𝐗𝐈𝐈 | 𝐓𝐞𝐬𝐭

« Pourquoi on se trouve exactement dans cette ruelle ? »

Jungkook s'éclaircit la voix, tentant de retrouver son calme. Mais comment pourrait-il, face à la voix vibrante de Namjoon, cette voix qui faisait inévitablement frémir son âme ? Elle était douce et autoritaire à la fois, puis, soudain, elle devenait féroce et implacable, tout comme à cet instant.

Pourtant, cette voix restait ferme, rassurante.

Une force tranquille capable de faire vaciller Jungkook d'un simple murmure.

« Tu veux entrer au Pavillon ?

— N... non.

— Alors pourquoi on a atterri ici ? répéta-t-il.

— Pour toi. »

Namjoon eut un léger mouvement de recul de la tête, perplexe.

« Moi ? lâcha-t-il, dubitatif.

— Eh bien, oui ? Je... je t'avais proposé de venir ici, et tu m'avais fait comprendre que ça ne te posait aucun prob...

— Joonie ! »

Ils sursautèrent lorsqu'une voix joyeuse et grave s'immisça entre eux. Leurs regards se tournèrent vers l'auteur de cette intervention.

Chan.

Jungkook hésitait entre le remercier et le chasser. Il força un sourire incertain.

« Chan ! Quelle surprise... »

Il peinait à simuler un enthousiasme factice tandis que le nouveau venu lui adressait un large sourire sincère. Le malaise de Jungkook ne passa pas inaperçu aux deux hommes, si bien que Chan décida d'intervenir.

« Désolé, Kook, je te l'emprunte un petit instant. »

Sans même laisser le temps à Jungkook de rétorquer, il glissa sa main dans celle de Namjoon et l'entraîna vers l'entrée du Pavillon.

« Viens, j'ai des choses à te raconter. »

Pris de court, Namjoon se laissa guider sur quelques pas. Puis, un sursaut de lucidité le fit s'arrêter net juste au moment où Chan soulevait le voile doré de l'entrée. Ce dernier pivota, surpris par la résistance de Namjoon.

« Je ne veux pas y entrer, Chan », dit-il, troublé, détachant leurs mains.

Il se retourna vivement, prêt à réprimander Jungkook. Mais déjà, la silhouette de ce dernier se fondait dans le Jardin des Lys.

L'étonnement fit place à une fureur sourde et à un sentiment de trahison. Namjoon bouillonnait, la mâchoire contractée.

Pourquoi agit-il aussi étrangement ?

Alors, il se rappela qu'aucune promesse ne les liait, que Jungkook ne lui appartenait pas. Il avait tout à fait le droit de fréquenter cette...

« Maudite Sunhi..., siffla-t-il entre ses dents serrées, avec une voix si caverneuse qu'il fit se tendre Chan qui se retourna, les bras croisés et l'air bougon et légèrement contrarié.

— Hé. C'est ma sœur », protesta-t-il.

Namjoon était si perdu dans les rets de ses émois qu'il l'entendit à peine. Ses mains frémissaient légèrement, non de colère, mais de cette douleur lancinante qui retournait son estomac, asséchait sa bouche et compressait son cœur d'une manière terrible.

Une jalousie brûlante.

Atroce.

« Joon. »

La voix de Chan le ramena sur Terre. Namjoon l'observa de ses yeux sombres et tourmentés. Chan savait que cette rage ne lui était pas destinée ; tout ce qu'il avait fait, c'était pour rendre service à Jungkook.

Même au prix de sa propre douleur...

D'un geste vif, Namjoon saisit la manche de Chan et l'entraîna dans le Pavillon Doré. En silence, ils pénétrèrent dans le bâtiment, Chan trottinant pour suivre ses grandes enjambées furieuses.

Ce dernier ne remarqua jamais la petite tête de Jungkook, émergeant furtivement du Jardin, le visage décomposé par la douleur alors qu'il les voyait s'évanouir derrière le voile doré du Pavillon.

Il ne remarqua également jamais le fait que Jungkook, les pas hésitants, le cœur chargé de remords et de colère contre lui-même, s'était laissé choir sur une brique près du Pavillon, abattu, écrasé par la déception.



« Tu veux que j'aille te chercher un peu de thé ou du soju, en bas ? », demanda Chan.

Namjoon secoua la tête, son regard perçant, continuant de le fixer avec une intensité intimidante.

« Chan, j'ai besoin que tu m'éclaires sur un point. »

Ils se tenaient maintenant dans la chambre de Chan, une pièce modeste aux murs de bois patinés par le temps, illuminée par la lueur vacillante de quatre lampes à huile. Namjoon connaissait chaque recoin de cet espace, chaque souffle du vent à travers les cloisons minces, mais ce soir, son esprit était tout entier focalisé sur ce que Chan pourrait lui dévoiler.

Namjoon avait perçu un échange de regards singuliers entre Jungkook et Chan. En conjuguant ce détail à l'attitude inhabituelle de Jeon depuis son retour du bureau de l'intendante Jiwon, il entrevoyait peut-être le début d'une explication.

« Tu ne sembles pas enclin à plaisanter, ce soir », observa Chan en s'installant à ses côtés.

Ses jambes se croisèrent gracieusement, dévoilées par l'élégante fente de son hanbok noir en soie, parsemé de motifs orangés raffinés. Leur couleur proche de la porcelaine n'attira guère le regard de Namjoon.

« Non. »

Sa voix caverneuse résonna comme un grondement venu des profondeurs, exposant sa colère froide et implacable. Chan était pourtant loin d'en être impressionné, ses yeux luisants de malice.

« Et si tu m'expliquais pourquoi tu affiches un visage aussi défait ? Au point d'insulter ma sœur, dit-il dans un marmonnement boudeur.

