𝐗𝐕 | 𝐂𝐞𝐥𝐞𝐛𝐫𝐚𝐭𝐢𝐨𝐧

L'image en media représente presque exactement Seungmin, le papa de Taehyung !

Juste le visage un peu plus balafré et il ressemble plus à son fils ^^





Quelques jours plus tard, dès l'aube, le campus de Sungkyunkwan vibrait d'une effervescence matinale rare.

Depuis plusieurs jours, l'ordre des cours avait été bousculé, les leçons allégées, les examens reportés. Tous ; professeurs, étudiants et domestiques s'affairaient à préparer les festivités marquant le cent cinquante-septième anniversaire de la vénérable institution.

La tension montait alors que le jour fatidique approchait.

L'école s'apprêtait à accueillir les émissaires de la reine et du yangban, et tout devait être parfait pour honorer ces nobles visiteurs.

Parmi tous les invités, nul n'était plus remarquable que l'idée de la future présence du ministre de la Guerre, le général des armées ; Kim Seungmin. Sur le campus, alors que les préparatifs battaient leur plein, son arrivée imminente en fin de matinée marqua un tournant à Sungkyunkwan : c'était un honneur rare d'accueillir un homme de sa trempe.

À l'opposé de cette grandeur, l'indolent Taehyung se terrait dans un obscur recoin des archives, fuyant cette imposante figure paternelle qui arriverait bientôt.

Là, il nourrissait l'espoir utopique d'échapper à toute obligation de travail et de civilités. Il savait que la présence de son père entraînerait inévitablement une série de conversations pesantes et intrusives avec les nobles de la cour et il haïssait devoir faire bonne figure alors qu'il ne souhaitait rien d'autre qu'ils se taisent.

Il échappait aussi à l'inévitable : chaque fois que son père posait les yeux sur lui, une litanie de recommandations s'ensuivait. « Tu es trop maigre », « Viens t'entraîner », « Un fils de soldat ne peut pas se laisser aller ainsi » — autant de reproches lancés avec la même intention protectrice, mais si pesants pour Taehyung.

Il chérissait son père, leur lien frôlait la complicité d'un duo inséparable et il se considérait comme chanceux d'avoir un père tel que Seungmin. Mais il préférait la finesse de l'esprit à la rigueur du corps, fuyant les yeux perçants de celui qui, pourtant, ne lui imposait jamais de véritables contraintes.

Peu à peu, l'école abandonna son apparence familière pour se parer de teintes festives et éclatantes. De vastes banderoles garnies de rubans se déployaient fièrement sur le portail et autour des bâtiments.

Dans la cour, des tentes élégantes s'élevaient, accueillant les longues tables où seraient disposées les agapes du banquet. Les dortoirs et les salles de classe, méticuleusement aérés et nettoyés, respiraient la fraîcheur. Les uniformes des élèves suspendus sur des cordes tendues ondoyaient doucement sous le souffle du vent.

Jungkook vibrait d'énergie. L'anticipation des jours à venir avait dissipé toute trace de fatigue accumulée par les longues heures de préparatifs. Même les désillusions provoquées par les impasses du secret paternel s'étaient évanouies.

Mais pas cette tristesse latente qu'il ressentait face à un Namjoon feignant la sérénité, lorsqu'ils se retrouvaient la nuit, dans l'intimité de leurs chambres.

Namjoon lui souriait encore, provoquait toujours ses rires, le blottissait dans ses bras, alors que Jungkook devinait son cœur en miettes. Ils n'avaient pas la force de se quitter, incapables de l'envisager.

Alors, dans un accord tacite, ils feignaient que leur discussion, où Namjoon avait ouvert son cœur et Jungkook l'avait repoussé, ne les avait jamais brisés.

Et, deux semaines plus tard, Jungkook était résolu à savourer la fête, libéré pour cette journée du poids de ses tourments.

Mais pas libéré de la lourdeur de son cœur vis-à-vis de Namjoon. Il ne pouvait chasser de sa mémoire le sanglot déchirant de ce dernier. Et pourtant, dès l'aube suivant la confession, malgré ses yeux rougis et sa voix légèrement éraillée, Namjoon s'était comporté comme si l'amour de sa vie ne l'avait jamais repoussé.

Il souriait, plaisantait, se dissimulant derrière cette façade.

Et Jungkook s'était senti comme le plus vil des lâches.

Après une douche revigorante, Jungkook ramena ses cheveux en une demi-queue-de-cheval élégante, se brossa les dents, enfila son uniforme parfaitement repassé, se parfuma, glissa ses pieds dans ses sandales et quitta le dortoir, où Seokjin l'attendait déjà au pied du bâtiment.

« Bien dormi ? demanda Seokjin en glissant un bras autour de son cou, ébouriffant ses cheveux soigneusement coiffés avec amusement.

— Arrête, j'ai passé du temps à arranger mes cheveux ! protesta-t-il en réajustant sa coiffure, bien que son visage soit illuminé par un sourire. J'ai dormi comme un roi ! Où sont les autres ? Encore en train de paresser au lit ?

— Tu plaisantes ! Mingyu a rejoint les organisateurs, Yoongi perfectionne son poème, et Namjoon vérifie minutieusement son matériel, un vrai maniaque si tu veux mon avis. Hoseok n'est pas encore apparu. Quant à Taehyung, il a été débusqué de sa cachette par son père et Kwon seonsaeng, et l'ont inscrit aux épreuves de lutte, acheva-t-il dans un ricanement.

— Pauvre Tae hyung, lui qui fuyait justement ça... », s'esclaffa Jungkook.

Ils firent leur chemin vers la cour principale en se moquant gentiment des mésaventures de leur ami.

Leur professeur d'éducation sportive, Kwon, nourrissait l'espoir aussi vain qu'illusoire de transformer Taehyung en un guerrier parfait, digne de son paternel, le général. Pourtant, Taehyung avait toujours défié cette noble ambition, son esprit plus enclin à des études érudites dans les lieux les plus divers et aux heures les plus improbables.

L'aube baignait encore l'école de sa lumière douce et dorée.

Bien que la délégation royale ne fût attendue qu'en fin de matinée, un long tapis rouge sombre s'étirait déjà depuis l'entrée jusqu'à l'estrade où siègeraient les éminents représentants de la cour royale.

De chaque côté, les résidents de Sungkyunkwan vêtus de leurs uniformes et parures de cérémonie, se tenaient prêts à offrir un hommage vibrant et, pour certains, peut-être sincère à leurs prestigieux invités.

Ils tombèrent nez à nez avec Hoseok qui sortait du dortoir des septièmes années.

« Bon sang, Hoseok, tu embaumes l'air ! s'exclama Jungkook sans détour.

— Vraiment ? J'ai seulement appliqué un peu d'huile essentielle au jasmin.

— Un peu ? On dirait plutôt que tu as vidé tout le flacon !

— Serait-ce pour séduire la belle Han ? ajouta Seokjin avec une pointe de malice.

— Mais bien sûr, plaisanta Jungkook avec un sourire. Espérons que son odorat soit moins sensible.

— ... J'ai vraiment exagéré ? demanda Hoseok, inquiet, en humant ses vêtements.

— Observe tous ces gens qui te lancent des regards désapprobateurs, leur manche couvrant la moitié de leur visage. Voilà un indice infaillible. »

Hoseok laissa échapper un soupir découragé, décidé à atténuer les forts relents de son parfum. L'art de la séduction, réalisait-il, n'était rien d'autre qu'un maudit tissage de complexités inutiles.

« Ne fais pas cette tête, hyung, je vais t'aider, railla Seokjin. Allons dans ta chambre. »

Jungkook les délaissa pour se diriger vers le terrain d'entraînement, afin d'aider à finaliser la préparation de l'arène pour les compétitions sportives du jour.

Sur son chemin, il passa près des cibles rutilantes. Il distingua la silhouette noble de Namjoon, absorbé dans les préparatifs de son arc. Il vérifiait avec soin la courbure, testait la corde, et inspectait chaque flèche avant de les ranger avec une méticulosité exemplaire.

Discipline de rigueur et de précision, le tir à l'arc convenait parfaitement à Namjoon, dont la sérénité et l'intensité tranchaient avec l'impatience et le feu de Jungkook. Admiratif, ce dernier esquissa un petit sourire épris, bien qu'un brin mélancolique. Son cœur battait frénétiquement dans sa poitrine en le contemplant un petit moment. Puis, il se retira discrètement, veillant à ne pas troubler la concentration de Namjoon.

Peu à peu, le ciel se colora d'azur, laissant le soleil gravir lentement son zénith. La tension s'éleva comme une vague prête à déferler.

Les premiers invités franchirent le seuil, tandis que les étudiants, ceux qui n'étaient pas déjà absorbés par les tâches d'organisation et de nettoyage, furent appelés en renfort.

Ils prirent en charge les nouveaux venus, leur offrant une visite guidée du campus avant de les conduire, avec un sourire avenant, vers les sièges stratégiquement placés qui leur étaient destinés en fonction du statut hiérarchique de chacun.

En raison de l'exiguïté des lieux pour un tel événement, les citadins avaient élu des émissaires, représentant chaque quartier et chaque corporation. Avec une joie non dissimulée, Jungkook conduisit les gracieuses courtisanes du Jardin des Lys et des Cèdres à travers les corridors et les salles de l'école, leur dévoilant chaque recoin avec une joie non feinte.

Enfin, le cortège venu du palais s'avança majestueusement vers les portes imposantes de la Sungkyunkwan.

