C H A P I T R E 𝟷
Les fleurs étaient encore timides en ce début de mois de mars. Le ciel dégagé était partiellement recouvert de fins nuages saugrenus qui profitaient de cette douce température, et la rosée du matin se jouaient de fraîcheur alors que le soleil réconfortant communiquait de plus en plus de joie. Tandis que plein d'élèves rêvèrent déjà des vacances, et d'autres — plus aventuriers, fabulèrent déjà de leurs futurs années de lycée ; un jeune garçon tentait de faire de sa camarade sa dulcinée.
Incliné, ses cheveux ébènes pendaient dans le vide. Son regard écarlate figé sur ses chaussures parfaitement cirés à l'occasion, il avait le cœur battant, en plus de ses joues en feu qui trahissaient sa basse estime et son manque d'assurance. Concentré sur le moindre son, crépitement et crissement que l'offraient le vent ardu presque printanier, il se mâchouillait la langue avant d'enfin oser parler.
— Je suis amoureux de toi !
Trop d'enthousiasme, trop d'énergie. Autant un défaut qu'une qualité, il regretta déjà d'avoir hurlé. Il ne voulait pas l'effrayer, mais ça avait été plus fort que lui. Il se sentait souvent compressé, écrasé par les autres et leur aura. Il avait souvent l'impression qu'il devait se mettre sur le bout de ses pieds, élever la voix jusqu'à arracher ses cordes pour se faire entendre. Se faire une place dans cette univers majestueux mais mesquin.
Malgré les apparences, ce garçon était un observateur, un témoin du monde. Il s'était relégué en ombre et agissait en tant que telle, épiant innocemment ceux qu'il admirait tant. Ceux qui étaient différents, au sommet de la pyramide. Ses yeux rouges attentifs au moule dans lequel il avait été jeté analysait pour mieux plaire et s'aimer. Ainsi, pour se faire apprécier de sa tendre camarade, le jeune garçon avait imaginé cette scène plus de fois qu'il en fallait. La peaufinant de divers points de vue, la modelant de sa connaissance, et de ses rêves où il s'était déjà imaginé marié avec elle.
Il s'était représenté ce moment de toutes les façons envisageables, ainsi l'actrice principale ne pouvait prononcer d'autres répliques que ce scénariste amateur avait échafaudé. Il était persuadé que son esprit revêche gangrénait de bien trop d'idée pour se faire surprendre.
Il avait trop bien préparé son coup pour une telle fatalité.
L'heure, la météo. Au moment de la pause déjeuner, ou après ses activités de club. Qu'il se prenne un râteau ou que cette fille accepte ses sentiments. Ou mieux encore....
....Qu'elle l'aime en retour !
Le jeune adolescent avait tout anticipé. La réussite comme l'échec ; il s'était préparé.
— Désolée, la jeune collégienne déclara.
Sa voix claire et jolie, que Kirishima aimait tant entendre venait de couper cette espoir illusoire.
— J'viens de me séparer de mon copain, elle fit une pause, embarrassée, cherchant ses mots, et j'ai pas trop la tête à me remettre dans une quelconque relation actuellement...
— Ah, je vois...
Le collégien coinça nonchalamment une de ses mèches de jais, comme pour conserver un grain de dignité, mais la réponse lui déchira le cœur encore plus cruellement qu'il ne l'avait imaginé.
— J-Je comprends, t'inquiètes.
Il se redressa, agitant ses mains pour la gêner ni elle ni lui davantage. Déguisant sa déception d'un sourire presque commercial, comme s'il ça ne faisait pas des mois qu'il s'était imaginé sortir avec elle.
Plus un mot ne flotta dans l'air, tandis que l'adolescente s'apprêtait à faire demi- tour. Toutefois, elle s'arrêta sûrement par un élan de gentillesse ou de pitié. Elle ajouta alors :
— Encore désolée...Euh..Te-Terushima ?
— C'est Kirishima...
Elle aurait dû garder ses derniers mots pour elle. C'est ce qu'il pensa, mais il lui fit juste un sourire plus grand, son égo souffrant de cette parure qui dissimulait ses émotions.
C'était vraiment la honte.
✧✦✧
Kirishima qui s'était réjouit de ce temps merveilleux pour le jour de sa confession, pourrait maintenant vomir de cette météo scandaleuse alors qu'il était en pleine déprime.
