𝐗𝐈𝐈𝐈 | 𝐋𝐨𝐬𝐬 𝐚𝐧𝐱𝐢𝐞𝐭𝐲

Artist cr. : Lemsyeming (l'une des best, wsh).


Loss anxiety (eng.) :

Forme d'anxiété. Peur de perdre des personnes auxquelles on est émotionnellement attaché.

Sentiment amplifié chez ceux ayant vécu des pertes ou des deuils.

Il peut les amener à éviter de nouer de nouvelles relations pour se protéger de la douleur potentielle d'une perte future.



À l'aube, Jungkook émergea sur le palier, son durumagi plié sous le bras, des cernes ombrageant son regard. Il se dirigea vers les bassins communs, nichés dans le jardin de la cour intérieure de l'académie. Il passa devant Yoongi et Seokjin en grognonnant à leur salut.

Il s'assit sur un tabouret face à un bac de pierre empli d'eau fraîchement puisée du puits par l'un de ses amis, et entreprit ses ablutions matinales avec une ardeur modérée. L'eau glaciale sur son visage et ses bras lui arrachèrent de désagréables frissons.

« Tu sembles bien fatigué, observa Mingyu.

— Peu dormi.

— Voilà ce qui arrive lorsqu'on passe ses nuits dans des lieux de débauche, taquina-t-il. C'est bien mérité. »

Jungkook se contenta de maugréer dans un murmure contrarié. Il prit une serviette de lin et, avec des gestes las, s'essuya le visage et les avant-bras. Puis, sans un mot de plus, il s'éloigna, laissant derrière lui un silence hébété.

« Eh bien... ? », souffla Mingyu.

Il échangea un regard surpris avec Yoongi qui, tout en se brossant les dents avec un bâtonnet, se contenta de hausser les épaules. Ayant cessé de se coiffer, Seokjin suivait des yeux la silhouette de Jungkook, soucieux.

Ils s'étaient attendus à une réaction plus vive de la part de Jungkook, une joute verbale animée et peut-être même quelques coups amicaux échangés, comme Mingyu et lui en avaient l'habitude. Jungkook avait toujours été prompt à répondre à ses taquineries, aussi l'attitude désinvolte de ce dernier ne manqua-t-elle pas de semer en eux un germe d'inquiétude.

Cette apathie inhabituelle leur paraissait étrangement lourde de sens.



Les pieds traînants, Jungkook avançait vers la salle de classe. À mesure que le bâtiment se dessinait devant lui, son pas se faisait de plus en plus lourd. Il se sentait si épuisé qu'il redoutait déjà la cacophonie des voix de ses maîtres résonnant toute la journée. Chaque pas devenait une lutte intérieure.

Juste au moment où il s'apprêtait à faire demi-tour, le bras de son professeur lui barra la route.

Il lâcha un long soupir.

Toute échappatoire s'envolait, rendant l'école buissonnière un rêve irréalisable.

« Eh bien, Jeon ? Ma salle se situe de l'autre côté, fit remarquer le professeur Shin Taekyun avec une pointe de malice dans la voix.

— Il me semblait avoir oublié mon cahier, seonsaeng.

— Vous l'avez en main », fit observer le professeur en levant un sourcil.

Fichtre.

« Y a-t-il un problème ?

— Tout va bien, répondit Jungkook en évitant son regard. J'ai simplement peu dormi. »

Le professeur Shin observait Jungkook avec une intensité qui montrait son scepticisme. Sous ce regard envahissant et scrutateur, le corps de Jungkook se tendit, sa volonté de fuir immédiatement réprimée par la conscience que cela serait perçu comme un affront impardonnable.

Shin Taekyun, éminent professeur de sciences naturelles à Sungkyunkwan, projetait une aura sombre et inquiétante qui planait comme une ombre sur l'université. Ses yeux perçants derrière des lunettes cerclées d'or, sa barbe longue et soigneusement taillée, et ses robes austères de soie sombre amplifiaient sa présence dérangeante.

Sa réputation d'intimidateur impitoyable n'était égalée que par sa capacité à humilier ses étudiants avec une précision cruelle, disséquant leurs erreurs avec la même minutie que ses dissections en classe.

Bien qu'il n'eût jamais posé un acte qui prouvât sa dangerosité, une terreur muette l'entourait ; élèves et professeurs le redoutaient, l'évitant chaque fois que possible.

Conscient de cette renommée sinistre, Jungkook, tout juste arrivé, n'avait aucune intention de croiser le chemin de cet homme dont le sourire ne s'étirait jamais sans une pointe de malveillance.

« On raconte que tu es souvent vu en compagnie de Kim Namjoon, observa Shin, en coiffant distraitement sa barbe.

— C'est exact », répondit Jungkook avec une certaine réserve, bien qu'une lueur farouche scintillât dans ses yeux.

Qu'il ose le dénigrer.

« Il est curieux de te voir fréquenter le fils de celui qui a trahi son seigneur et son pays, entraînant dans sa chute sa femme et son enfant. »

...Très bien. Comment on procède pour arracher une barbe tout en infligeant le plus de douleur possible ?

« Ça m'importe peu. Namjoon est mon ami », répliqua-t-il, les dents serrées.

Sa patience s'érodait rapidement sous l'effet de la fatigue.

« Ton ami ? lança Shin avec mépris avant de se reprendre et de poursuivre d'une voix mielleuse. Crois-moi, l'âme de ce garçon a été irrémédiablement souillée par la trahison de son père. Je suis convaincu qu'il nourrit en lui de sombres desseins de vengeance. Mais toi, Jeon... »

Shin fit un pas en avant, levant doucement la main en direction de Jungkook qui recula instinctivement d'un pas, une lueur d'avertissement et de méfiance dans les yeux.

À cet instant, il détesta ces couloirs vides, désertés par des élèves trop craintifs de perdre quelques points pour un retard, déjà tous disparus derrière les portes closes de leurs salles de classe, alors que le tambour n'avait même pas encore résonné.

« Ton âme est encore pure, observa l'homme en plissant les yeux. Tu tiens de ton père, tu es d'une grande bonté. Promets-moi de ne pas te laisser corrompre par l'obscurité de ce garçon. Éloigne-toi de lui et continue de savourer les joies simples de la vie, avec toute l'insouciance de la jeunesse. »

Jungkook retint de justesse un rire nerveux, où se mêlaient mépris et irritation.

Mais enfin, en quoi ça le concerne !

« D'ailleurs, jeune homme. Pourquoi te rends-tu aussi souvent dans sa chambre, la nuit ? » demanda-t-il d'une voix froide.

