𝟑 | 𝓙e suis prêt à t'aimer quand même

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L'obscurité.
L'impression de flotter.
Un sommeil paisible qui plane...
La noyade.

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Je m'appelle Izuku Midoriya, prince du royaume de Kamino.

Il y a quelques minutes, je me trouvais sur le pont d'un des prestigieux navires de mon père, à boire de l'alcool beaucoup trop fort pour mes seize ans. La musique jouée par mes camarades, plus proche d'une fanfare paysanne que d'un orchestre professionnel, ne parvenait même pas à me dérider. Triste et seul, j'avais l'impression d'être au beau milieu d'un piège mortel prêt à se refermer.

Lorsqu'on fait partie de la famille royale, on sait dès l'enfance que les mots vie amoureuse ne s'appliqueront jamais à nous. À la place, on a droit aux mariages arrangés, aux complots politiques et aux guerres de succession – un programme pas franchement réjouissant, donc.

Le problème, c'est que j'ai hérité du romantisme immuable de ma mère, la reine Inko. Depuis que je suis né, elle m'abreuve d'histoires magnifiques au terme desquelles le héros ou l'héroïne rejoint sa moitié, afin de vivre une relation parfaite jusqu'à la fin des temps.

Un rêve qui n'est clairement pas pour moi : étant le seul héritier direct de la dynastie, je vais devoir suivre aveuglément les souhaits de mon père qui, malgré sa gentillesse et l'affection sincère qu'il me porte, devra avant tout penser au bien du pays. J'en suis conscient et, même si cette perspective ne me réjouit pas, je suis prêt à plus ou moins l'accepter... à jouer mon rôle de futur chef d'État, en somme.

Mais revenons-en à ma situation actuelle.

Si je suis ici, au beau milieu de l'océan que j'aperçois chaque matin à travers la fenêtre de ma chambre, c'est parce que je me suis montré particulièrement imprudent. À dessein? Je n'en suis pas sûr.

Le bastingage me semblait pourtant moins fin, paré à supporter l'élan de curiosité me poussant à observer les flots agités par notre passage. Les reflets du soleil couchant et des feux d'artifice tirés en l'honneur de la royauté leur donnaient un aspect magique, comme si tous les poissons exotiques du monde s'étaient joints à nous.

Une vague trop conséquente, une secousse imprévue, et j'ai basculé par-dessus bord. J'ai lâché un petit cri de surprise peu flatteur, avant de faire connaissance avec la température glaciale de l'eau salée. J'ai fait de mon mieux pour retenir ma respiration avant l'impact, d'abord décidé à ne pas mourir aujourd'hui. Je comptais rejoindre la plage non loin, à une bonne dizaine de minutes de nage.

Malheureusement, le froid n'a pas semblé apprécier mon projet : sa chère amie l'hypothermie s'est donc ajoutée à l'équation.

À présent, je sombre.

Étonnant comme la vie ne tient à rien, finalement. Je ne monterai pas sur le trône, ne me marierai pas non plus. C'est affreux, mais j'en ressens un certain... soulagement.

Je n'ai jamais eu envie d'assumer de telles responsabilités. Je ne serai jamais satisfait d'un futur fabriqué par un système politique archaïque qui pense que ses dirigeants n'ont pas besoin d'être épanouis sentimentalement. Je ne veux pas de cet avenir triste qui m'enlèvera à coup sûr l'espoir insufflé par ma mère.

Je ferme les yeux et pars à la dérive, me demandant si je sentirai les fonds marins avant de mourir. Au moins, j'aurai eu l'opportunité de contempler une dernière fois un crépuscule agrémenté de lumières multicolores et mouvantes – un sublime spectacle que j'emporterai dans l'au-delà.

La reine sera-t-elle capable d'endurer ma disparition? Le roi parviendra-t-il à maintenir l'ordre dans le royaume et à trouver un nouveau successeur dans notre famille? Mes amis chercheront-ils à comprendre?

Bah, il est trop tard pour m'en soucier.

Je ne pensais pas que ces options me seraient offertes : survivre ou partir. Apparemment, j'ai déjà choisi.

Je suis désolé. J'espère que tout ira bien pour vous.

Je m'enfonce un peu plus, la souffrance de l'eau en train d'envahir mes poumons ne réussissant pas à me sortir de cette léthargie mortelle. Je n'éprouve plus rien.

Et ça fait du bien.

Soudain, je crois percevoir quelque chose au niveau de mes jambes et de ma taille. Cette chose me tire et me soulève, aidée par le courant. Est-ce qu'il s'agit d'une ultime hallucination?

Plus je monte et moins je ressens la pression. La mort me rejette – un comportement que je trouve plutôt décevant. N'est-elle pas censée être implacable et cruelle?

J'émerge au milieu des vagues, toujours porté par une entité mystérieuse. L'évanouissement me guette, mes poumons sont pleins, et je suis incapable de bouger. Bilan mitigé.

Mes paupières restent closes, mon oreille externe n'arrive pas à envoyer d'informations formelles à mon cerveau. Comment mon cœur fait-il pour continuer à battre malgré tous ces chocs?

« Je ne te laisserai pas mourir, idiot! »

Combien de temps depuis mes retrouvailles avec l'air? Est-ce du sable que je sens? Pourquoi s'escrime-t-on sur ma poitrine? Et, le plus important : qui me parle?