— Désolé. Et si tu m'expliquais pourquoi je suis ici ? »

Ils se fixèrent longuement. Namjoon était déterminé à percer le secret qui scintillait dans les yeux d'un Chan qui cherchait un moyen de ne pas trahir Jungkook.

« Ne songe même pas à me mentir ; je sais que Jungkook est impliqué dans cette affaire. Je souhaite simplement comprendre. »

Chan soupira, vaincu. À quoi bon dissimuler la vérité à cet être dont les yeux plissés, impénétrables, étaient capables de sonder une âme et percer les mensonges les plus habiles ?

Mais il ne trahirait pas Jungkook.

« Rien que tu n'ignores déjà. Il est simplement perdu.

— Qu'est-ce qu'il t'a demandé ?

— Rien. »

Chan soutint son regard, le cœur battant, mais ses yeux le trahirent ; il les détourna légèrement. Namjoon émit un rire bref et désabusé, cachant son visage derrière une main lasse. Chan soupira. En un instant, son ami venait de déceler son mensonge.

« J'attends », soupira Namjoon.

Il y avait dans ses yeux un mélange de patience et d'une légère exaspération.

« Faites donc ce que vous voulez, réglez vos différends sans moi, bougonna Chan avec un soupir agacé. Pourquoi m'impliquer dans vos histoires ? Je n'ai rien à voir là-dedans.

— Pourtant, nous voilà tous deux dans une situation similaire, observa Namjoon calmement. Je me demande ce qui te tracasse tant, Chan. »

Ce dernier détourna le regard, croisant les bras sur sa poitrine comme pour se protéger.

« Je n'ai rien à te dire, marmonna-t-il.

— Rien à dire, vraiment ? s'enquit Namjoon, une pointe d'ironie dans la voix. Dans ce cas, pourrais-tu m'expliquer pourquoi il m'a entraîné dans ce quartier sans raison apparente, et voilà que tu surgis de nulle part ? Vous me prenez pour un imbécile ? Vous êtes de mèche, c'est évident. »

Namjoon croisa les bras, son regard se faisant plus insistant. Chan serra les dents, visiblement frustré, mais resta silencieux. Il esquissa un rictus en coin. Chan lui semblait comme un fauve acculé qui cherchait une échappatoire. Namjoon le regarda sans ciller, ses yeux demeurant d'une acuité redoutable.

« Vous savez tous les deux que je ne suis pas dupe. Qu'essaye-t-il de prouver ? Il me cache quelque chose ? »

Sa voix s'était adoucie, comme un prédateur qui préfère le jeu à l'attaque.

Chan grommela face au regard de son ami qui ne vacillait pas. Il avait beau chercher un moyen de contourner la question, rien ne lui vint.

« Tu m'énerves ! lança-t-il finalement, frappant légèrement ses draps dans un geste enfantin.

— Alors, parle. Ça t'évitera des maux de tête. »

Chan leva les yeux au ciel, exaspéré, mais amusé malgré lui.

« Tu n'as pas à me forcer.

— Oh, que si.

— Absolument pas.

— Chan, je n'ai pas le temps, gronda-t-il.

— Tu es insupportable, vraiment !

— Et pourtant, tu me supportes. Alors ?

— Parce que je suis probablement la seule personne capable de te comprendre, toi et tes airs mystérieux », grommela-t-il.

Malgré la tension entre eux, ils échangèrent un regard complice, un de ceux qui ne nécessitaient pas de mots. Puis, Chan se renfrogna en voyant le sérieux revenir sur le visage de Namjoon.

« Je t'écoute. »

Chan inspira profondément, ses épaules se raidissant sous l'irritation. Il ne voulait pas céder. Ses lèvres se pincèrent, fixant Namjoon avec une détermination farouche.

Namjoon clôt les paupières pendant un court instant, tout en exhalant un souffle agacé.

« Si tu tiens vraiment à l'aider, sache qu'il n'existe presque aucun secret entre lui et moi. Je le connais mieux que quiconque, et tu le sais. Tout ce mystère ne sert à rien, Chan », argumenta-t-il d'une voix plus intime et douce.

Ce dernier serra les poings, haïssant se sentir impuissant sous la pression des paroles et du regard de son ami.

Namjoon l'observa encore un moment.

« Il attend de moi quelque chose, c'est ça ? Je dois faire mes preuves ? »

Son ton était si calme, si assuré que Chan eut l'impression d'être dénudé, exposé. Il détourna les yeux un instant, cette conversation pesant sur ses épaules. La voix basse et persuasive de Namjoon le poussait peu à peu dans ses retranchements.

« Joon, écoute... », murmura-t-il d'une voix plus rauque qu'il ne l'aurait voulu.

Il cherchait des mots pour maintenir sa position.

« Chan, je t'adore, mais je perds patience et je ne partirais pas d'ici tant que je n'aurais pas compris la situation. Je dois aller le tirer de ce maudit Jardin, car pendant qu'on parle, il est probablement avec ta sœur, et rien que cette pensée me révolte », siffla Namjoon sans prendre la peine de respirer.

Agacé, Chan finit par soupirer, sa voix se brisant légèrement sous l'irritation qu'il expulsa.

« Mais comprends-le ! s'exclama-t-il en frappant ses draps sous la tension. On vit dans un monde où notre existence même est une offense, au point où ils sont prêts à nous juger et à nous condamner simplement parce qu'on ne vit pas selon leurs maudites normes ! Il veut juste être certain que tu es prêt à te tenir à ses côtés, à affronter tout ce que cela implique sur le long terme ! Ce n'est tout de même pas si difficile à comprendre pour un génie comme toi, si ? »

Le silence.

Namjoon prit le temps de mesurer le poids des mots qui venaient d'être prononcés.