Jungkook réprima un sursaut, son cœur s'emballant dans sa poitrine. Il se pétrifia, tentant de maîtriser la vague de panique qui montait en lui tout en réussissant avec brio à garder un visage impassible.

Le professeur s'avançait lentement, ses pas résonnant dans les couloirs des classes.

« Qu'est-ce qui justifie ces visites très fréquentes, hm ? » continua Shin, un sourire sournois étirant ses lèvres.

Son regard perçant ne quittait pas Jungkook, le scrutant avec une intensité inquiétante.

Jungkook fit un pas en arrière, frôlant le mur du bout des épaules. Une fine pellicule de sueur naquit sur son front tandis que chaque mot du professeur se muait en une menace troublante et oppressante.

« Il y a des rumeurs qui circulent, Jeon, siffla Shin d'un ton sombre, se penchant un peu plus près de lui. Des rumeurs que certains de tes camarades commencent à chuchoter dans les couloirs. Des choses... qui pourraient te conduire à une fin regrettable. »

Les yeux de Jungkook s'écarquillèrent, son esprit en proie à une frénésie silencieuse, tentant de dénicher une réponse capable d'étouffer la curiosité insidieuse de Shin. Pourtant, il sentait au fond de lui qu'une seule parole de trop pourrait sceller son sort.

« Je ne vois pas de quoi vous parlez », dit-il enfin, tentant de garder sa voix calme malgré la peur qui nouait sa gorge.

Tout ce qui l'avait longtemps plongé dans l'incertitude dans sa relation avec Namjoon prenait forme à cet instant, un pressentiment devenu réalité.

Le professeur arqua un sourcil narquois, un éclat d'arrogance dans ses yeux.

« Ne fais pas semblant d'ignorer, Jeon. Tu sais parfaitement à quoi je fais référence. Il serait sage de ta part de veiller sur tes actes... et tes fréquentations. Ici, à Sungkyunkwan, les murs ont des yeux et des oreilles. »

Le tambour annonçant le début des leçons résonna.

« Je garderai un œil attentif sur toi et sur Kim. Et, tu sais, je n'ai jamais éprouvé la moindre sympathie pour vos pères. Donc, si les soupçons s'avèrent fondés, je n'hésiterai pas à vous d...

— Vous êtes abject », l'interrompit-il d'une voix froide, laissant transparaître tout son mépris.

À présent que Namjoon, son père et sa propre intégrité étaient en jeu, Jungkook se moquait bien de ce que pourrait lui valoir la réputation de Shin Taekyun. Le mépris se lisait dans chacun de ses traits.

« Et votre imagination, je dois dire, est... fantasque. Vous semblez oublier la réputation qui est la mienne. Suivez-moi donc, et vous verrez où je passe véritablement la majorité de mes nuits, Shin-ssi. »

Il se pencha légèrement vers l'homme dont le regard brûlait d'une fureur prête à le transpercer.

« Peut-être qu'en passant un peu de temps avec des femmes, vous deviendrez enfin un peu plus aimable », ajouta-t-il avec une pointe d'ironie.

Dès qu'il dépassa le professeur, des sueurs froides firent frémir son échine, comme si l'aura de cet homme éveillait en lui une réaction d'alerte.

Jungkook serra les dents, le cœur affolé et l'âme glacée.

Bon sang, il est terrifiant.

Jungkook s'élança à toute allure vers la salle de classe. Arrivé à sa place habituelle, il s'agenouilla, la tête obstinément baissée, refusant de croiser le regard de quiconque.

Durant l'heure, il resta ainsi, figé, indifférent aux paroles du professeur Shin.

Personne, hormis Namjoon qui était assis à côté de lui, n'avait remarqué son trouble. Ses amis étaient dispersés dans les tables devant eux, concentrés, ne se doutant pas du trouble de leur ami.

Namjoon observait avec inquiétude la nuque tendue de Jungkook, ses épaules crispées et sa posture inhabituellement rigide. Quelque chose n'allait pas. Jungkook, d'ordinaire si alerte, semblait prisonnier d'une étrange torpeur, le regard rivé sur son cahier ouvert.

Il remarqua la pâleur de son visage, le tremblement nerveux de ses mains, sa respiration légèrement plus rapide, et la légère moiteur faisant discrètement briller son front et ses tempes.

Il pouvait presque sentir son malaise comme une aura sombre autour de lui.

Inquiet, il pencha légèrement la tête, espérant attirer son regard, mais Jungkook demeurait impassible, plongé dans une bulle opaque de tension. Le bourdonnement de la classe et les paroles du professeur Shin n'étaient que des échos lointains, comme s'il n'y avait plus que ce silence pesant entre eux.

Namjoon se mordit la lèvre, cherchant en vain une manière de l'atteindre, de le sortir de cet état étrange et inconnu.

Plongé dans son monologue, le professeur déambulait lentement entre les rangs. Lorsqu'il s'approcha de la table de Jungkook, il s'arrêta soudain, un sourire à peine perceptible étirant ses lèvres.

« N'est-ce pas, Jeon ? », lança-t-il d'une voix doucereuse.

Alerte et inquiet, Namjoon sentit une vague de tension parcourir son ami. Là, sous ses yeux ébahis, Jungkook frémit, ses sourcils se froncèrent tandis que ses yeux s'écarquillèrent comme s'il venait de se réveiller d'un cauchemar. Sa mâchoire sembla se crisper au point de se rompre, ses mains tremblèrent davantage avant de devenir des poings frémissants, et sa respiration s'accéléra légèrement, comme s'il luttait pour retrouver son souffle.

Le cœur serré par l'angoisse, Namjoon ne sut que faire, alors que le regard de Jungkook se perdait dans un mélange de colère et de peur. Ce n'était plus simplement de la nervosité ; c'était comme si quelque chose de plus sombre s'était emparé de lui.

Une lueur de panique s'ajouta dans les yeux saturés de Jungkook, et il fit un mouvement hésitant de sa tête, comme pour chasser une pensée intrusive ou un bruit oppressant que lui seul entendait.

Irrité par la malveillance à peine voilée du professeur, Namjoon fronça les sourcils et lança un regard noir en direction de Shin. Remarquant l'œillade, ce dernier se tourna légèrement et soutint le regard de Namjoon avec une égale intensité, ses yeux noirs comme des puits sans fond.

« Un problème, Kim ? », demanda-t-il, sa voix calme, mais lourde de sous-entendus.

Du coin de l'œil, Namjoon vit les amis de Jungkook s'agiter légèrement, inquiets. Mais son regard demeura ancré dans celui du professeur. Il ne céda pas, prolongeant ce défi silencieux qui aurait pu lui coûter une punition ou un retrait de points.