En tête de cette procession solennelle, Kim Seungmin se tenait droit et fier, chevauchant son destrier au pelage blanc. Entre ses bras puissants, les rênes fermement tenues, il veillait sur l'élégante silhouette de son épouse, installée devant lui. Assise en biais, sa robe s'écoulait en un flot gracieux le long du flanc droit de l'animal comme un ruisseau argenté, tandis que ses mains fines étaient élégamment posées sur l'encolure de l'étalon massif.

Seungmin était revêtu de sa plus belle armure d'apparat qui étincelait sous le soleil. Chaque détail de sa tenue témoignait de son rang. Un plastron d'apparat magnifiquement décoré scintillait à la lumière du jour, renforçant son aura de commandement.

Descendant de cheval avec l'aisance d'un seigneur, il aida son épouse à mettre pied à terre, gardant sa petite main nichée dans la sienne. Il se tenait comme une montagne parmi les hommes, dominant l'assemblée d'une tête. À ses côtés, sa femme semblait frêle dans cette mer de regards.

Elle portait un hanbok blanc et argenté dont les plis légers épousaient gracieusement ses mouvements. La jupe blanche contrastait magnifiquement avec sa veste courte ornée de motifs d'argent et de broderies. Ses cheveux soigneusement relevés en un chignon étaient tenus par un binyeo ciselé. Elle incarnait la noblesse et l'harmonie parfaite entre la grâce d'une dame de cour et la force d'une épouse de général.

Ce dernier contrastait avec sa carrure imposante. Ses larges épaules inspiraient à la fois admiration et crainte. Ses traits harmonieux témoignaient d'une beauté brute. Balafré de cicatrices, son visage trahissait une vie sur les champs de bataille. Chaque stigmate était une victoire arrachée au prix du sang.

Pour certains, ces marques le rendaient effrayant, presque inhumain, mais pour ceux qui le connaissaient, elles n'étaient que le reflet de sa bravoure inébranlable et de son dévouement absolu pour la nation.

Malgré son apparence intimidante, il était profondément aimé et respecté. Il dégageait une chaleur rare chez un homme de son rang. Chacun savait que derrière cette stature imposante se cachait un ministre juste et protecteur, capable de compassion autant que de discipline.

Lorsque ses yeux percèrent la foule, un mélange de révérence et d'admiration se lisait dans les regards qui le croisaient. Il n'avait nul besoin de lever la voix pour être obéi ; sa simple présence commandait l'attention et la loyauté de tous ceux qui croisaient son chemin.

Et lorsqu'il posait le regard sur sa compagne, l'amour et le respect éclataient dans ce silence éloquent que chacun pouvait lire. Parfois, il se penchait doucement vers elle, glissant à son oreille des mots qu'elle seule pouvait entendre, et alors, un rire timide et cristallin lui échappait, une main cachant ses lèvres carmin.

Les observant attentivement, Jungkook perçut derrière le casque imposant le sourire calculé du général, une volonté de fer et une soif insatiable de pouvoir, caractéristiques des hommes qui avaient gravi les échelons de la hiérarchie.

Lorsqu'il regarda la mère de Taehyung, Jungkook sourit, décelant en elle une certaine pudeur. Elle était dotée d'une beauté saisissante. Ses traits semblaient capturer la lumière. Ses yeux brillaient d'un éclat doux. Ils hésitaient à se fixer, glissant furtivement autour d'elle, comme cherchant à se dissimuler derrière une timidité touchante. Pourtant, chaque fois que son regard croisait celui de son époux, un petit sourire apaisait cette retenue fragile, et elle trouvait refuge dans la présence attentive du général qui semblait la choyer comme une fleur délicate.

Tous les regards s'étaient tournés vers eux, les observant en silence, scrutant chaque détail. D'aucuns nourrissaient une amertume secrète mêlée à de l'admiration jalousement gardée.

Ils étaient splendides. Jungkook devinait avec émerveillement la source ineffable du charme affolant de Taehyung ; il était l'héritier d'une beauté rare, un mélange parfait de ses deux parents.

Il se surprit à se demander comment de telles personnes de haute volée avaient pu engendrer un fils aussi insouciant et joyeux que Taehyung, avant de pouffer.

Et ainsi, porté par le flot de ses pensées, il se retrouva à imaginer son père et celui de Namjoon aux côtés de Kim Seungmin, leur ami le plus fidèle, celui qui, même aujourd'hui, ne cessait visiblement de vouloir les venger.

Refusant de laisser ses tourments ternir sa journée, il chassa de son esprit l'image de son père, mais il ne peut alléger son cœur davantage alourdi par une peine tenace.

Derrière le général, une procession d'hommes armés avançait, fièrement menée par des capitaines et officiers s'étant illustrés dans les récents affrontements politiques et les luttes de pouvoir à la cour royale.

Parmi ces silhouettes, Jungkook espérait reconnaître Kim Sooyeon, scrutant en vain les seuls traits féminins parmi ces guerriers qui auraient pu rappeler ceux de Namjoon.

Plus loin, les nobles et leurs épouses se dissimulaient derrière les tentures somptueuses de leurs carrosses, tandis qu'une myriade de domestiques et de servantes, courbés sous le poids des effets personnels de leurs maîtres, s'affairaient.

Enfin, le reste des hommes aguerris de Seungmin fermaient la marche, discutant paisiblement tout en gardant un œil vigilant sur les environs.

Agenouillé parmi les élèves de l'école, Namjoon leva légèrement la tête, ses yeux scrutant les visages des nobles et des militaires défilant au milieu de la cour. Sur les estrades réservées aux invités de marque, le doyen Jeong, entouré des professeurs les plus anciens et respectés, attendait avec dignité.

Aux côtés de son épouse, le général Kim retira son casque qu'il glissa sous son bras, laissant apparaître une demi-queue sur ses cheveux mi-longs noirs, des mèches reposant le long de sa tempe. D'un geste empreint de respect, mais avec une chaleur certaine, il salua le doyen.

Namjoon n'avait pas oublié que, dans sa jeunesse, Seungmin avait étudié à Sungkyunkwan. Un fin sourire effleura ses lèvres lorsqu'il se remémora l'anecdote cocasse du doyen, imaginant le « trio infernal » relâchant les poules en furie dans cette même cour.

Mélancolique, le cœur en lambeaux, son regard se perdit dans la foule, emporté par la douce vague de souvenirs heureux aux côtés de ses parents.

Une silhouette féminine et élancée se dessina dans son champ de vision, tel un spectre surgissant du passé.

Un accroc brutal à sa respiration accompagna le bond violent de son cœur, qui tambourina avec une force inouïe. La scène devant lui devint floue, comme noyée dans une brume épaisse, alors que son souffle s'accélérait, incontrôlable. Ses mains se crispèrent en deux poings de fer, maltraitant les plis délicats de son hanbok pour dissimuler leur tremblement irrépressible.

Son regard aussi sombre que la nuit la plus noire, ne quittait plus la femme qui l'avait mis au monde.

Une vague déferlante de choc, de colère et de haine ne cessait de le submerger. Les souvenirs douloureux remontèrent à la surface, chaque image intensifiant l'amertume de son cœur. Sa mâchoire se serra, les coins de ses lèvres tremblèrent légèrement, mais il ne détourna pas les yeux. Il fixait son profil avec une intensité brûlante, comme s'il pouvait, par la seule force de son regard, lui faire ressentir la profondeur de sa douleur et de son ressentiment.

Sooyeon rejoignit Seungmin et se tint à présent debout derrière le fauteuil de son supérieur. Vêtue d'une sobre armure noire brodée d'argent, elle venait tout juste de retirer son casque, laissant apparaître une beauté frappante, empreinte d'une noble gravité.

Namjoon fixa les traits sereins de sa mère, marqués cependant par la fatigue des deux heures passées à cheval. Ses yeux aussi sombres que les siens reflétaient la détermination. Sa peau naturellement hâlée témoignait de son lien avec lui. Sa chevelure plus longue que dans ses souvenirs cascadait en une queue-de-cheval haute, quelques mèches encadrant son visage avec une élégance sauvage.

Malgré les épreuves, Sooyeon restait une femme d'une beauté indomptable, son allure moins imposante illuminée par une lueur d'acier et de froideur.

Sooyeon était restée presque inchangée depuis leur dernière rencontre, dix années auparavant. Namjoon avait alors onze ans.

Le souvenir afflua.

De retour d'une campagne militaire, le régiment de Sooyeon s'arrêta près de la ville où la tante et les cousins de Namjoon avaient recueilli ce dernier. Il rentrait d'une journée d'errance dans les champs lorsqu'un soldat à l'allure féminine, monté sur un impressionnant étalon à la robe baie, apparut devant lui. La femme mit pied à terre et s'approcha du garçon figé au milieu du sentier bordé d'herbes folles.

Mère et fils se scrutèrent longuement dans un silence tendu, seulement troublé par le souffle tiède du vent descendant des collines embrasées par le soleil couchant. Sooyeon fait un pas de plus, tendant le bras vers son enfant abandonné aux soins de sa sœur. Les poings serrés, Namjoon poussa un cri de rage et cracha aux pieds de sa mère avant de tourner les talons et de s'enfuir, loin de cette femme qu'il haïssait à s'en brûler son petit cœur d'enfant brisé.

L'âme en émoi, le cœur si oppressé que ses entrailles en étaient nouées de nausée, Namjoon exhala un souffle tremblant, reléguant ce souvenir bouleversant dans les recoins sombres de sa mémoire.

