𝐔𝐧𝐝𝐞𝐫 𝐭𝐡𝐞 𝐬𝐭𝐚𝐫𝐬 - 1
« Potius mori quam foedari. »
☆
« C'est aujourd'hui ? »
La jeune femme hoche la tête, observant son ventre rond. Un sourire naît sur son visage
« C'est aujourd'hui. »
L'homme, le père de l'enfant, sourit à son tour.
« J'ai hâte que notre fille vienne au monde. »
Ils s'aiment tous deux, et l'aiment elle aussi. C'est leur troisième enfant. Ils ont déjà un garçon, de trois ans, et une petite fille de un an. Ce serait leur seul enfant qui vivrait jusqu'à l'âge adulte, sans doute. C'est ce qu'ils pensaient. Ils avaient totalement tort.
« Gaïa ! »
La jeune femme aux cheveux châtains redressa la tête. Seize ans, presque dix-sept, sont passés. Il est temps de lui dire. Sa mère s'assoit près d'elle et du vêtement qu'elle termine.
« Oui, maman ?
— Tu sais que ton père est le chef du village, pas vrai ?
— Oui.
— Et le chef, lorsque l'aînée de ses filles atteint dix-sept ans, doit la donner en sacrifice à notre Dieu.
— Je sais. Pour le Dieu Quetzalcoatl. Et cette fille doit être vierge, si je me souviens bien.
— Oui... Mais ce que je veux te dire, Gaïa, c'est que... Tu seras celle qu'on sacrifiera, dans six jours. »
Elle se figa. Sa mère lui apprit que sa sœur aînée a été retrouvée morte, tombée d'un arbre, directement sur le cou.
« Je suis désolée, mais tu ne pourras pas vivre jusqu'à tes vingt ans comme je te l'ai répété. Et encore moins fonder une famille à ton tour... »
Elle "comprenait". C'était "comme ça". Mais dès qu'elle put, elle quitta sa maison en pierres.
Gaïa, la fille du chef Aztèque, allait être offerte en sacrifice le jour de son anniversaire. Elle n'atteindrait pas vingt ans. Elle ne se marierait pas. Elle n'aurait pas d'enfants. Elle ne vivrait pas aux côtés du garçon qu'elle aimait. Elle courut dans le village, jusqu'aux escaliers menant en haut du temple destiné aux sacrifices. C'était son privilège, en tant que fille du chef. Elle avança dans le temple jusqu'à arriver de l'autre côté. Devant elle, la forêt.
« Gaïa ? »
Elle sursauta, en voyant le visage de Cuhtli. Son ami d'enfance, l'un des seuls "métisse" du village, avec son teint semblable à du cacao. Il était la tête à l'envers, se tenant à une pierre avec ses pieds et ses mains. Il portait une simple tunique en coton blanc, avec des sandales marrons.
« Tu m'as fait peur !
— C'est bien le but ! »
Il descendit et passa une main dans ses cheveux marrons pour les secouer.
« Ta peau est encore plus blanche que d'habitude ! Qu'est-ce-que tu as ?
— Tu te souviens, que ma sœur doit être sacrifiée dans quelques jours ?
— Oui, pourquoi ?
— Elle a été retrouvée morte, ce matin...
— Donc... »
Il ne finit pas sa phrase. Il se tut quelques secondes avant de l'attraper par les épaules.
« Je refuse !
— Je ne peux pas y échapper, Cuhtli, tu le sais.
— Tu devais vivre avec moi ! Je voulais... Je voulais t'épouser et avoir des enfants, avec toi... Tes parents n'ont pas le droit !
— Nous devons obéir au Dieu Quetzalcoatl, c'est tout.
— Je sais, mais... Je veux vivre avec toi, Gaïa... Je n'aime personne autant que toi ! »
Il la fixa de longues minutes. Elle ferma les yeux et se blottit contre lui. Elle se souvint tout à coup d'une vieille légende. Elle entraîna Cuhtli, le forçant à descendre les escaliers menant à la forêt.
« Il paraît que dans la forêt vit une sorcière, qui peut exaucer les vœux ! Si je peux souhaiter que ma sœur revienne à la vie, je pourrai vivre ! »
Ils coururent longtemps dans la forêt, sans rien trouver. Ils rentrèrent au village à la nuit tombée. C'était silencieux, il n'y avait plus personne dehors. Seules les torches en haut du temple de Quetzalcoatl étaient allumées, et éclairaient un peu, avec les rayons de la lune. Il la raccompagna jusque devant chez elle.