Il battit des cils, secoua la tête, puis réprima la vague de colère qui menaçait de le consumer. Une profonde inspiration suivie d'une longue expiration ne parvint pas à chasser la tension qui alourdissait ses épaules raidies. Il leva vers Chan un regard foudroyant, mais sincère.

« Je le veux dans mon quotidien, peu m'importent les règles ! Je donnerais ma vie pour lui, quand s'en rendra-t-il compte ? », soupira Namjoon d'une voix presque brisée.

Chan ouvrit la bouche sur un silence, surpris.

Il ignora la brisure de son cœur.

« Joon, il a juste peur.

— J'ai bien compris », murmura-t-il avec un soupir.

Il glissa ses mains dans ses cheveux avant de poser doucement ses coudes sur ses genoux, ses doigts toujours enchevêtrés dans sa chevelure.

« Je lui ai déjà montré par mes actions l'étendue de ce que je suis prêt à lui offrir. Mais s'il n'est pas réceptif, alors je...

— Alors tu persévéreras, l'interrompit Chan.

— C'est bien ce que je compte faire, mais c'est facile à dire, mon ami, répondit-il en relevant le visage, le frottant doucement contre sa paume avant de soupirer de nouveau.

— Encore heureux que tu ne renonces pas, il mérite largement que tu te battes. Kook ne regarde personne comme il te regarde. Il m'a paru complètement différent. Je n'aurais jamais imaginé qu'il puisse être si humble face à un autre homme, lui qui est habituellement si... eh bien...

— Sauvage, libre, fier..., souffla Namjoon avec un sourire en coin, le regard lointain.

— Il ressemble à une petite souris prête à fuir, tout en cherchant à défier le danger, dit-il avant de rire doucement. Je n'ai jamais pensé que je le verrais comme ça, un jour. »

Namjoon pinça ses lèvres, tentant de dissimuler un sourire flatté qui perçait malgré lui. Sa colère s'évapora peu à peu, remplacée par le doux souvenir de Jungkook, absorbé par sa présence quelques instants plus tôt. Cette adoration silencieuse dont il était devenu dépendant nourrissait son âme, une ambroisie invisible, mais enivrante.

« Je sais à quel point tu es épris, ne le laisse pas te filer entre les doigts.

— Ça va de soi, mais merci pour ce conseil d'une subtilité légendaire. »

Faussement outré, Chan le frappa à l'épaule, tandis que Namjoon esquissait un sourire effronté.

« Je reste toutefois perplexe, son comportement m'échappe, poursuivit-il. Il a voulu me jeter dans tes bras, n'est-ce pas ?

— À moi ? Comment veux-tu que je le sache ? Je suis aussi perdu que toi, dit-il avant de déglutir en tentant de paraître innocent.

— Tu es sans doute le plus piètre menteur que je connaisse, observa Namjoon avec un sourire taquin aux lèvres.

— Allons, je suis loyal ! Jamais je ne trahirais mon ami, marmonna-t-il.

— Je suis aussi ton ami, ou j'ai manqué un détail ?

— Et Jungkook, lui, il ne compte pas ?

— Ah, donc moi je suis juste l'ami de passage ?

— Ne sois pas ridicule, tu sais bien que tu comptes autant que Kook. Mais lui aussi me confie des secrets, comme toi...

— Je vois, tu jongles avec nos confidences comme un funambule, c'est ça ?

— Je préfère ça plutôt que répondre à tes questions indiscrètes, répliqua-t-il, sourire en coin.

— Indiscret, moi ? Je suis simplement curieux. On pourrait dire que j'ai le goût des révélations...

— Ah oui, comme un moine qui s'émerveille sur les ragots de marché, pouffa-t-il.

— Je préfère ça à ton air faussement mystérieux. On dirait un poète raté en quête de sens.

— Raté, peut-être, mais au moins je ne parle pas tout le temps ! Toi, avec tes leçons interminables, tu crois tout savoir.

— Oh, pardonne-moi d'avoir un esprit affûté. Ce n'est pas ma faute si je réussis tout, railla-t-il.

— Raison de plus pour que je sois plus malin. Toi, tu as l'intelligence des livres, moi, je suis plus créatif, sourit Chan, fier de lui.

— Modeste et toujours sur la défensive, je vois. Et on est puérils.

— Avoue que tu aimes notre puérilité, fit-il en riant.

— Eh bien, il faut croire qu'on excelle dans ce domaine. »

Le silence.

Puis ils s'esclaffèrent.

« Jungkook n'est qu'un imbécile », souffla tendrement Namjoon dans un léger sourire, détournant le regard.

Namjoon prononça le mot imbécile avec la même révérence que s'il avait dit fabuleux.

Chan émit un souffle rieur.

« Rappelle-toi, Namjoon, qu'un homme pris dans le filet de ses propres sentiments agit souvent avec maladresse. Il est juste en quête de réponses. Et que fait-on dans une telle situation, nous, les hommes ? »

Ces paroles touchèrent profondément Namjoon, qui resta silencieux un instant, les yeux largement ouverts perdus dans le vide, la tête baissée vers le sol.

On réfléchit, on évalue chaque option, on choisit, et on agit en suivant ce qu'on estime être le plus judicieux, même si on se trompe.

Son visage s'éclaira.

Par tous les cieux.

Alors, il me teste vraiment.

Sa tête se releva brusquement, arrachant un sourire en coin à Chan, qui avait presque deviné le cheminement de ses pensées.

« Souviens-toi de ce que tu m'avais confié. Est venu le moment de vivre selon ton bon vouloir, Joon. Va le retrouver, il doit être malheureux. Et je t'assure qu'il n'est pas en compagnie de mes sœurs. »

D'un mouvement brusque, il se leva, prit brusquement la tête de Chan qui grogna de surprise par cette bourrasque humaine qui s'abattit sur lui, avant de sentir un baiser impétueux se poser sur son front.