Le ridicule ne tue pas, disaient ils. Et pour la honte, l'échec, et le désespoir ? Est-ce que ça le tuerait ? Parce qu'il avait cette impression de mourir. Que son cœur le lâchait, ne pouvant supporter autant de mélancolie.
— Tu vas te mettre encore à pleurer ? Que je prépare les mouchoirs.
— T'es pas sympa mec, l'autre adolescent grommela d'une voix qui se voulait affirmée.
Ses dents bien blanches et anormalement acérées étaient encrées sur sa petite lèvre inférieure. Cette pression était l'unique chose qui lui permettait de ne pas craquer en embuant ses deux iris rougeâtres.
Tomo, son ami d'enfance, conventionnellement conseiller-psychologue du noirâtre à ses heures perdues, ne lui adressa même pas un regard, lisant un roman.
C'était la deuxième fois ce semestre qu'il se faisait jeter et la troisième fois depuis le début de l'année. À vrai dire Kirishima Eijiro, était un abonné aux râteaux. Le châtain ne savait pas vraiment s'il était impressionné par sa bravoure et son cran, ou simplement frigorifié par le courage hors norme et l'audace particulière de son ami. L'ami en question essuya une larme d'un revers qu'il ne put contenir. Mais comme s'il s'agissait de la faiblesse de trop, Kirishima finit par prendre une grande inspiration décidée et posa agressivement ses grandes mains sur ses larges joues.
Tomo, apercevant les gestes de ce mec improbable — qui lui servait de pote depuis bien trop d'années maintenant, lâcha sa distraction et plaqua ses deux paumes contre ses oreilles, se renfrognant.
— AAAAARRGHHH !!!!! le brun hurla.
Si on interrogeait Tomo, pour savoir la raison de cette exclamation assourdissante, il répondrait avec une certaine indifférence que c'était juste une façon pour Kirishima Eijiro d'extérioriser. Une mauvaise habitude, certes. Et même s'il aimerait que cet imbécile lui prévienne avant d'éclater ses tympans, tant que ça fonctionnait, il autorisait cette simagrée.
Sa frustration mit désormais de côté. Comme prévu, Eijiro était à peu près remis sur pieds. Il ouvrit férocement sa boite de bento pour ingurgiter rageusement son repas avant la fin de la pause. Entre deux bouchées d'onigiri, la tête ébène fit une proposition à son camarade :
— On sèche ?
— Pour que tu noies ton chagrin dans des barres chocolatés ?
— Ouais, il avoua presque comme une fierté.
— On est bientôt en période d'exam' Eiji.
— Pas grave !
— Bah pour moi si, monsieur-j'arrive-à-toujours-avoir-la-moyenne-sans-réviser, le mordoré prit ses baguettes pour piquer une boulette de viande à son interlocuteur, en plus tu peux te goinfrer de Snickers après les cours, non ?
— Nan, j'veux pas louper mon arrêt à 16h.
— Cette ligne fait des arrêts toutes les 15 minutes, j'te rappelle.
— Et c'est déjà 15 minutes de trop ! l'adolescent exagéra.
Le châtain roula des yeux et repris sa lecture. Kirishima était borné et parfois trop insouciant pour lui. Il avait quelques fois du mal à gérer cette boule d'énergie.
— Alors, tu viens ?
— Pas envi.
— J'espère que tu foireras tes épreuves, Eijiro lui tira la langue.
— J'espère que tu te feras écraser par un vélo, contra l'autre.
Sur ce charmant dialogue les deux amis finirent leurs repas, puis se séparèrent, un sourire scotché à leurs lèvres.
Le collégien aux pupilles atypiques se dirigea vers la cour qu'il empruntait depuis maintenant presque trois ans, lorsqu' une envie de "s'aérer" le prenait.
Juste à côté du terrain imposant où ses camarades pratiquaient plusieurs sports différents, séparés en fonction des classes et du genre, Eijiro se faufila discrètement dans le local. Il y trainait toutes sortes de ballons et de matériels sportifs plus ou moins entretenus. Il marcha à pas de loup en faisant bien attention où il posait ses pieds. À cause d'un coup de sifflet inattendu, le petit brun faillit trébucher sur un filet de badminton, se rattrapant in extremis avant le drame. Après trois pas de plus, le collégien atteignit le fond de la salle, où une porte qui semblait scellée prenait place.
