-Chapitre Unique : Le Petit Homme Sur La Haute Montagne-
Il était une fois -car c'est ainsi que l'usage nous souffle de débuter- un petit garçon aux cheveux de la couleur de la suie, seul, dans une vallée morose au pied de la haute montagne.
Il passait ses journées à contempler le ciel d'un bleu uniforme et il se demandait pourquoi il était si bleu et si monotone.
L'herbe, elle, est verte mais dans un nuancier allant du vert pomme au vert sapin.
Le soleil, lui, est jaune, teinté de rouge et d'orange.
Mais le ciel lui restait pourtant désespérément uniforme et triste.
Et un jour, ce petit garçon, dont le père médecin, lui avait appris à toujours chercher une solution à chaque problème, se mit à demander à tous ceux qu'il croisait, pourquoi le ciel était si bleu.
Et toujours, on lui répondait de la même façon, sans le prendre au sérieux :
"Parce que dieu l'a fait ainsi."
Alors il changea de question. Il demanda en suite :
"Où trouver ce dieu qui a fait le ciel si bleu ?"
Et c'est un vieil homme, un ancien pêcheur du lac au pied de la haute montagne, qui lui répondit :
"Si tu as la force nécessaire pour gravir la montagne, tu rencontreras le dieu qui fait le ciel. Mais ne te fies pas à son apparence juvénile, il est redoutable."
Alors, armé de courage, il se mit en route, ses bottes en caoutchouc bleu aux pieds, son cirée jaune sur le dos et son petit baluchon sur l'épaule.
Il avait tout prévu ; laissé un petit mot sur son lit, pour ne pas que ses parents s'inquiètent, expliquant qu'il allait demander à dieu de colorer le ciel du haut de la montagne. Il avait pris une barre de céréales et une gourde de jus de fruit que sa mère faisait tous les mois. Et bien-sûr, il prit son doudou, Flabul la libellule. Et il se mit en route.
Il lui fallut une heure pour atteindre la forêt qui recouvrait la montagne.
La forêt...
On lui avait toujours dit de ne pas s'en approcher. Mais désormais, son but était plus important que l'interdiction. Alors après une grande inspiration, il pénétra dans les bois sombres. Il serra Flabul contre lui, comme pour se prémunir du danger.
"Il n'y a rien à craindre. Rien à craindre." Se répétait-il comme un mantra.
Et il marcha. Et marcha. Et marcha. Et marcha encore...
Il est tombé aussi, s'écorchant les genoux, mais ça ne l'arrêta pas. Il continua jusqu'à sortir de la forêt, alors que la nuit tombait lourdement jusqu'au sol, allongeant les ombres et étreignant de peur le cœur du petit garçon qui sentait la brume l'envelopper. Il ne voulait pas s'arrêter. Il avait bien trop peur que les monstres du noir viennent le prendre.
Et quand la lune fut si haute dans le ciel toujours aussi bleu, qu'on aurait cru pouvoir la toucher du bout des doigts, tombant de fatigue, serrant toujours sa peluche entre ses petites mains, le petit garçon s'accorda un instant pour souffler, s'asseyant sur la souche d'un vieux chêne, tremblant à chaque bruit de la nuit, à chaque ombre causée par les ailes des corbeaux qu'il prenait pour des monstres, à chaque hululement de chouette, à chaque bruissement de feuilles. Plusieurs fois, il se retourna, certain d'avoir senti quelque chose le frôler, mais il n'y avait jamais rien. Et sans même y prendre gare, il s'assoupi, tétanisé d'angoisse.
Au petit matin, alors que les doux rayons d'un soleil timide venaient taquiner sa peau, le petit garçon s'éveilla. Il regarda à droite, puis à gauche, ne reconnaissant pas l'endroit, cette jolie clairière baignée de lumière ne semblant en rien comparable au sombre paysage rencontré la veille. Un papillon virevolta et vînt se poser sur le bout de son nez, lui arrachant un petit rire d'enfant, de ceux qui égaillent même les âmes les plus ternies. Puis un petit lapin vînt se frotter à sa cheville, le faisant sursauter au contact doux de l'animal.
Mais quelque chose n'allait pas. Et le petit garçon ne tarda pas à comprendre quoi. Il lui manquait Flabul. Alors il se mit à le chercher, soulevant une pierre, se mettant sur la pointe des pieds pour vérifier le trou dans le tronc d'un arbre, l'appelant aussi fort qu'il le pouvait. Mais rien n'y faisait. Flabul était introuvable.
C'était la première fois que sa peluche quittait le petit garçon. Et il était dévasté.