« Tu es le meilleur. »

Puis, telle une tornade, il disparut, la porte coulissant derrière lui avec une violence telle qu'elle se referma sur un Chan hébété et hilare.

Emporté par son impatience, Namjoon se précipita dans la ruelle, déterminé à pénétrer dans le Jardin et à en extirper Jungkook par les oreilles.

Quelle ne fut pas sa surprise de le découvrir là, à quelques pas seulement, assis sur une brique solitaire. La tête enfouie dans ses bras croisés, ses genoux repliés contre lui, il paraissait si seul dans un isolement absolu. Pas un chat à l'horizon.

Namjoon se figea, incapable de faire un geste, trop stupéfait pour réagir. Son cœur se contracta à la vue de cette scène désolante qu'il déplorait profondément. Silencieusement, il s'approcha et s'accroupit face à lui.

Ses mains picotaient, aspiraient à caresser les mèches soyeuses devant lui afin de l'apaiser, mais il les garda immobiles.

« Kook », murmura-t-il, ses coudes posés avec nonchalance sur ses cuisses.

Jungkook se redressa en sursautant avec une telle brusquerie que la scène en devint presque comique.

Namjoon rencontra des yeux embués. Cette vision le heurta, son cœur se brisant en mille éclats. Pourtant, il conserva une expression ferme, tranchante, une dureté qui ferait passer un couteau de boucher pour une caresse. Il devait faire comprendre à Jungkook l'ampleur de son erreur, même si, au fond de lui, Namjoon lui avait déjà pardonné.

Il puisait dans la force de sa volonté pour ne pas céder à ces perles noires qui larmoyaient de surprise et de soulagement, l'ensorcelant.

Il voulait l'étreindre contre son cœur.

« N... Namjoon ? balbutia-t-il, le regard oscillant entre le voile de soie doré du Pavillon et Namjoon. Tu n'es pas resté longtemps...

— Suffisamment longtemps pour chasser l'envie de te secouer et te remettre les idées en place. »

Sa voix portait la même teinte que son regard : la réprimande.

Ébahi, Jungkook battit ses cils humides, abasourdi et contemplatif, malgré lui. Namjoon était si sombre qu'il paraissait avoir soustrait un fragment à la nuit même.

Il resta silencieux, ses yeux irrémédiablement attirés par ceux de son ami, liés par une force mystérieuse et irrésistible. Un léger frisson le parcourut lorsqu'il comprit que, derrière les gouffres noirs de Namjoon, ce dernier se nourrissait de chacune de ses réactions.

« Qu'est-ce qui t'est passé par la tête ? Tu comptais m'attendre ici le temps que je finisse mon affaire ? », lâcha-t-il, son timbre tranquille.

Pourtant, son sarcasme était mordant.

Malgré tout, malgré son expression glaciale, Jungkook discernait cette douceur dans ses iris, bien que plus ténue. Il ne savait s'il devait s'en réjouir, car la froideur de son regard, qui semblait englober tout ce qu'il ressentait en cet instant précis, le mettait mal à l'aise.

Il revoyait en Namjoon l'homme froid d'autrefois. Une mélancolie insupportable serra son cœur. Pourtant, Jungkook savait que c'était par ses propres choix douteux qu'il se trouvait actuellement dans cette situation.

Ai-je tout gâché... ?

À cette pensée qui envahit son âme de terreur, Jungkook déglutit péniblement, sentant sa gorge se resserrer sous le poids de son désarroi.

« Il me semble t'avoir posé une question, Jeon. »

Jungkook sentit son souffle se briser. Son cœur fit un bond douloureux.

Jeon.

Un chagrin profond l'envahit. Il détestait ce ton impitoyable, cette froideur dans la prononciation de son nom. Brusquement, il se retrouva transporté dans le passé, à une époque où leur inimitié était accompagnée d'une courtoisie venimeuse.

Ne m'appelle pas comme ça !

Jungkook ne savait plus s'il criait, haletait, gémissait ou seulement pensait ces mots. À travers le brouillard humide de ses yeux, il apercevait l'expression vide et impénétrable de Namjoon. Toute pensée était masquée. Toute émotion que Namjoon aurait pu éprouver.

Jungkook ouvrit la bouche, mais aucun son ne se fraya un chemin. Il voulait tant répondre, expliquer, dévoiler le poids qui alourdissait son cœur, montrer combien il était égaré, terrifié.

Pourtant, les mots se dérobaient, échappant à son esprit, le laissant perdu sans savoir par où commencer.

Seul un souffle lui échappa.

« Je suis désolé... »

Ses mots s'apparentèrent à un sanglot mourant.

Namjoon aurait pu jurer les voir se fracasser en mille morceaux sur le sol, tant la voix de Jungkook s'était brisée. Ses mains furent de nouveau envahies par une multitude de picotements, amplifiant à elles seules la douleur aiguë qui le transperçait, telle une pluie d'aiguilles sur sa peau.

Pourtant, il s'efforça de maintenir un visage impassible, cachant du mieux qu'il le pouvait cet ébranlement nerveux.

Il était à l'affût chaque mot que Jungkook aurait pu prononcer, en vain. Ce dernier avait détourné les yeux, son corps agité dans le mouvement convulsif de ses jambes, incapable de soutenir son regard.

Namjoon décida de mettre fin à cette torture mentale.

« Très bien », soupira-t-il, se redressant lentement.

Avec douceur, il aida Jungkook à se relever en saisissant sa main, avant de la lâcher délicatement. Il tourna alors les talons, prenant la direction de l'école.