Comment avait-elle osé se présenter devant moi après m'avoir abandonné ?

Il se reprocha de n'avoir pas su maîtriser son élan de colère et de haine, de ne pas avoir écouté ce qu'elle avait probablement tenté de lui dire, ce jour-là. Il aurait pu poser des questions, percer les mystères, découvrir la vérité.

Avec une lenteur calculée, il fit glisser sa main sous sa manche, ses doigts effleurant à peine la poignée boisée du canif qu'il avait dissimulé à l'aube.

Il ignorait pourquoi il s'était ainsi armé, mais une force irrésistible l'avait poussé à le faire. Ce qu'il savait avec certitude, c'est que l'urgence avait résonné en lui comme un coup de tonnerre. Il avait attendu patiemment que Jungkook disparaisse de sa chambre afin de se préparer, puis, enfin seul, le couteau en main, il avait senti son anxiété s'atténuer.

La rage monta en lui lorsque Sooyeon s'inclina devant le général pour recevoir un ordre. Tournée légèrement de côté, sa mère révélait le motif brodé sur la manche de son vêtement.

La silhouette d'un paon, plumes déployées avec majesté.

L'emblème de leur lignée.

Namjoon réprima de justesse un grondement sourd.

Comment ose-t-elle... comment cette traîtresse ose-t-elle porter l'insigne de notre famille, sa propre famille qu'elle avait obstinément déshonorée avant de la réduire en cendres ?

À l'abri des regards, Namjoon sentit son corps réagir avec une violence qu'il peinait à contenir.

Ses poings se serrèrent si fort que ses ongles s'enfoncèrent dans sa paume, laissant des croissants rouges sur sa peau. Sa mâchoire se crispa, et un léger goût métallique envahit sa bouche lorsqu'il mordit sa langue pour empêcher à nouveau un cri de fureur. Une chaleur brûla son visage, tandis qu'un tremblement incontrôlable parcourait ses muscles tendus.

Il oscillait entre laisser couler un torrent de larmes et hurler l'immensité de sa douleur.

Chaque battement de son cœur résonnait comme un tambour de guerre, alimentant une haine incandescente qu'il devait réprimer sous un masque de froide indifférence.

Il nourrissait en silence sa rage tandis que les discours solennels honoraient d'abord la reine, puis le yangban Insoo malgré son absence, suivi par les émissaires de la cour, évoquant ensuite les illustres figures qui avaient marqué l'histoire de l'école, avant de conclure par les louanges au vénérable doyen.

Namjoon s'éclipsa dès que le protocole le permit, laissant la délégation royale se préparer pour les commémorations au temple qui avait été parfaitement nettoyé et décoré. Tandis qu'il regagnait le jardin isolé, un bras familier se noua autour de ses épaules. Il sursauta à peine, sachant que seule une personne pouvait se permettre une telle proximité sans se voir rejetée.

« C'était d'une monotonie exaspérante », soupira Jungkook, littéralement suspendu à son cou.

Namjoon demeura silencieux, se contentant de le contempler. Il n'en pensait pas moins. Les grandes cérémonies n'avaient jamais été son fort, et celle-ci, plus que les autres, éprouvait ses nerfs à l'extrême.

D'un geste tendre, il saisit sa manche, scrutant furtivement les alentours pour s'assurer qu'ils n'étaient pas observés, avant de tirer Jungkook derrière le large tronc d'un arbre centenaire, assez épais pour dissimuler leurs deux silhouettes massives.

Namjoon ne put s'empêcher d'entourer ses bras autour de sa taille et déposer un baiser tendre et appuyé sur sa pommette. Jungkook sourit timidement, les joues rosies, absolument ravi.

La même mélancolie familière l'accabla. Il savoura néanmoins la présence de Namjoon qui le fixait comme s'il le voyait pour la première fois.

Il m'aime.

Son cœur se compressa douloureusement.

« Je te manquais, hyungie ? », susurra-t-il en entourant son cou de ses bras, ses paupières alourdies sous l'intensité de son regard.

Namjoon se sentait apaisé, happé par Jungkook, dont la beauté était sublimée par la lumière du jour. L'astre solaire dessinait les contours de son visage, un équilibre parfait entre tranchant et douceur, tandis que ses yeux sombres comme la nuit se teintaient de milliers d'étoiles, reflet du ciel éclatant.

Brisé ou non, son cœur ne manquait jamais de se déployer, chaque battement chantant une louange à cet être.

Sublime. Un ange échoué parmi les humains.

Namjoon gardait espoir, un éclat tenace au fond de son cœur ; Jungkook ne lui avait jamais explicitement demandé d'abandonner la bataille qu'il menait pour eux deux, pour ce « nous » qu'il désirait si ardemment.

C'était là qu'il trouvait la force de continuer. Comment aurait-il pu chasser Jungkook de sa vie, renoncer à ses rires partagés, à la chaleur de leurs étreintes, aux baisers volés dans l'intimité ?

Il était un homme de parole. Alors il se battait.

Chaque sourire de Jungkook, chaque regard, renforçait son engagement, même si son cœur portait encore les cicatrices du rejet. Son amour blessé pulsait encore d'un espoir obstiné. Car au-delà de la douleur, il y avait cet espoir qui lui murmurait que tout n'était peut-être pas perdu.

Peut-être.

Jungkook méritait ce combat, ce courage cruel.

Peut-être...

Même si cela signifiait pour Namjoon de vivre encore un peu plus longtemps avec ses sentiments déchirés.

« Tu as un tel pouvoir lénifiant, mon plus bel ange... Je ne ressens plus de colère », murmura-t-il, ces mots échappant de ses lèvres sans que son esprit les ait dictés.

Son cœur avait parlé.

Jungkook tressaillit. Ses joues s'embrasant d'une teinte vive à l'évocation du nouveau surnom. Sous le regard à la fois révérencieux et malicieux de Namjoon, ses yeux se firent fuyants, et un petit grommellement gêné lui échappa.

Mais avant même qu'il proteste pour la forme, Jungkook se souvint des mots prononcés.

« A... attends. La colère, tu as dit ? »

Le sourire de Namjoon s'effaça instantanément. Ses traits se durcirent. Ses yeux se perdirent dans le vague.

« Je l'ai vue. »

Jungkook fronça les sourcils, confus. Puis il comprit.

« Ta mère... », souffla-t-il après un moment de silence.

Il le comprit dans le regard de Namjoon où grondaient des sentiments écorchés, l'âme en naufrage.

Et le cri silencieux d'un amour maternel jamais comblé.

« Elle a l'audace de porter notre blason... »

Jungkook perçut le venin dans sa voix. Il sentit les mains de Namjoon se resserrer autour de sa taille. Ses muscles étaient tendus. Son corps contre le sien, un champ de bataille où l'honneur et la trahison s'affrontaient sans relâche.

Déplorant son impuissance, Jungkook ne pouvait qu'être témoin des tourments qui rugissaient en Namjoon, navré. Il se sentit mal. Il n'aspirait qu'à une chose : l'apaiser d'un simple claquement de doigts.

D'un simple baiser.

Son esprit s'éteignit, entièrement focalisé sur Namjoon.

Envolée, la lucidité.

Emportée, la crainte.

Sans plus une once de prudence, il abandonna la vigilance de son regard sur le monde dangereux qui les entourait.

« Dès l'instant où je l'ai vue, j'ai ressenti un tel malaise durant tout le reste de la cérémonie, Jungkook. J'ai vraiment dû me maîtriser, tu n'imagines pas à quel p... »

Il se tut, ses lèvres effleurées par une paire douce et éthérée. Cette caresse le surprit, chassant l'orage de ses pensées.

« Namjoon, viens à moi chaque fois que tu te sens mal. Je préfère t'avoir à mes côtés que te savoir seul face à tes tourments », réclama-t-il dans un murmure soucieux.

Ses yeux trahissaient le regret de ne pas avoir été près de lui lorsque Namjoon avait croisé sa mère.

« Et si tu envisages d'entreprendre quoi que ce soit, attends que je sois là pour... »

Namjoon détourna aussitôt les yeux, éveillant la suspicion de Jungkook, qui s'était tu en le fixant, troublé.

« Namjoon », souffla-t-il d'un ton doux, mais réprobateur.

Namjoon ferma les yeux avant de lâcher un soupir ténu. Il souffrait. La douleur qui se lisait sur son visage fut si poignante que Jungkook en sentit son cœur se tordre.

L'âme lourde de chagrin, Jungkook saisit doucement le visage de Namjoon entre ses mains. Son cœur s'emballa lorsque leurs regards se croisèrent. Namjoon, si beau, si fier, avec son port altier et ses traits nobles, lui avait toujours paru comme un roi au milieu des hommes. Ses yeux parcouraient avidement chaque détail de ses traits, chaque ombre et chaque lumière, comme s'il voulait graver cette image derrière ses paupières pour le voir chaque fois qu'il fermait les yeux.

Le regard brillant de Jungkook pénétrait son âme. Il émouvait Namjoon. Il se demandait si les sentiments de Jungkook pouvaient égaler la profondeur des siens, s'il pouvait espérer un écho à la hauteur de son amour brûlant.

Le désir de voir cet amour accepté le consumait, mais la peur d'un rejet définitif pesait lourd sur lui. Dans un instant d'angoisse, il imagina son existence sans la lumière de Jungkook. Cette pensée fit se serrer son cœur jusqu'à lui arracher un souffle tremblant.

Une vie sans Jungkook... Un gouffre béant, terrifiant.

L'obscurité l'engloutirait, le laissant dénué de tout éclat, privé de sens.

