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Aloha 🎈



E Z M Î A


Mama – Tu sais Ezmîa, j'aimerais venir en France avec ta tante pour te rendre visite.

Oh non, ce n'était pas dans mes plans.

Moi – Mais mama, en ce moment je travaille beaucoup, je suis tellement fatiguée... Je suis pas en état de vous recevoir, mais une autre fois peut-être.

Pendant ce temps, Soyla ne cessait de pleurer et ma mère l'avait bien entendue. Elle n'est même pas au courant de son existence !

Mama – Quelqu'un est avec toi Ezmîa ?

Moi – Euh... Oui. Je garde le bébé d'une amie.

Quelle idiote Mîa, t'as pas d'amie.

Mama – T'es occupée, c'est ça ?

Moi – Bin.. Ouais.

Mama – Alors je te rappèlerai à l'occasion ma fille.

Moi – Pas de problème, à la prochaine.

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Elle venait de raccrocher, je fus soudainement soulagée. Je soupira longuement en m'essuyant le front avant d'aller voir Soyla. Je lui mis sa tétine en bouche et elle stoppa ses pleurs incessants.

Je me remise au ménage durant toute la matinée. Puis, dans les alentours de midi je m'empressa d'habiller Soyla pour l'emmener avec moi au marché. J'allais acheter de quoi nous nourrir.

Au marché comme au quartier, j'ai ma réputation. On me fusille du regard, me critique ouvertement, m'insulte sans véritable raison. Enfin, vous même deviez savoir de quelle circonstance je parle. Dès qu'une personne a une réputation, tous ces moutons se jettent sur elle pour l'achever. J'espère que vous êtes assez matures pour ne pas en faire partie...

Enfin passons. Dès que je fus arrivée au marché, comme prévu les femmes âgées plus communément appelées  « commères » me critiquaient en mélangeant le français à leur langue pour que je puisse pas comprendre, mais comme la plupart des français évidement que je sais ce que veut dire « kehba »

Les vieil hommes me sourient en général, mais je connais assez mes clients pour comprendre leurs intentions. Quant aux jeunes, que ce soit la plupart des garçons, ça me fait des avances ou ça m'insulte. Les filles... C'est assez différent. Je ne peux pas faire d'amalgame en les mélangeant toutes. Certaines me sourient, me saluent. D'autres m'insultent et me rabaissent. Je papote seulement avec Roqya, une syrienne de vingt quatre ans. Elle est voilée et mariée à un homme qui ne m'adresse pas la parole. C'est ma voisine.

Revenons à nos moutons. Je pris mon poulet et des carottes à un stand puis revins sur mes pas, chez moi.

Je prépara le repas et invita Afi, ma voisine. On mangea toutes les trois, Afi me racontait sa matinée pendant que je rêvassais. Je m'imaginais ailleurs, comme à mon habitude.

Afi – Mîa, tu m'écoutes ?

Moi – Oui, oui...

Je sentis sa main se poser sur mon épaule légèrement dénudée qui laissait apercevoir un hématome.

Afi – Mîa... C'est plus possible tout ça.

Je ne voulais pas arriver à ce sujet, donc je changea instinctivement de sujet.

Moi – Ma mère m'a appelée ce matin. Elle voulait venir me voir...

Afi – C'est super ça ! Elle vient quand ?

Moi – Euh.. Non, non. J'ai refusé.

Afi – Quoi ? Pourquoi !?

Moi – Tata (je la considère comme telle), j'en fais quoi de Soyla et de mon boulot ?

Afi – Tu devrais lui dire pour ta fille, quand même.. Ezmîa tu ne peux pas cacher ça éternellement à ta mère.

Moi – Je sais.. j'attend le moment propice.

Afi – Accepte qu'elle vienne.

Moi – Et si elle veut me voir au cabaret comme je lui prétend, je fais comment ? Et pire ! Si elle apprend que je travaille dans ça...

Afi – Tu comptes finir ta vie dans un réseau de prostitution à rester sous les ordres constants de bourreaux, c'est ça ? Tu comptes faire grandir Soyla dans ce milieu, de continuer à détester ton corps et te faire humilier dans la rue ? Tu comptes finir ta vie seule, dis moi ? Ezmîa, tu vas arrêter, prends ton courage.

Moi – Mais... Ma collègue a déjà tenté d'arrêter, elle est revenue complètement défigurée. Elle a fuit la ville mais ils l'ont retrouvée tellement vite ! Imagine un instant si ils me retrouvent... La première chose qu'ils m'arracheraient ce serait Soyla, ma raison de vivre. Afi toi même tu le sais, ils me feront souffrir en me retirant mon bébé ! Et puis à quoi bon chercher quelqu'un avec qui fonder ma vie ? Ici, tout le monde me connaît. Personne ne voudrait d'une pute écervelée, sois honnête. Je n'ai aucun diplôme, aucune situation et en plus de ça pour couronner le tout j'ai un bébé. Et... conçu avec un professeur qui a déserté le pays.