Mon organisme se réveille brusquement, renvoyant d'où il vient l'intrus liquide qui gigotait en lui. Je crache où je peux, la tête lourde et les narines en feu.

« Enfin tu te réveilles! »

J'ouvre les yeux, guidé par la musique de cette voix. Le temps que ma vision retrouve sa netteté habituelle, je me fie à mon toucher et tends une main incertaine vers la silhouette floue qui me surplombe. Je crois deviner une chevelure blonde. Afin de m'en assurer, je laisse mes doigts la parcourir. Mes sens sont amoindris par le sel, mais je peux tout de même discerner une douceur réconfortante.

« J'ai sous-estimé ta maladresse... Tu as failli y passer. »

Ce timbre résonne en moi. Aucun de ceux que j'ai pu entendre auparavant ne peut atteindre sa perfection : mélodieux, d'une fluidité délectable, il est indéniablement l'un des plus beaux sons de ma mémoire.

« T-tu m'as sauvé. » croassé-je, en totale opposition.

« Évidemment. Qu'est-ce que j'aurais fait sans toi, imbécile? »

Les traits de son visage se précisent et je découvre mon inconnu, subjugué. Comment procède-t-on pour figer un instant éternellement?

« Q-qui es-tu? » demandé-je sans cesser de caresser les cheveux courts qui commencent à rebiquer dans tous les sens.

« Katsuki. »

« Katsuki... » répété-je, savourant son prénom sur ma langue.

Ces iris d'un rouge de sang, ces lèvres délicieusement charnues, ce grain de peau dépourvu d'imperfection – comment suis-je censé appréhender la beauté de ce jeune homme?

Je ne peux m'empêcher de m'empourprer lorsque je constate qu'il est torse nu. Ses biceps, ses pectoraux, ses abdominaux, me rappellent que je n'ai que seize ans et que je n'ai aucune expérience. Je réagis donc avec la naïveté et la candeur qui me caractérisent à la cour, me sentant ridicule.

« M-merci, K-Katsuki. » bégayé-je en maudissant ma fichue timidité. « J'ai été pris de court par le froid... »

« Comment as-tu osé abandonner? Comment as-tu pu envisager de renoncer? » crie-t-il en me forçant à me redresser.

Encore faible, je me laisse faire. Je ne saisis pas le sens de ses paroles, j'aimerais qu'il m'explique ce qu'il...

« Attends, c'est une... queue de poisson? » m'exclamé-je, sous le choc.

Le soleil n'étant pas tout à fait couché, je peux contempler à loisir les mille couleurs des écailles qui recouvrent le bas du corps de Katsuki. D'un orange chaleureux, elles rayonnent littéralement, dotées de reflets irisés proches de la nacre la plus pure.

Chaque partie de cet appendice aquatique me fascine, éclipsant ma peur.

« Tu serais une... sirène? »

Mon calme me surprend.

« Un triton. » me corrige-t-il en détournant le regard.

« Tu es... merveilleux. »

Ce compliment audacieux vient-il vraiment de sortir de ma bouche?

« Pas autant que toi, Izuku. »

« T-tu connais mon prénom? L'ai-je mentionné? »

« Non. Je... Je te suis depuis un moment et j'ai pu l'entendre. » m'avoue-t-il.

« Tu me suis? »

« Oui, parce que... je suis tombé amoureux de toi... à l'instant où je t'ai vu. »

Tétanisé, je ne trouve pas de mots aptes à exprimer ce que je ressens. Je suis partagé entre la crainte d'avoir été traqué par un inconnu et la joie de l'avoir rencontré.

« J'aime le son de ta voix, la bienveillance dans ton regard, la douceur de ton sourire... » poursuit-il en scrutant l'horizon. « Je n'ai pas le droit de me lier à un humain, je suis condamné à rester dans l'océan, et pourtant... Désormais, mon seul désir est de vivre à tes côtés. »

S'ensuit un court silence avant qu'il ne lâche un gémissement gêné.

« Je suis le prince des mers, bon sang! Quel sort m'as-tu jeté? Je ne peux pas me permettre d'être aussi niais... »

« Moi, je peux. » intervins-je sans réfléchir. « Je suis prince également, et je défis quiconque de m'empêcher d'être niais avec celui que je chéris. »

Ses iris me font à nouveau l'honneur de croiser les miens.

« Peut-être que... ce n'est pas si grave. Si ce n'est qu'avec toi. » chuchote-t-il.

Je retiens mon souffle. Mes poumons protestent, mais je n'en ai que faire.

« Je ne sais pas pourquoi je t'aime... » conclut-il en s'approchant. « Mais je suis prêt à t'aimer quand même. »

Tandis qu'il pose ses lèvres sur les miennes, je prends conscience que je ne pourrai pas faire machine arrière. Cet être fantastique, que je n'avais jusque-là rencontré que dans des livres de contes, m'a choisi. Moi, Izuku Midoriya, l'héritier maladroit et désespérément romantique, ai été élu par Katsuki... mon prince de la chance.

Finalement, je suis heureux que la Faucheuse m'ait relâché.

Le baiser s'achève. Alors, je souffle :

« La vie commence pour toi et moi. »


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Je pense que ce troisième OS est mon préféré! C'est le plus court du recueil (hors drabble), mais j'ai pris énormément de plaisir à l'écrire. 🥰

Sûrement parce que La Petite Sirène est le Disney de mon enfance... 🧜‍♀️

Comme d'habitude, j'espère que tu as passé un bon moment. 💜

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