"We're in the rain"

- Uno!

- Ne cries pas victoire trop vite: tiens! Héhé, tu pioches une carte!

- Et crotte...

Rose lança un regard espiègle à son père. Ils faisaient une partie de Uno tous les deux, pour la énième fois de l'après-midi: Rose gagnait à chaque fois et le quarantenaire était déterminé à prendre sa revanche sur sa fille. Mais alors que celui-ci allait riposter, le téléphone de la brune sonna.

- C'est Sammy, ça te dérange pas si je décroche?

L'homme leva son pouce. Rose décrocha.

- Allô?

Silence complet au bout du fil.

- Allô, tu m'entends?

Après un petit moment de silence, elle entendit enfin quelque chose.

- Je-

La voix de Sammy se brisa et il commença à sangloter. Ça avait l'air grave: il ne pleurait généralement pas où très peu après une dispute avec ses parents, c'est triste à dire mais il avait l'habitude. Pour qu'il pleure comme il le faisait, la situation devait être catastrophique. Rose lança un regard paniqué à son père qui comprit immédiatement que c'était grave: il devrait attendre pour pouvoir savourer sa revanche...

- Sammy, qu'est-ce qui s'est passé?

Le jeune homme n'arrivait pas à parler, sa voix était coupée par les sanglots.

- Bouges pas, j'arrive. Je raccroche mais je serai là dans un instant. À tout de suite!

Rose raccrocha sans attendre de réponse, et releva la tête vers son père qui comprit immédiatement ce que sa fille attendait de lui.

- S'il te plaît. Ça a l'air grave.

- J'avais cru comprendre... Allez, vas mettre tes chaussures pendant que je cherche les clés de la voiture!

- Merci papa!

L'adolescente claqua un bisou sur la joue de son père; elle avait beau avoir 18 ans, elle n'avait pas son permis et c'était compréhensible, vu les circonstances de la perte de sa mère... Du coup, lorsqu'elle devait se rendre quelque part rapidement ou qu'elle ne pouvait pas y aller à pieds, son père l'emmenait en voiture. En temps normal Rose se serait rendue à pieds chez Sammy, mais la brune s'inquiétait beaucoup plus que d'habitude cette fois-ci: pas le temps de marcher. Son père l'emmena donc en voiture jusque devant l'immeuble.

- Tu veux que je t'attende devant ou tu rentres à pieds?

- Pas la peine de m'attendre, merci.

Rose descendit du véhicule, et fit un petit signe de la main à son père avant d'entrer dans le bâtiment; elle monta les marches à une vitesse folle, se rendant directement sur le toit en un temps record. Elle poussa la lourde porte en fer et aperçut immédiatement son ami à genou, pleurant comme elle ne l'avait jamais vu pleurer. Elle se précipita vers lui.

- Sammy, je suis là. Qu'est-ce qu'il y a?

Le jeune homme se contenta d'attraper sa main et la serra fort dans la sienne. De sa main libre il désigna sa guitare abîmée par ce qui semblait être des coups, ainsi qu'un grand sac. Rose se pencha pour jeter un coup d'œil à son contenu: c'était ses affaires.

- Attends, ne me dis pas que... C'est bien ce que je pense? Ils t'ont mis dehors?!

- Ils... Ils veulent plus me voir.

Sa voix se brisa à nouveau et ses larmes redoublèrent. Rose entra alors dans une colère sourde; on croirait presque voir de la fumée sortir de ses oreilles. La brune se leva et se dirigea d'un pas décidé vers la porte.

- Rose, attends! Où est-ce que tu vas?

- T'inquiètes pas, je reviens tout de suite, attends moi ici.

- Une seconde: qu'est-ce que tu vas faire?

- Ce que j'aurais dû faire il y a déjà bien longtemps!

Sammy resta figé: honnêtement, il avait un peu peur, il n'avait jamais vu son amie autant en colère. Celle-ci descendit les escaliers presque aussi vite qu'elle les avait monté, et frappa trois coups forts à la porte de ses anciens voisins: c'est la mère de son ami qui vint lui ouvrir. Cette femme qui lui avait d'abord semblée être quelqu'un d'ordinaire était à présent un vrai monstre à ses yeux.

- Là ça suffit, vous avez dépassé les bornes!

La femme roula des yeux en soupirant, l'air agacée, et tenta de fermer la porte; Rose la bloqua avec son pied et força pour la rouvrir en grand, en profitant pour faire un pas dans l'appartement.

- Est-ce que vous vous rendez seulement compte de ce que vous venez de faire?!

- Ce ne sont pas tes affaires, Rose!

- À partir du moment où on fait du mal aux gens que j'aime, si, ce sont mes affaires! Il m'a appelée en pleurs, j'étais morte d'inquiétude! Là c'est trop pour que je puisse le supporter!

Il était peu commun de voir Rose en colère à ce point, même cette horrible femme qui servait de mère à son ami était impressionnée et ne disait rien, bouillonnant simplement de l'intérieur.

