VIII. Régulus
Ce n'était pas qu'il n'aimait pas les français. Ou que la musique de Tchaïkovski n'était pas à son goût, ni même que le champagne n'était pas assez pétillant. Mais tout de même.
Il fallait avouer que cette soirée était terriblement ennuyeuse.
Affalé sur le sofa, Régulus parcourut la pièce du regard avec un dédain apparent. Il leva la flûte à ses lèvres et but le tout d'un seul trait. Intérieurement, il espérait que se saouler au champagne était possible.
Il reporta son attention sur la seule chose qui méritait réellement son attention. Elle constituait pour lui un divertissement extraordinaire dans cet ennui mortel. Son seul sourire semblait éclairer toute la salle. Cela faisait depuis des heures déjà qu'elle dansait. La pauvre, chaque fois qu'elle terminait un morceau, un autre garçon venait lui présentait sa main. Chaque fois qu'elle acceptait, Régulus ressentait ce petit pincement au cœur, mais s'empressait de l'ignorer. Ce n'était pas comme s'il avait tenté quoi que ce soit pour l'approcher.
Mais tout de même.
Pourquoi leur souriait—elle autant à tous ? Qu'avaient-ils de spécial ?
Dans un soupir d'exaspération, il passa une main sur son visage. Il avait la désagréable impression d'être jaloux. Et il détestait cela. Surtout quand il ne se rappelait même plus de son nom.
Enfin si, il savait que ça commençait par un V. Victoire ? Veronica ? Vanessa ? Il se maudit lui-même. Il paraîtrait bien idiot à lui redemander son prénom.
Plongé dans sa frustration, il ne se rendit même pas compte que Bellatrix s'était assise sur l'accoudoir et l'observait d'un air railleur. Il ne s'en rendit compte que quelques minutes plus tard mais ne lui dirigea même pas un regard.
-Les français peuvent paraître bien ennuyants, je te le concède. La seule chose qui est au point chez eux est la nourriture.
-C'est vrai que les cuisses de grenouilles étaient délicieuses, ironisa-t-il.
-Ils voulaient nous faire goûter leurs spécialités. Et puis tu n'as même pas essayé.
-Parce que c'est dégoûtant. C'est comme si on te mettais dans ton assiette un elfe de maison.
-Je ne serais pas contre, sourit-elle machiavéliquement.
Évidemment. Pourquoi prenait-il un tel exemple avec elle. Il finit par se redresser sans quitter du regard la jeune fille.
-Dis, Bella.
-Mmm ?
-Tu te rappelles du prénom des filles Devigne ?
-Gabrielle et Victoria ?
-Je le savais, marmonna-t-il pour lui-même.
Victoria. Il n'avait pas été loin.
-Pourquoi ça t'intéresse ?
Puis elle suivit le regard de son cousin et un énorme sourire se dessina sur son visage.
-Oh, je vois. Victoria a beaucoup de prétendants tu sais.
Régulus se tourna brusquement vers Bellatrix, le cœur palpitant.
-Comment ça ?
-Disons qu'en plus d'être belles, les sœurs Devigne sont très prisées par la société magique française. Pour ne pas que leur lignée ne s'éteigne, leur père a fait en sorte que un des deux concéderait leur nom à leur époux. Le premier à se marier à l'une d'entre elle portera le nom le plus noble et le plus puissant de toute la France.
Voilà qui expliquait pourquoi tant de garçons s'intéressaient à Victoria. Quand à Gabrielle, elle passait son temps à papoter avec Narcissa, alors personne n'osait vraiment la déranger.
-C'est possible de faire ça ?
Elle haussa les épaules.
-Ici oui en tout cas.
Il observa de nouveau la jeune fille virevolter joyeusement sur la piste de danse. Elle arborait toujours son sourire éclatant mais ses épaules croulaient sous la fatigue.
-Si ça peut te rassurer, reprit la brune, Gabrielle est déjà amoureuse. Je donne dix gallions qu'ils se marient dans les six prochains mois.
-Et pourquoi c'est censé me rassurer ?
-Parce que tu n'auras pas à avoir peur de perdre ton nom sachant que tu es le dernier héritier Black.
-Et pourquoi j'aurais peur de perdre mon nom ?
-Toi. Elle. Amour. Mariage.