Quand tout à coup, une voix lui parvint :
"C'est ça que tu cherches ?"
Sursautant, le petit garçon se retourna pour tomber nez à nez avec...
Un autre petit garçon.
Un peu plus petit que lui, il le regardait d'un air narquois sous ses cheveux dorés en bataille sur sa tête, tenant Flabul à bout de bras.
"Rends-le-moi ! En plus tu lui fais mal !" S'exclama le garçon aux cheveux noirs.
"Non, je l'ai trouvé c'est à moi." Lui dit le second, mauvais.
Alors le premier garçon s'élança sur le blond, prêt à récupérer Flabul, mais l'enfant aux cheveux d'or, d'une légère impulsion du talon sur le sol, s'éleva dans les airs.
Et le noiraud tomba au sol, s'éraflant une fois de plus les genoux. Alors les larmes lui montèrent aux yeux.
Le blond qui riait, remarqua rapidement que l'autre pleurait, et il se reposa au sol laissant Flabul au garçon en larmes.
Il prit sa peluche contre lui, mais ça ne suffit pas à calmer ses sanglots.
"Hé, pourquoi tu pleurniches encore ?" Rouspéta le blond, donnant un coup de pied dans la jambe de l'autre petit garçon dont les sanglots redoublèrent d'intensité.
"Parce que mes parents me manquent. Je veux rentrer chez moi, même si le ciel est bleu."
"Moi j'ai pas de parents." Souffla le blondinet.
"C'est vrai ?"
"Oui alors arrêtes de pleurer. De toute façon t'es obligé d'écouter ce que je te dis parce que je suis le dieu de cette montagne et tu es chez moi. Si tu veux ça peut aussi être un peu chez toi comme cela tu seras moins triste."
"Le dieu ? C'est toi qui fais le ciel tout bleu ?"
"C'est moi."
Et le garçon aux cheveux noirs sourit enfin.
"Alors rends-le différent. Le ciel bleu est trop bleu."
"Quoi ?"
"Il faut des nuances, pour laisser place au rêve. A l'imaginaire."
"Et qu'est-ce que tu me donnes en échange ?"
Le garçon fronça les yeux sans comprendre. Puis il posa son regard sur Flabul que l'autre garçon avait semblé apprécier.
"Je peux te le laisser, que tu ne sois plus seul."
"Non. C'est toi que je veux."
"Moi ?"
"Oui. Pour peindre le ciel d'espoir ensemble."
"Et comment ?"
"On prendrait toute la clarté de la nuit pour la rendre bleu foncé et on la mettrait le jour sous forme de grandes taches blanches."
"Et je pourrais revoir mes parents ?"
"Non, leur monde ne serait plus le tien."
"Alors qui serait mon monde ?"
"Moi. Et tu serais le mien."
Et pensant à tous les petits garçons, et toutes les petites filles ne pouvant rêver en regardant ce ciel bleu trop opaque, identique de jour comme de nuit, il accepta le marché.
Et ensembles ils se mirent à destituer le ciel de nuit pour peindre le jour, dessinant des animaux, de leurs traits irréguliers d'enfants, soufflant dessous pour les envoyer partout dans tout le ciel du monde. La nuit devînt bien plus sombre, mais les monstres qu'elle abritait restaient les même et avec le temps, chacun finit toujours par apprivoiser ses démons.
Et dans le ciel se découpaient de doux nuages cotonneux, tantôt en forme de lapin, de papillon, ou de libellule en l'hommage de Flabul qui avait permit la rencontre des deux garçons.
Les parents du petit garçon aux cheveux noirs ont bien entendu été dévastés par la disparition de leur enfant mais quand ils regardaient le ciel, ils étaient immensément fiers de leur fils, et même, ils retombaient un peu en enfance.
Et depuis, tout le monde dit que c'est le petit garçon de la montagne qui jette les nuages dans le ciel. Même depuis la colline voisine les enfants observent ses nuages, allongés dans les près.
Mais ce que tout le monde ignore, c'est qu'il n'est pas seul. Il y a un autre petit garçon. Un petit blond un peu colérique qui se sentait, avant son arrivée, étrangement seul. Et même si les deux ont grandis, ils ont gardé leurs âmes d'enfant et leurs traits de crayons incertains laissant place à l'imaginaire des enfants pour créer dans le ciel des histoires de princesses et de dragons.
Et surtout, ils s'aiment toujours autant. Étant chacun le pilier de l'autre. Mais un jour, il faudra bien quelqu'un pour prendre la relève, que nos deux héros puissent se reposer, et pourquoi ne serait-ce pas toi, petit bout de choux ?
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