« On y retournera demain. D'accord ? »
Elle hocha la tête, puis, ils échangèrent un baiser.
« Je t'aime. A demain, Gaïa. »
Elle lui rendit son baiser avec un léger sourire. Elle l'observa s'éloigner, puis entra. Elle vint saluer son père, enfin de retour. Il lui dit alors :
« Je veux que tu arrêtes de fréquenter Cuhtli, et que tu restes ici, désormais. Tu dois préparer la robe que tu porteras dans six jours.
— Père, pourquoi je ne pourrais pas sortir ?
— Je sais que tu aimes Cuhtli.
— Alors laisse-moi le voir !
— Tu dois être vierge ! »
Ah. Voilà pourquoi. Voilà pourquoi il refusait de les voir ensemble. De la voir près d'un garçon de son âge. Il avait peur qu'elle le déshonore. Elle serra les dents, et partit dans la pièce qui lui servait de chambre, attrapant de quoi commencer une robe. Elle ne mourrait pas. Elle ne serait pas sacrifiée, dans six jours. Elle se marierait avec Cuhtli. Son rêve depuis qu'elle était enfant. Dans six jours, sa robe serait prête. Et elle épouserait l'homme qu'elle aime.
Deux jours passèrent. Les funérailles de la grande sœur de Gaïa furent célébrées. C'est ce jour là qu'elle sut que sa sœur ne pourrait pas être ramenée à la vie. La nuit venue, elle entendit du bruit. Elle sortit de chez elle, et vit Cuhtli, qui tentait d'entrer en douce.
« Gaïa ! Murmura-t-il.
— Qu'est-ce-que tu fais... ?
— Je viens te chercher ! On va s'enfuir d'ici, partir loin ! Tous les deux ! »
Il lui tendit sa main.
« Où ça, loin ?
— Je ne sais pas. Découvrir le monde autour du village ? »
Elle avait peur. Peur de saisir sa main. Peur de partir. Elle repoussa sa main.
« Je ne peux pas. Pardonne-moi...
— Pourquoi, Gaïa... ? Pourquoi... ? »
Elle passa le pas de la porte, et s'apprêta à fermer, mais il entra à son tour et la fit tomber au sol par inadvertance. Il était à quatre pattes au dessus d'elle. Il recula, s'asseyant presque sur son bassin.
« Je ne veux pas que tu meures... Je veux vivre avec toi, t'aimer, te voir vieillir à mes côtés, regarder nos enfants grandir, m'éteindre dans tes bras... Peux-tu comprendre ce que je ressens pour toi, Gaïa ? Sais-tu tout ce que je serais capable de faire pour toi ?
— Bien sûr que je sais... »
Elle se redressa et saisit un de ses poignets avec une main, essuyant ses larmes avec l'autre.
« Je sais ce que tu ressens... Je suis bien placée pour le comprendre, puisque j'éprouve les mêmes sentiments que toi, pour toi.
— Alors pourquoi ?
— Parce que mon père enverrait des hommes nous retrouver. Ils nous ramèneraient. Et ils te tueraient pour m'avoir détournée de mon destin, avant de me sacrifier ! Quoiqu'il arrive, je mourrai !
— Si tu meurs, je veux mourir avec toi ! Tu comprends, ça ?!
— Non ! Si je refuse une seule chose, c'est que tu meures ! Je me moque de mourir si toi tu vis ! »
Ils se regardèrent de longues secondes dans les yeux, emplis de larmes, avant de se serrer l'un contre l'autre, désormais à genoux. Ils se serraient l'un à l'autre, étouffant leurs pleurs autant que possible.
« Je suis désolée, si désolée...
— C'est moi qui le suis... Je n'ai pas réfléchi, une fois de plus. Je voulais juste... Que tu vives.
— C'est ça que j'aime, chez toi, Cuhtli. »
Elle lui sourit doucement, les yeux rougis. Mais il la trouvait magnifique. Une main glissa sur sa joue, et il l'embrassa doucement. Elle passa ses bras autour de son cou, pour mieux lui rendre son baiser. Il n'aurait fallu qu'arrêter le temps. Pour qu'ils soient enfin seuls au monde, sous les étoiles.