La tension crépitait entre eux comme un orage prêt à éclater. Jungkook releva brusquement la tête, ses traits marqués par une mise en garde silencieuse. Son regard transperça Namjoon, un cri muet implorant de ne rien dire, de ne rien faire, avant que ses yeux ne se posent sur le professeur.

Mais Namjoon l'ignora. L'atmosphère devint encore plus lourde. Jungkook commença à s'agiter, ses mains se resserrant nerveusement sur le bord de la table, ses yeux cherchant désespérément ceux du Kim.

Puis, comme si rien ne s'était passé, Shin détourna le regard et reprit son monologue, s'éloignant sans un mot de plus, laissant derrière lui Namjoon et Jungkook dans leur trouble.

Toute la classe était en alerte, personne n'ayant manqué l'échange étrange entre les trois hommes.

Tous avaient remarqué l'état de Jungkook, si différent de son habitude. Lui qui, d'ordinaire, traînait nonchalamment sur son coussin en baillant ou en ayant la tête appuyée sur sa main aussi longtemps jusqu'à avoir des fourmis dans le bras, était maintenant assis comme une statue, droit et figé, comme s'il était en proie à une peur intense ou à une force invisible le maintenant captif. Ses yeux étaient fixes, ses lèvres serrées, et il avait à peine bougé depuis le début de la leçon.

Les élèves, et surtout les amis de Jungkook, retenaient leur souffle, craignant que le moindre mouvement ne rompe cette corde tendue qui pesait sur la salle comme un couvercle sur une marmite en ébullition.

Seokjin, Yoongi et Mingyu échangèrent un regard alerte, conscients de l'état alarmant de Jungkook. Le désir d'intervenir les saisit, mais ils devinaient que leur implication ne ferait qu'aggraver les choses, connaissant le caractère imprévisible et effrayant de leur professeur.

Ils sentaient confusément qu'un drame se jouait, quelque chose qui dépassait les simples murs de la classe. Quelque chose qui impliquait Jungkook et Namjoon avec leur professeur.

Néanmoins, ils voyaient bien que Namjoon luttait déjà pour leur ami et, si Seokjin et Yoongi lui furent reconnaissants, saluant sa bravoure, Mingyu fusillait le profil de Namjoon du regard, une pointe de jalousie irradiant de ses yeux.

Tous attendaient, l'esprit en alerte dans une curiosité malsaine, de voir quelle en serait l'issue. Mais le temps s'étira sans qu'aucun incident ne se produise, chaque seconde s'écoulant avec une lenteur exaspérante.

Enfin, la leçon toucha à sa fin.

D'un geste énergique, le professeur frappa dans ses mains pour réclamer l'attention des élèves, interrompant leur empressement à rassembler leurs affaires pour quitter la classe.

« Jeunes gens, permettez-moi de vous rappeler que dans deux semaines se tiendront des cérémonies majeures. Nous célébrerons le cent cinquantième septième anniversaire de la fondation de notre illustre école. À cette occasion, les portes de Sungkyunkwan seront ouvertes aux citadins, et nous aurons l'honneur d'accueillir des représentants de la cour, dont Kim Seungmin, le ministre de la Guerre et général de l'armée royale. Les enseignants et moi-même vous invitons à vous investir pleinement dans les préparatifs pour que cette fête soit un véritable succès et rende hommage à notre cher doyen Jeong. »

Cette annonce sema une joyeuse effervescence parmi les étudiants. Ils saluèrent respectueusement leur professeur, sortirent, et se rassemblèrent en petits groupes dans la cour, leurs esprits bouillonnant de projets. Compétitions littéraires et sportives, visites guidées du campus, spectacles en tout genre, et bien sûr, les interminables banquets préparés par les cuisiniers de l'école. Tout cela enflammait leur imagination.

En hâte, Jungkook ramassait ses affaires d'un geste vif. Deux fois, son encrier tomba lourdement sur la table, résonnant dans le silence presque vide de la classe.

À son bureau, Shin observait la scène avec un plaisir cruel, savourant chaque seconde de sa détresse.

Sur le seuil de la porte, Namjoon attendait avec les amis de Jungkook, l'inquiétude peinte sur leurs visages. Avant même que Seokjin fasse un pas vers Jungkook pour l'aider, Namjoon s'avança dans la classe. Il déposa ses affaires sur la table la plus proche sous le regard colérique de Mingyu, et ceux suspicieux de Seokjin et Yoongi.

Il aida Jungkook à ramasser ses affaires, lançant des regards assassins au professeur, qui se délectait du trouble de son élève. Namjoon lutta de toutes ses forces contre l'envie de se jeter sur lui, de faire disparaître ce sourire odieux à coups de poing, rêvant de balayer cette jouissance malsaine de son visage.

Sans un mot, ils sortirent. Derrière eux, Shin restait immobile, ses yeux perçants fixés sans relâche sur eux. D'un geste instinctif, Jungkook se glissa entre le professeur et Namjoon qui récupérait ses affaires, tentant de servir de bouclier contre le regard de haine brûlante que Shin lui lançait, une flamme glacée qui semblait vouloir le consumer tout entier.

Ils s'en allèrent. Namjoon resta en retrait tout en les suivant, l'esprit tournant à toute allure, tentant de comprendre ce dont il venait d'être témoin.

Soucieux, Mingyu entoura le cou de Jungkook, dont le regard était perdu dans le néant, la tête baissée, ses affaires pressées contre sa poitrine. Les voix de ses amis s'élevèrent simultanément et se chevauchèrent en un écho confus.

« Qu'est-ce que te voulait ce tordu ? questionna Mingyu, les sourcils froncés.

— Il t'a fait quelque chose ? Il t'a fait du mal ? Je ne t'ai jamais vu aussi crispé et mal à l'aise, s'inquiéta Yoongi en se penchant vers lui.

— Au fait, merci, Namjoon, d'avoir pris sa défense, même si tu n'as rien dit », ajouta Seokjin d'une voix affable.

Namjoon se contenta de hocher distraitement la tête.

« Hé, tout va bien, poussin ? », murmura Seokjin en lui ébouriffant tendrement les cheveux, remarquant son mutisme inhabituel.

Alors que chacun s'attendait à voir Jungkook réagir au quart de tour et bondir sur Seokjin pour avoir osé le nommer ainsi devant Namjoon, le silence de ce dernier les prit de court. Tous échangèrent un regard inquiet.

À voix basse, Namjoon leur demanda alors de les laisser seuls, lui et Jungkook, pour en parler.

« Pourquoi ? Tu serais au courant de quelque chose ? demanda Yoongi.

— On peut discuter avec lui, aussi, intervint Mingyu d'un ton acerbe.

— Je vous le demande, répéta Namjoon, la voix posée.

