5.
☾
Jungkook
Je suis mentalement exténué lorsque je passe la porte de ma chambre d'hôtel, de longues minutes après avoir quitté l'after du défilé.
Entre le début de ma crise de panique, et l'étau angoissant que j'ai ressenti en voyant tous ces gens agglutinés dehors et collés aux vitres de la voiture, malgré le fait que nous roulions, je suis enfin soulagé d'être dans un endroit plus calme et sécurisé.
Mais je sais que ce n'est pas terminé.
J'enlève mollement mes chaussures dans l'entrée, et repense à tous ceux présents à la soirée qui étaient penchés sur leur téléphone lorsque l'adresse a fuité.
J'ai vu comment ils me regardaient. La plupart essayaient d'être discrets, mais beaucoup n'ont pas réussi à contenir leurs regards insistants, avides de commérages.
Je sais que ce soir encore, je vais devoir faire face à une nouvelle vague de haine qui déferle sûrement depuis de nombreuses minutes déjà sur les réseaux sociaux.
C'est même certain. Et c'est sans aucun doute le sujet des messages que mon agent, Isaac, m'a envoyés dans la soirée, mais que je n'ai pas encore ouverts.
Je préfère voir tout ça avec lui plus tard. Isaac n'est pas méchant, mais c'est lui qui s'occupe de gérer ma carrière, l'image que je renvois, mes partenariats, mon emploi du temps, ainsi que les contrats qu'on me propose.
Et lorsque quelque chose de cette envergure se produit, on a l'habitude d'en discuter ensemble pour que je lui donne mon ressenti, ma version des faits.
Mais ce soir, ça attendra.
Je retire les manches de mon manteau et le suspends sur le petit crochet dans l'entrée, avant de faire un petit passage dans la salle de bain. J'appuie sur l'interrupteur et laisse la clarté dorée de l'ampoule se répandre dans la pièce spacieuse.
Je prendrais une douche rapide dans quelques minutes, mais pour le moment, j'ai juste besoin de vérifier que je vais toujours bien. Que rien ne soit anormal.
Je m'approche alors du lavabo, dont le matériau nacré me rappelle en permanence la chance que j'ai de pouvoir résider dans une chambre comme celle-ci, et me contemple dans le miroir ovale en vérifiant que ma langue ait toujours son aspect naturel.
Ma peau est encore plus pâle que précédemment, mais je sais que tout ça est dû à l'appréhension qui me tord les entrailles.
Qu'est-ce que les gens disent de moi ? M'insultent-ils ? Me menacent-ils ? Me ridiculisent-ils ? Diffament-ils la vérité pour alimenter leur besoin de détruire une personne qu'ils ne connaissent pas ?
Je sens mon cœur se crisper un peu plus à force de me perdre dans des pensées toujours plus sombres et dévastatrices, et je m'efforce de me laver les mains pendant de longues minutes pour me concentrer sur autre chose.
Quand j'ai terminé, j'essuie mes doigts sur une serviette en coton immaculée, avant de rejoindre la pièce principale où y trône un immense lit qui est tellement haut, qu'il m'arrive aux hanches.
Les draps en soie sont d'une couleur blanc cassé qui s'harmonise à la perfection avec celle des murs alentours. La décoration est assez simple ; quelques fleurs décorent la table de nuit ainsi que la table principale, et j'aperçois même un mini frigo qui se trouve dans un coin.
Mais ce qui m'intéresse le plus, là tout de suite, c'est la couette à l'aspect duveteux qui me supplie de venir me jeter dessus.
Généralement, je n'apprécie pas me coucher sur des affaires propres en étant encore sale de la journée que je viens de passer, mais là, je ne réfléchis pas davantage et me laisse tomber dessus dans un immense plaisir coupable.
Je pousse un soupir de contentement quand le moelleux du matelas épouse les formes de mes épaules, de mon dos, et de mon bassin. Je m'autorise ensuite à clore un instant les paupières, après avoir baissé les stores automatiques pour être plus tranquille.
De toute façon, Ivan et mes deux gardes du corps ont veillé à ce que personne ne suive la voiture jusqu'à l'hôtel dans le but de camper devant, même si ce sont des choses qui sont déjà arrivées.
Mais malgré le comportement de mes fans, je ne peux m'empêcher de me dire qu'ils font tout ça pour moi.
Je leur suis reconnaissant pour toute cette attention qu'ils me portent, et à la fois, je suis inquiet qu'ils puissent leur arriver quelque chose, surtout avec le temps glacial qui frappe la Russie depuis plusieurs semaines.