La terreur le dévorait, lui broyant cruellement le cœur jusqu'à l'étouffer.

Mieux valait disparaître, s'effacer égoïstement, plutôt que de survivre dans ce néant effroyable, déchiré par son absence.

Il était désespérément dépendant, il le savait.

Il ne tiendrait pas, il en était certain.

Sa dépendance lui était peut-être dangereuse, mais qu'importe.

Tout ce qu'il savait, c'était que cette séparation serait l'épreuve ultime, son ultime chute, après tant d'autres.

« Namjoon ? », souffla Jungkook, inquiet face au soudain trouble dans ses yeux.

Il percevait le tambour affolé du cœur de Namjoon contre sa poitrine qui l'inquiétait davantage. Et ce rythme éperdu enchaîné à son regard où se mêlaient effroi et accablement l'alarmait.

« Embrasse-moi, je t'en supplie », chuchota Namjoon, les yeux légèrement embués.

Sa voix fragile et vacillante se brisa dans l'air matinal tel un cri éperdu cherchant refuge.

Jungkook répondit dans la seconde. Il cueillit ses lèvres avec douceur insoupçonnée, l'embrassant avec une lenteur insupportablement délicieuse.

Le souffle de Namjoon frémit. Cette douceur, cette lenteur, cette langueur... Un frisson agréable lui parcourut l'échine, une chaleur envahit sa poitrine, chaque cellule vibrant sous l'étreinte de Jungkook, chaque fibre de son être s'éveillant à sa présence.

Leurs baisers n'étaient jamais qu'un simple contact de chair. C'était une communion, un pont vibrant entre deux âmes, un élan qui liait leurs cœurs battants.

Dans cet échange, Jungkook s'exprimait. Ses lèvres étaient des messagères indicibles. Elles murmuraient ce que sa voix ne pouvait porter. L'amour. Le dévouement. L'infini de ses sentiments qu'il peinait à pleinement accepter par peur.

Tout se cristallisait là, dans ce geste simple, mais intime, bouleversant.

Namjoon soupira dans le baiser. Il retrouva la sérénité. Il avait tout ressenti, il s'était pleinement concentré sur ses émotions. Sur la quintessence de l'amour qui les liait. L'affect silencieux partagé.

Chaque instant avait valu l'éternité.

Deux voix lointaines les arrachèrent l'un à l'autre, leurs lèvres brusquement rompues par la peur d'être découverts.

Ils restèrent là, pourtant, dans les bras l'un de l'autre, enlacés, leurs poitrines se touchant, les joues brûlantes. Jungkook esquissa un rictus timide, béat, tandis que Namjoon laissait fleurir sur ses lèvres un sourire doux et amoureux. Tels des papillons curieux, leurs regards s'échappaient, volaient, brillaient, explorant chaque contour du visage de l'autre avec une tendresse émerveillée.

Les voix s'approchaient.

La tristesse voilait leurs perles noires, ternies par l'amertume. Ils haïrent cette obligation de se séparer, de se dissimuler. Leurs corps se détachèrent avec lenteur, capturant jusqu'à la dernière étincelle de chaleur.

Leurs doigts se frôlèrent une dernière fois, réticents, traînant dans l'espace qui les séparait, jusqu'à ce que la distance les contraigne à s'éloigner.

Les yeux de Jungkook glissèrent sur ces lèvres outrageusement charnues, rougies par ses propres soins. Faible homme, simple mortel, il ne put résister à leur appel tentateur. D'une main impérieuse, il saisit la nuque de Namjoon, et cueillit ces lèvres provocantes. Il sentit le sourire de ce dernier qui se dessinait dans leur baiser.

Mais Namjoon, plus raisonnable, bien que vacillant dangereusement sous l'élan de ses désirs, mit fin à l'échange après avoir lui-même goûté une dernière fois à cette douce tentation.

Pourtant, il voulait l'embrasser pendant des heures. Embrasser Jungkook était vertigineux, envoûtant, à tel point qu'il en oubliait de respirer parfois, perdu dans ce moment, dans lui.

« Difficile de résister, mon doux ? », le taquina-t-il dans un souffle.

Les sourcils froncés par les émois s'agitant en lui, Jungkook clôt les paupières, le cœur tambourinant à toute allure. Ses doigts se posèrent sur les lèvres de Namjoon. À un souffle de la folie, il luttait pour contenir ce désir dévorant qui l'habitait sans crier gare.

Il les voulait encore. Elles le rendaient avide, insatiable. Il n'y avait jamais assez de ce contact, de cette fusion parfaite, et il sentait ce besoin grandir en lui, presque incontrôlable.

« Pars avant que je ne tienne plus... » murmura-t-il en ouvrant des yeux d'une noirceur chargée de fougue, d'urgence.

D'ardeur.

Namjoon sentit son cœur vaciller, puis s'emballer furieusement dans sa poitrine. Jamais Jungkook n'avait parlé avec une telle voix — rauque, vibrante, saturée d'un désir brûlant. Un désir si palpable que Namjoon pouvait presque voir et toucher ce qui arriverait s'ils s'abandonnaient l'un à l'autre.

Ils toucheraient, ensemble, les hautes sphères célestes.

« Ne me regarde pas comme ça, Jungkook. Ou c'est moi qui te supplierais de t'en aller. »

Les voix passèrent juste devant le tronc d'arbre.

Un frisson glacé de peur traversa Jungkook. Pourtant, sa main effleura une dernière fois la joue de Namjoon. Puis, lentement, il recula, laissant sa paume glisser jusqu'à ce que le contact se brise, jusqu'à ce que sa peau ne sente plus la chaleur de l'autre. Un soupir mélancolique franchit ses lèvres, contrastant avec le fragile sourire qui éclairait encore son visage.

Il se retourna enfin, les pas lourds, et se dirigea vers les vestiaires, prêt à se préparer pour l'épreuve de lutte.

S'éloignant d'un pas résolu, Namjoon perçut des exclamations de surprise derrière lui, ces deux voix ébahies découvrant Jungkook surgir de nulle part. Une vague d'amusement mêlée de crainte l'envahit alors qu'il écoutait ses explications maladroites, sa voix encore rauque de désir. Namjoon se força à ne pas se retourner, à ne pas céder à l'envie de le regarder disparaître au loin.

Il avança vers les abords de l'aire prête à accueillir les épreuves de lutte.

Il était aux anges, baignant dans l'euphorie. Son sourire discret était indomptable.

Malgré la présence maternelle qui hantait ces lieux, réveillant en lui les fantômes d'années de rancœur, malgré le volcan silencieux qui grondait en lui, une paix venait étrangement les étouffer.

Paix qu'il savait brève.

C'était toujours ainsi.

Alors il savoura l'empreinte lumineuse de Jungkook en son âme avant qu'elle se dissipe.

Les démons finissaient toujours par ressurgir et l'engloutir en leur sein.





Il s'installa à l'écart de la masse des étudiants, trouvant refuge dans la solitude.

Il posa son regard sur l'aire de lutte, un espace dégagé en plein cœur derrière le temple de l'école, délimité par des cordes tendues entre des poteaux en bois. Le sol recouvert de sable fin avait été soigneusement ratissé pour offrir une surface uniforme et sans obstacle.

Autour de cette immense arène, des gradins en bois étaient disposés en demi-cercle, permettant aux spectateurs d'avoir une vue imprenable sur les combats à venir. Les étudiants vêtus de leurs robes de cérémonie prenaient place selon leur rang, assis en tailleur sur d'épais tapis ou directement sur les planches. Les enseignants occupaient des places plus élevées, eux-mêmes en dessous des places vides réservées aux citadins et aux émissaires royaux encore absents, occupés par la visite du temple ancestral de l'école.

L'excitation ambiante était à peine contenue, chacun attendant que les lutteurs entrent dans l'arène.

Hoseok ne tarda pas à rejoindre Namjoon, entourant son cou de son bras, l'air béat et les yeux brillants d'une allégresse que ce dernier déchiffra avec aisance.

Namjoon arqua un sourcil avant de lâcher un souffle railleur.

« Quoi ? », grogna Hoseok en regardant droit devant lui, sentant ses joues s'empourprer.

Ils savaient, tous les deux.

« Tu as l'air encore plus idiot. »

Sans se départir de son sourire, Hoseok leva les yeux au ciel, avant de s'approcher de son oreille.

« Parle pour toi, Joon. Ce petit rictus niais que tu n'arrives pas à contrôler et l'absence de ton éternelle expression fermée et constipée en disent long, très long. Tu me laisses même te toucher sans protester. Tu viens de le quitter, à l'instant ? »

Un « peut-être » grommelé lui répondit.

« Eh bien, vive Jungkook, vraiment, plaisanta Hoseok. Espérons que son effet dure plus longtemps. »

Namjoon se contenta de fixer l'arène vide, ses fossettes se creusant. Ses joues s'empourprant dangereusement commencèrent à le trahir lorsque son esprit lui rejoua les baisers de Jungkook.

Il avait été particulièrement quémandeur...

Tentateur.

Il s'éclaircit la voix et regarda Hoseok.

« Ta dulcinée est venue, éluda-t-il, le ton évident.

— Oui, répondit-il dans un petit rire timide, les yeux pétillants.

— Où est-elle ?

— Elle visite le temple avec son père. Il l'a réquisitionnée, il trouvait qu'elle passait trop de temps avec moi, bougonna-t-il, boudeur et contrarié.

— C'est compréhensible, il veille sur elle. »

Un « je sais » empli de mauvaise foi lui répondit, le faisant sourire.