— Ce que tu ne sembles pas saisir, c'est qu'on est aussi ses amis et qu'on se fait du souci pour lui. Je ne vois pas pourquoi tu aurais l'exclusivité de son attention. »

Dire qu'ils n'étaient pas réticents serait mentir. Seokjin et Yoongi trouvaient écho dans les propos de Mingyu, pour une fois.

Le regard de Yoongi croisa celui de Namjoon, dont les épaules étaient crispées, l'expression légèrement froissée par ce que Yoongi décela comme une inquiétude. Il regarda ensuite Jungkook. Il surprit dans son attitude un détail presque imperceptible ; même s'il regardait le sol, sa tête était légèrement tournée vers Namjoon, témoignant une envie inconsciente de ne s'adresser qu'à lui.

Yoongi réfléchit, les yeux plissés. Son cœur se serra sous l'amertume d'un constat : Jungkook avait besoin de Namjoon pour l'instant, pas d'eux. Il lisait dans leur posture et dans la subtilité de leurs mouvements qu'il était temps pour eux de s'effacer et de les laisser seuls.

Il sentait dans cette étrange connivence que quelque chose lui échappait. Quelque chose que Namjoon semblait seul capable de saisir et de démêler. Il choisit alors de s'effacer, conscient que c'était pour le bien de Jungkook. Après tout, peut-être que Kim était le mieux placé pour mener cette affaire.

« Très bien. »

Il ignora les protestations de Mingyu et l'incrédulité de Seokjin.

« Quoi ? Non je refuse, il passe déjà trop de temps avec l... s'interposa Mingyu.

— Kook, on se retrouve à la cantine après les leçons », lâcha Yoongi en le coupant, posant une main apaisante sur son épaule.

Un simple hochement de tête leur répondit, son silence les troublant un peu plus. Pourtant, le regard confiant et reconnaissant de Namjoon suffit à les apaiser ; ils se détournèrent alors, non sans ébouriffer tendrement ses cheveux ou lui donner de légères tapes sur l'épaule.

Jungkook esquissa un petit sourire, mêlant gratitude et regret alors qu'il les voyait s'éloigner. Il ignorait pourquoi Namjoon avait souhaité rester seul avec lui, mais au fond de son cœur, il sentait ce besoin impérieux d'être près de lui, et de lui seul, en cet instant dans lequel il était plus que tourmenté.

Peut-être que Namjoon l'avait deviné avant même qu'il ne s'en rende lui-même compte.

Il observa ses amis presser le pas, leurs regards furtifs chargés d'inquiétude tournés vers lui. Son cœur se serra à cette vue. Il devinait qu'il les repoussait, que la présence de Namjoon envahissait doucement leur espace. Ou peut-être était-ce simplement lui qui recherchait constamment la présence de Namjoon à leur détriment ?

Il soupira.

Je dois me reprendre. Ils me manquent.

À présent seul avec lui, Namjoon ne put retenir ses mots et, avant même de franchir les portes du bâtiment, il l'inonda d'une rafale de questions, encore troublé par ce qu'il avait vu.

« Jungkook, que se passe-t-il vraiment entre toi et ce maudit Shin ? demanda-t-il, soucieux et concerné. Il m'a semblé plus hostile que d'ordinaire. Pourquoi ? Qu'est-ce qu'il t'a dit ?

— Je pense qu'il vaut mieux que je t'explique ce soir, dans ta chambre ou la mienne », dit Jungkook d'une voix atone, le regard de nouveau baissé.

Namjoon s'immobilisa soudainement.

Les yeux dans le vague, son visage se voila, se perdant dans le vide. Des scénarios, chacun plus alarmant que le précédent, envahissaient son esprit tourmenté.

« Il t'a fait quelque chose ? demanda-t-il, le ton sombre et froid.

— Non, répondit Jungkook en tirant sur sa manche, l'incitant à reprendre leur marche vers leur prochaine leçon. Il m'a dit des choses qui m'ont perturbé. »

Le cœur de Namjoon bondit.

« Quelles choses ? insista-t-il, se penchant légèrement pour mieux percevoir les émotions sur son visage.

— Plus tard... On ne doit vraiment pas être entendus, Nam, » murmura-t-il, de nouveau tendu.

Le corps de Namjoon frémit, partagé entre l'élan irrésistible de serrer Jungkook contre lui, de calmer leurs cœurs affolés à l'unisson, et la colère sourde qui le consumait. Une rancœur familière s'empara de lui, ravivée par la pensée fugace que la source des tourments de Jungkook puisse être... eux-mêmes.

Ses dents grincèrent, les muscles de sa mâchoire tressaillirent sous sa peau lisse, comme une fureur muette prête à éclater.

Maudite soit cette société déplorable.

« Si ça me permettait de t'enlacer, je réduirais cette école en cendres sans le moindre remords », déclara Namjoon d'une voix grave, laissant transparaître sa colère et sa frustration.

Son cœur s'envola de joie lorsque, enfin, Jungkook posa sur lui son regard, un sourire tendre et amusé adoucissant ses traits tendus.

« Il me tarde, hyungie », dit-il d'une petite voix éreintée.

Namjoon ne put empêcher ses joues de rosir.

« De quoi ? Il te tarde que je détruise le monde ? taquina-t-il, tentant de dissimuler son embarras.

— Non, il me tarde de te voir rougir encore plus », répliqua Jungkook avec une étincelle de malice dans les yeux, son sourire s'élargissant.

Namjoon se pencha un peu plus près, une lueur joueuse dans le regard.

« Fais attention, Jungkook. Si tu continues comme ça, je pourrais bien te faire rougir à ton tour, mais pas seulement avec des mots. »

Jungkook fit mine de se reculer, le visage faussement choqué, luttant contre les picotements qui se faisaient déjà ressentir sur ses joues.

« On est en plein jour ! Et si quelqu'un nous voyait ? »

Namjoon haussa les sourcils, un sourire lent se dessinant sur ses lèvres.

« Oh, je n'ai jamais eu peur d'un peu de lumière. Surtout quand elle illumine la manière dont tu me regardes, dans ces instants-là. »

Jungkook se pinça les lèvres en secouant la tête, avant de rire doucement, le cœur battant.

« Tu sais vraiment comment rendre une situation embarrassante encore plus... intéressante.

— Embarrassante ou inoubliable ? demanda Namjoon, murmurant presque à son oreille. La ligne est si fine, mon doux... et je sais laquelle je préfère franchir avec toi. »

Jungkook déglutit, un frisson parcourant sa peau, trahi par les sous-entendus de Namjoon qui le déstabilisaient. Il leva les yeux au ciel, tentant en vain de dissimuler son trouble.

