V. Sirius
Sirius détestait James et ses idées à la con.
Mais vraiment.
Il était rentré avec ce dernier pour Noël chez les Potter et quelques jours plus tard, alors qu'ils étaient tranquilement assis sur le sofa à s'ennuyer, il avait lancé que les Gryffondors lui manquaient et que ce serait génial faire une fête à l'air libre.
Sauf qu'on était en décembre.
Et qu'il faisait froid. Très froid.
-Arrête de tirer cette gueule, Patmol. Elle est géniale mon idée.
-Je suis encore étonné qu'il y ait autant de gens. Je parie que la moitié tombera malade dans quelques jours. Tu auras le gâchis du Noël de cinquantaine de familles sur ta conscience, Cornedrue.
-Exagéré va, rigola-t-il.
Un grand feu brûlait au milieu de la clairière, réchauffant les plus frileux comme Sirius. En cette nuit de décembre, la température descendait en dessous de zéro degré, ce qui gelait la plupart des plantes, mais cela ne semblait pas perturber James. Heureusement que la neige n'était pas encore tombée où il aurait lancé un sort à la porte des Potter pour ne pas qu'elle s'ouvre. Presque tous les Gryffondors de cinquième, sixième et septième années avaient répondu à l'appel. Beaucoup n'étaient pas partis en vacances à cause de l’ascension des forces du mal, et la fête avait été organisée avec la plus grande discrétion. Le père de James avait insisté pour jeter un sort qui rendrait la clairière invisible pour tout individu étranger. Il ne manquait plus qu'un Mangemort s'invite. Quoique ces derniers n'étaient pas assez idiots pour se promener dehors avec ce froid. Eux.
-Sirius Orion Black, surgit une voix familière dans son dos.
Il ne se retourna pas mais un sourire brisa son expression maussade. Marlène s'avança jusqu'à arriver à sa hauteur. Les flammes éclairèrent leur visage rougis par le froid. James au loin les observa avec un petit sourire satisfait.
-Il a quoi à nous regarder ce con ?
-Fais pas attention à lui, soupira-t-il.
-Tu viens ?
-Où ça ?
-Je sais pas, plus loin. Il y a trop de gens ici.
Sirius céda et s'éloigna à contrecœur du feu. Ensemble, ils s'engagèrent dans le bois, sans s'éloigner pour autant de la clairière. Ils trouvèrent un lieu aux arbres éloignés, ce qui laissait une ample vue sur le ciel dégagé. Après s'être assis sur leur écharpe pour ne pas ressentir le froid du sol, Marlène se mit à observer le ciel d'un air rêveur. Sirius s'en foutait bien du ciel, surtout quand la jeune fille était si près de lui. Même après tous ces soirs passés ensemble sur la tour d'Astronomie, il ne se lassait pas de la contempler. Qu'avait-il fait, ces nuits-là ? Tout lui raconter. Lui dévoiler le passé de chaque cicatrice, alors qu'elle passait ses longs doigts fins dessus. Elle aussi avait partagé quelques souvenirs. C'était ainsi qu'ils s'étaient découverts : grâce à leur passé, à ce qui faisait qu'ils étaient eux en cet instant présent.
-Le ciel d'hiver est le plus beau, souffla-t-elle, les étoiles brillants dans ses yeux noisettes.
-Le ciel est le même tout le temps.
-Les étoiles changent, il y en a qui ne se voient qu'en hiver.
-Sérieux ?
Son visage se tourna vers lui, amusée.
-T'es sûr que tu vas en Astronomie toi ?
-J'aime pas les étoiles.
-T'en a pas marre de répéter la même chose ? Essaie au moins de t'y intéresser. Regarde, d'ici on voit Algol.
-Jamais entendu parler.
-Regarde, rit-elle, le doigt déjà pointé vers le ciel.
Dans un soupir, il s'exécuta.
-Tu vois la petite étoile rouge, là ?
-Ouais.
-Son nom vient de l'arabe ras al gul qui veut dire « la tête du diable ».
-Pourquoi l'appeler comme ça ?
-Comme elle est rouge et que sa brillance change tous les deux jours, les gens pensaient qu'elle clignotait et qu'une force maléfique était derrière tout ça.
La proximité de leur visage s'était considérablement réduit. Il pouvait sentir son souffle chaud caresser sa joue, ce qui lui donnait des frissons. Ce devait être le froid. Oui, bien sûr que c'était le froid.
-Tu en connais des choses.
-Le ciel comporte des millions de secrets. Comme les personnes. Au final, la nature nous a fait à son image.
-Tu connais les miens maintenant, mieux que personne, mais j'aimerai...
-En parlant de ça, le coupa-t-elle, tu as disparu une semaine entière au début de ce mois. Je n'ai pas voulu t'en parler mais maintenant qu'on est là...
Un voile de tristesse passa devant ses yeux gris. Il éloigna son visage du sien et fixa un point imaginaire devant lui.
-Qu'est-ce qui s'est passé ? demanda-t-elle doucement.
-Rien du tout.
-Je pensais qu'on avait dépassé ce stade.
-Tu ne connais pas tous les secrets du ciel, n'est-ce pas ? répliqua-t-il froidement, alors il en va de même pour les personnes. J'en ai assez de parler de moi.
-Que veux-tu que je te raconte sur moi ? s'agaça-t-elle.
-Tu as une famille, non ? Tu as été enfant autrefois !
-Il n'y a rien à dire sur mon enfance.
-Tu vois, tu veux que je te dévoile tout de moi, mais quand c'est ton tour, tu te renfermes.
