XIX. Sirius
Des pas résonnèrent dans la mince ruelle de Londres. Une femme se retourna vivement, le regard en alerte, avant d'accélérer le pas juste après. Le bruit des talons résonnaient contre la pierre humide et sale. Elle arriva dans une rue légèrement plus grande, où se trouvaient quelques passants. Mais au lieu d'être rassurée, elle n'en fut que plus paniquée. Si seulement elle arrivait à sortir d'ici sans être vue. Elle se retourna une deuxième fois, détaillant les boutiques qui se trouvaient derrière elle. Quelqu'un la suivait depuis plusieurs minutes, elle en avait la conviction. Elle savait même qui. C'était justement ce qui l'inquiétait. Mais alors qu'elle scrutait le paysage à la recherche d'une ombre, un sort la projeta violemment contre le mur. Son souffle se coupa. Une main entoura sa gorge et une baguette fut pointée sous son menton. Le visage d'un jeune homme fatigué, couvert de saleté s'approcha du sien.
-Narcissa. Cela fait deux ans que j'attends ce moment.
La jeune femme déglutit difficilement. Son cousin avait si pauvre allure. Ses vêtements étaient par endroit déchirés, de grandes cernes entouraient ses yeux vitreux. Juste derrière lui, une affiche clamait son emprisonnement.
-Ce n'est pas ce que tu crois, tenta-t-elle d'expliquer, mais la prise de Sirius se referma.
-Je pourrai te tuer, là, maintenant. Après tout je n'ai plus rien à perdre maintenant.
-S'il te plaît. J'ai un fils.
Un petit rire le secoua.
-Et alors ? Qu'est-ce que c'est censé me faire ?
-Ne le prive pas de sa mère.
-Tu m'as bien privé de la femme que j'aimais toi ! tonna-t-il en resserrant plus encore sa prise.
-C'est... c'est une erreur... réussit-elle à articuler, le visage tournant au rouge.
Ses ongles griffèrent sa main dans l'espoir qu'il lâche prise mais rien n'y fit.
-Alors pourquoi avais-tu l'air si inquiète, dis-moi ?
Narcissa voulut parler mais aucun son ne sortit. Ses veines ressortaient de sa peau en de fins fils bleus. Elle donnait des coups de pieds au mur dans l'espoir qu'il s'éloigne et la laisse respirer. Sirius se rendit compte de sa force et desserra légèrement ses doigts. L'inspiration soudaine qu'elle prit lui brûla les poumons. Tandis qu'elle reprenait son souffle, il brandit la bague à la pierre noire devant son visage.
-Ça. C'était la pierre de Bellatrix que tu portais. Je l'ai retrouvé à côté du corps de Marlène.
Elle fixa l'anneau comme si elle savait déjà tout ce qu'il venait de dire. Sous le réverbère vacillant, ses yeux brillèrent.
-Je sais tout ça. Bella m'a utilisée. On a échangé nos bagues.
Elle souleva sa main droite et lui montra la pierre blanche qu'elle portait à son doigt. Sirius fronça les sourcils mais ne lâcha pas sa prise pour autant.
-Sa pierre brillait sans cesse, alors elle m'a convaincue de la reprendre pour ne plus m'inquiéter. Elle a gardé la mienne. Quand je me suis rendue compte la vraie raison de son chantage, je l'ai reprise. Mais la sienne est restée en ta possession. Elle voulait te faire croire que c'était moi qui avait tué McKinnon.
-Et qui me dit que tu dis vrai ?
-Sirius... Tu me connais non ? Je n'ai pas changé. Tu crois que je serais capable d'ôter une vie avec autant de monstruosité ? Tout ce qui m'importait à ce moment là était avoir un enfant. Jamais je n'aurais fait cela. Jamais.
Il garda le silence. Ses grands yeux noirs, les mêmes que ses sœurs, débordaient de larmes. Elle avait raison. Narcissa n'aurait jamais été capable de faire une telle chose. Il relâcha son emprise si brusquement qu'elle manqua de s'écrouler au sol. Elle porta une main à la peau de son cou rougie et se tint debout grâce au mur.
-Je suis désolée pour ce qui s'est passé. Sincèrement.
-Tu n'es désolée de rien. Tu te fous bien de savoir ce que je deviens. Tu as beau faire ta gentille tu ne vaux pas mieux que tes sœurs.
Si elle fut blessée par ses paroles, elle n'en montra aucun signe. Soit elle avait l'habitude d'entendre ces genre de choses, soit elle cachait bien son jeu.
-Tu comptais beaucoup pour Régulus. J'ai fait tout ce qui était en mon pouvoir pour empêcher quiconque se mettre entre vous deux.
-Foutaises, cracha-t-il. Qu'as-tu fais, dis-moi ?
-D'après toi, qui s'est interposée pour empêcher Bellatrix de te jeter hors du manoir chaque fois que tu nous insultais lors des repas de famille ? Qui a gardé le silence à Poudlard lorsque vous vous parliez à la vue de tous ? J'aurais très bien pu tout rapporter à Walburga, lui dire que son traître de fils tentait encore d'attirer son frère dans ses rangs mais je n'ai rien fait de tout ça. Je vous ai laissé faire, parce que j'ai jugé que c'était votre histoire, pas la mienne ni celle de Bellatrix ou Walburga. J'ai convaincu mes parents de ne pas prendre Régulus chez nous pour pouvoir vous laisser tous les deux. Je savais qu'un jour ou l'autre, vous aurez besoin de mettre les choses au clair. J'ai été là pour Régulus jusqu'au bout.