« Tu joues toujours avec le feu, grommela-t-il. Et tu sais bien que je ne suis pas doué pour garder mon calme. »

Il tentait de paraître nonchalant malgré la chaleur qui montait progressivement à ses joues, tandis que Namjoon le contemplait avec un petit sourire en coin, tendrement diverti.

« Voilà pourquoi j'aime tant te provoquer. Voir cette lueur dans tes yeux... Ce tiraillement entre le désir et la décence... Rien ne m'amuse davantage. »

Jungkook s'humecta les lèvres, le défiant du regard, malgré les assauts frénétiques de son cœur.

« Ne t'étonne pas si, un jour, je choisis de te rendre la pareille. Et sois certain que je ne ferai preuve d'aucune clémence.

— C'est une menace ?

— C'est un serment. »

Namjoon émit un petit rire, doucement moqueur, mais tendre.

« Oh, j'attends ce jour avec impatience, mon impertinent. Je n'ai jamais eu peur de perdre un jeu que j'ai moi-même inventé. »

Jungkook râla et lui asséna une tape à l'épaule, les joues empourprées, arrachant à Namjoon un nouvel éclat de rire.

Malgré la terreur glaciale que les sous-entendus de Shin avaient semée dans son âme, Jungkook sentit son cœur s'alléger. Il était heureux que Namjoon soit à ses côtés dans cette épreuve qui lui tordait le ventre. Il réussit à détourner son esprit du regard glacial de Shin qui persistait en lui, lui glaçant les os.

Et de l'évocation de son père.

Il réprima un soupir éreinté. Il aspirait désespérément à l'étreinte consolatrice de Namjoon. Dans le refuge de ses bras, il se perdait complètement, trouvant la paix dans leur étreinte affectueuse.

Il en était devenu dépendant.

C'était plus efficace que la nourriture réconfortante ou un moment de perdition au Jardin.

En son for intérieur, Namjoon était résolu à ne pas le lâcher cette nuit, prêt à l'envelopper des plus tendres attentions pour apaiser son âme bouleversée.

« En dehors de ça, qu'est-ce qui t'arrive ? demanda Namjoon avec une inquiétude renouvelée alors qu'ils traversaient à peine la moitié de l'immense cour animée.

— Je ne sais pas, je me sens morose et je n'ai qu'une envie : dormir toute la journée. Tu sembles plein d'énergie, toi, répondit-il en le poussant légèrement, tout sourire.

— Oh, c'est parce que je me suis réveillé à tes côtés », susurra-t-il après s'être assuré que personne ne l'entendait.

Jungkook pouffa, charmé.

« Tu es bête.

— Je dois admettre que ce matin tu étais un brin grognon. Peut-être aurais-je dû multiplier les baisers... ou te prodiguer quelque douce attention qui égaye toujours l'humeur.

— Mais Namjoon, un peu de décence, enfin ! protesta-t-il, le visage rivalisant furieusement avec un champ de coquelicots, le cœur battant la chamade.

Décence ? Tu connais ce mot, toi ? ironisa-t-il, les yeux pétillants de malice.

— Moque-toi ! Tu ne vois pas que tu frises l'obscénité ?

Moi ? Et c'est toi qui dis ça ?

— Parfaitement, moi, pourquoi, ça te pose un problème ? bougonna-t-il.

— Le problème, c'est que tu es censé être le séducteur de tout Sungkyunkwan, tu vois. Je suis quelque peu désorienté.

— Namjoon, geignit-il, embarrassé.

— Je me demande si les rumeurs sur le sulfureux et scabreux Jeon Jungkook sont fondées... Il m'est pourtant si aisé de te faire rougir en un rien de temps, comme une jeune vierge effar...

Yah ! aboya-t-il, frappant du pied après s'être arrêté, outré, attirant des regards curieux sur eux.

— Très bien, très bien ! concéda-t-il après un rire franc.

— À la bonne heure, marmonna Jungkook après s'être éclairci la voix, le visage brûlant jusqu'aux clavicules, les épaules tendues.

— Respire, mon doux, tu rivalises littéralement avec une tomate, c'en est presque inquiétant. Nos camarades doivent se demander ce qui t'arrive.

— Ferme ta bouche perfide. »

Namjoon réprima un rire.

« Aurais-tu de la fièvre ? dit-il en posant une main sur son front tiède.

— Retire ta main, grognonna-t-il en la chassant d'un revers.

— Ah oui, souffla Namjoon avec une fausse inquiétude, secouant la main sous une chaleur inexistante. Je me demande bien quelle flamme consume mon cher et tendre. »

Sa voix était un murmure dans le ton de la confidence, mais Jungkook l'intercepta parfaitement. Il s'arrêta net, son cœur bondissant dans un battement presque mortel. Il aurait juré que de la fumée lui sortait par les oreilles, tandis que son regard presque larmoyant d'embarras fusillait celui pétillant de malice de Namjoon.

Ça l'amuse !

« Je vais sérieusement finir par te frapper... gronda-t-il, reprenant sa marche d'un pas plus vif et raide.

— Tu oserais ? le charria Namjoon en lui emboîtant le pas.

— Sans la moindre hésitation.

— Impossible, tu serais bien trop distrait par autre chose, le taquina-t-il d'un ton plus séducteur.

— Oui, et mes fesses sont faites de marbre », ironisa-t-il.

Le silence.

« Alors, permets-moi de te dire que...

— Namjoon. »

Ce dernier ricana doucement, savourant le moment.

« Sinon, tu as décidé de ce que tu feras pour la fête de l'école ? demanda Jungkook en changeant de sujet.

— Je vais participer à la compétition de tir à l'arc. Et toi ?

— Lutte. Je ne me vois pas en train de déclamer des poèmes devant tout ce beau monde, plaisanta-t-il.

— Moi non plus », grimaça Namjoon.

Ils s'esclaffèrent en continuant leur chemin en silence. Leur moment était agréable et tranquille. Les yeux de Jungkook glissèrent un instant sur le torse de Namjoon, combattant l'irrésistible envie de se blottir contre cette chaleur familière, gravée dans sa mémoire et son corps.

Il lui tardait que la nuit les enveloppe.

Comme mû par une intuition, Namjoon posa les yeux sur lui, constatant la direction de son regard. Il esquissa un rictus amusé à l'instant même où Jungkook, les joues en feu, détourna les yeux.

« Adorable... si adorable que ma vertu frôle la corruption, murmura-t-il près de son oreille, un sourire malicieux. Et tu sais que je ne suis pas un homme très pieux.

— Kim Namjoon. Un mot de plus et je pourrais bien te priver de ce qui te donne encore l'illusion d'être viril, et crois-moi, ce serait un sacrifice de taille.