« Rentrons. »

Jungkook se trouvait ébranlé par cette douceur qui tranchait cruellement avec la froideur de son visage. Il demeura immobile, ses yeux rivés sur ce dos qui s'éloignait lentement dans la ruelle. La lumière tamisée des lanternes dessinait des ombres à cette heure où la nuit effleurerait bientôt les premières lueurs de l'aube.

Sous le ciel d'encre, les pas de Namjoon résonnaient sur le sentier. À l'affût du moindre bruit, il tendait l'oreille pour percevoir ceux plus feutrés de Jungkook derrière lui. D'un geste furtif, il risqua un regard par-dessus son épaule et l'aperçut marcher la tête baissée et les mains dans les poches de son durumagi, rongé par la nervosité. Il tranchait avec le port altier de Namjoon.

Jungkook mordillait la peau interne de sa bouche, une habitude lorsqu'il était troublé par ses émois.

Namjoon esquissa l'ombre d'un sourire avant de le réprimer, décidé à prolonger encore un peu cette punition silencieuse.

Grâce à Chan, il avait enfin saisi la véritable raison des actions de Jungkook. Si son besoin de le mettre à l'épreuve ne révélait pas l'existence de ses sentiments, qu'était-ce donc ? Il savait que Jungkook éprouvait un attachement grandissant à son égard.

Et cela... Namjoon aurait presque pu s'envoler dans les cieux tant il se sentait léger, porté par une euphorie guillerette.

Qui d'autre qu'un homme épris pourrait orchestrer une telle machination ? Seul un insensé ne le remarquerait pas. Bien que Jungkook semblât incertain de ses propres sentiments, Namjoon discernait clairement ce qui se jouait dans le cœur de son ami. Lui-même était tombé profondément et irrémédiablement amoureux, et il fallait être aveugle pour ne pas lire dans les gestes de Jungkook, ses regards et ses baisers, la timide expression de ses sentiments naissants.

Ils émergèrent finalement dans le corridor désert de leur dortoir, leurs cœurs battant encore sous l'excitation de leur intrusion réussie. Avec une prudence méticuleuse, ils avaient esquivé la vigilance des préfets, échappant de justesse à la malchance d'être découverts.

Namjoon feignit de se diriger vers sa chambre, la malice dans son regard. Ses lèvres se pincèrent pour retenir un sourire naissant, lorsqu'une main hésitante saisit sa manche.

« Attends... »

Namjoon effaça toute trace de tendresse et d'amusement de ses traits, arborant une expression impassible. Pivotant sur lui-même, il lui fit face, tombant dans le regard confus de Jungkook.

« Pourquoi tu n'es pas resté avec Chan ? Qu'est-ce que... »

Qu'est-ce que vous avez fait ?

Il n'osait pas lui poser cette question, trop honteux. Le regard de Jungkook se dérobait, fuyant celui implacable et fixe qui l'accablait. Un silence s'étira, si profond que le corridor sembla sombrer dans un sommeil paisible.

Les coins des lèvres de Namjoon tressaillirent. Il ne pourrait bientôt plus arborer une telle rigidité. Son cœur fondait devant la vulnérabilité de celui qu'il aimait.

« La véritable question, Jungkook, c'est pourquoi tu m'y as incité. »

Ce dernier se pinça les lèvres, avant de détourner légèrement le regard. Sa main se crispa autour de la manche de Namjoon, cherchant une échappatoire à ce moment pénible.

Un bref instant de réflexion suivit, durant lequel Namjoon ne put réprimer un rictus attendri qui adoucit son regard.

Puis, d'un mouvement soudain, Jungkook releva la tête, ses yeux à la fois déterminés et incertains verrouillés à ceux attentifs de Namjoon, qui avait effacé toute trace de son sourire avant d'être surpris.

« Il pouvait te donner ce que je ne peux t'offrir pour l'instant... », murmura-t-il.

Il avait soufflé ces mots avec amertume, comme s'il avait haï cette idée, mais qu'il devait exécuter.

Bien que peu étonné, Namjoon eut cependant un léger mouvement de recul de la tête. Il était clair que Jungkook l'avait mis à l'épreuve, mais il ne s'attendait pas à découvrir une telle motivation derrière ses actions.

Il avait agi ainsi parce qu'il avait avant tout pensé à Namjoon.

« Tu me prends pour un animal ? »

L'écho de sa voix se répercuta aussi bien contre les murs de pierre que contre les parois de l'esprit de Jungkook. Ce ton chargé d'indignation le fit frémir. Il leva la tête, scandalisé, chaque mot vibrant encore en lui, tranchant comme une lame acérée.

« Non ! Bien sûr que non, Namjoon...

— Explique-toi.

— Mais tu m'avais dit que... »

Il se tut, un soupir de frustration lui échappant. Sa main se resserra une fois de plus autour de la manche de Namjoon.

« Tu semblais trouver pénible de devoir me repousser chaque fois qu'on... Je sais que tu crains que mon rejet de la dernière fois se renouvelle, et je ne suis moi-même pas sûr de ma réaction, alors...

— Alors, tu as imaginé que me jeter dans les bras d'un ami pourrait résoudre le problème pour quelques semaines ? Pour ensuite me choisir un autre partenaire, et ainsi de suite ? », l'interrompit-il.

Les perles noires de Jungkook vacillèrent sous la force vibrante de la réprimande, et cette fois, son ego en fut douloureusement égratigné.

« Ai-je exigé de toi ce que tu ne pouvais pas m'offrir ? T'ai-je déjà demandé de me donner quoi que ce soit, Jungkook ? »

Soudain, l'amour-propre et l'orgueil de Jungkook se rebellèrent contre l'oppression que l'aura de Namjoon faisait peser sur lui depuis plus trop longtemps pour qu'il le supporte davantage. Certes, il avait commis une erreur, mais cette soumission constante n'était pas dans sa nature. C'en était trop.