« Gaïa ? »
La voix de sa mère les fit sursauter. Elle entrouvrit les lèvres en les voyant tous deux, puis sourit.
« J'aurais tant voulu que tu prennes soin d'elle, Cuhtli.
— Il n'y a donc aucun moyen de la sauver... ?
— Malheureusement non, et j'en suis la première déçue. Tu devrais partir, avant que son père ne se lève. »
Ils se redressèrent tous deux, échangèrent un dernier baiser, et elle le regarda à nouveau s'éloigner dans la nuit noire. Si seulement elle avait le courage de courir après lui. Si seulement elle avait la force de tout abandonner pour Lui. Faire comme son frère, fuir. Faire comme sa sœur, ne plus être la fille du chef. Elle n'en avait pas le courage, et ne l'aurait sans doute jamais.
Elle ne sortait plus. Elle ne voulait plus se confronter au regard plaintif de Cuhtli. Et puis vint le grand jour.
Ses doigts tremblaient si fort que sa mère dut s'occuper des dernières retouches. Elle serait sacrifiée peu avant le coucher du soleil, au crépuscule. Elle ne devait pas, ne pouvait pas, et pourtant, elle voulait le revoir. Une dernière fois. Encore une fois. Avant de le perdre pour toujours.
Elle sortit enfin, tentant de rester impassible, vêtue de sa robe d'un blanc immaculé, symbole de sa pureté, et d'une tresse en or, enroulée sur elle-même, signe de la puissance de sa famille. Elle avança jusqu'au temple, dans un silence de plomb, sous les regards des villageois. Elle monta les escaliers un à un. Elle se mit devant la pierre où elle s'allongerait peu après, fixant les marches du haut. Son père prenait la parole. Elle contemplait le sang sur les marches. Son sang viendrait couler sur ces pierres. Elle mourrait là, comme des dizaines de jeunes filles comme elle, avant elle.
On lui ordonna de s'allonger. Son père la fixa une dernière fois, et embrassa son front.
« Ô dieu Quetzalcoatl ! Dieu du vent, de la vie, de l'artisanat ! Comme mes ancêtres avant moi l'ont fait, je t'offre en sacrifice ma fille. Sois reconnaissant de notre sacrifice et continue de faire prospérer notre peuple et nos enfants ! »
Gaïa inspira. Expira. Inspira à nouveau. Et se calma lorsque son père la fixa dans les yeux. Ses iris tremblaient.
« Sois forte, ma fille, toi qui étais destinée à vivre. Et puissions-nous nous retrouver un jour. »
Elle ferma les yeux, renifla, et se tut. L'homme chargé du sacrifice s'approcha. Il saisit sa lame, et commença à tailler le torse de la jeune femme. Elle se retint tant qu'elle put, tenue par les poignets par son père et par les pieds par sa mère, en larmes tous deux, mais hurla lorsqu'on lui brisa une côte, puis une seconde.
« GAÏA ! »
Elle lâcha un énième cri de douleur. Elle voulait lui hurler de fuir, de ne rien faire de stupide. Mais il ne lisait pas dans ses pensées. Il grimpa les marches une à une, observant le sang de sa bien aimée couler.
« Dois-je m'arrêter ?
— Continuez, fit Cuhtli doucement. Je ne suis venu ici que pour mourir en la contemplant une dernière fois.
— NON ! »
Même la douleur de son corps n'était rien comparé à ces mots qu'il avait dit. Mais le mal était déjà fait.
« Quetzalcoatl... dieu de la vie... entends ma prière... et permets-moi de vivre à nouveau en la compagnie de cette vie qu'on t'offre... » Dit Cuhtli, tout en enfonçant une lame dans son torse.
Il tomba au sol, tout juste rattrapé et posé au sol. Le sang des deux jeunes gens se mélangèrent finalement, lorsque le cœur de la jeune fille fut levé vers le ciel.
« Prends ces deux vies que nous t'offrons, et permets leur de se retrouver dans une autre vie... »
✦ ✦ ✦
Bjr ça va ?
J'ai de l'inspi que pour du HidÉlé oskour.
Y aura deux autres parties après, d'ailleurs 😌
Au fait, la phrase en haut en latin veut dire ceci :
« Plutôt mourir que déshonorer. »
#Historia
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