— De taille ? railla-t-il, un sourire en coin. Parlerais-tu de mes muscles ?

— Je vise plus bas.

— Ah, si nous pensons à la même chose, dit-il en se rapprochant légèrement, ce serait une perte considérable pour toi, mon cher. Parce que, vois-tu, tu ne connaîtrais jamais le plaisir de...

— De quoi ? l'interrompit-il de justesse avant que son corps le trahisse jusqu'aux rougeurs. Que pourrais-je attendre du prochain eunuque de la cour réduit à chanter des airs pieux avec une voix de rossignol tremblotant ? »

Namjoon s'arrêta net en le dévisageant, abasourdi. Jungkook sourit à pleines dents, l'air malicieux.

Touché. Kim Namjoon est enfin vaincu.

« Tu as perdu ta langue, hyungie ? »

Fier et amusé, Jungkook lui tira malicieusement la langue tout en continuant sa marche, obligeant Namjoon à trottiner pour le rattraper. Avec un petit rire désabusé, il réprimanda faussement Jungkook en lui ébouriffant les cheveux sous les râles de protestations de ce dernier, mêlés à ses rires moqueurs.

Leur rituel taquin reprit, bercé par les éclats d'un Jungkook de nouveau écarlate et renfrogné, dont la victoire fut aussi brève qu'éphémère.

En ce mois printanier, pour la seconde fois, certains étudiants de Sungkyunkwan suspendirent leurs activités à l'entente du rire grave et chaleureux de Namjoon. Longtemps, ils s'étaient accoutumés à son masque de froideur, mais aujourd'hui, ce rire résonnait en brisant les préjugés et emplissait l'air d'une chaleur inattendue.

Jungkook lança un regard furtif autour de lui, une lueur farouche, inquiète et défiante dans ses yeux. Namjoon ne manqua pas de remarquer l'anxiété dans son regard. Les signes étaient évidents. Jungkook était sous pression.

Une pression qui semblait alimenter les doutes qui rongeaient Namjoon.

Les paroles lourdes de sous-entendus du professeur Shin avaient semé davantage de peur dans l'esprit de Jungkook. L'idée que leurs visites fréquentes pouvaient être bien interprétées, ou même que ces rumeurs pouvaient les incriminer, pesait lourdement sur son cœur.

Pour Namjoon, il était probable que le professeur venait d'ajouter une nouvelle raison à la liste des obstacles qui éloigneraient Jungkook de lui, comme une nouvelle pierre sur un chemin déjà semé d'embûches. Une vague de terreur l'envahit à la pensée de perdre Jungkook. Il se fit violence pour réprimer cette peur sous un masque d'indifférence.

L'idée que l'abandon de Jungkook pourrait être une conséquence inévitable de cette situation lui tordait le vendre d'angoisse. Son impuissance face aux machinations de leur environnement pesait lourdement sur lui. Il devait garder son calme et trouver un moyen de protéger Jungkook tout en naviguant dans ce réseau complexe de suspicions et de menaces.

Mais en cet instant, la seule chose qu'il pouvait faire était de cacher ses propres terreurs sous une façade de stoïcisme.

Comme il l'avait toujours fait.



Le lendemain, une réunion de crise se tenait dans la salle d'étude, habituellement désertée par les étudiants qui, en été, préféraient réviser dans les jardins ou se laisser emporter par les distractions de la vie citadine.

À ses yeux, Jungkook trouvait ce lieu idéal pour des échanges secrets. Néanmoins, ils devaient veiller à ne pas attirer l'attention des préfets en parlant trop fort, la règle du silence étant une de celles qu'il valait mieux ne pas transgresser.

Grâce à Taehyung, ils avaient de nouveau obtenu de Jimin – et c'était un miracle – la promesse de les laisser tranquilles le temps qu'ils résolvent le mystère paternel de Jungkook.

Avec une certaine gêne, Jungkook déposa la copie du poème au centre du cercle formé par ses compagnons. Le silence se fit, laissant à chacun le temps de parcourir les lignes avec attention. À mesure que leurs yeux glissaient sur les mots, Jungkook se sentait de plus en plus embarrassé et abattu.

« On est tous d'accord que ça n'a aucun sens ? lança-t-il, attirant l'attention des autres.

— Je dirais plutôt que le sens est dénué de toute vertu, pouffa Seokjin, un sourcil arqué.

Yah, bougonna-t-il. N'en rajoute pas.

— Je n'ai absolument rien compris, lâcha Mingyu, les sourcils froncés. C'est moi, où il y a des sous-entendus scabreux ? »

Jungkook grommela un oui qui lui écorcha la langue.

« Et s'il y avait un indice caché dans ces vers ? », suggéra Yoongi, reprenant sans le savoir l'idée de Namjoon.

En retrait, ce dernier feignait de porter son attention ailleurs, tout en écoutant chaque bribe de la conversation de ses camarades.

« Deux choses m'interpellent, dit Taehyung. Je vois "Dong" et "Min", ce qui me fait étrangement penser au prénom de l'ancien yangban.

— Moi, c'est "Shin" qui m'interpelle, marmonna Jungkook, les bras croisés.

— Pourquoi ? », demanda Hoseok.

Jungkook entrouvrit les lèvres, mais les referma aussitôt, conscient que dévoiler cette vérité complexe risquait de trahir la nature ambiguë de sa relation avec Namjoon.

Il se contenta de hausser les épaules sous le regard concerné de ce dernier.

« Exprime ta pensée, Jungkook, toutes les idées méritent d'être entendues, l'encouragea Hoseok, la mine sérieuse.

— Non, mais ce serait absurde que ce soit notre professeur de biologie, non ?

— Avec son esprit dérangé, ça ne surprendrait pas, répliqua Yoongi, la mine sombre.

— Surtout après ce qui s'est produit tout à l'heure, en classe, ajouta Mingyu, grimaçant.

— Qu'est-ce qu'il s'est passé ? », demanda Taehyung, inquiet.

Seokjin leur décrivit l'attitude troublante de Jungkook, encore plus étrange que d'ordinaire face à ce professeur singulier qui avait semblé jeter son dévolu sur leur ami au point de le déstabiliser.

« Je comprends, murmura Taehyung avec un soupçon de mépris. Quel homme déplorable, je ne l'ai jamais apprécié... Mais soit, gardons ça à l'esprit.

— Ton père le connaît ? demanda Yoongi.

— Pas que je sache. 

— En parlant de de ton père, Tae, il y a aussi le mot général, dans ce poème, relança Hoseok qui fixait l'inscription manuscrite de Jungkook. Tu penses comme moi ?  »

Taehyung prit un moment pour réfléchir.