Il poussa vivement Namjoon qui recula de deux pas, surpris.

« Pour un génie, tu manques cruellement de discernement », siffla-t-il, agacé.

Ce dernier écarquilla les yeux, hébété par ce revirement. Il comprit alors qu'il avait assez joué, que Jungkook avait atteint sa limite. Alors qu'il s'apprêtait à parler, Jungkook pivota brusquement, s'éloignant d'un pas irrité vers sa propre chambre, montant les escaliers avec fracas, indifférent au bruit qui pouvait alerter un préfet en ronde à proximité.

Namjoon s'esclaffa discrètement en entendant sa porte claquer avec violence à l'étage du dessus. Dépité, mais profondément attendri, un petit sourire tendre adoucit ses traits.

« Quel imbécile... »

Il soupira, puis, après avoir jeté un regard attentif autour de lui, il monta avec précaution vers l'étage, et s'approcha de la porte de la chambre de Jungkook. Il la fit coulisser et entra sans un mot. Quelle ne fut pas sa surprise d'entendre un cri de colère, suivi d'un livre qui valsait dans la chambre avant de s'écraser contre le mur avec fracas. Estomaqué, Namjoon plaqua son dos contre la porte.

De dos, Jungkook marmonnait des paroles indistinctes, l'esprit en ébullition, sans remarquer la présence du Kim. Dans un mouvement brusque, il se pencha pour saisir un objet, déterminé à le traiter avec la même violence que le livre qu'il avait jeté plus tôt. Mais soudain, deux mains se posèrent sur ses épaules.

Il se figea instantanément, la surprise le clouant sur place. Son souffle court et son corps encore tremblant de colère s'apaisaient peu à peu, distillant progressivement une quiétude en plein tourbillon de fureur.

Il reconnut immédiatement le toucher ferme et doux de Namjoon. Une subtile et enivrante odeur de patchouli, de fleurs séchées et de santal l'enveloppa.

Avant même de pouvoir saisir pleinement ce qui se passait, il se sentit pivoter et, avec une tendresse infinie, fut blotti contre un torse chaud et familier. Son front trouva naturellement sa place sur l'épaule accueillante. Une main se faufila parmi ses mèches tandis qu'un bras l'entourait doucement, ceignant sa taille.

Il s'y était abandonné telle une poupée désarticulée, les yeux grands ouverts de surprise, les bras pendants.

« Du calme, mon doux. »

Sa voix grave et veloutée résonna contre son torse, caressant les oreilles de Jungkook comme un baume apaisant après le fracas qui avait assailli son âme face à la facette froide de Namjoon. Un frémissement de soulagement le parcourut, libérant la tension qui l'enserrait.

L'objet glissa de sa main, chutant au sol, tandis que son souffle retrouvait progressivement son rythme malgré les battements désordonnés de son cœur.

« Jungkook », murmura-t-il.

Sa main glissa avec une délicatesse accrue dans la chevelure soyeuse, ses doigts tissant des arabesques parmi les longues mèches.

« Sache d'abord que je n'ai fait que discuter avec Chan. Il t'a été fidèle, mais il n'empêche que j'ai compris certaines choses. »

Une joie indicible réchauffa l'âme de Jungkook.

Namjoon inspira profondément, laissant les agréables effluves de camphre et de musc envahir ses sens.

« Je sais qu'on n'a pas encore pris le temps de discuter de ce qu'on est l'un pour l'autre. »

Le cœur de Jungkook s'élança dans sa poitrine, vibrant d'une énergie sauvage et imprévisible.

« Mon intention n'a jamais été de t'effrayer par mes sentiments. Je ne te demande rien et n'exigerai jamais rien de toi. Surtout, tu ne me dois absolument rien. »

Il s'attarda à caresser les mèches qui glissaient entre ses doigts, sentant le corps de Jungkook remuer légèrement à ses paroles. Ce dernier, bien que l'âme frémissante d'appréhension, ferma les paupières sous la tendresse du contact.

« Mais deux choses sont certaines pour moi », poursuivit Namjoon d'une voix basse.

Ses lèvres épousèrent tendrement la tempe à sa portée, s'y attardant avec une infinie douceur. Namjoon clôt les paupières, emporté par la fragrance emplissant ses poumons, chaque inspiration étant un voyage olfactif entêtant.

Jungkook se laissait emporter par une sensation de légèreté, comme s'il flottait dans les airs, enveloppé dans la chaleur rassurante de ces bras forts.

« La première est qu'il me suffit d'un mot de toi pour t'offrir tout ce que tu désires. Demande-moi le monde, je te l'offrirai. Ordonne sa ruine, et je l'accomplirai. »

Jungkook remua dans cette étreinte chaleureuse. Ses yeux grands ouverts trahissaient son trouble face à l'intensité des sentiments dévoilés avec une aisance déconcertante. Il était ému jusqu'au fond de l'âme à chaque mot sincère. Sa gorge se noua sous le poids des émotions, le laissant vulnérable et touché par ce franc-parler désarmant.

Il sentit des lèvres frôler le pavillon de son oreille, une caresse fugace qui éveilla une onde de frissons le long de son échine.

« La seconde, murmura-t-il avec douceur, c'est que l'idée de poser les yeux sur un autre homme que toi m'est désormais impensable. Comprends que m'inciter à rejoindre Chan m'a profondément troublé. Comment tu as pu croire que je céderais, même avec ton accord ? C'est au-delà de mes forces. Et tu as de la chance que Chan ne t'en veuille pas, car d'autres à sa place en auraient été blessés par une telle demande. »

Secoué par l'émotion, Jungkook ne put répondre autrement qu'en rendant à Namjoon une étreinte vive. Comme s'il s'était trop longtemps retenu, ses bras s'enroulèrent autour de la taille de Namjoon, et nicha son visage contre son cou chaud, là où une veine palpitait au même rythme frénétique que leurs cœurs battants.

