Chapitre 14

Comme me l'avait imposé mon étrange routine, je me retrouvai une fois de plus ce matin là à arpenter mes toits de Konoha pour arriver à destination. Je n'étais plus aussi exténuée qu'avant ; je parvenais à faire plusieurs trajets de la sorte par jour sans que le sommeil ne vienne me faucher impitoyablement à chaque fois. Je me sentais toujours aussi faible et peureuse, comme si ces deux mauvaises habitudes avaient imprégné ma peau, mais au moins, je voyais un soupçon d'amélioration. Et je la prenais avec une grande joie.

Le soleil matinal ne réchauffait en rien le souffle de l'air, rugueux sur ma peau et mordant de froid. L'automne approchait, à tel point que le ciel semblait l'hurler; il laissait tomber plus souvent ses larmes, au même rythme que les feuilles multicolores des arbres.

J'arrivais finalement devant l'hôpital de Konoha, et après avoir jeté de furtifs coups d'oeil à droite et à gauche, j'entrai.

Je pris soin d'esquiver méticuleusement chaque personne arpentant les couloirs, patients, visiteurs et médecins confondus. J'avais beau me réhabituer doucement à la vie en société, j'avais encore franchement du mal à me trouver en présence d'autres êtres humains muets. J'avais l'impression parfois d'être une sauvage tout droit sortie d'une caverne.

Et puis, l'hôpital n'était franchement pas l'endroit idéal pour se sentir à l'aise. Mes souvenirs ici n'étaient pas franchement les meilleurs.

Arrivée devant le bureau du chef des lieux, je remarquai la petite queue qui s'était formée devant la porte. Je pestai intérieurement ; il allait falloir patienter au milieu de gens. L'horreur. Pour une fois, je remerciai le ciel que cela m'arrive dans un hôpital ; dans l'inconscient de tous, il allait de soi de garder le silence dans un lieu comme celui ci. Aussi étrange que cela puisse paraître, c'était la meilleure configuration pour moi.

Je m'appliquai tout de même à contourner les futurs patients de Tsunade et d'aller me coller au coin du mur, à une distance respectable des autres. Je m'accroupis et entourai mes genoux de mes bras, comme si ce geste inconscient me permettait de me protéger de la menace que représentaient ces gens et ainsi les observer en toute sécurité.

Ils ne semblaient pas blessés. D'apparence, ils étaient carrément tous en bonne santé. Qu'allaient-ils donc faire dans le bureau du grand médecin Hokage? Je remarquai alors qu'ils revêtaient tous une tenue de shinobi, et plus particulièrement celle de Jônin. Il y avait une épidémie de grippe générale chez l'élite de nos ninjas ?

Je ris intérieurement de mes spéculations absurdes, qui, en attendant, faisaient passer le temps avant que Tsunade ne me reçoive pour mon examen hebdomadaire. J'avais pensé que passer mes journées à remplir ce stage ridicule avait signé la fin de ces rendez-vous débiles qui me donnaient chaque fois l'impression que ma santé mentale était définitivement écorchée ; eh bien je m'étais fourrée le doigt dans l'oeil. Tsunade ne me lâchait pas les basques.

Lorsque ce fût mon tour, j'échappai vivement aux regards curieux de mes aînés en passant furtivement la porte du bureau de Tsunade. Je faisais bien tâche, au milieu de cet attroupement de gens talentueux, et ils devaient sûrement se demander pourquoi une chuunin comme moi venait entraver leur visite médicale.

Je fermai la porte derrière moi, et lorsque je levai la tête pour saluer notre Hokage, mon regard se posa immédiatement sur la silhouette qui occupait déjà la chaise du patient. Je reconnus instantanément ses cheveux gris.

"... tu aurais au moins pu te donner la peine de passer la porte, Kakashi", captai-je au passage sur les lèvres de Tsunade, accroupie aux côtés de mon sensei et semblant tripoter son bras. " On dirait Naruto, avec cette fâcheuse manie d'entrer par la fenêtre par effraction ".

Je me raclai la gorge pour signaler ma présence. Les deux adultes dirigèrent leurs regards sur moi.

Tsunade haussa un sourcil et Kakashi-sensei plissa son unique oeil en un sourire invisible. Mais mes yeux furent attirés par un éclat écarlate et se dirigèrent alors sur l'accoudoir, où reposait le bras ensanglanté du Jônin que Godaime était en train de panser.

- Heu... Vous voulez que je sorte?

J'avais déjà posé ma main sur la poignée, prête à m'éxécuter. Bien que la situation n'ait rien de particulièrement embarrassant, je ne pouvais m'empêcher de me sentir gênée.