« J'aimerais te présenter, avec Tae, tu veux bien ?

— Je la connais déjà. Elle tient ma librairie favorite, Hoseok.

— Ah oui, c'est vrai... J'oublie tout, je perds la tête depuis ce matin, pardon, rit-il doucement.

— Je vois ça. Tu es complètement ensorcelé.

— C'est exactement ça ! Elle m'ensorcelle... », lâcha-t-il dans un soupir épris.

Namjoon émit un souffle amusé, mais derrière son sourire transparaissait une sincère joie, une chaleur rare qu'il n'offrait qu'à peu de gens. Sentant cette ouverture inhabituelle chez son ami si souvent réservé, Hoseok sentit son cœur se serrer d'émotion.

« Je ne dis pas non à des présentations en bonne et due forme, ajouta Namjoon, plus sérieux.

— Comment je te présente, alors ? Comme... un ami ? demanda-t-il, la gorge légèrement nouée d'appréhension.

— En tant que quoi d'autre ? », répondit-il, avec une sérénité déconcertante.

Le cœur de Hoseok éclata d'une joie difficile à exprimer en mots. Cet instant, cette reconnaissance tacite, était tout ce dont il avait toujours rêvé de la part de ce Kim à l'âme brisée et aux épaules cruellement alourdies par les épreuves.

« Je vais pleurer, glissa Hoseok.

— Ne dis pas de bêtises, gronda-t-il doucement, bien que lui-même ému et légèrement gêné.

— Dire que Taehyung manque tout ça...

— Oh, laisse-moi un peu de répit, tu veux. Pour une fois que c'est calme sans lui dans les parages. »

Ils se regardèrent, puis s'esclaffèrent. Dans un élan irrépressible, Hoseok l'enlaça, débordant de bonheur.

« Hoseok, ne teste pas ma patience, râla Namjoon, malgré le sourire qui perçait légèrement sur ses lèvres, bercé par l'éclat de rire joyeux de son ami.

— Oh, laisse-moi en profiter tant que l'effet Jungkook est encore là !

— Je t'en prie, hurle-le plus fort, qu'on t'entende jusqu'au palais, dit-il sarcastique.

— Oups. »

Namjoon ne put retenir un bref ricanement, mais ce dernier se transforma vite en plainte mécontente lorsque l'étreinte de Hoseok se resserra jusqu'à l'étouffer.

« Hoseok !

Hyung, le reprit-il avec un ton faussement sévère. C'est hyung, Namjoon. Pour la huit cent trente-cinquième fois.

— ... Tu les as comptés ?

— Non.

— Lâche-moi.

— Non.

— Bon sang, j'ai oublié à quel point tu pouvais être aussi...

— Moi aussi je t'aime, Joon », le coupa Hoseok, le ton sincère.

Il relâchant enfin son étreinte, sa main glissa doucement dans celle d'un Namjoon dont le cœur battait la chamade, figé d'étonnement.

« Et surtout, j'adore cette nouvelle version de toi, poursuivit-il. Tu redeviens celui que tu es censé être, sans toutes ces épreuves. Je suis heureux. Sincèrement. »

Sa voix s'était faite douce, mais son timbre était sérieux. Namjoon le contemplait comme s'il le découvrait pour la toute première fois.

Et dans cet échange, leurs yeux vibrèrent d'un passé serti de non-dits, d'années de conversations restées en suspens. Une complicité qui existait déjà, faite de regrets et d'espoirs, renaissait de ses cendres.

Hoseok sentit un frisson lui parcourir l'échine. Il peinait encore à réaliser la réelle profondeur de leur lien. Namjoon, pourtant si distant d'habitude, lui avait ouvert une porte, une chance de combler ce fossé invisible qui s'était creusé entre eux au fil du temps, mais qui avait solidement tenu contre vents et marées.

« J'ai été bête, n'est-ce pas ? lâcha Namjoon dans un murmure à peine audible, resserrant sa main dans la sienne. Je vous ai maltraités.

— Non, dit-il d'une voix douce.

— Si, ne minimi...

— Non.

— Hoseok, râla-t-il.

— Toujours pas », répéta-t-il, plus ferme.

Namjoon soupira, ses lèvres se courbant légèrement, trahissant un amusement mal dissimulé.

« Tête de mule, grommela ce dernier.

— Tête de chameau.

— Tu as déjà vu un chameau, peut-être ? railla-t-il, sarcastique.

— Non, mais je te vois bien avec une bosse. Une belle, là, sur le dos. »

Namjoon secoua la tête, levant les yeux au ciel.

« Très élégant.

— Si tu le demandes, je serais le prince des chameaux, évidemment.

— On te couronnera quand ? soupira Namjoon d'un ton blasé, bien que ses yeux braillaient d'amusement.

— Dès que je trouverai un trône fait de sable. Et toi, on ne t'appellera plus sa Majesté des livres, mais sa Majesté la mule royale. »

Le silence. Puis ils pouffèrent.

« Ce qu'on dit n'a aucun sens, dit Namjoon, un rictus en coin.

— Absolument aucun.

— J'ai l'impression de régresser à votre niveau, à Taehyung et toi. Je me sens soudainement nauséeux », murmura-t-il en portant la main à son front, feignant le malaise.

Hoseok éclata d'un rire franc, s'attirant quelques regards.

Leurs cœurs vibraient encore de la joie suscitée par cette conversation légère, révélatrice du lien profond qui les unissait depuis toujours, mais qui ne demandait qu'à être libéré au grand jour.

« On peut rattraper tout ça avec Tae, maintenant. On ira à ton rythme, ne t'en fais pas », dit-il en reprenant son sérieux.

Il y avait dans son ton une promesse, celle d'un futur où les silences seraient moins lourds, où l'amitié pourrait enfin se vivre pleinement. Namjoon hocha la tête, la gorge nouée par l'émotion.

« Je n'ai jamais voulu que les choses soient comme ça, entre nous trois, confessa Namjoon. Je suis désolé.

— On ne t'en a jamais voulu, on s'inquiétait beaucoup, néanmoins. Mais on comprenait parce qu'on a grandi avec toi », le rassura-t-il, le ton doux.

Et on était là, le jour du drame. Le jour où tu as complètement changé.

Ils se sourirent, non plus avec cette distance qui les séparait autrefois, mais avec une sincérité nouvelle.

« Vive Jungkook, n'est-ce pas ? », plaisanta Hoseok.

Namjoon fit claquer sa langue contre son palais et baissa les yeux, deux fossettes sur le point de creuser ses joues.

« Il m'aide beaucoup.

— Tu l'aimes profondément, hein... », murmura Hoseok, presque dans un souffle, craignant les oreilles indiscrètes.

Namjoon resta silencieux, levant lentement les yeux. Dans ce regard, Hoseok perçut la brûlure d'un amour si profond qu'il dépassait l'entendement humain. Il en fut ébranlé. Lui qui aimait Hye-Jin avec passion, comprit soudain la douleur qui consumait son ami. Pourtant, derrière cette flamme, il devina une ombre fugace, une inquiétude dissimulée, comme s'il y avait une faille dans l'idylle de Namjoon et Jungkook.

« Je ne sais pas si tu te confies à Jungkook, mais si jamais tu as besoin de parler, viens nous voir, Tae et moi. J'aimerais que tu t'habitues à le faire. On serait heureux de te venir en aide. Tu le sais, n'est-ce pas ? »

Il espérait, par ces mots, inciter Namjoon à se confier sur ce qui semblait le peser.

Namjoon hocha doucement la tête, reconnaissant. Le silence qui suivit était enveloppant, apaisant, savourant cette complicité oubliée. Hoseok détourna les yeux vers les feuillages qui ondoyaient au gré du vent, perdant un instant son regard dans la danse des branches.

« J'aurais aimé faire plus pour toi », souffla Hoseok, le regard lointain.

Namjoon tourna alors la tête vers lui, ses traits soucieux, bien que touché.

« Ne t'avise pas de penser ça. Toi et Taehyung avez passé des années à mes côtés, malgré mes rejets. Vous avez été mes soutiens dès le début, mes premiers amis. Même si je ne l'exprimais pas, j'ai... »

J'ai profondément chéri vos présences.

Il se racla la gorge.

« J'appréciais », acheva-t-il d'une petite voix.

Il s'arrêta, un léger rouge teintant ses joues, un brin embarrassé de dévoiler ainsi cette vérité qu'il avait gardée enfouie si longtemps. Dire qu'il lui fut si aisé de se confesser à Jungkook... Mais face à Hoseok, les mots lui paraissaient si lourds et embarrassants.

Hoseok resta silencieux, mais ses yeux brillaient de gratitude. Il eut la confirmation de ce qu'il avait toujours su : malgré les apparences, Namjoon n'avait jamais cessé de compter sur eux.

On a bien fait de persévérer.

« Quelle heureuse journée », murmura Hoseok, la gorge légèrement nouée par l'émotion.

Namjoon s'entêta à fixer le sol, tentant de retrouver son éternelle expression neutre. Mais il était trop ému pour réussir.

« Parle-moi d'elle. »

Hoseok battit des cils, surpris. Certes, cela ne devait plus le surprendre dorénavant, mais il avait passé des années à penser que jamais Namjoon ne s'intéresserait un jour à ses élans amoureux. Il en fut autant bouleversé que ravi. Un sourire naquit sur ses lèvres. Là, encore, il reconnaissant la énième influence de Jungkook sur Namjoon qui, s'il persistait dans cette voie, redeviendrait enfin celui qu'il avait été, avant le drame.

