𝐂𝐡𝐚𝐩𝐢𝐭𝐫𝐞 𝟏𝟒 (corrigé)
Aujourd'hui, Mia passait un peu de temps avec son frère Thomas. Anthony et Matthew, retenus au travail par un contretemps, n'allaient pas rentrer avant la fin de soirée.
Pendant ce temps, Leo se préparait pour assurer la sécurité du soir.
En apparence, l'entreprise ressemblait à n'importe quelle autre, mais ici, le mot sécurité recouvrait une réalité bien différente.
Mettre à jour le programme anti-hacking, surveiller les caméras, repérer la moindre présence suspecte... et, si nécessaire, l'éliminer.
C'était le programme de la nuit.
Et Leo le savait. Il se doutait depuis longtemps que certaines affaires de son père n'étaient pas... déclarées. Il savait aussi qu'il risquait gros si la vérité éclatait un jour.
Son "initiation spéciale" pour ce poste n'avait donc pas été une surprise.
Après avoir enfilé un col roulé thermique, un pantalon cargo et des chaussures de sécurité, il quitta sa chambre. Lorsqu'il ouvrit la porte de sa chambre, des éclats de rire remontèrent jusqu'à ses oreilles.
Le jeune homme s'approcha discrètement du garde-corps et découvrit Tommy, qui faisait le monstre pour amuser Mia.
Un pincement lui serra la poitrine — un mélange de jalousie et de désenchantement.
Pourquoi ? Parce qu'il savait qu'il ne serait jamais capable d'apporter autant de lumière dans la vie de cette petite. Et sans doute ne retrouverait-il jamais son propre rire d'enfant.
Mais une chose était certaine : il pouvait veiller sur elle, même de loin.
— Leo ! s'exclama la fillette, un grand sourire illuminant son visage.
Mia savait ce que c'était que d'être mise à l'écart. Alors, chaque fois qu'elle le pouvait, elle s'efforçait d'inclure l'ancien militaire — pour qu'il ne se sente ni seul ni oublié.
Ce dernier esquissa un sourire discret, malgré son air habituellement fermé. Il finit par descendre les escaliers pour rejoindre ses deux cadets.
— Alors, cette nouvelle voiture ? demanda-t-il d'un ton détaché.
— J'ai pas encore choisi laquelle je vais prendre, répondit Tommy. J'hésite entre une Ford et une Volkswagen.
— Moi, j'dis qu'il n'y a rien de mieux qu'un bon moteur allemand, lança Leo en sortant son paquet de cigarettes.
— Ouais, t'as peut-être raison, admit Thomas.
Mais la petite Mia fronça les sourcils.
— Leo ? P-pourquoi Matt et t-toi, vous r-respirez ça ? demanda-t-elle avec candeur en désignant la cigarette. Maman dit que c'est p-pas bien...
— Laisse tomber, Mia, intervint Tommy avant que son frère n'ait le temps de répondre. Matt et Leo sont grands, ils font ce qu'ils veulent.
L'adolescent craignait qu'un conflit éclate — Leo détestait qu'on le réprimande sur ses mauvaises habitudes.
— It's okay, Tom'. She's just a kid.
[C'est bon, Tom'. Elle est juste une enfant.]
Leo eut un léger sourire avant d'ajouter, en se penchant vers la fillette :
— Et pour te répondre, c'est parce que ça nous fait du bien. Mais toi, tu n'y toucheras jamais, compris ?
Sur ces mots, il se dirigea vers le balcon pour fumer.
Mia resta interdite. Ses mots résonnaient dans sa tête.
Si ça fait du bien... pourquoi moi je peux pas ? pensa-t-elle.
Tommy posa alors une main réconfortante sur son épaule.
— Tu sais, parfois il paraît un peu froid, mais au fond, je crois qu'il nous aime beaucoup.
La petite hocha timidement la tête avant de venir se blottir contre lui. Elle disparut presque dans l'immense sweat noir de son frère, comme un chaton cherchant un refuge.
Pendant quelques instants, elle se laissa emporter par ses pensées.
Thomas lui caressa les cheveux, un sourire attendri aux lèvres.
— C'mon little sunshine, reviens sur Terre ! dit-il en la secouant doucement.
[Allez, petit rayon de soleil]
La fillette revint à elle, puis à son tour, s'accrocha aux grands bras de son frère.
— C'est b-booon, je s-suis làààà ! lança-t-elle en imitant son geste maladroit.
Elle se secouait plus elle-même que son frère, qui lui, éclata de rire. Leurs éclats de voix furent interrompus par le claquement de la porte d'entrée. Aussitôt, Mia bondit du canapé et courut vers le hall.
Elle se jeta d'abord dans les bras de Matthew, puis dans ceux d'Anthony, qui la souleva avec un sourire tendre et déposa un baiser sur son nez.
— Hello sweetheart, alors, comment s'est passée ta journée à l'école ? demanda-t-il d'une voix douce.
[Coucou mon cœur]
— B-bien ! Et a-après, Tommy est venu me chercher et o-on a trop rigolé ! répondit-elle avec enthousiasme, évitant soigneusement de parler du reste.
Car oui, Mia se faisait encore harceler à l'école.
Ce n'était pas facile. Mais elle avait Lola, et c'était déjà beaucoup. Ensemble, elles parvenaient à faire oublier, un temps, les moqueries des autres.
— C'est super, ça, dit Anthony en se dirigeant vers la cuisine, la fillette toujours dans les bras. Et qu'est-ce que tu as appris aujourd'hui ?
Le sourire de Mia se figea. Ses yeux se baissèrent aussitôt.
— P-pareil que d'habitude, murmura-t-elle en triturant ses doigts.
Anthony la déposa sur l'un des tabourets du comptoir pendant que Matthew rejoignait Leo sur le balcon pour l'accompagner dans sa seconde cigarette.
Les deux jeunes hommes étaient souvent en désaccord, mais une pause clope suffisait toujours à suspendre la guerre.
— Et ça va ? Tu t'en sors ? Il y a des matières plus dures que d'autres ? demanda Anthony.
— N-non, ça va... répondit-elle d'une voix timide.
Mia ne brillait pas dans toutes les disciplines, mais elle s'en sortait bien, surtout grâce à Lola. Ce qu'elle aimait par-dessus tout, c'étaient les matières d'expression : le français, l'anglais, l'art plastique. Là, elle excellait.
Ses rédactions étaient pleines d'imagination, et ses dessins pleins d'âme.
Mais à l'oral, c'était une autre histoire.
Ses mots s'emmêlaient, sa voix tremblait. Le souvenir de sa première récitation lui serra encore le cœur : les moqueries, les rires, la honte...
— Bon, tant mieux, fit Anthony en hochant la tête. Puis il se tourna vers Tommy, scotché à son téléphone. Thomas, viens ici deux secondes, s'il te plaît.
— Qu'est-ce que j'ai encore fait ? grommela l'adolescent en se levant à contrecœur.
— Rien. Mais cette semaine j'ai décidé qu'on se ferait un petit week-end en famille. Matt et Leo sont d'accord pour venir. Je souhaite donc que tu viennes toi aussi.
Tommy leva les yeux, surpris. Anthony, ces derniers temps, avait besoin d'air, de repos.
— J'ai pas trop envie de bouger, souffla-t-il.
— T'es obligé, répliqua Anthony avec ce ton qui ne laissait pas de place à la discussion.
— O-on va où ? demanda Mia, toute excitée.
— Tu verras, mon ange, répondit-il avec un sourire attendri. En tout cas, ça va nous faire du bien de nous déconnecter un peu.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top