Il faillit s'étouffer avec sa propre salive.
-Je te demande pardon ?
-Je vois bien comment tu la regardes, Reg. On ne me la fait pas à moi.
-Je la regarde comme je regarderais n'importe quelle personne.
-Mais oui c'est ça.
-Je t'assure.
-Tu sais aussi bien mentir que Narcissa. C'est à dire.
Beaucoup trop exagéré. Le comparer à sa cousine était un outrage. La jeune fille n'était pas nulle pour mentir, non, elle était encore plus bas que cela.
-Je refuse de rentrer dans ton jeu.
-Va la voir. Tu es déprimant à la fixer comme ça.
-Et je vais lui dire quoi ? « Bonjour, je m'appelle Régulus Black, vous êtes vraiment belle vous savez ? »
-Tu es pire que moi en matière de séduction, soupira-t-elle exaspérée. Va juste lui demander de danser avec elle.
-Je pense que c'est la dernière chose dont elle a envie. Elle en est déjà à son trentième cavalier.
-Alors va sauver ta princesse de ses assaillants, sourit-elle tendrement.
Est-ce que Bellatrix était en train de se montrer gentille avec lui ? Il avait certainement un peu trop forcé sur la boisson.
-Très drôle, vraiment. Tu veux que je sorte mon épée tant qu'on y est ?
-Je lâche un dragon si tu veux.
Elle était exaspérante. Il s'enfonça dans les coussins dans un grognement audible. Bellatrix lui fit les gros yeux avant de sauter sur ses pieds et se positionner devant lui.
-Très bien. Tu ne veux pas le faire ? Parfait. Je vais le faire pour toi.
-Quoi ? s'étrangla-t-il. Non ! Bella, attends ! Reviens ici immédiatement !
Mais l'aînée des Black s'était déjà dirigée vers elle alors qu'elle venait de terminer une énième danse. Ça allait être une catastrophe. Bellatrix et son tact légendaire allaient la traumatiser. Elle allait tout gâcher.
Il les observa échanger quelques mots, le cœur en arrêt. Victoria semblait pour la première fois de la soirée sincèrement amoureuse de parler à quelqu'un qu'elle connaissait. Bellatrix ne s'en sortait pas trop mal au final. Ses sourcils se rehaussèrent, signe qu'elle s'apprêtait à sortir une blague et Victoria éclata de rire. Merlin. C'était plus beau que les violons de Rachmaninov.
Soudain, ses yeux se mirent à briller et elle tourna la tête dans sa direction. Régulus aurait du se sentir honteux de se laisser désigner de la sorte, mais au lieu de cela, il fut hypnotisé par ses iris bleues. Pour la deuxième fois. Au parc, elle avait alors tenté de lire dans son regard mais il sentit que cette fois-ci, elle se retenait de le faire.
Elle ne veut pas me faire fuir.
Ses mains devinrent moites quand elle se dirigea vers lui. Qu'allait-il bien pouvoir lui dire ? « Bonjour, vous êtes ravissantes ? » Et s'il lui parlait français ? Non, il ne valait mieux pas. Son niveau était bien trop bas pour ce genre de situation.
Son arrivée lui ôta tous les mots de la bouche. De sa voix douce et posée, elle dit :
-Je savais que j'arriverai à te parler avant la fin du bal.
***
Une porte claqua et un bruit sourd résonna contre le mur. Il colla son corps contre le sien et l'embrassa avec passion, plus profondément que n'importe quel baiser qu'il avait déjà donné. Il la voulait. Sa bouche, son regard hypnotisant, son corps, elle toute entière. Plus il l'embrassait et plus il voulait la posséder, la toucher, la garder pour lui et pour lui seul. Elle passa une main derrière sa nuque pour force encore plus le baiser. Merlin. Comment ne pas céder à ça.
D'un geste viril, il défit les lacets de sa robe tandis qu'elle-même déboutonnait sa chemise et lui ôtait sa veste. Leur deux corps étaient en feu et leur esprit plus encore. Ils cherchaient chacun à avoir plus de l'autre mais ne parvenaient qu'à s'essouffler davantage. Cette fille était une vraie tornade.
Elle poussa un gémissement quand il introduisit sa main sous son jupon. En réponse à son geste, elle se mit à se déhancher ce qui eut vite fait d'exciter le garçon.