Leur meilleur ami.

Il n'était jamais trop tard pour restaurer leur trio indéfectible.

« Tu aurais dû la voir parée de ses plus beaux atours... Elle est resplendissante, Joon, j'en ai presque perdu connaissance. Son regard m'a littéralement fait fléchir les jambes ! Et... »

Namjoon l'écoutait en silence, amusé et sincèrement heureux pour lui.

Ils discutèrent longuement, comme ils ne l'avaient pas fait depuis des années. Et Namjoon, bien que plus calme et posé, s'en donnait à cœur joie. La seule chose qu'ils regrettaient était l'absence de Taehyung.

La visite au temple s'acheva. En une lente procession, les invités regagnèrent le lieu des festivités, prenant place autour de l'arène. Bientôt, pas une seule place ne resta vacante.

Yoongi, Mingyu et Seokjin surgirent à toute allure parmi cette file. Soulagés du poids de leurs obligations, ils se glissèrent parmi les spectateurs et prirent place aux côtés de Hoseok et Namjoon en les saluant.

« Vous étiez où ? demanda Hoseok.

— On jouait les guides avec tout ce beau monde, répondit Mingyu avec une légère grimace.

— J'aurais bien aimé réviser mon poème plutôt que de gaspiller ma salive à répondre à des questions comme "Pourquoi le toit est si pointu ?" ou "Est-ce que les fantômes des anciens maîtres hantent les lieux ?" soupira Yoongi. Certaines personnes semblent cruellement manquer de discernement, et je suis déjà é-pui-sé. »

Namjoon arqua un sourcil dubitatif, tandis que Hoseok ricanait, soulagé de ne pas avoir offert sa présence aux citadins et émissaires. Ses premières années avaient déjà largement suffi et son attention n'avait été réservée qu'à la belle Hye-Jin.

« D'ailleurs, où est Taehyung hyung ? demanda Mingyu. Il va manquer le combat de Kook.

— À ton avis ? répondit Hoseok avec un sourire en coin.

— Il se cache encore..., constata Yoongi, partagé entre amusement et compassion.

— Le pauvre », pouffa Seokjin.

Tous éclatèrent de rire, tandis que Namjoon étouffait un souffle moqueur, les yeux rivés sur Seungmin et son épouse qui discutaient à voix basse, penchés l'un vers l'autre, leurs mains liées.

« Et toi, alors, avec ta tourterelle ? lança Seokjin d'un ton malicieux. La dernière fois que je t'ai vu, je t'ai sauvé de ton excès de parfum au jasmin », plaisanta-t-il avec un rire franc.

Hoseok se gratta l'arête du nez, esquissant un sourire qui déclencha leurs ricanements. Les bras croisés, Namjoon laissa poindre un rictus discret sur ses lèvres.

« Raconte ! s'écria Yoongi.

— On veut des détails croustillants ! », ajouta Mingyu avec enthousiasme.

Pendant qu'il leur contait avec entrain son entrevue avec Hye-Jin, le général Kim fit une entrée majestueuse dans l'arène, aux côtés du professeur Kwon rayonnant de fierté. L'assemblée s'apaisa, suspendue à ses lèvres alors qu'il ouvrait l'événement d'un discours que tous écoutaient avec attention.

Il invita Jungkook à les rejoindre au centre de l'arène. Le jeune homme portait la même tenue que son professeur, ainsi que tous les lutteurs. Un haut sans manches, un pantalon ample resserré aux chevilles entourées de bottines hautes en cuir souple, le tout rehaussé par une ceinture large, nouée autour de sa taille et de ses cuisses, prête à être saisie pour un duel acharné. Ses cheveux tirés en un chignon maintenu par un fin ruban de tissu, donnaient une élégance presque guerrière de sa silhouette athlétique.

D'un geste solennel, Seungmin présenta le premier duel entre Jungkook, champion incontesté de l'année passée, et le professeur sportif de tout Sungkyunkwan.

« Kwon seonsaeng, on vous aime bien, mais Jungkook sera de nouveau vainqueur ! », s'écria Mingyu avec une ardeur débordante, sa voix perçant l'atmosphère excitée de l'arène.

Le professeur éclata de rire, amusé par l'élan de son élève. Autour de lui, les regards se firent rieurs, à l'exception de Jungkook, dont les joues prirent une teinte écarlate tandis qu'il mimait à Mingyu de se taire. La gêne transperçait ses traits, et il se tortillait nerveusement sur place.

« Courage, Kook ! lança Hoseok, l'œil pétillant de malice.

— Donne tout ce que tu as, mon poussin ! Rends-nous fiers ! », hurla Seokjin de toutes ses forces, les poings levés au ciel.

C'est alors qu'un cri étouffé par la distance, empli de fureur, retentit dans l'arène.

« JIN ! »

Jungkook l'avait prononcé avec une telle intensité que sa voix résonna au-dessus des têtes, provoquant un éclat de rire général. Même Namjoon ne put retenir un souffle rieur en voyant le visage empourpré de Jungkook, son expression crispée trahissant un mélange d'irritation et d'embarras.

Il ne put s'empêcher de le trouver beau, même ainsi.

Ils n'avaient cure de paraître désinvoltes ou mal élevés ; après tout, personne ne semblait leur en tenir rigueur. Pas même le général Kim, assis au premier rang avec le doyen Jeong, près de l'arène avec son épouse, un sourire à peine perceptible étirant leurs lèvres. Leurs regards amusés couvaient ce groupe aussi bruyant que plein d'entrain.

Un chaos joyeux s'éleva parmi les spectateurs, leurs encouragements fusionnant en une mélodie dissonante de soutien.

« Concentre-toi, Jungkook. »

La voix ferme, mais indulgente de son professeur le rappela à l'ordre d'un simple regard bienveillant.

Jungkook inspira profondément, ses muscles se tendant sous l'effort de contenir à la fois ses émotions et l'attention concentrée sur lui. Mais un sourire en coin trahissait déjà la flamme de sa détermination, et dans ses yeux brillait l'éclat d'une promesse silencieuse : il gagnera.

Il ne put résister à l'envie de regarder Namjoon.

Je ne le décevrais pas.

Discrètement, Namjoon lui adressa un regard encourageant dès l'instant où leurs yeux se rencontrèrent. Un sourire radieux illumina le visage de Jungkook, éclipsant tout autour de lui et faisant battre le cœur de Namjoon plus fort.

Seungmin leva un éventail et l'abaissa avec force, aussitôt suivi par le gong du tambour, signalant le début du combat.

Saisissant cette brève distraction, le professeur immobilisa Jungkook dans une prise spectaculaire. Mais avec une agilité surprenante, Jungkook esquiva le coup traître et se replia, hors d'atteinte. Ses yeux brillaient de concentration, son souffle à peine troublé.

En position de défense, il se tint prêt.

Le véritable affrontement pouvait enfin commencer, les deux adversaires résolus à se mesurer l'un à l'autre.

Ce combat captiva les spectateurs. Fort de son expérience, le professeur dominait avec des mouvements puissants et précis. Mais Jungkook, avec une agilité et une détermination remarquables, esquivait habilement chaque attaque.

Namjoon l'admirait, les yeux brillants et l'expression impressionnée. Chaque mouvement de Jungkook semblait magnifié par l'intensité de son regard résolu.

Le public était en effervescence, les yeux rivés sur les deux combattants, le fracas des impacts résonnant comme un tambour battant. À chaque esquive, chaque contre-attaque, Jungkook gagnait en confiance, exploitant son agilité et sa rapidité pour déjouer les stratégies de son maître.

Alors que le combat gagnait en intensité, Namjoon se rongeait à présent les ongles, l'anxiété se mêlant à l'admiration. Son cœur battait la chamade à chaque échange de coups.

Dans un retournement de situation inattendu, Jungkook parvint à déceler une faille dans la technique de son professeur, une légère hésitation due à la fatigue accumulée au fil des années. Avec précision, il lança une attaque décisive, désarmant son adversaire et le plaquant au sol avec un mélange d'habileté et d'effort conséquent.

Et ainsi, Jungkook venait de s'offrir une place pour un deuxième tour.

Les clameurs de la bande fusèrent les premières dans l'arène, arrachant un sourire à Jungkook. Bien qu'agenouillé et le souffle haché, il leur répondit en levant les deux poings vers le ciel en signe de victoire.

Frappés de stupeur, les spectateurs s'élevèrent en une clameur exaltée, éblouis par l'exploit du jeune étudiant. Même ses camarades l'applaudissaient, malgré tout ce qu'ils pensaient de lui. Ils étaient forcés de reconnaître qu'il avait été, cette année encore, époustouflant.

Toujours agenouillé, le souffle court, mais triomphant, Jungkook reçut l'aide bienveillante de son professeur pour se relever.

« Tu es étonnant, Jungkook. Bravo », dit Kwon, essoufflé, le ton fier.

Jungkook fut heureux par cette chaleureuse félicitation.

Le cœur en effervescence, Namjoon se retint fortement de se lever et l'acclamer de toutes ses forces. Ses mains se crispèrent sur son hanbok tandis qu'il luttait contre l'envie de crier son soutien. Il se contenta d'un fin sourire profondément admiratif, son cœur bondissant par tant d'amour et de respect.

Il ne vit pas l'éclat amusé dans les yeux de Hoseok ni celui perplexe de Yoongi qui n'avait pas raté une miette de leur échange, notant chaque émotion sur les visages de Namjoon et Jungkook.