« Oui. Nos pères se connaissaient, il est donc probable que ce soit un message de Jeon Dongmin à mon père. Toutefois, s'il en avait eu connaissance, il m'en aurait parlé, donc ça me semble peu probable. Peut-être alors que ce message visait Kim Taejoon. »

Son regard croisa celui de Namjoon, et dans son léger hochement de tête, Taehyung devina qu'ils partageaient la même pensée.

« Mais c'est trop simple, ajouta Taehyung. Il doit y avoir autre chose. »

Pensif, il se gratta la tête, avant de jeter un coup d'œil vers Hoseok qui le comprit aussitôt.

« On peut tenter, acquiesça ce dernier avec assurance.

— Tenter quoi exactement ? s'enquit Jungkook, intrigué.

— Si ce poème renferme un code, il réside sans doute dans les hanjas », expliqua Taehyung en sortant un pinceau et une feuille de papier.

Hoseok suivit son exemple, et bientôt, accompagnés par Yoongi, ils se plongèrent dans la sélection minutieuse de certains signes qu'ils recopiaient avec soin. De conjectures en suppositions, ils épuisèrent leur stock de papier, tandis que les autres les soutenaient du mieux qu'ils pouvaient.

Peu passionné par les énigmes intellectuelles, Jungkook se lassa rapidement et rejoignit Namjoon légèrement à l'écart, s'asseyant simplement à ses côtés afin de puiser du réconfort dans sa présence.

Namjoon se pencha à son oreille.

« Il serait peut-être sage de partager avec Taehyung toutes les informations en notre possession, y compris l'incident avec Shin que tu m'as conté hier.

— Pourquoi ? chuchota-t-il, intrigué.

— Son père a un statut élevée et une influence que tu n'imagines même pas. Il est très proche de Taehyung et lui fait assez confiance pour lui conter un peu ce qui se passe à la cour royale. Donc il possède une perspective et pourrait nous être d'une grande aide. Et... »

Namjoon tourna son regard vers Taehyung, absorbé et penché au-dessus du poème, échangeant vivement avec Yoongi et Hoseok, la mine concentrée.

« J'ai décidé de lui faire confiance. »

Et d'abaisser mes barrières. Juste un peu.

Il posa son regard sur Jungkook, ses yeux tombant aussitôt sur ses lèvres, irrésistiblement attirés. Une ombre furtive s'y attarda, assombrissant son regard.

« Ainsi qu'à son père. »

Les yeux de Jungkook se perdirent un instant dans les traits à la fois durs et délicats de Namjoon, envoûté par la lueur tendre et profonde de son regard qui effleurait chaque parcelle de son visage.

« Et comme le général sera des nôtres pour les festivités dans deux semaines... constata Jungkook.

— Tu as parfaitement saisi. »

Ils échangèrent un sourire complice avant de se redresser, comme deux conspirateurs surpris en plein mystère. Implacable dans sa sérénité, Namjoon contrastait avec Jungkook, dont le regard vigilant scrutait l'horizon à la recherche d'éventuels témoins.

Jungkook soupira, soulagé. Du coin de l'œil, Namjoon perçut les tourments qui l'habitaient, sensible à son trouble.

Peu de temps après, vaincus par la complexité de la tâche, Seokjin et Mingyu décidèrent de se rendre aux cuisines, en quête de quelques douceurs culinaires pour retrouver du courage.

À leur retour, la salle semblait avoir été frappée par un vent tumultueux. Les feuilles s'étaient éparpillées aux quatre coins, les chevelures en désordre attestaient de leur agitation et de leurs esprits échauffés.

Néanmoins, le code demeurait inviolé, et le mystère était plus dense que jamais, les piégeant de ses murs impénétrables.

« Et s'il n'y avait pas de code, finalement ? demanda Seokjin.

— Peut-être que ton père n'était qu'un excentrique inventant des poésies grivoises, rétorqua Mingyu.

— Mingyu, gronda Jungkook avant de se renfrogner.

— Quoi ?

— Tu parles de mon père, là.

— Désolé, dit-il aussitôt, contrit, lui saisissant la main en guide de pardon.

— En soi, tu n'as peut-être pas tort... concéda-t-il, serrant ses doigts aux siennes.

— Ces noms dans les deux premiers vers, intervint Yoongi. Admettons que ce ne soit pas "Dongmin". Et s'il s'agissait en réalité de personnes réelles qui posséderaient les informations manquantes ?

— Je l'ignore, soupira Jungkook, lâchant la main de Mingyu. Ça me paraît improbable. Et comment on les retrouverait, d'ailleurs ?

— Les hanjas ne nous donnent aucune piste, admit Taehyung en baissant les bras. Désolé, Jungkook. »

Ce dernier lui sourit.

« Ne le sois pas. Vous n'étiez en rien obligés, et vous avez tous fait de votre mieux. Merci, les amis », déclara-t-il en se levant, avant de s'incliner profondément devant eux.

À peine avait-il fléchi qu'une vague de protestations s'éleva.

« Oh, arrête ça tout de suite ! s'exclama Yoongi, déjà en train de lui attraper le bras pour l'empêcher d'aller plus loin.

— Mais quoi ? réagit Jungkook en se redressant, hébété.

— C'est ridicule, on est tes amis ou pas ? ajouta Mingyu, l'air faussement indigné.

— Oui, mais je...

— Tu rien du tout, poussin, ne fais plus jamais ça ! », protesta Seokjin en secouant la tête, son sourire amusé trahissant malgré tout une pointe de tendresse.

Avant que Jungkook, outré, n'ait le temps de s'indigner pour la énième fois face à ce surnom, leurs aînés s'interposèrent.

« Je suis d'accord, c'est quoi ces manières, Jeon ? renchérit Taehyung en riant.

— On est peut-être tes aînés, mais on est aussi tes amis, pas tes maîtres, et tu nous mets franchement mal à l'aise », ajouta Hoseok en tirant légèrement sur sa manche, une moue adorablement renfrognée.

Jungkook battit des cils, figé, muet, désemparé. Puis un rire clair secoua sa poitrine, un éclat joyeux dans les yeux.

« Tant d'énergie dépensée à me réprimander... ! pouffa-t-il. Mais sachez que ma gratitude n'en est pas moins sincère.

— Oui, ça va, tais-toi, maintenant », grommela Yoongi en écrasant son poing sur le sommet de sa tête, avant de l'agiter vivement.

S'ensuivit une joyeuse cacophonie de camaraderie.

En retrait, Namjoon observait la scène avec un sourire calme et amusé, les bras croisés, et le cœur apaisé.

