pu formuler auparavant.

Peut être bien, peut être bien...
Peut être bien qu'il y'avait une chance qu'on lui pardonne son péché.

Du coin de la pensée il effleura une surface faite de bois... un objet qu'il avait délaissé dans un recoin poussiéreux de sa mémoire : Le violon.
Cela fit tilt.

Mari.

Le violon.

L'objet qui lui permettait de se rapprocher de sa soeur, l'objet de ses doutes et tourments.
Le violon dont il avait débuté la pratique pour accompagner le piano de Mari.
Le violon, présent de ses précieux amis.
Le violon qui était la cause de leur dispute fatale.
Le violon qui achèva Mari, tapis au fond des escaliers tel l'épée de Damoclès.

Sunny et le violon étaient semblables à une même entité.
Pour se réconcilier avec lui-même, pour accepter ses fautes et ses regrets, pour aller de l'avant... il doit se réconcilier avec cet objet.

Gagné par une force surhumaine l'adolescent se fit violence pour résister à la pression considérable des mains rouges qui l'emprisonnaient.

Archet dans la main, violon en position. Il était prêt. Prêt à frotter les cordes en donnant tout son être. Prêt à exprimer ses regrets de ne pas avoir pût jouer son duo avec Mari. Cette mélodie dont il redoutait les notes nostalgiques... il était fin prêt à la rejouer.

Le duo final.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top