Chapitre 46 : M E D I C I N E

La sentence est tombée :

Un rendez-vous semaine pendant un mois pour commencer puis nous aviserons. Sevrage en ambulatoire, c'est-à-dire pas d'internement, enfin d'hospitalisation comme il disent pour que ce soit plus doux, et une ordonnance de quelques médicaments à prendre de façon journalière.

Sans réellement m'en rendre compte, je signe le contrat d'acceptation du traitement, ma main serrant fort celle d'Andrea.

"Très bien. Comme vous avez tout juste 18 ans, vous pouvez encore bénéficier du programme d'aide mis en place par l'état, il vous faudra remplir un formulaire, version papier à retourner à la mairie, ou alors version numérique sur le site gouvernemental suivant."

Elle me montre le lien au bas d'un flyer et je hoche la tête.

"La cure sera donc totalement gratuite, je suppose que cela te rassure."

Encore une fois, je hoche doucement la tête, parce que je ne sais pas comment j'aurais pu assurer financièrement les coûts et dépenses liées à cette dernière, parce que même si Andrea refuse toujours de me faire payer un loyer -pécunièrement du moins- je n'ai plus aucune rentrée d'argent depuis que j'ai quitté mon job comme caissier quand j'ai changé de ville pour la seconde fois. Il serait d'ailleurs tant que je recherche un nouvel emploi, je pourrais retourner voir mon patron d'il y a un an, il accepterait peut-être de me reprendre. Quoi que, je n'ai jamais été très avenant et aimable pendant toute la durée de temps que j'ai travaillé pour lui, pour finir par démissionner du jour au lendemain, alors je doute qu'il me fasse cette fleur.

« Bon, ce sera tout pour aujourd'hui, je t'imprime l'ordonnance et tu pourras aller chercher tes médicament à la pharmacie. Je pourrais aussi ajouter une boite d'antidépresseurs au besoin puis que 80% des cas de sevrages entraient un épisode dépressif, mais rien de grave tu n'as pas à t'en faire pour ça pour le moment. »

Dépression. Ce mot me hante.

« D'accord. » Soufflé-je sans lever les yeux du carrelage au sol, toute cette conversation me perturbe.

« Dans ce cas je te revois dans une semaine, sauf si tu as des questions avant cette date-là. »

Je hoche la tête et me lève, Andrea dit au revoir à ma place, parce que vraiment, là, je n'en ai absolument pas la force, et il me rejoint dans le couloir.

Sans oser croiser son regard, je continue de marcher droit devant moi, les mains dans les poches. J'entends Andrea trottiner derrière moi, mais je ne ralentit pas le pas, j'ai bien trop peur de craquer si je me laisse le temps de réfléchir à tout ce qu'il vient de se passer.

"Éos ?"

Je l'ignore.

Et je sais que c'est dégueulasse, de lui avoir demandé de m'accompagner pour l'ignorer par la suite, mais je ne sais que faire autrement, j'ai l'impression que dès que je monte d'un cran sur l'échelle qui me permettrait de sortir du trou, dès que je crois être plus ou moins tiré d'affaires, le barreau sur lequel je me repose cède et de nouveau je dégringole.

Arrivé dehors, je lève les yeux vers le ciel sombre pour retenir les larmes qui menacent de couler, puis je monte dans ma voiture, claquant la portière.

J'ai cru que je serais assez fort, que tout pourrait bien se passer, mais en serrant l'ordonnance dans ma main, je me revois, enfant, aller chercher les médicaments pour ma mère alors que mon père cumulait les emplois, de jour comme de nuit, je revois ses crises de démence, celles où elle me faisait peur. Je ne veux pas finir comme elle, jamais.

J'entends Andrea prendre place sur le siège passager, puis il se tourne vers moi et murmure :

"Hey, tu veux en parler ?"

Je daigne enfin le regarder, et sans rien ne pouvoir y faire, j'éclate en sanglots.

"Putain je m'sens tellement stupide..."

"Faut pas dire ça. Et faut pas pleurer. Faut pas pleurer parce que ça va aller. Toi et moi, on est de ceux qui guérissent, pas vrai ?"

J'expire doucement, la respiration tremblante alors que quelques larmes salées coulent jusqu'à mes lèvres gonflées d'avoir été mordues pour tenter de retenir mes larmes, en vain.