Parce que si ça venait à arriver, je ne pourrais jamais cesser de m'en vouloir. Même si je ne les ai jamais forcés à venir devant le bâtiment de l'after, et même si toute cette situation m'a rendu anxieux, je suis soucieux de leur santé et de leur sécurité.
Je devrais peut-être communiquer quelque chose à ce sujet sur mon compte Twitter ou sur Instagram. Même si beaucoup se moquent pas mal de ce que je dis, peut-être que certains comprendront qu'il vaut mieux qu'ils rentrent au chaud chez eux, plutôt qu'ils ne se mettent en danger inutilement.
Je n'ai de toute façon pas besoin de réfléchir plus longtemps à ma décision, puisqu'en à peine quelques secondes, mon téléphone portable se retrouve entre mes mains.
Je déverrouille l'écran en y apposant mon empreinte, et clique sur l'icône de l'application de Twitter pour accéder à mon profil.
Pendant que ça charge, je me retourne sur le lit pour me mettre sur le ventre et laisser mes pieds s'agiter dans le vide.
Je tire ensuite un coussin vers moi pour le placer sous mes bras et être plus à l'aise, et au moment où je compte reprendre mon téléphone en main pour commencer à y taper mon message, je m'aperçois que mon prénom est en tendance dans les hashtags de l'application.
Autrement dit, je fais partie des sujets dont les gens parlent le plus sur Twitter.
Et ça ne me plaît pas du tout. Surtout en prenant en compte ce qui s'est passé plus tôt dans la soirée.
J'ai déjà été en tendance grâce à mon rôle dans Némésis, grâce à l'une de mes répliques, ou grâce à un épisode en particulier qui aurait marqué les gens, mais je déteste l'être pour une raison extérieure à tout ça.
Car la plupart du temps, ça signifie que l'on critique des actes de ma vie privée, un lieu que j'ai visité, une tenue que j'ai portée, ou bien encore mes fréquentations.
Tout sujet est bon à juger quand ça peut surélever l'égo des autres.
Les gestes freinés par le mauvais pressentiment qui électrise ma peau, je clique sur mon prénom et observe la vague de critiques qui déferle à mon intention.
Plusieurs photos circulent, m'affichant aux côtés de cet étrange garçon quand, lorsqu'avant de rentrer dans les toilettes, je lui ai demandé qui il était.
Je comprends bien vite qui est à l'origine de ces clichés en voyant leurs angles. Ça ne peut qu'être l'influenceuse qui voulait prendre une photo avec moi et qui critiquait ouvertement Jennie.
Furieuse de s'être faite recaler par l'inconnu qui nous a rejoints, elle a trouvé le moyen de se venger autrement.
Mes mains deviennent moites au fur et à mesure que je fais défiler l'écran, et que je prends conscience des rumeurs qui se propagent à mon sujet.
Les gens disent que je suis ingrat, indifférent à tout ce que mon succès m'apporte, et que je suis incapable d'être reconnaissant. Des photos de la foule rassemblée autour du bâtiment et de notre voiture qui tentait de se faire un chemin entre, sont aussi diffusées avec les premières.
Dessous, de nombreux commentaires nous accablent de ne pas avoir baissé nos vitres pour saluer nos fans, d'avoir été froids, hostiles et désintéressés, alors qu'ils avaient fait le déplacement spécialement pour nous.
Des larmes de colère et d'injustice commencent à me brouiller la vue. Je me demande si les gens se rendent compte de ce qu'ils disent.
Pourquoi suis-je en train de me prendre une vague de haine, alors que je n'ai fait que me protéger ?
L'adresse de l'after n'aurait jamais dû fuiter. Nous aurions dû passer une soirée tranquille, nous amuser, profiter, comme toutes les autres personnes de notre âge.
Mais au lieu de ça, des centaines de gens étaient venues percer notre intimité pour satisfaire leur plaisir personnel.
Et je n'ai rien contre ça, sauf quand on ose me reprocher de ne pas les avoir remerciés.
Je n'ai pas à encourager et normaliser ce genre de comportement, et je ne le ferais jamais.
Il y a des temps pour nous rencontrer, et des temps pour nous laisser vivre.
On ne devrait pas avoir à supplier les gens de nous laisser respirer. C'est une prise de conscience que chaque personne devrait avoir.
Encore sous le choc, je chasse les perles qui obscurcissent ma vision d'un revers de la main, avant de tomber sur le message qui a engendré tout ça.
Il vient d'un compte certifié, qui n'est autre que celui de la jeune femme qui nous a abordés devant les toilettes. Je la reconnais à sa photo de profil.
Elle explique dans un long texte qu'elle est venue me demander une photo pour immortaliser l'instant, que c'était quelque chose que les célébrités faisaient entre elles dans les afters, avant d'ajouter que j'ai refusé en lui disant qu'elle n'était pas assez célèbre pour ça.