Puis, il resta figé dans ses bras, silencieux. En cet instant précis, Jungkook était incapable de révéler ce que son cœur gardait secret, encore prisonnier d'une hésitation née de la peur de l'inconnu. Pourtant, il battait, approbateur et réceptif à cette déclaration.

Il ressentit néanmoins une gratitude infinie envers Namjoon, qui lui offrait la liberté en lui affirmant qu'il ne lui devait rien, ne lui demandait rien, pas même une réponse à ses sentiments.

Étonnamment, cette indulgence nourrit la douce chaleur qui ondoyait déjà en lui. Cet amour qui, telle une rivière paisible, s'enfonçait dans des profondeurs insoupçonnées de son âme, chaque parole de Namjoon accentuant ce que son cœur murmurait avec insistance depuis des semaines pour ce Kim.

Comme si ces mots construisaient peu à peu un pont solide entre leurs âmes.

Il ne pouvait plus ignorer cela.

Il ne pouvait plus ignorer l'âme impressionnante et pourtant fragile de Namjoon, dont le cœur n'aspirait qu'à aimer, et être chéri en retour.

Ils restèrent longuement ainsi, enlacés dans le silence agréable de la nuit. Namjoon le berçait tendrement. Jungkook se laissait aller, les yeux clos.

Peu à peu, le corps de ce dernier s'alourdit, glissant vers le sommeil. Ses cils étaient encore humides d'avoir retenu trop longtemps des larmes de soulagement, de honte et de remords. La cadence tranquille des battements de cœur de Namjoon l'apaisait, et la nuit les enveloppait dans un cocon de sérénité retrouvée.

Sentant le corps massif contre lui s'alourdir de plus en plus, les lèvres de Namjoon s'étirèrent en une légère courbe qui adoucit davantage ses traits.

« Tu t'assoupis.

— Hmm..., marmonna-t-il.

— Tu es lourd. »

Jungkook sentit son sourire contre ses cheveux et l'imita.

« ... Tu veux rester ? murmura-t-il après un bref silence, émergeant de sa somnolence.

— Seulement si tu le veux. »

Jungkook acquiesça.

Namjoon insista pour l'assister dans sa toilette rapide, puis l'habillant de vêtements confortables avant de s'occuper de lui-même. Le sachant épuisé, il l'avait tendrement dorloté, tandis que Jungkook, encore submergé par les derniers relents tumultueux de ses émotions et épuisé par leur intensité, s'était laissé porter par cette douce attention avec un petit sourire timide et niais.

Ensemble, ils glissèrent sous les couvertures, se lovant aussitôt l'un contre l'autre. Ils éteignirent les lampes, laissant les filaments argentés de la pleine lune baigner la pièce d'une lumière sereine.

Sur le point de sombrer dans le sommeil, Namjoon perçut un murmure léger qui le fit sourire.

« Je m'en veux d'avoir agi inconsidérément...

— Oh, vraiment ? répondit Namjoon d'un ton faussement méprisant, un sourire en coin.

— Tu me pardonnes ? murmura Jungkook, la voix hésitante, presque suppliante.

— Ce n'est pas parce que je t'accepte dans mes bras que je te pardonne, Jungkook », rétorqua-t-il en mordant un sourire.

Le cœur battant et les lèvres pincées par le désarroi, Jungkook serra instinctivement son étreinte autour de lui.

« Je comprends... »

Sadique dans l'âme, Namjoon laissa planer un silence, accentuant l'incertitude dans le cœur désespéré de Jungkook.

« Tu étais pardonné dès l'instant où j'ai quitté Chan, idiot. »

Outré, Jungkook hoqueta, redressant sa tête du cou de Namjoon pour le fixer avec mécontentement. Namjoon remercia la lune de les éclairer suffisamment lui permettant d'admirer ses traits.

« Tu as joué un rôle tout ce temps ? s'exclama-t-il, abasourdi.

— Et tu oses te plaindre ? le gronda Namjoon avec une feinte sévérité, avant de glousser.

— ... Je l'ai bien mérité, je le reconnais, marmonna Jungkook, un petit sourire gêné.

— Au moins, tu en es conscient », répliqua-t-il, un brin moqueur.

Un grommellement ténu de protestation déclencha aussitôt le rire de Namjoon.

« Tu sais », reprit Namjoon.

Il déposa un doux baiser sur son front.

« Avec le recul, ta maladresse est attendrissante. Même si tu restes un imbécile. »

Jungkook ouvrit la bouche, outré, prêt à protester, avant que Namjoon le coupe.

« D'ailleurs, je pense que tu mérites qu'on te tire les joues jusqu'à ce qu'elles deviennent toutes rouges.

— Voyez-vous ça, pouffa-t-il en levant les yeux au ciel. Je te laisse faire... Mais sois doux. »

Le sourire effronté de Jungkook s'évanouit, tandis que l'éclat malicieux dans les yeux de Namjoon ne lui annonçait rien qui vaille.

« Ou peut-être que je devrais te faire rougir d'une autre façon... », souffla-t-il, tandis qu'une main se faufilait sous le haut de Jungkook.

Rougissant violemment, Jungkook lui frappa la main avant de pincer sa hanche, un geste plus taquin que réprobateur. La douceur de la pression ne fit que chatouiller Namjoon, qui, s'esclaffant, l'attira vivement contre lui.

« Mais tu m'as dit d'être doux, non ?

— Tu es puéril ! grognonna Jungkook, le front pressé contre son cou.

— Pardon ? Toi, tu oses dire ça ? Moi, puéril ? », répliqua-t-il, le ton faussement indigné.