Afi – Non Ezmîa, tu as totalement tord. Explique leur ta situation au lieu de fuir bêtement, peut-être que l'un d'eux comprendra pour commencer. Où va au Mexique jusqu'à ce qu'ils puissent t'oublier. Ta mère peut venir te chercher ! Tu pourrais te trouver un mari là-bas, un beau métier et rester au près de ta famille. Des hommes fidèles et compréhensifs existent bien Mîa. Mais avant ça, arrêtes toutes ces bêtises et tu verras que tu iras mille fois mieux.

Moi – Je vais tenter de leur parler.



01h00 🕐



Je marchais en me frottant les mains gelées par le vent hivernal. J'étais bien positionnée entre le café et la pharmacie. J'attendais patiemment que Mikhaïl vienne me chercher, c'était son collègue qui m'avait déposé puisque Mikhaïl a eu un empêchement mais je n'ai pas pu me changer.

Mikhaïl est arrivé vingt minutes plus tard. Il stationna son camion sur le côté et déposa un baiser de force sur mes lèvres.

Mikhaïl – Allez, va vite te préparer !

S'exclamait-il en m'infligeant une fessée.

Moi – Boss, je dois vous parler.

Mikhaïl – T'as plus de préservatifs ?

Moi – Non.. non. C'est sérieux. Je.. je.. J'ai envie d'arrêter et de me trouver un vrai job.

Il se mit à rire bruyamment.

Moi – Donc ?

Mikhaïl – Tu te fous de ma gueule ?

Moi – Bah.. non.

Mikhaïl – Quelqu'un t'as autorisé à partir ?

Moi – Non.

Mikhaïl – Alors tant que tu seras bonne à baiser tu restera dans ce réseaux, Ezmîa.

Moi – Mais vous ne comprenez pas ? Ce métier me dégoûte réellement, c'est terminé.

Mikhaïl m'a attrapé par la gorge, serrant progressivement sa main contre mon cou.

Mikhaïl – Écoute moi bien, t'es MA PUTE ! Tu resteras sur ce trottoir jusqu'à ce que mon envie s'éteindra. T'as compris ?!

Moi – Oui...

Mikhaïl – Allez, va te préparer.

Moi – Je peux me changer dans le camion ? Je me les caille ici.

Mikhaïl – Change toi sur ce trottoir.

J'exécuta ses ordres.

Vous connaissez dorénavant mon quotidien, je ne vais pas m'éterniser sur ma pratique et mon métier mais je fis défiler les clients cette nuit là.

Il était 6h quand je termina enfin. Comme toujours, je me rendis sur le parking pour donner l'argent à Mikhaïl qui me retint à la fin du décompte pour me menacer si jamais je partirai.

Dans les alentours de 6h30, je pus enfin me rendre à l'arrêt de bus pour attendre ma navette.

Je suis arrivée à Corbeil à 7h10. Là où j'aperçus derrière la mairie un stand pour les SDF, une association avait organisé un « déjeuner ». Je m'y rendu a reculons. D'un sens, bien sûr que je voulais y aller, mais de l'autre j'avais peur de croiser des personnes de mon quartier.

Finalement, je m'y rendis. Une femme me donna un café et on discuta. Si vous saviez à quel point ça fait du bien de pouvoir parler sans savoir que la personne en face de vous connaît votre réputation, votre vie. Cette dame était très chaleureuse. Elle s'appelle Yesta. C'est une arménienne turque. Elle a deux enfants.

Yesta – Et toi, t'as un mari, des enfants ?

Moi – Malheureusement le père de ma fille est parti. Mais j'ai une petite fille, Soyla.

Yesta – Elle a quel âge ?

Moi – 8 mois.

J'ai sorti ma petite photo de mon sac à main pour lui montrer.

Yesta – Moooh.. Elle est très belle, mashAllah.

Moi – Merci beaucoup ! Et vous, vos enfants ont quel âge ?

Yesta – vingt trois et douze ans.

Moi – ahh d'accord.

Yesta – Tu hère dans les rues ?

Moi – Ahh.. non. C'est compliqué.

Yesta – Je t'écoute, j'ai tout mon temps tu sais.

Le malaise s'installa rapidement, j'étais tellement gênée... Je pensais pouvoir tenir une conversation sans devoir le mentionner.

Moi – Comment dire ça madame... Je suis une fille de joie.

Yesta – Tu.. tu donne ton corps ?

J'hocha dynamiquement la tête.

Yesta – Une fille aussi jolie que toi fais cela ?

J'haussa les épaules bêtement.

Yesta – Oh non... Tu sais, on peut te trouver un métier adéquat, nous. Notre association peut te prendre en charge.

Moi – Si seulement c'était aussi facile que ça... Partir d'ici vous savez, c'est impossible.

Yesta – Rien est impossible, garde confiance en Dieu, il t'aidera... Et tutoie moi !

Moi –D'accord.

Yesta me laissa son numéro personnel sur un bout de papier.

Yesta – Si t'as besoin, appelle ce numéro. Et n'importe quand ! Je demanderai à mon mari ou mon fils de venir te chercher pour t'emmener à la maison. Je veux aussi rencontrer ta petite perle...

Comment aurai-je pu savoir que cette femme allait bouleverser le cours de ma vie ?

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