« Kook bravo ! », réitéra Hoseok, applaudissant joyeusement, vite suivi par la bande, enthousiaste.

Jungkook leva les yeux vers eux, un sourire éclatant aux lèvres. Namjoon ne put que le contempler, fasciné par son si beau visage rayonnant de bonheur.

« J'imagine que tu luttes contre l'envie de lui sauter dessus », plaisanta Hoseok en se rasseyant, glissant ses mots à l'oreille de Namjoon.

Ce dernier se contenta d'esquisser un fin sourire.

Si tu savais...

Leurs regards se croisèrent de nouveau, et Jungkook lui fit un clin d'œil audacieux parmi toute cette foule et le nombre de regards posés sur lui. En réponse, Namjoon laissa s'épanouir un rictus effronté, accompagné d'un hochement de tête approbateur.

« Je rêve ou cet idiot vient de faire un clin d'œil au public ? s'amusa Mingyu.

— Laisse-le se pavaner, il y a beaucoup de filles », pouffa Seokjin.

Hoseok et Namjoon cachèrent leurs sourires. Personne ne vit le regard acéré de Yoongi qui fixait Namjoon, les yeux plissés, pensif, les bras croisés.

« Si Taehyung entre dans l'arène, commença Namjoon d'une voix posée, je doute de pouvoir contenir mon rir... »

Il se tut, ébahi.

Renfrogné et visiblement contrarié, Taehyung pénétrait dans l'arène, accompagné de son adversaire.

Ni une ni deux, la bande éclata de rire à gorge déployée, bruyamment, leur hilarité résonnant dans l'espace vaste. En écho, celui vibrant de Jungkook leur parvint, assis en bas à côté de Seungmin et des participants, se roulant presque au sol, incapable de se contenir.

Furibond, Taehyung leur lança des regards assassins. Il n'en avait cure d'être le fils du grand et éminent général-ministre Kim, à cet instant. Tout était de sa faute. La colère déformait ses traits, et ses mots fusèrent sans retenue.

« Le prochain qui rit, je lui déboîte la mâchoire ! », rugit-il, tapant du pied.

Le silence dura l'espace d'un battement de cœur.

Puis un nouvel éclat de rire secoua la bande. Même Seungmin, censé ramener le calme et les rappeler à l'ordre, se pinçait les lèvres, partagé entre l'amusement et la lassitude. Son épouse, elle, ne retint guère son rire cristallin.

Hoquetant encore de rire, Jungkook essaya tant bien que mal de reprendre son souffle.

« Vous avez fait fort, janggun-nim* », souffla-t-il, l'œil brillant, se rasseyant correctement près de lui.

Seungmin secoua la tête, soupirant lourdement, bien que son sourire trahît une certaine malice.

« Mon propre fils me désespère... », murmura-t-il, mi-consterné, mi-sarcastique, tout en essayant de retrouver son sérieux.

De son côté, Taehyung bougonnait, furieux. Il pesta de plus belle en voyant que même sa mère riait, que même son père se laisser aller à un éclat étouffé avant de se redresser, plus formel.

Les sourcils du général se froncèrent légèrement alors qu'il donnait enfin le signal, le gong résonnant dès qu'il abaissa l'éventail.

Le combat commença, l'atmosphère joyeuse par cette parenthèse de rires et de regards encore pétillants d'amusement.

Le combat de Taehyung fut bref et saisissant. Il se termina par une chute volontaire, molle et rapide sous le premier coup de son adversaire. Il était là, allongé en étoile sur le sol poussiéreux, le regard noir de colère dirigé vers le ciel. Simple et efficace. Belle vengeance. Il n'en avait cure. Quelle idée de le forcer à y participer en guise de punition !

Les rires stridents de ses amis s'élevèrent, semblables à des hennissements. Taehyung se promit de tous les éradiquer de la surface terrestre, à commencer par son père, auteur de cette implacable humiliation.

Je les déteste.

Sa passivité provoqua l'irritation de Seungmin – qui se retenait de rire malgré lui en entendant celui de son épouse – qui jura d'infliger un sermon sévère pour la rébellion de son rejeton.

Cinq autres affrontements enflammèrent la foule, qui ne cessait de vibrer sous les acclamations enthousiastes, fascinée par les prouesses des élèves de l'école prestigieuse. Les cris d'admiration se mêlaient aux cris d'effort, et l'ambiance était divertissante.

Parmi les lutteurs, Jungkook s'était brillamment hissé jusqu'à la demi-finale, chaque victoire nourrissant son assurance, mais aussi la fierté visible dans les yeux de Seungmin, qui le suivait avec un sourire nostalgique, sa main confortablement nichée dans celle apaisante de son épouse.

Cependant, lorsque Jungkook se retrouva face à l'un de ses camarades, un colosse à la carrure imposante et aux mouvements surprenants de fluidité, les choses prirent une tournure différente.

Le duel fut intense, chaque coup porté résonnant comme une déflagration dans l'arène. Agile et rapide, Jungkook parvint à esquiver plusieurs attaques, mais peu à peu, il s'épuisait. Son adversaire, plus rapide qu'il ne l'avait anticipé, semblait ne jamais faiblir.

Finalement, ce fut lors d'une manœuvre audacieuse que Jungkook commit une erreur.

En tentant de feinter un coup, son pied glissa légèrement sur le sable de l'arène, un faux pas presque imperceptible, mais suffisant pour déséquilibrer son attaque. Son adversaire n'hésita guère. D'un mouvement habile, il contre-attaqua, frappant avec force et précision.

Surpris par la rapidité de la riposte, Jungkook n'eut d'autre choix que de se défendre maladroitement, et se retrouva projeté au sol dans un cri de douleur, soulevé par la force de son camarade.

Il grogna de frustration, le souffle court, conscient qu'il avait sous-estimé son concurrent. Non seulement il était plus massif, mais il avait également fait preuve d'une endurance impressionnante, compensant largement la technique plus raffinée de Jungkook.

Décidé en quelques secondes, le combat marqua la fin de son parcours à la finale.

« Tu es coriace, San..., haleta-t-il, à bout de souffle.

— Tu t'es bien battu, Jeon. Mes respects », le félicita-t-il, l'aidant à se relever.

Bien que surpris par cette sollicitude, Jungkook inclina la tête, reconnaissant. Sans amertume, il salua son vainqueur d'un geste respectueux, alors que la foule les acclamait encore, puis descendit de l'arène en grimaçant légèrement, le corps courbaturé.

Les voix de la bande résonnaient avec chaleur, témoignant de leur soutien infaillible pour Jungkook, comme pour atténuer la déception qu'il aurait pu ressentir. Il leur fit un signe de main joyeux. Même Taehyung, qui quelques instants plus tôt fulminait encore face à leurs moqueries, s'était laissé emporter par les exploits de son ami. Il l'applaudissait et le félicitait avec enthousiasme, assis entre ses parents, comme si l'humiliation passée s'était déjà effacée.

Seungmin se leva avec la noblesse naturelle qui caractérisait chacun de ses mouvements. Son port altier trahissait l'assurance de l'homme habitué à commander et à imposer le respect. Les yeux de la foule se posèrent sur lui tandis qu'il descendait les quelques marches pour pénétrer dans l'arène.

Le général s'avança vers le vainqueur du tournoi encore haletant, imprégné de l'adrénaline du combat. Sans un mot, Seungmin posa une main ferme sur l'épaule du garçon, un geste à la fois lourd de sens et plein de bienveillance.

« Félicitations, jeune homme. Vous avez combattu avec honneur. Comment vous vous appelez ? »

Sa voix était grave, mais étrangement douce, comme le grondement lointain d'un orage. Son regard perça celui du jeune champion qui, tremblant légèrement sous sa main, peinait à contenir l'émotion qui l'envahissait.

L'homme qui se tenait devant lui n'était pas simplement un général, mais une figure légendaire. C'était comme si un dieu de la guerre en personne venait reconnaître ses efforts. Ses lèvres tremblèrent légèrement, cherchant des mots qu'il ne parvint pas à trouver.

Il était impressionné.

Le jeune combattant, les yeux baissés, inclina la tête avec humilité.

« San Jungmin, daegam*. Je suis honoré. »

Sentant sa nervosité, Seungmin lui sourit chaleureusement, et Jiyong se surprit à reconnaître celui de Taehyung. C'eut le don de calmer, étrangement.

D'une voix forte et solennelle, Seungmin vanta ses prouesses et le félicita. Un murmure d'approbation parcourut la foule, captivée par ses paroles. Chaque mot semblait peser d'un poids que nul n'osait contester.

Seungmin détacha ensuite un certificat de mérite et le remit au jeune homme, symbolisant la reconnaissance de ses prouesses. Le garçon, incapable de parler, accepta le document avec une révérence respectueuse.

« Voici pour vous, ajouta Seungmin en tendant une bourse remplie de pièces d'or, qui tintèrent légèrement. Ce n'est qu'une modeste récompense en comparaison de la fierté que vous avez suscitée aujourd'hui. »

Les yeux écarquillés, Jiyong serra la bourse contre lui, presque comme si le poids de l'or lui rappelait la réalité de ce moment. La gratitude brillait dans son regard, mais il ne trouvait toujours pas les mots.

Un tonnerre d'applaudissements éclata alors, couvrant le silence nerveux du jeune champion.

« Je te conseille de ne pas te laisser appâter par lui, San ! », s'écria soudain Taehyung.

Sa voix résonna dans l'arène.