"Non, non, j'ai presque fini", répondit Tsunade en enroulant un bandage immaculé autour du poignet de mon sensei. " Assied toi là, en attendant ".

Je pris timidement place sur l'autre chaise qu'elle m'indiquait, et ne pus m'empêcher de porter mon regard sur le travail de la princesse de notre village. La plaie le long de l'avant bras de Kakashi-sensei ne semblait plus saigner, mais elle n'était franchement pas belle à voir.

J'oubliai souvent que les nombreuses absences de mon sensei étaient dues au longues missions qu'il lui étaient confiées. Au début, dans un premier sentiment égoïste et excessivement ridicule, j'avais cru qu'il se fichait éperdument de mon sort, puisqu'il n'avait pas honoré sa promesse de revenir me voir à l'hôpital dans les premiers temps. Je m'étais tellement accrochée à la vision apaisante de son visage découvert, de cette étrange sensation de proximité qui m'avait permis l'espace d'un instant de respirer que ne pas le revoir passer ma porte m'avait légèrement blessée. J'avais revu mon ressentiment à la baisse lorsque j'avais compris qu'il était tout simplement trop occupé. Et je voyais à présent qu'en plus d'être voraces en temps, ses missions semblaient foutrement dangereuses.
J'avais un peu honte de moi en me disant que j'avais quelque peu profité de mon stage au Bureau des missions pour tenter de débusquer un rapport quelconque sur l'une des récentes missions de mon sensei, juste par curiosité. En vain, bien sûr ; les tâches de l'élite de nos ninjas n'étaient pas recensées dans les documents qu'on m'avait demandé de trier. J'étais surtout en train de me demander si je n'étais pas en train de devenir une psychopathe.

Après m'être brièvement perdue dans le flou de ces curieuses réflexions qui me laissaient encore pensive quant à la nature de mon attachement pour mon sensei, ma vue finit par retrouver de sa netteté et je fus immédiatement happée par le regard onyx de Kakashi-sensei.

Depuis combien de temps il m'observait ainsi?

Les attentions de Tsunade sur sa blessure ne semblaient en aucun cas le faire souffrir. Pas un pli de douleur sous son oeil, rien que son éternel air détaché et son regard énigmatique vissé sur moi.

Je ne pus m'empêcher de détourner le regard en sentant une légère rougeur teindre mes joues. Bon sang, j'étais ridicule !

Tsunade finit par se redresser en se frottant les mains.

"Voilà ! Évite de forcer sur ton bras pendant quelques jours, et tout devrait bien se passer. Allez, maintenant, ouste! Je dois m'occuper de la santé de ton élève ! "

Elle a plutôt un interrogatoire à passer, oui, pensais-je avec sarcasme.

Kakashi-sensei sembla lui répondre quelque chose derrière son masque puisque Tsunade hocha la tête en retour.

Alors qu'il passait devant moi pour s'éclipser, je sentis tout à coup une grande main effleurer le haut de mon crâne en m'ébouriffant furtivement les cheveux. Il disparut si vite que je me demandais un instant si cela n'avait pas été le fruit de mon imagination.

"Bon alors? Viens par là, que je t'examine".

Tsunade avait dissipé mon trouble et lasse, je me dirigeai en traînant les pieds sur la chaise qu'occupait mon sensei encore quelques secondes auparavant.


***


Une fois sortie, je respirai un grand coup l'air frais extérieur avant de me précipiter sur les hauteurs des bâtiments pour éviter les personnes qui se dirigeaient dangereusement vers moi.

Je finis par atterrir sur la branche d'un arbre qui bordait une ruelle escarpée, me tenant à l'abri des gens derrière les armures multicolores. Puisque j'avais une journée de libre et entièrement soumise à mon bon vouloir, je pensais faire un tour au cimetière. Cela faisait longtemps que je n'étais pas allée voir mes parents.

Tsunade n'avait pas vraiment approuvé mes méthodes de déplacement, et m'avait plutôt conseillée de rester sur la terre ferme le plus souvent possible, pour conjurer mes peurs en les combattant. Si je m'évertuais à fuir par les airs, je n'avancerai pas, m'avait-elle dit. Cela m'avait un peu agacée dans le sens où je trouvai ça facile à dire. Peut être aussi parce que je savais qu'elle avait entièrement raison.
Par contre, elle avait avoué que c'était l'exercice idéal pour entretenir mon corps mis en pause depuis mon accident. À défaut de pouvoir retourner sur le terrain d'entraînement, elle approuvait le fait que je ne reste pas statique. À qui la faute, hein.