Mes poings se serrent quand j'aperçois tous les commentaires qui la soutiennent sous son post.
Ce n'est pas ce qu'il s'est passé, mais je ne suis pas étonné de voir qu'elle ment pour se faire bien voir.
Elle rajoute que j'ai même fait appel à mon 'chien de garde' pour la faire partir, ce qui désigne sans aucun doute le jeune homme qui est venu m'aider.
Mais ce n'est pas tout.
Quand je pense que c'est terminé, et que rien ne peut être pire que ça, je vois qu'une nouvelle photo a fait surface dans tout cet océan qu'est Internet.
C'est une photo de Jennie et moi prise lorsque nous discutions près du buffet, peu après que je sois sorti des toilettes.
Elle est reprise, détournée et zoomée à son maximum. Certains ont même rayé la tête de Jennie en y inscrivant à côté des mots obscènes pour la rabaisser.
Révulsé par tout le contenu qui s'enchaîne sous mes yeux, je me redresse en ne parvenant pas à arrêter de faire dérouler la page d'accueil pour comprendre pourquoi cette photo de nous, censée être privée, se retrouve publique.
« Quelle salope, regardez comme elle le colle ! »
« J'étais sûr que c'était plus que de l'amitié entre eux. Dommage que Jungkook sorte avec cette chienne. »
« Il ne la mérite pas ! »
« T'es à vomir Jennie ! Tu ferais mieux de te tailler les veines ! Le monde n'en serait que bien meilleur. »
Des milliers de commentaires la menacent et insultent son physique, sa voix, son jeu d'actrice, sa famille, ses proches.
Tout ça parce que c'était le moment où je lui ai chuchoté à l'oreille qu'elle n'était pas focalisée sur la nourriture, mais sur autre chose. Et ces pourritures trouvent le moyen de tout détourner pour déverser leur haine sur elle.
J'ai soudain d'affreuses nausées qui me forcent à m'asseoir complètement sur le lit, alors qu'un état de panique intense commence à monter en flèche dans mon corps.
J'oublie un instant toute cette situation pour me concentrer sur l'état qui me submerge, et tente de respirer convenablement malgré mes cuisses qui se mettent à trembler violemment.
Je vais bien. Je vais bien. Je ne vais pas vomir.
Je sers le drap entre mes doigts pour ravaler l'étrange goût qui s'étend soudain dans ma bouche, dû à la panique, et tente de me concentrer sur Jennie et sur ce qu'elle doit ressentir.
Elle a besoin de moi, ce n'est pas le moment de faire une crise. Il faut que je l'appelle. Je suis sûr qu'elle est déjà au courant, Jennie aime autant que moi aller sur les réseaux sociaux pour partager du contenu.
D'autant plus qu'elle savait qu'il se tramait quelque chose, puisqu'elle a perçu avant moi les chuchotements qui se sont répandus autour de nous lors de l'after.
J'inspire lentement pour tenter de ralentir les battements de mon cœur qui ne cesse de s'accroître, et quitte Twitter pour me diriger vers mon carnet de contacts.
Mais quand je veux cliquer sur le nom de ma meilleure amie lorsqu'il apparaît sous mes yeux, c'est celui de ma mère qui prend soudain la place sur l'écran d'accueil.
Je ne peux m'empêcher de me mordiller la lèvre inférieure en sachant très bien que si elle m'appelle, c'est parce qu'elle a vu, elle aussi, ce que les gens disent sur son fils.
« Allô, maman ? »
Je réponds en triturant d'un geste nerveux les oreillettes qui dépassent du coussin, et entends au bout du fil le soupir de soulagement qu'elle pousse en percevant ma voix.
« Coucou mon grand, tu vas bien ? me demande-t-elle d'une douceur familière qui m'apaise aussitôt. »
Je ne peux retenir le sourire qui prend alors place sur mes lèvres, tandis que je hoche la tête pour moi-même.
Je me sens soudain plus léger et je parviens à ravaler plus facilement la bile au fond de ma gorge en entendant la voix rassurante de ma mère.
« Oui, ça va. On est rentrés de la soirée du défilé il y a une dizaine de minutes avec Jennie, et c'était... Plutôt cool, lui dis-je en espérant que ça suffira à la rassurer. »
Mais c'est une maman. Et une maman perçoit toujours lorsque ses enfants ne vont pas bien, ou qu'ils essaient de camoufler leurs émotions. Comme si elles avaient toutes un sixième sens dédié à leur progéniture.