Seungmin ferma les yeux en soupirant, tandis que Jiyong, hésitant entre rire et stupéfaction, se tourna vivement vers un Taehyung qui se faisait clouer au siège par sa mère, écarlate de gêne. Taehyung, lui, étouffait un rire discret, amusé par son propre emportement, tandis qu'il soutenait le regard blasé de son père.

Vengeance.

Son sourire s'élargit lorsqu'il entendit le rire moqueur de Jungkook, qui l'attendait un peu plus loin, afin de rejoindre leur bande à ses côtés.

Après un dernier regard fier vers le champion, Seungmin tourna les talons et rejoignit sa famille.

Les étudiants responsables de l'organisation du tournoi se chargèrent ensuite d'annoncer la fin des festivités, guidant les spectateurs vers la sortie. Après cette mise en bouche, chacun fut convié à savourer les mets exquis, révélant le talent insoupçonné des cuisiniers de l'école, qui ce soir-là, firent éclore une agape digne des plus grands festins royaux.

Le nouveau champion resta un instant figé dans l'arène, incapable de bouger, encore sous le choc de cet instant gravé à jamais dans sa mémoire, tandis que ses propres amis le rejoignaient, s'exclamant de joie.

Encore perlé de sueur, Jungkook accueillit avec un sourire amusé Taehyung, qui s'était faufilé juste avant l'arrivée de son père. Un sourire espiègle étirait ses lèvres, trahissant sa satisfaction de sa petite échappée.

« Ton père te dévisage, il plisse tellement les yeux.

— Qu'il finisse par perdre la vue, ça m'est égal », pesta-t-il.

Jungkook éclata de rire.

« Tu as été impressionnant, Kook.

— Merci, sourit-il, couvert de terre et de poussière, légèrement décoiffé. Mais je ne peux pas en dire autant de toi. J'ai pleuré de rire.

— Oh, tais-toi », grommela-t-il, visiblement agacé.

Jungkook gloussa, se promettant de le taquiner davantage plus tard, avec la bande au complet. Il avait déjà hâte.

« J'ai une envie pressante de me laver, dit-il, grimaçant légèrement.

— Allez, on va retrouver les autres, d'abord », lança Taehyung en souriant, son humeur allégée.

Jungkook arqua un sourcil, toujours déconcerté par les humeurs volatiles de Taehyung, qui semblaient fluctuer avec la légèreté d'un souffle de vent. Ils s'éloignèrent de l'arène, discutant joyeusement. Seungmin les talonna afin de les intercepter juste avant qu'ils n'atteignent leur bande qui les attendait à quelques pas.

« Jungkook ? »

Ce dernier se figea. Il se retourna, tandis que Taehyung fixait son père, l'air confus.

« Janggun-nim, dit Jungkook en s'inclinant.

— Tu t'es bien battu. Ton père aurait été fier de toi. »

Ces mots, simples, mais lourds de sens, éveillèrent en Jungkook une étrange sensation. Il ne sut s'il était heureux ou simplement perturbé. Il se redressa, sentant une légère tension dans ses épaules, comme si le poids du souvenir de son père, qu'il s'était forcé d'occulter, venait de s'abattre sur lui.

Seungmin, le meilleur ami de son père défunt, représentait une figure bien trop imposante à ses yeux. Jungkook ne savait pas exactement comment se comporter face à lui. La proximité de Taehyung à cet instant le rassurait étrangement.

« Merci... », murmura-t-il, en s'inclinant de nouveau, tentant de dissimuler son trouble.

Seungmin hocha la tête, un fin sourire aux lèvres, tandis que son regard restait ancré dans celui de Jungkook. Il scrutait chaque trait. Une douce mélancolie lui serrait le cœur, troublé par ce visage qui semblait être le reflet fidèle de Dongwon à sa vingtaine.

Alors qu'il ouvrait la bouche pour parler, Taehyung lui fit signe de se taire. Perplexe, Seungmin fronça les sourcils, lui demandant du regard la raison. Sous l'œil intrigué et amusé de Jungkook, leurs visages devinrent un théâtre muet où les expressions se répondaient, ponctuées de petits bruits étouffés. Jungkook les observait en se faisant violence pour contenir son rire.

« Mais je ne comprends pas », murmura Seungmin en serrant la mâchoire, jetant un coup d'œil furtif à Jungkook, de peur qu'il n'entende.

Et Jungkook entendait très bien.

« Ce n'est ni l'endroit ni le moment, répliqua Taehyung, sa voix tout aussi feutrée, mais avec une pointe d'agacement.

— Mais pourquoi ? demanda Seungmin, légèrement irrité.

— Après, je te dis.

— Tu m'épuises, soupira Seungmin en passant une main lasse dans ses cheveux.

— Tu m'as épuisé en premier.

— Ah, je l'ai bien vu ! Tomber de manière si théâtrale après un seul coup ! répliqua Seungmin en croisant les bras, le regard accusateur.

— Tombé ? Non, j'ai juste décidé de m'allonger.

— C'était un tournoi, pas une sieste.

— Ah, j'ai dû confondre », dit Taehyung en haussant les épaules, faussement innocent.

Jungkook porta une main à sa bouche, étouffant un rire prêt à s'échapper sous l'effet de la surprise.

« Tu te moques de moi, fiston ? s'insurgea Seungmin en plissant les yeux.

— Seulement quand je ne suis pas en train de faire semblant de dormir dans l'arène, papa.

— Tu n'as aucune honte.

— C'est génétique, non ? »

Cette fois, Jungkook dut toussoter afin de cacher le rire bref qu'il ne put contrôler. Loin de s'en offusquer, père et fils dardèrent sur lui un regard amusé.

« Bien, je vais vous laisser, les jeunes, dit-il en soupirant doucement. À une prochaine fois, peut-être, Jungkook. »

Ainsi, sans un mot de plus, il passa une main dans les cheveux de Taehyung, les ébouriffant avec une affection qui arracha à ce dernier une plainte bougonne. Il rougit sous les yeux amusés de Jungkook et le regard attendri de Seungmin. Puis, avec une élégance tranquille, ce dernier se détourna, les laissant derrière lui, rejoignant son épouse qui l'attendait au loin.

L'esprit troublé, Seungmin aurait aimé entamer un échange avec le fils de son défunt ami. Pourtant, devant l'insistance résolue de son propre fils à interrompre la conversation, il comprit que le moment n'était pas encore venu pour de telles confidences.

« Allons-y, murmura Taehyung en lui prenant doucement la main, percevant le trouble de Jungkook qui fixait distraitement le dos de son père, le regard dans le vague. Je suis désolé.

— Oh, non, ne t'en fais pas, Tae hyung. Il allait me dire quelque chose, non ?

— Oui, il tenait vraiment à te parler, mais j'ai vu que tu étais mal à l'aise.

— Un peu, oui... Tu sais ce qu'il voulait me dire ? demanda-t-il d'une voix hésitante, se laissant guider.

— Je pense qu'il souhaitait simplement rencontrer le fils de son meilleur ami.

— Oh... »

Le cœur de Jungkook se serra. Le souvenir du regard ému et mélancolique de cet homme inconnu flottait encore en lui. Mais avant de se perdre dans ses pensées, un sourire espiègle éclaira son visage légèrement taché par la poussière.

« Ton père est aussi drôle que toi, dis donc. »

Taehyung lâcha un petit rire discret.

« Oh, c'est un véritable enfant. Parfois... enfin non, tout le temps, répondit-il en levant les yeux au ciel.

— Je te crois, même si à première vue, on ne s'en doute pas.

— Eh bien, il sait cacher son jeu, répondit-il en haussant les épaules, un petit sourire malicieux. Tu viens d'en avoir un aperçu.

— Je te comprends un peu mieux, c'est donc génétique. »

Taehyung s'arrêta net, plantant son regard écarquillé dans celui de Jungkook avant d'éclater de rire. L'écho de son hilarité ne tarda pas à gagner Jungkook, secoué de rire tout en se débattant sous une pluie de petits pincements sadiques.

Souriant de concert, ils retrouvèrent le groupe qui les attendait à la sortie de l'arène.

Les félicitations, les éclats de rire et les plaisanteries fusèrent à nouveau, balayant en un instant toute trace de solennité, emportés par l'euphorie du jour.

Puis, toute lueur de joie s'évanouit du visage de Jungkook lorsqu'il constata l'absence de Namjoon.

« Ne tire pas cette mine, murmura Hoseok à son oreille. Il a juste besoin d'un moment seul, il se sentait de plus en plus mal à l'aise. Tu comprends ? »

Jungkook comprit.

La foule avait ébranlé la paix intérieure de Namjoon. Lui, d'ordinaire si solitaire, n'était pas fait pour supporter si longtemps le poids de tant de présences autour de lui.

« Il reviendra. »

Face à l'expression sereine de Hoseok, son cœur s'apaisa.

Il reviendra.

Mais son âme désirait ardemment retrouver sa jumelle.





Il reviendra.





À suivre...





Les gars, il est 2h11 du mat PTDR

Bref

ALOOOORS ? 👀

J'aime trop le petit moment NamSeok ❤️‍🩹

Demain ça sera le tournoi de tir à l'arc de NJ, héhé

C'était un chapitre de transition : on entrera dans la dernière ligne droite dès le prochain, accroche-toi huhuhu

Je t'annonce d'ores et déjà le titre : The heir

À dimanche ♡

𝑾𝒊𝒕𝒉 𝑳𝒐𝒗𝒆, 𝑫𝒂𝒓𝒌 𝑬𝒚𝒆𝒍𝒆𝒕 🖤

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