Ainsi, je me mis à vagabonder de branches en branches, en suivant le trajet des arbres jusqu'à ma destination, au même titre que mes pensées qui divaguaient librement.

Si librement que j'en oubliai d'étudier mon environnement pour m'en remettre entièrement à mes réflexes presque machinaux. Et ces réflexes n'avaient pas prévu la masse sombre et hasardeuse perchée sur une branche que je me pris de plein fouet.

Je poussai un cri surpris et perdis violemment l'équilibre, basculant dangereusement vers les quelques mètres qui me séparaient de la terre ferme. Je voyais déjà mon portrait imprimer le sol jonché de feuilles mortes lorsque je sentis deux mains puissantes me retenir par la taille et ainsi avorter une mort ridiculement prématurée.

En l'espace de quelques secondes, je me retrouvai contre un torse habillé d'une veste verte, et les cheveux gris qui vinrent chatouiller ma joue finirent de m'affirmer que je me retrouvai bel et bien entre les bras de mon sensei.

Je reculai précipitamment, manquant de chuter une seconde fois. Mais je parvins à maintenir un certain équilibre sur le bout de la branche, sur laquelle reposait également Kakashi-sensei, confortablement adossé contre le tronc épais et qui n'affichait rien d'autre qu'un fichu œil plissé.

- Je... Mais qu'est ce que vous faîtes ?

L'argenté sembla vérifier que la couverture de feuillage le protégeait assez des regards extérieurs, avant qu'il ne baisse lentement son masque.

"J'étais en train de lire tranquillement avant que tu ne me percutes, figure toi".

Il secoua son livre orange entre ses mains comme pour appuyer ses dires.
Mes yeux passèrent du bouquin jusqu'aux bandages de son avant-bras blessé, qui semblait avoir souffert de mon sauvetage intempestif.

- Je vous ai fait mal? demandai-je en sentant mes joues rougir de honte.

"Maaah... J'ai vu pire", dit-il en souriant.

Et Dieu, quel sourire.

- Comment vous vous êtes fait ça ?

Ma pensée avait dépassé la barrière de mes lèvres sans que je ne m'en rendre compte. Je le sus au sourcil surpris que mon sensei haussa.

" Tu travailles un peu au Bureau des missions, il me semble. Tu devrais donc savoir que le contenu des missions est strictement confidentielle ".

Ah, la bourde.

Je le savais, bien évidemment. Mais voir Tsunade panser cette blessure sanguinolente avait inéluctablement titillé ma curiosité.

Mais ce fut tout autre chose qui me fit tilter.

- Comment vous savez que je travaille au Bureau des missions?

Kakashi-sensei esquissa un sourire en coin qui finit de m'achever.

" Je suis encore ton sensei, vois-tu. C'est pas parce que je ne suis pas là que je ne t'ai pas à l'œil ".

Cette phrase suffit à me faire définitivement piquer un fard.

- Vous n'avez pas besoin de me surveiller, tentai-je de répondre sur la défensive, rien que pour préserver un minimum d'amour propre. J'ai assez de gens à mes basques et je sais me débrouiller toute seule.

Le Jônin haussa un sourcil sceptique.

"Je vois... "

Je grinçai des dents. J'étais déchirée entre la douceur que provoquait en moi son aveu et cette sensation désagréable de me voir ainsi si souvent infantilisée. J'aimais le fait qu'on se soucie de moi et exécrai à la fois le fait que mon entourage me fasse ressentir que j'étais à présent plus capable de me passer de leurs attentions. Et pourtant, j'avais toujours terriblement besoin d'aide, même si je bataillais pour m'en passer. Vraiment, je ne savais pas comment me démêler de tout ça.

"Tu es pressée?"

Je me balançai machinalement d'une jambe à l'autre sur le bout de la branche, laissant sûrement apparaître ma nervosité comme de l'impatience aux yeux de mon sensei.

- Non, non. J'allais juste voir mes parents, mais ça peut attendre.

Je vis Kakashi-sensei hausser une fois de plus son sourcil gris. Il naquit dans ses yeux une perplexité presque palpable, et j'en fus soudainement très gênée. Il devait savoir que j'étais orpheline, c'était écrit dans le dossier qu'il avait sûrement dû étudier avant de me prendre dans son équipe. Et pourtant, il ne rebondit pas sur mes mots et dévia le sujet comme si de rien était.

"Tu as lu le livre que je t'avais prêté?"

Ce fut mon tour d'être perplexe.

- Euh... Oui, je l'ai terminé il y a quelques j...

"Qu'est ce que tu en as pensé?"

Je fronçai les sourcils en enfonçant mon regard dans son unique oeil sombre. Avait-il vraiment l'intention de me retenir pour parler lecture? 