Le troisième année posa ses grandes mains sur les deux poignets présentes et fit une manœuvre complexe et singulière pour l'ouvrir. L'air extérieur s'infiltra dans les poumons du jeune garçon, le vent se glissa sous les objets faisant percuter quelques balles entre elles, et l'obstacle se transforma en échappatoire.
✧✦✧
Il était un peu plus de 14h lorsqu' Eijiro arriva à Lemillion's.
Le brun poussa les battants, en lisant inconsciemment le slogan qu'il connaissait par cœur.
« Lemillion, la supérette où vous ressortirez héros ! »
Une petite clochette dorée à la surface pelante résonnait toujours de ce même air traditionnel aux oreilles du garçon, lorsqu'il se dirigea vers la caisse pour interpeller son aîné.
— Tamaki !
Le collégien fit un de ses gros sourire mal contrôlé au caissier à la sombre chevelure bleutée. Fidèle à lui-même, son voisin, Amajiki Tamaki, leva à peine ses yeux lorsqu'il répondit à la salutation de son kohai, gêné par son euphorie soudaine qui dérangea la symphonie de la calme bâtisse.
— Il est à peine 15 h, lui informa son aîné en scrutant sa montre, dis moi pas que tu sèches encore ?
Tamaki ne lui avait pas dit ça sur un ton de reproche, il était juste curieux. L'étudiant avait parfois l'impression d'être chargé de ce garçon trop bruyant qu'il connaissait depuis qu'il était en âge de parler. Il était encombré parfois par des drôles de réflexes de grand frère. S'inquiétant presque pour un rien, alors qu'il était toujours assez posé et flegmatique lorsque ça concernait les autres en général.
— Tu sèches encore ! Qui t'as brisé le cœur mon jeune garçon ?!
On ne pouvait pas en dire autant de son meilleur ami et collègue, Togata Mirio. Lui, agissait plutôt par fougue, et toutes ses actions était régi par sa spontanéité et sa légendaire bienveillance. Il était aussi très perspicace...
Au grand malheur de Kirishima.
Le collégien se mordit l'intérieur de la lèvre, faisant mine d'hésiter entre deux genres de barres chocolatés pour éviter la question. Mais Eijiro effectuait le même achat depuis maintenant presque 3ans, alors personne ne cru vraiment à sa tentative d'échappatoire.
— Dis moi son nom ! hurla le blondinet, sa classe et l'activité qu'elle pratique après ses cours. Ah ! Et aussi son adresse !
— Tu prévois un meurtre ? interrogea l'autre employé, d'un air maussade.
— Mais non ! J'veux juste voir à quel moment on est dispo' tous les deux !
— Pour la tuer ?
— Pour lui parler d'Eijiro !
— Et pour dire ? cette fois-ci c'était le plus jeune qui s'était exprimé, mâchant mollement son chocolat.
Les émotions qui lui transcendait le cœur plutôt reprirent de plus belle, pour cacher l'humidité de ses yeux, il baissa un peu plus la tête que la normale pour prendre ses pièces qui se trouvaient dans sa poche.
— Pour lui faire comprendre que t'es un type génial ! Et qu'elle n'en rencontrera pas deux comme toi !
Ça serait décidément trop la honte qu'il le fasse. Mais le cœur y était alors ses paroles donnèrent l'impact d'un baume au cœur et eurent un effet réversible sur ses yeux humides.
Pourquoi s'infligeait-il à tomber amoureux de personne qui pouvait briser son cœur à n'importe quel moment, quand il avait Mirio dans sa vie ?
Tout plaquer pour se marier à Mirio.
Il souffla du nez à cette pensée. Il lui fallait vraiment pas grand chose pour le faire chavirer.
— Excusez-moi, vous faites la queue ? une jeune femme demanda.
Eijiro sorti rapidement sa monnaie qui déposa sur le comptoir, et laissa place à la cliente pour se diriger vers un rayon.
— Ne fuis pas Eijiro ! interpella le jeune blond, brandissant son balai.
— J'vais juste prendre un truc à boire ! il leva les mains en l'air comme signe de défaite.
Au final, Kirishima s'était pris une cannette et un autre Snickers. Et après avoir fini sa collation, il aida ses deux aînés dans leur travail.