Les plumes et l'encre du bureau finirent au sol quelques minutes plus tard ; Il n'en pouvait plus. IL n'avait jamais été autant essoufflé de toute sa vie et pourtant tout ce dont il avait envie était continuer. Il voulait la dévorer toute entière. Laisser des marques indélébiles sur son corps, des marques d'amour, de désir, de passion. Ce feu qui brûlait dans sa poitrine était tout simplement intenable. Son corps allait fondre sous cette chaleur nouvelle. Elle allait le faire fondre, elle allait le tuer à force de l'embrasser autant.
-Victoria, on ne devrait pas...
-Tais-toi.
Dire ces mots lui avait quitté l'oxygène des poumons et tout ce qu'elle trouvait à faire était de le faire taire. Très bien. Soit.
Il se vengea en lui mordant sa lèvre inférieure. Surprise, elle s'écarta légèrement avant de se jeter sur lui comme une bête sauvage. Il ne put résister à son attaque et subit complètement ses baisers enflammés.
Qui aurait cru que Victoria Devigne était un démon déguisé en ange.
Leurs ébats prirent fin lorsqu'elle-même n'eut plus assez de souffle. Se détacher d'elle était la pire chose jamais faite mais c'était soit ça, soit il mourait d'un arrêt cardiaque.
-Je ne savais pas que tu... que tu étais si... énergique.
Il ramassa sa chemise au sol et la remit à l'endroit. Le rire de Victoria le fit sourire lui même.
-Je t'étonne, hein ?
-Plutôt oui. Il y a une demi-heure je ne savais même plus si tu t'appelais Vanessa ou Véronica.
-Et moi j'avais carrément oublié ton prénom jusqu'à ce que ta cousine me le rappelle.
Au moins, ils étaient au même pied d'égalité.
-Rassure-moi, tu ne te jettes pas sur n'importe quel home qui croise ton chemin ?
Il avait dit cela sur le ton de la rigolade, tout en ajustant avec précaution le col de sa chemise mais il s'arrêta immédiatement face à son silence. Elle observait le sol en se mordant la lèvre inférieure. Oh non.
-Attends, tu...
-Pourquoi ? Tu t'attendais à quoi ?
Elle plongea ses yeux bleus dans les siens. Il recula de quelques pas, percuté de plein fouet par sa réponse. Il avait été un idiot. Un pur idiot. C'était vrai quoi. A quoi s'était-il attendu.
-Ok, je vois, ria-t-il jaune. T'as l'habitude, c'est ça ?
-Je... commença-t-elle, mais sa voix s'étrangla et elle rebaissa la tête.
C'était inutile d'en dire plus. Il avait compris suffisamment pour voir tous ses espoirs s'envoler en un claquement de doigts.
-Je te hais, finit-il par cracher.
Elle se redressa, surprise.
-Régulus...
-Et tu sais pourquoi ? Parce que tu me rappelles toutes ces personnes qui me donnent des étoiles dans les yeux et finissent par me délaisser comme si je n'étais qu'un déchet.
-Mais on ne se connais même pas ! explosa-t-elle.
-Ce n'est pas ça le problème ! Le problème c'est que tu n'as même pas envie de me connaître ! C'est un jeu pour toi, n'est-ce pas ? Ça t'amuses de te jeter sur les gens et leur faire croire pendant un instant qu'ils sont précieux pour toi !
-Tu ne sais rien de moi.
-C'est quoi ton truc alors ? Tu tentes d'oublier tes chagrins en te donnant à des inconnus ? Tu es jalouse de ta sœur alors tu tentes de lui montrer que toi aussi tu es assez jolie pour attirer les garçons dans ton lit ?
Son visage se décomposa à sa dernière phrase. Voilà. Il avait trouvé. Pour elle, il n'avait été qu'un nombre. Un garçon qu'elle ajouterait à sa liste de « j'ai couché avec ». Pathétique.
-Je crois qu'il est inutile d'en dire plus alors.
Il partit sans même un regard en arrière. Lui, il avait sa propre liste. Celles de toutes les personnes qui l'avaient déçu et lui rappelait sans cesse qu'il était seul et le resterait toujours.
Pour l'instant, il en comptait deux. Sirius et Victoria.
Et quelque chose lui disait que ce n'était pas près de s'arrêter là.
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