« Jungkook chéri, j'ai vu ce qui circule sur Internet. C'est ta tante qui nous a appelé pour nous prévenir, souffle-t-elle en prenant place sur une chaise que j'entends grincer de l'autre côté du combiné. »
Je l'imagine assise contre le dossier en bois de l'une des chaises qui ornent notre cuisine, entourée des nombreuses fleurs séchées accrochées aux murs qui décorent la pièce.
Ça fait des mois que je n'ai pas mis un pied dans la maison familiale que je partageais avant avec mes parents, et son odeur réconfortante, ainsi que toutes ses pièces qui me sont familières, me manquent cruellement.
« Ce n'est rien maman, ne t'en fais pas, je déclare dans un sourire à peine visible, que je sais faux. »
Mais elle ne peut pas me voir, et par conséquent, elle ne peut pas évaluer à quel degré tout ce que je viens de voir me fait mal au cœur et me mine le moral.
Pas seulement pour moi, mais pour Jennie aussi.
« N'oublie jamais, Jungkook. Des mots peuvent détruire une carrière, mais la vérité peut la sauver, déclare-t-elle en prononçant des mots lourds de sens qu'elle me répète depuis que tout ça a commencé. »
Je l'imagine face à moi en train de me sourire tendrement, et je peux presque sentir ses doigts délicats passer dans mes cheveux dans le seul but de m'apaiser.
Il y a des jours où j'aimerais me blottir entre ses bras, sentir ses cheveux bruns mi-longs semblables aux miens frôler mon front, alors que je serais en train de m'enivrer de l'odeur de l'assouplissant de son pull en laine pour penser à autre chose.
Mais j'ai des responsabilités désormais, et cette vie, je l'ai choisie.
« Je sais, j'essaie de ne pas y penser et de garder une barrière entre ce que les gens disent, et ce que je sais. Ce n'est pas toujours évident, mais j'essaie, je lui réponds en libérant les pointes de la taie d'oreiller que j'entortille entre mes doigts.
— Je sais mon chéri, mais tu fais déjà de ton mieux, et je t'interdis de laisser toutes ces personnes que tu ne connais pas t'impacter par leurs paroles diffamatoires, m'indique-t-elle en prenant une voix plus ferme, malgré sa délicatesse. Laisse-les faire. Ils continueront toujours de parler dans ton dos quoi qu'il advienne, mais c'est justement là qu'est leur place, pendant que toi, tu continues d'avancer. »
Ses paroles me touchent en plein cœur, à tel point que je manque de laisser échapper un sanglot. Cette soirée m'a complètement mis à fleur de peau.
J'ai envie de prendre ma mère contre moi pour la remercier comme il se doit d'être toujours là pour moi, et de m'appeler quand elle sait que ça ne va pas.
« Merci maman, je t'aime tu sai..., je murmure avant d'être coupé dans mon élan par un message qui apparaît en haut de mon écran, et qui me vient d'un numéro inconnu. »
Mais je ne préfère pas le lire tout de suite, et privilégie plutôt la discussion que j'ai avec ma mère. Ce n'est pas quelque chose qui m'inquiète puisque ce n'est pas la première fois que certains fans parviennent à avoir mon numéro de téléphone.
La plupart du temps, je les ignore et les bloque pour que la personne n'insiste pas. Et je suppose que là, c'est aussi le cas, d'où le fait de n'y apporter que très peu d'importance.
Nous continuons donc de parler avec ma mère pendant encore quelques minutes, puis lorsque nous n'avons plus rien à nous dire, et qu'elle me fait promettre de bien manger ce soir et de bien me reposer, je raccroche et ouvre cet étrange message.
Je ne m'attendais pas à grand-chose, si ce n'est à un message rempli d'admiration et de dévotion, comme j'en ai habituellement.
Mais alors que mon regard se pose sur les premiers mots qui apparaissent à l'écran, j'écarquille peu à peu les yeux en découvrant l'entièreté du message.
+7 916 583 44 92 : « J'ai le droit de percevoir une indemnisation, comme je fais partie de ton scandale ? »
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Comment ça on n'est pas dimanche ? Ah oui ? Autant pour moi... 🫣
J'espère que ce chapitre vous aura plus en tout cas, merci du fond du coeur pour les compliments que vous m'avez fait sur le chapitre précédent concernant la crise de Jungkook, vous êtes adorables, merci merci merci 🙏🤍
Le prochain chapitre sortira donc dimanche si tout va bien, car j'ai des problèmes de box internet depuis hier 🥲 Je vous avoue que c'est un miracle que le chapitre soit sortit ce soir, j'y croyais pas moi même 😭
Je devrais en recevoir une nouvelle incessamment sous peu donc on croise les doigts 🤞🏻
Je vous aime fort, prenez soin de vous !
- Vee
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