✧✦✧
À presque 16h, il avait pris le trajet du métro, rejoint Tomo et était déjà assis à son genre de place préférée : siège double côté vitre, pile au milieu des deux sortie. Sa rame était venu plutôt aujourd'hui. Ils en avaient pour 6 arrêts.
Tomo poursuivait sa lecture pendant qu'Eijiro observait les personnes entrant et sortant, posant ses iris agitées sur le public mouvant. Il trouvait ça fascinant de se dire que ce tout plein de monde avait une vie à part, un monde qui était le même que le sien mais finalement complètement différent en fonction du vécu de chacun.
Au premier arrêt, peu de gens montèrent mais quelques collégiens de son établissement sortirent. Au second, presque tous les collégiens descendirent, laissant place aux lycéens qui s'installèrent dans le wagon.
À l'uniforme, Kirishima reconnut les élèves de Yuei. Le jeune garçon se redressa, bougeant ses orbites de tous les sens. Cherchant et scrutant avec un peu trop d'entrain toutes les têtes à la veste grise.
Un tintement se fit retentir : les portes allaient bientôt se fermer.
Où il est ?
Aurait-il dû écouter Tomo, et prendre le wagon suivant pour une fois ? Non. Il n'était jamais en retard. Il n'aurait jamais pris l'autre wagon lui.
Mais la rame était arrivée plutôt que d'habitude...
Les épaules d'Eijiro s'affaissèrent, il était déçu. Il ne le verra pas aujourd'hui. Alors, comme pour camoufler son désappointement, le brunet regarda l'heure sur son appareil. Il rejeta un dernier coup d'œil au porte avant de se faire une raison. Celles-ci se fermèrent au même moment.
Mais Eijiro se redressa.
Il était là.
Marchant avec nonchalance jusqu'à son coin accoutumé, mains enfoncés dans ses vastes poches et écouteurs vissés aux oreilles. Kirishima Eijiro était captivé, ses croissants de chaires scellés.
Les courts cheveux blonds du jeune lycéen qu'il sondait, s'accordaient un peu trop bien à sa peau laiteuse qui semblait ne se laisser impressionner par aucun rayon solaire. Ses yeux grenats qui pouvaient figer n'importe qui et sa prestance envoûtante qui l'escortait. Le temps semblait comme ralentit.
Le jeune garçon s'était calé dans un angle, debout contre la barre verticale métallique et la vitre qui faisait déjà défiler le paysage lugubre et sombre du métro à toute vitesse.
Eijiro ne pouvait s'empêcher de le fixer, d'ancrer ses pupilles sur toute sa personne. Que ça soit son air désinvolte ou son visage sévère, tout chez ce garçon rendez frivole le brun. C'était ce genre d'allure que le brun voudrait obtenir, ce genre de prestance qu'il voudrait côtoyer.
Il désirait ce truc en plus, ou non, il préférait plutôt découvrir le truc en plus de ce type de personne.
Ouais, il voulait découvrir son truc en plus.
Deux arrêts passèrent et sans que le collégien le remarque, les portes coulissèrent. Le blond détacha son regard du vitrage, avançant jusque l'issue. Sans qu'il demande quoique ce soit à qui que ce soit, tous les lycéens se trouvant sur son chemin se poussèrent quitte à se bousculer. À l'égal d'un peuple face à son roi, les adolescents à la veste grise, évitaient tous son regard, leurs orbites concentré sur le sol comme soumis.
Eijiro était fasciné et Eijiro le trouvait fascinant.
Un pas. Puis deux. Ainsi, il franchit les portes. Sa présence et son charisme s'éclipsant avec lui. L'accès se ferma, la tension se dissipa.
Incroyable.
Ça faisait maintenant deux mois qu'il croisait le fameux lycéen, depuis qu'il avait quitté son club pour se concentrer sur ses examens. Cependant, depuis toutes ces semaines où il l'apercevait, les mêmes interrogations sans réponse persistèrent.
Eijiro sourit. Il pensait à sa liste de souhait qu'il avait rendu trois semaines plutôt.
Tout en haut de cette liste, on pouvait remarquer l'écriture différente du reste de la colonne, qui d'une façon, traduisait concrètement la résolution du futur lycéen : peu esthétique mais déterminée.
Il s'était décidé.
Il irait à Yuei l'année prochaine.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top