- Plusieurs fois déjà je voulais venir vous voir pour vous cracher vos quatre vérités au visage, mais Sammy m'en dissuadait! Vous lui avez pourri la vie, tenté de détruire ses rêves, vous l'avez rabaissé pendant des années, et il vous trouvait quand même des excuses! Vous êtes ses parents, merde, il vous aime! Pourquoi vous pouvez pas le soutenir dans ses projets? Qu'est-ce que ça vous coûte de vous comporter en adultes et en parents responsables? Le mettre à la porte, non mais enfin! Bande de raclures, je vous déteste! Sammy mérite pas des gens comme vous! Votre fils a du talent, et quand il aura réussi dans la vie ce sera pas la peine de venir le voir et vous comporter en hypocrites! Je vous laisserai plus jamais lui faire du mal, jamais!

Avant même qu'ils n'aient pu lui répondre, la brune claqua la porte d'une telle force que les murs en tremblèrent.

- Rose!

Sammy dévalait les escaliers, son sac sur le dos et sa guitare sous le bras, l'air paniqué.

- Qu'est-ce que tu as fait?

- Je les ai pourri, c'est tout ce qu'ils méritaient!

Le jeune homme soupira.

- T'aurais pas dû faire ça.

- Je ne tolérerai plus qu'on te fasse souffrir.

Sans crier garde, elle le prit dans ses bras. Un léger sourire apparût sur le visage de Sammy; il se sentait bien et en sécurité, il savait que Rose n'allait pas le laisser dans sa détresse.

- Tu sais où tu vas aller?

- Eh bien... J'ai un peu d'argent, je peux me débrouiller pour trouver un hôtel ou un truc comme ça. Au pire je peux dormir sur le toit, je me débrouillerai.

- Quoi? Ah non, il est hors de question que je te laisse dormir là-haut, il fait peut-être chaud en journée mais la nuit ça caille! Gardes ton argent, viens chez moi, plutôt. On a une chambre d'ami.

- C'est gentil, mais tu as déjà fait beaucoup pour moi, je vais pas abuser...

- Eh, toi aussi tu m'as aidée pas mal de fois je te rappelle! Et puis on est ami, si tu pense que je vais te laisser galérer sans rien faire tu peux toujours courir! Tu viens chez moi, point.

- D'accord... Merci.

- C'est rien. Viens, on y va.

Les deux amis sortirent donc de l'immeuble et marchèrent jusque chez la jeune fille, sans un mot, se contentant de se tenir la main tout en avançant.

- Papa, c'est moi! Je suis rentrée.

- Coucou ma puce, alors, qu'est-ce que-

Le quarantenaire se stoppa en voyant Sammy: il comprit vite que quelque chose n'allait pas, déjà car sa fille l'avait ramené à la maison, mais aussi car les yeux du jeune homme étaient toujours rouges et gonflés d'avoir pleuré.

- Oula, qu'est-ce qu'il s'est passé?

- Ils l'ont mis dehors, alors j'ai pensé que ce serait mieux de le ramener à la maison.

- Tu as bien fait.

- Ça vous dérange pas que je reste? Sinon je peux me débrouiller...

- Non, pas du tout! Tant que ça m'empêche pas de prendre ma revanche au Uno...

Rose rit doucement; c'est vrai qu'ils devaient finir leur partie.

- Bon... Tu peux t'installer dans la chambre d'ami, moi je vais vous faire des sorbets. Enfin... Si j'y arrive.

- Merci beaucoup.

Rose emmena le jeune homme dans la chambre d'ami et sortit des draps pour faire le lit.

- Je te préviens, je suis du genre à me battre avec la couette pour la faire rentrer dans la housse.

Sammy rit à sa remarque; à deux, ils réussissent à faire le lit en quelques minutes, non sans galérer un peu. Une fois fait ils s'assirent sur le lit. Après un court moment de silence, le jeune homme aux cheveux blancs prit la parole.

- Bon... Parlons un peu de toi.

- Comment ça? Pourquoi?

- Je te connais, on me la fait pas à moi... Ça fait déjà quelques jours que tu te comporte un peu bizarrement. Qu'est-ce qu'il se passe?

Rose baissa la tête.

- C'est vrai... J'aurais sans doute dû t'en parler plus tôt. Jeff et Dylan sont déjà au courant, d'ailleurs. En fait... Je suis amoureuse. Depuis deux ans.

Sammy hocha de la tête, un petit sourire sur les lèvres.

- C'est ce que je pensais.

- C'est si évident que ça?

Rose rit, un peu gênée. Son ami hocha de la tête.

- Disons que je te connais bien.

- Au point de savoir de qui je suis amoureuse?

- Je pense, oui.

Sammy prit la jeune fille dans ses bras. Un sourire se dessina sur le visage de la jeune fille: pas besoin de mots, elle savait qu'il comprenait tout. Le  jeune homme allait dire autre chose, mais le père de la brune les appela avant qu'il n'ait eu le temps de dire quoi que ce soit: les sorbets étaient prêts. Les deux adolescents se rendirent donc dans la cuisine, comme si souvent main dans la main.

Qu'à donc pu comprendre Sammy? Que Rose l'aimait lui ou bien Léo? La question peut se poser...

Who do you think is Rose's lover?