Il fallait dire que ce fameux livre m'avait franchement déstabilisée. En apparence, c'était un roman médiéval fantastique, tout ce qu'il y a de plus banal; c'était peuplé de chevaliers qui n'avaient pour seule ambition de se couper mutuellement la tête, des guerres et querelles quelconques à n'en plus finir, saupoudré de quelques interventions surnaturelles dont personne ne comprenait l'origine. Non, d'apparence, Le Livre des Radieux ne m'avait pas suscité plus d'enthousiasme que ça. 

Mais en me plongeant un peu plus dedans, j'avais découvert que tous ces clichés n'avaient pas lieu d'être. Je m'étais surprise à me plonger dans ce bouquin des heures entières, jusqu'à l'aube, au point d'arriver certains jours au bureau des missions complètement exténuée. Je ne comprenais pas trop pourquoi cette histoire me fascinait tant; l'écriture était très aboutie, le scénario intriguant, mais je n'arrivai pas à mettre le doigt sur cette différence qui m'avait fait tomber amoureuse de cette histoire.

C'était surtout certaines réflexions à l'intérieur qui m'avaient marquée.

- "Les rois, m'expliquaient-ils, ne marchaient pas des centaines de kilomètres tels des mendiants", commençai-je à réciter automatiquement. "Je leur répondis que, si un mendiant pouvait accomplir cet exploit, pourquoi pas un roi? Me croyaient-ils moins compétent qu'un mendiant?"

Kakashi-sensei m'observait en silence. Il ne semblait nullement surpris de me voir réciter un passage entier de ce fichu bouquin.

- "Parfois, j'ai le sentiment que c'est le cas. Le mendiant sait beaucoup de choses que le roi ne peut deviner. Et cependant, qui rédige les arrêtés relatifs à la mendicité? Souvent, je me demande ce que mon expérience de la vie m'a donné comme véritable connaissance qui me soit utile pour rédiger les lois. Si nous devions nous reposer sur ce que nous savions, les rois ne seraient en mesure de créer que des lois relatives à la température parfaite du thé et à l'épaisseur du coussin du trône".

Je me tus, et commençai à me triturer les doigts.

- Je... J'ai bien aimé ce passage là. Ca m'a fait réfléchir. 

Kakashi-sensei afficha alors un sourire renversant.

"Bien. Je crois qu'il est temps de commencer ton entraînement spécial."


***


"Tu vas apprendre à ressentir ton chakra".

Hein?

Nous nous étions déplacés jusqu'au terrain d'entrainement à la périphérie du village. De ce fait, je m'étais attendue à ce que mon sensei m'apprenne plutôt une nouvelle technique de ninjutsu imparable qui m'aurait rendue invulnérable. Son début d'explication me laissait donc plutôt perplexe.

Kakashi-sensei se tenait sous l'ombre d'un arbre et tournait le dos au village en tenant son masque du bout des doigts, prêt à l'enfiler à tout moment. Je me demandais encore pourquoi il prenait peur que quelqu'un le voie ainsi alors qu'il me montrait ouvertement son visage chaque fois qu'il voulait me parler, sans jamais une once d'hésitation.

"C'est un fait; tu ne maîtrise absolument pas ton chakra", énoncèrent ses lèvres sans aucune délicatesse. "Tu t'es toujours reposée sur tes sens, et surtout ton ouïe, en pensant que c'était bien suffisant. Et ça l'était; sauf que perdre ton audition t'a rendue trop vulnérable et tu te retrouves maintenant démunie. C'est pour cela que Tsunade-sama ne veut pas que tu retournes sur le terrain. Elle pense que tu ne parviendras par à compenser ton plus grand atout, et le danger est bien trop grand si tu n'arrives pas à le détecter avec tes oreilles".

- Et... C'est pas ce que vous pensez? demandai-je timidement, les yeux plein d'espoir.

Il secoua la tête.

"J'ai un grand respect pour notre Hokage, mais je pense qu'elle sous-estime trop ta détermination. Elle s'arrête trop vite sur ses conclusions. Je consens qu'elles soient toujours justes, mais elles ne sont pas forcément irrévocables."

Quelques images firent subitement irruption dans mon esprit. Je voyais Lee gravement blessé, qui, suite aux mots de Tsunade, pensait qu'il ne serait plus jamais ninja. Il avait fallu qu'il insiste plus que de raison pour qu'elle accepte de l'opérer, même en sachant qu'il risquait d'en mourir. 

Et à présent, il était en parfaite santé et exerçait son métier avec tout l'engouement dont il était capable.

Et j'étais bien décidée à faire comme lui.