À la fois amusé et embarrassé, Jungkook se tortilla légèrement dans ses bras, ses doigts agrippant instinctivement le tissu de la chemise de Namjoon.

« Shhh, j'aimerais dormir », râla-t-il d'une voix un peu trop pressée, tentant d'échapper à la taquinerie incessante.

Namjoon s'esclaffa d'une voix délicieusement grave qui fit frémir le cœur de Jungkook, chaque vibration semblant se fondre en lui, caressant son âme.

« Ah, tu veux dormir maintenant ? Et qui était si désespéré de se faire pardonner il y a quelques minutes ? », murmura Namjoon à son oreille, l'ombre d'un sourire sadique jouant sur ses lèvres.

Jungkook poussa un petit grognement de protestation, ses joues toujours brûlantes.

« Arrête ! Tu sais très bien ce que tu fais, et je ne suis pas d'accord... » geignit-il, la voix presque inaudible.

Namjoon s'amusait comme un petit fou. Attendri par sa réaction, il le serra un peu plus fort contre lui, laissant son souffle chaud effleurer sa peau.

« D'accord, d'accord, je te laisse tranquille... pour l'instant. »

Enfoui dans l'étreinte de Namjoon, le visage encore brûlant, Jungkook oscilla entre embarras et réconfort. Il grogna, se redressa, et dans un froncement de sourcils, chercha son regard avec un sérieux feint face à l'amusement de l'autre.

« C'est injuste, tu te moques toujours de moi, » bougonna-t-il.

Lui qui voulut paraître sérieux, ses lèvres tremblantes trahissaient l'ombre d'un sourire.

Amusé, Namjoon le regarda tendrement.

« Je ne fais que t'adorer à ma manière, voilà tout. »

Jungkook fit la moue et détourna le regard, incapable d'affronter ces yeux perçants et scintillants d'affection. Un murmure frustré lui échappa, à peine audible.

« Qu'est-ce que tu as dit ? lança Namjoon avec une pointe de malice.

— Rien du tout ! Et arrête donc ton jeu, espèce de sadique ! Tu prends bien trop de plaisir à me voir rougir, et d'ordinaire, ce n'est pas mon genre ! Vraiment, tu m'agaces. »

Namjoon éclata d'un rire franc, se récoltant une tape sur la poitrine. Sans pouvoir s'en empêcher, ses doigts effleurèrent doucement la joue d'un Jungkook au summum de l'embarras et de l'irritation.

« Eh bien... je dois reconnaître que je ne peux pas m'en passer, parce que cette couleur te va à ravir », répondit-il, le ton mêlant taquinerie et séduction.

Le corps de Jungkook se relâcha soudain, comme si la tension de ses muscles s'était dissoute en un souffle. Il voulait tellement être capable de lui tenir tête, dans ces instants-là. Mais son cœur était sur le point d'imploser. Il vacillait, trop atteint par son aura douce, mais intimidante. Fuyant son regard, il pesta quelques mots en se réfugiant à nouveau contre le torse de Namjoon.

Ce dernier émit un léger rire moqueur qui semblait tout droit sorti des enfers, selon Jungkook.

« Allons, articule donc, hyung ne peut te comprendre, comme ça.

— Oh, tais-toi, je ne t'écoute plus... », râla-t-il.

Namjoon mordit sa lèvre pour contenir un rire attendri. Il ne pouvait s'empêcher de vouer un culte à cette facette vulnérable de Jungkook. C'était désarmant. Il le serra un peu plus fort, comme s'il voulait ne faire qu'un avec lui. Il inhala son parfum, cette senteur familière qui lui donnait la douce sensation d'être chez lui.

« Juste une dernière chose et on clôt définitivement cette discussion, je peux ? », demanda Namjoon après un silence.

Jungkook hocha la tête.

« J'aimerais que tu ne prennes plus d'initiatives en croyant deviner mes pensées, dit-il avec parcimonie. Il nous suffit de communiquer.

— Promis, souffla Jungkook, contrit.

— Bien. Dormons le peu de temps qu'il nous reste, mon doux. Cette nuit a été éprouvante », dit-il avec tendresse.

Le cœur de Jungkook bondit dans sa poitrine, battant frénétiquement tel un colibri à l'entente de ce surnom. Un sourire releva ses pommettes, le premier sourire sincère depuis cette nuit tourmentée.

« Bonne nuit, hyungie. »

À son tour, Namjoon sentit les assauts de son cœur, ses joues s'empourprant d'un rouge éclatant.

Hyungie.

Ses lèvres entrouvertes laissaient échapper un sourire stupéfait. S'il avait su qu'un simple surnom pouvait enflammer son cœur...

Hyungie.

Cela le mettait dans tous ses états.

Lentement, il déposa un baiser appuyé sur le front de Jungkook. Celui-ci se redressa légèrement, sourit, et ouvrit les yeux. 

Deux yeux d'un noir volcanique la fixaient avec amour.

C'était inédit.

Et, de nouveau, Namjoon tomba amoureux.


Plus que jamais.



À suivre...



OK alors je me suis trompée pour « hyungie ». À la base, c'est ici que JK l'utilise pour la première fois. Comme je relis les chapitres un peu plus avancés en parallèle de ceux que je publie actuellement, je me suis un littéralement embrouillée et l'ai inclus dès les chapitres 7 ou 8 ou 9 je sais même plus, shit 🥲

Je vais le retirer des chaps précédents, et faites comme si c'était la première fois qu'il le dit ici, ok 🥲

Shit, l'effet de surprise est un peu gâché, là 🥲

ANYWAY

Alors, ce chap ? 👀

À mercredi ♡ 

𝑾𝒊𝒕𝒉 𝑳𝒐𝒗𝒆, 𝑫𝒂𝒓𝒌 𝑬𝒚𝒆𝒍𝒆𝒕 🖤

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