-Est-ce que c'est un crime de ne pas vouloir se rappeler de temps plus heureux ? Ça me tue, Sirius. Toi, c'est différent. Tout était pire, plus mauvais, et y penser t'aides à profiter mieux de la vie. Moi, c'est l'inverse. J'ai tellement envie de... de retourner dans mon enfance, avec mon frère dans ces immenses prairies, mais... mais c'est impossible...
Une larme coula furtivement le long de sa joue. Sirius passa son pouce pour l'essuyer, doucement. Sa peau ne méritait pas de goûter au goût salé des larmes. Elle ne méritait pas être triste. Marlène McKinnon ne devrait pas pleurer. Jamais.
-Je ne peux pas te raconter ce passage de ma vie. J'étais heureuse et c'est comme si... comme si le bonheur ne peut pas être décrit. On peut dire que notre cœur se brise en milles morceaux, qu'on tremble jusqu'à ne plus pouvoir tenir debout, qu'on a peur, qu'on est triste, qu'on se sent détruit. Mais pas le bonheur, non. Rien ne peut décrire la joie, cette suffisance qu'on a de la vie. On est juste heureux. On aime. Et le pire, c'est que c'est quand on ne l'est plus qu'on commence à comprendre ce que c'est. Le bonheur. C'est traître.
-Tu n'es pas la seule à ressentir ça.
Elle fronça les sourcils. Ses cils étaient collés par l'humidité de ses larmes.
-Comment ça ?
-Mon enfance n'a pas toujours été faite que de douleur. J'avais un frère.
-Tu as un frère, Sirius. Il est toujours là.
Il poussa un petit rire nerveux.
-Je sais pas. Parfois je me dis qu'il est plus heureux tout seul.
-Tu n'as pas le droit de dire ça. Tu...
-La dernière fois qu'on s'est vu, il m'a dit qu'il aurait préféré être à ma place. Qu'il s'était toujours senti coupable de mes cris.
-Sirius...
-J'ai été trop con en fait. J'aurais du le laisser faire des conneries et payer le prix de celles-ci. Peut-être qu'il aurait su ce que c'était souffrir.
-Tu l'as fait parce que tu l'aimais. Parce qu'il était ton petit frère et que tu voulais le protéger.
La main de Marlène se glissa dans la sienne.
-Et je suis sûre qu'il souffre énormément de votre séparation.
-Non. C'est Régulus. Rien ne l'atteint jamais.
-Parce que certaines personnes portent un masque impassible pour cacher leurs peines. Je suis sûre que c'est ce qu'on vous apprend dans votre famille, comme dans la mienne. Cacher ses faiblesses pour mieux se briser de l'intérieur. Silencieusement. Le fait qu'il ait adhéré à cette éducation et pas toi montre qu'il est plus sensible et susceptible. Plus influençable aussi.
-Qu'est-ce que ça veut dire ?
-Qu'il souffre plus que tu ne le crois.
Sirius resta un moment pensif. Les paroles de Marlène étaient sages et réfléchies, comme toujours, et il savait que quelque part, Régulus souffrait. Le jour de son accident, il l'avait vu éclater en sanglot. Il avait alors eu envie de le prendre dans ses bras, l'apaiser comme il le faisait petit. Mais les mots qu'il lui avait craché, il ne les oublierait jamais. Il souffrait peut-être, mais c'était une souffrance égocentrique, presque égoïste.
-Tu sais, parfois je me dis qu'on mérite bien plus que ce que cette vie nous a offert, reprit-elle. Que tout ce qui nous arrive, ce n'est pas juste.
-Rien n'est juste dans ce monde.
-C'est vachement optimiste ça.
-L'optimisme peut aller se faire voir.
Elle lui donna une petite tape derrière la tête, souriant malgré elle.
-Langage.
Régulus lui disait la même chose. Son cœur se serra.
-C'est plutôt moi qui ne te mérite pas, déclara-t-il brusquement d'un air sérieux.
-Qu'est-ce que tu dis ?
-Tu m'écoutes, tu ne fais que ça. Depuis que je parle avec toi, tu réponds à toutes les questions qui tournent dans ma tête depuis des années. Tu t'intéresses à ma relation avec mon frère alors que n'importe qui en aurait marre de m'entendre gémir. Attends, laisse-moi parler. Tu essaies de me comprendre et tu n'as pas peur que je m'énerve quand tu insistes. Tu ne t'es jamais plainte, jamais. Tu ne demandes jamais rien. À la place, tu me regardes dans les yeux et tu me dis toutes les vérités que je n'ai jamais voulu assimiler. Pourquoi Marlène ? Pourquoi faire tout ça ?
Elle resta muette. Elle qui avait l'habitude de parler jusqu'à en avoir la bouche sèche, elle garda le silence.
-Et je sais que ce n'est pas ton habitude, reprit-il. Je t'ai vu dégager des gens lorsqu'ils demandaient ton aide.
-Je ne dégage pas les gens.
-Si tu les dégages. Alors pourquoi ?
-Parce que... et merde, tu peux pas poser des questions plus simples ?
-Tu sais répondre à des questions difficiles, tu fais que ça depuis le début.
-Arrête ça. Maintenant.
-Mais...
-Non.
Elle se releva et épousseta son pantalon.
-Attends ! s'exclama Sirius.
Il tenta de lui attraper le poignet mais elle se dégagea vivement.
-Tu ne peux pas partir comme ça.
-Je peux parfaitement.
-C'est quoi le problème McKinnon ?
Elle tourna brusquement la tête. Sa lèvre inférieure tremblait. S'il ne l'avait pas connu, il aurait pensé que c'était dû au froid.
-Le problème c'est toi, Black.
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