Elle reprit son souffle et essuya de sa main gantée une larme qui s'apprêtait à couler.
-Ou du moins j'ai essayé de l'être.
-Tu as fait tout ça pour lui. Pas pour moi.
-Mais c'est déjà ça, non ?
Il baissa la tête et fixa le vide.
-Il a beaucoup souffert ? Lors de sa mort.
-Je n'en ai strictement aucune idée. J'ai su qu'il était mort en voyant le corps de sa fiancée sur son propre lit. Elle avait ingéré du poison. Pour quelle raison, je n'en sais rien.
-Et son corps à lui ?
Sa voix trembla lorsqu'il prononça ces mots.
-On ne l'a jamais retrouvé, souffla-t-elle.
-C'était un gamin, rit-il avec nervosité.
Elle ne répondit rien. Quelques minutes de silence suivirent leur conversation. Sirius s'aperçut que des moldus étaient là, se promenant entre les boutiques comme si celles-ci n'avaient pas leur vitrine brisées. Ils paraissaient tous un peu absents, leurs yeux parcourant les pierres suintantes sans y faire attention. Pourquoi tout à coup des moldus apparaissaient, comme ça, sans explication ?
-Sirius, chuchota Narcissa. Pars. Maintenant. Je ne devrais pas te le dire, mais pars.
Il se retourna vers elle les sourcils froncés. Son expression trahissait une grande panique.
-Pourquoi ?
-Tu crois vraiment que je suis le genre à me promener dans une rue pleine de moldus ?
Il la fixa sans comprendre. Elle voulut le pousser discrètement mais il bougea pas d'un millimètre. Elle agissait comme si une personne était en train d'épier ses gestes.
-C'est un piège, tu dois...
Mais elle n'eut pas le temps d'en dire plus qu'un jeune homme avança au milieu de la rue et le pointa du doigt en hurlant :
-Traître ! C'est Sirius Black ! Tu es un traître ! Tu as trahi nos amis !
Sirius observa Peter Pettigrow proliférer des faussetés à son sujet d'un air impuissant. Les bras ballants, il observait calmement son monde s'effondrer. Narcissa savait qu'elle aurait du partir depuis longtemps déjà, et pourtant elle ne put se résoudre à le faire. D'un certaine manière, elle voulait rendre service à Régulus une dernière fois en sauvant son frère. Juste une dernière fois.
-On pars ! lui cria-t-elle en lui prenant la main.
Il sursauta à ce contact mais ne se dégagea pas. Son regard croisa celui de son ancien meilleur ami. Il avait compris depuis le début que c'était lui le traître, mais ne voulait pas y croire. Pourtant, il se tenait là, devant lui, à agir exactement comme un traître agirait. Tout était à cause de lui. Comment avait-il pu faire cela. James était son meilleur ami. Il l'était. Comment.
-Sirius ! Maintenant !
Il se retourna mais soudain, une explosion les projeta tous deux quelques mètres plus loin. Un sifflement aigu transperça ses tympans. Des points noirs dansaient devant ses yeux. Il voulut se relever mais son bras lui fit atrocement mal. Sa main tâtonna le sol pour retrouver sa baguette mais au lieu de la toucher, il rencontra celle de sa cousine. Son visage maquillé était couvert de poussière. Sa tempe s'était ouverte et du sang commençait à couler sur sa peau. Elle toussa à plusieurs reprises avant de plonger son regard dans le sien. Leur souffle était rapide, paniqué. Allongés au sol, ils ne firent pas attention aux Aurors qui venaient d'arriver et criaient des ordres. Il n'y avait qu'eux d'eux, dans la poussière de l'explosion. La main de Sirius serra celle de Narcissa.
-Merci, réussit-il à articuler. Pour tout.
Elle hocha calmement la tête. Des larmes coulèrent sur ses joues et laissèrent leur sillons blancs derrière elles.
-Régulus m'a demandé de te dire que... que tu n'as pas besoin d'une étoile à ton nom pour briller dans le ciel.
Son rire se mêla à son sanglot. Elle posa une main sur sa bouche et ferma les yeux. D'autres grosses larmes s'en échappèrent. Sirius ne s'en rendit pas compte, mais ses yeux pleuraient aussi.
-Il t'aimait, souffla-t-elle en rouvrant les yeux. Il t'aimait profondément.
-Je sais. Je l'aimais aussi.
Leur main se serrèrent une dernière fois. Sirius esquissa un faible sourire, puis prononça doucement :
-Nos étoiles nous regardent.
Alors des emprises s'emparèrent de lui et le relevèrent de force. Leurs doigts glissèrent et se lâchèrent. Le contact de leur regard ne se perdit pas. Tandis que les Aurors le traînaient toujours plus loin d'elle, il forma de nouveau avec ses lèvres le mot « merci » puis releva la tête vers les cieux.
Hémisphère boréale, déclinaison +10°.
L'étoile Régulus l'observait.
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