C'est avec un nouvel élan de détermination que je traduisis attentivement les mots silencieux de mon sensei.

"Je pense que tu es capable de combler cet handicap. Puisque tu as perdu un de tes sens, il n'y a qu'à le compenser par un nouveau. Et c'est ce que tu vas faire avec ton chakra.

Le chakra, c'est le mélange de notre énergie physique et spirituelle. On pense souvent qu'il ne sert qu'à lancer des techniques ninjutsu et genjutsu, mais on oublie toujours que c'est au final quelque chose qui nous habite et qui fait partie de nous. On dégage tous un chakra différent, que cela soit de part sa nature et sa quantité; c'est notre signature, quelque chose qui est propre à chacun. Je te propose donc de développer ta maîtrise du chakra et d'étendre ses possibilités actuelles pour t'en servir comme substitut à ton audition mais aussi pour compléter les facultés indéniables que tu possèdes déjà".

J'haussai un sourcil dubitatif. Bien que ses paroles heurtent quelque chose en moi, je ne voyais pas du tout comment appliquer tout cela.

- Et... Comment on fait ça?

Il sourit face à mon expression perdue.

"Je te l'ai dit, ton chakra fait partie de toi. Il faut que tu le sentes. C'est la base; une fois que tu auras visualisé ton propre chakra, tu pourras voir celui des autres, et tu n'auras plus peur que quelqu'un te surprennes derrière ton dos parce que tu ne l'avais pas vu. Tu le sentiras avant".

- Je ne suis pas issue de la famille Hyuga, sensei, répliquai-je, découragée. Et je n'ai pas de Sharingan non plus. Je vois pas comment je pourrais détecter le chakra des autres sans être une utilisatrice de Dôjutsu.

"Je ne parle pas de voir, tu as d'assez bon yeux pour ça. Je te parle des capacités sensorielles du chakra. 

C'est comme en musique, vois-tu. Certains ont ce qu'on appelle l'oreille absolue; ils reconnaissent en une seconde quelles notes sont émises, et ce inconsciemment. D'autres n'ont pas cette chance, mais ils peuvent développer ce qu'on appelle l'oreille relative à force d'entraînement. Et c'est ce que tu vas faire. Ces clans aux pouvoirs héréditaires ont l'oreille absolue. Toi, tu vas développer l'oreille relative de ton chakra".

J'aimais bien l'analogie, même si la musique m'était à présent devenue totalement étrangère. Même s'il n'était pas délicat dans ses mots, j'appréciai la franchise de Kakashi-sensei et le fait qu'il ne s'offusque pas de prononcer les mots "oreille" et "musique" devant moi. J'en avais assez que les gens pensent que je risquai de m'écrouler dès qu'on faisait mention à ce que je ne pouvais plus entendre.

Mais en attendant, j'étais toujours perdue.

"Tu as des flux de chakra qui circulent en toi. Il faut que tu ressentes leurs particularités, leur couleur, que tu sympathises avec ta propre énergie et ainsi la reconnaître, pour ensuite visualiser sa différence avec ce que dégagent les autres. Même inconsciemment, tu émets une aura d'énergie autour de toi. Il te suffit de la comprendre, et bientôt, tu pourras voir la mienne et celle de chaque être humain qui s'approchera de toi, et comme ça tu éviteras d'à nouveau me rentrer dedans par inadvertance".

Il rit des rougeurs honteuses qui apparurent sur mes pommettes. 

Je rageais intérieurement. Ne voulait-il pas simplement m'indiquer la marche à suivre?

A la place, il avança à grandes enjambées vers moi. Je fus hypnotisée quelques secondes par la beauté simple de ce visage qui me souriait doucement en s'avançant, avant qu'il ne pose pour la deuxième fois de la journée sa main gantée sur mon crâne pour m'ébouriffer les cheveux. 

Dieu, que j'aimais ce geste.

Ses doigts restèrent prisonniers de mes mèches légèrement plus longtemps qu'à l'accoutumée, comme s'il hésitait à l'idée de les retirer. Son œil noir demeura planté si intensément dans mon regard que j'en avais inconsciemment retenu ma respiration.

"Sur-ce, je te laisse là dessus", articula t-il au bout d'une éternité. "Je reviendrai voir comment tu te débrouilles dans quelques jours".

Et il disparut dans un "pof" de fumée.

Je me retrouvai là, ébahie, plantée seule au milieu de la verdure du terrain d'entraînement sans avoir aucune idée de ce que je devais faire.

Mais surtout, mon cœur qui cognait violemment contre ma poitrine après ce temps de latence étrange pleurait déjà l'absence de sa main dans mes cheveux et de son regard sombre dans le mien.

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