"L'histoire se répète..."

"Quoi ? Qu'est-ce que tu veux dire par là ?" Interroge Andrea, plongeant son regard dans le mien.

"Je vais commencer avec ces quatre putains de boites de médocs, puis dans un mois il y en aura six, et il faudra augmenter les doses, puis les antidépresseurs, et les insomnies, je vais finir comme ma mère, à plus pouvoir reconnaître les gens qui compte, je ferais des crises, violentes, constantes, puis tu t'en iras, parce que je t'aurais blessé, pour la fois de trop. Et je vais recommencer à boire, pour oublier la douleur que jaurais au fond de mon cœur, toi tu referas ta vie, avec un gentil garçon, et c'est peut-être mieux. Je pourrais crever comme ça seul, à mélanger alcool et médicaments, mon corps craquera, les médecins diront que c'est un suicide, et au fond ils auront peut-être raison, et je manquerais à personne..."

Mon souffle s'accélère, un sanglot douloureux au fond de la gorge m'empêcher de continuer, il m'étouffe et j'en tremble.

Je crois qu'Andrea prend conscience seulement à ce moment d'a quel point je suis en vrac, au fond du gouffre, au moment où il pose sa main sur ma nuque, et que je frissonne en tentant de reprendre mon souffle, laborieusement, en reniflant salement.

Je pose ma tête contre l'appuie-tête ferme les yeux puis souffle un coup dans l'espoir de me calmer. Quand j'ouvre de nouveau les paupières, le souffle toujours saccadé, je suis éblouis par les derniers rayons de soleil aux lueurs orangées qui se reflètent sur les vitres de l'hôpital.

Ses doigts tracent toujours le petits cercles sur ma nuque, pour me détendre. Puis, voyant que j'ai besoin de plus, il se lève de son siège, passe au dessus du levier de vitesse pour venir s'asseoir sur mes genoux, ses cuisses de chaque côté des miennes.

"Et, regardes-moi. Fais moi voir tes jolis yeux."

Je plonge mon regard dans le sien, et il m'offre un de ses splendides sourires dont lui seul a le secret.

"Je te laisserais pas tomber, jamais. Alors sors-toi cette idée de ta jolie tête. Je t'aime. Et c'est tout ce qui importe. Je vais être avec toi, à te soutenir."

Il prend ma main pour lier ses doigts au mien, puis il embrasse le dos de ma main.

"Je vais pas te mentir, ça va être dur. Très dur. Je peux même pas imaginer. Mais je vais pas te lâcher. Et tu vas t'en sortir, parce que tu as cette force en toi qui t'a permit de t'en sortir seul, jusqu'à maintenant. Mais tu n'es plus seul. Je peux pas te promettre d'être parfait, de toujours savoir quoi faire, mais je peux te jurer de ne jamais perdre foi en toi, en nous. Parce qu'on a déjà trop souffert pour qu'au final on ai pas droit à cette putain de belle histoire, celle qui nous fout des papillons dans le ventre, j'te jures qu'au final on s'ra heureux. Comme jamais personne ne l'a été."

Il ne reste de mes larmes que les sillons sur mes joues humides, et ma respiration est toujours un peu saccadée quand Andrea me souffle :

"Maintenant fais-moi un beau sourire."

Je tente une petite grimace et il semble s'en satisfaire, puisqu'il dépose ses lèvres sur les miennes, collant son torse au mien. Je passe une main sous son manteau puis sa chemise, et il cambre son dos, pressant son entrejambe à la mienne, se soutirant un petit gémissement d'envie.

"On rentre chez toi ?"

"On passe pas à la pharmacie avant ?"

"Ça doit être fermé à l'heure-ci, on ira demain."

La vérité, c'est que même si c'était encore ouvert, je n'aurais pas la force d'y aller ce soir. Tout ce que je veux c'est pourvoir me coucher, mon châtain à mes côtés, et oublier cette journée.

"Ok. Alors on rentre à la maison."

A la maison.

Il n'a pas idée de l'effet que ces mots ont sur moi.

Après un dernier baiser dans mon cou, il se réinstalle convenablement sur son siège, et je mets le moteur en marche.

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