Puis, dans la salle encombrée de papiers et de notes éparpillés, ils s'adonnèrent à un simulacre de ménage. Le tintement de la cloche suspendue dans le pavillon central résonna à travers l'académie, marquant l'heure du rassemblement des maîtres et des élèves au réfectoire pour le repas du soir.

« Vous mangez avec nous ? demanda Seokjin à l'adresse de Taehyung et Hoseok.

— Avec plaisir, sourit Hoseok, Taehyung hochant joyeusement la tête.

— Et toi, Kook ? demanda Seokjin avec une lueur d'espoir dans les yeux.

— Rejoins-nous, Namjoon, ajouta Yoongi.

— Hé, je ne... commença Mingyu en râlant.

Shhh, l'interrompit sèchement Seokjin, un doigt sur ses lèvres. Alors ? On ne te voit qu'en coup de vent, ces temps-ci », dit-il en se tournant vers Jungkook.

Jungkook esquissa un léger sourire contrit, conscient de les délaisser légèrement pour Namjoon. Ce dernier tenta de s'éclipser discrètement. Mais, avec une rapidité surprenante, Jungkook saisit sa manche d'une main, enroula son bras autour de celui de Seokjin de l'autre, et les entraîna joyeusement vers le réfectoire.

« Bien sûr que je viens, sourit doucement Jungkook.

— Ouiii ! s'exclama Seokjin avec un enthousiasme contagieux, déclenchant l'hilarité générale – à l'exception de Namjoon.

— Jeon, lâche-moi, je sais encore marcher tout seul, grogna Namjoon, légèrement gêné.

— Pour que tu fuies ? Non, je ne te lâcherai pas tant que tes fesses ne seront pas confortablement installées sur un coussin à notre table », répliqua Jungkook avec détermination.

Namjoon soupira d'ennui sous les éclats de rire de Jungkook et Seokjin. Amusé, Yoongi lâcha un souffle rieur avant de donner une tape à l'arrière de la tête de Mingyu qui marmonnait dans sa barbe. Mingyu émit un grognement, se redressant, et suivit le groupe en secouant la tête avec un sourire contrarié, mais amusé.

Taehyung et Hoseok échangèrent un regard, une surprise teintée de satisfaction illuminant leurs yeux. Ils se réjouissaient en silence de la manière dont Jungkook, avec une aisance déconcertante, parvenait à obtenir de Namjoon ce qu'eux-mêmes ne réussissaient qu'à force d'efforts et de – longues – tirades persuasives.

Espiègle, Taehyung bondit vers le trio, ses yeux pétillants de malice. Sans préavis, il agrippa le bras valide de Namjoon avant de le capturer contre son torse, le surprenant. Ce dernier le fusilla aussitôt du regard, se récoltant un regard faussement innocent, ce qui fit s'esclaffer Hoseok.

« Lâche-moi, marmonna Namjoon, le teint subtilement rosé de gêne tandis qu'il tentait en vain de se dégager.

— Non », répondit Taehyung avec un sourire éclatant.

Le bras de Namjoon s'agita, luttant en de gestes brusques et frénétiques. En vain.

« Sérieusement, Taehyung, grogna-t-il, frustré, les dents serrées.

— C'est hyung, le reprit-il, faussement boudeur.

— Tu ne le mérites pas. Lâche-moi.

— Tu es bien pressé de me fuir..., répliqua-t-il avec une malice. Tu as quelque chose à cacher ?

— Plutôt un besoin impérieux de tranquillité, rétorqua Namjoon d'un regard perçant et accusateur.

— Et pourquoi tu ne dis rien à Jungkook, alors ? », ajouta-t-il d'un ton mutin.

Namjoon laissa échapper un soupir si profond qu'il résonna jusqu'aux murs du palais royal.

Les rires de Jungkook, Seokjin et Hoseok éclatèrent, tandis que Taehyung, imperturbable, poursuivait ses manœuvres pour garder Namjoon sous son emprise. Ce dernier abandonna toute forme de lutte, voyant ses tentatives échouer face à son entêtement. Taehyung affichait le sourire malicieux d'un enfant, les yeux pétillants. Il s'amusait à ses dépens, trouvant un plaisir sadique à faire monter le rouge aux joues de Namjoon entre irritation et embarras.

Surtout en la présence de Jungkook. Et cela, Taehyung et Hoseok l'avaient bien compris.

« Bon. Je te le dis une dernière fois : lâche-moi, ou on connaît tous deux les conséquences », dit-il d'une voix mesurée, mais menaçante.

Charmé, le cœur tambourinant, les joues rosissant discrètement, Jungkook s'humecta les lèvres, son corps réagissant bien malgré lui sous l'emprise de ce timbre caverneux.

Le quatuor ralentit sa cadence, Jungkook et Seokjin inclinés vers l'avant, divertis, pour ne rien perdre du spectacle. Derrière eux, Hoseok, Yoongi, et Mingyu observaient avec curiosité et amusement l'issue de cette querelle, impatients de découvrir le sort réservé à Taehyung.

« Serait-ce une invitation ? », minauda Taehyung, le sourire charmeur.

Jungkook ne put contrôler la réaction de son propre corps. La jalousie se distilla dans son cœur. Son visage se vida de toute joie, ses sourcils se froncèrent, ses dents se serrèrent, et sa main se crispa autour du bras de Namjoon et celui de Seokjin qui fronça les sourcils, confus.

Namjoon le sentit. Il n'éprouvait aucune animosité envers Taehyung, mais il ne recherchait plus sa chaleur ; celle de Jungkook lui étant désormais indispensable et suffisante.

Alors, il réagit, guidé par l'élan irrépressible de le rassurer.

« Taehyung. »

Sa voix eut l'effet d'un coup de tonnerre grondant.

Sous le poids du regard sombre et perçant – et impressionnant – de Namjoon, Taehyung feignit une révérence silencieuse, desserrant légèrement ses bras.

Juste assez pour le laisser croire à une liberté retrouvée.

« Bonté divine, à la bonne heure », grogna Namjoon, arrachant un petit gloussement à Jungkook.

À l'entente de ce son, les coins des lèvres de Namjoon frémirent, accompagnant l'envol de son cœur sous l'enchantement de cette mélodie caressant ses oreilles. D'un geste brusque, il tenta de reprendre son bras, mais Taehyung captura de nouveau son bras avec un rire mutin et sardonique.

Namjoon s'immobilisa net, ses yeux sombres transperçant l'espace devant lui. Sa langue poussant contre l'intérieur de sa lèvre inférieure, tentant de contenir une irritation grandissante.

Il percevait le regard de Jungkook effleurer son profil, et cette simple sensation apaisa l'élan impétueux qui l'incitait à se libérer d'un geste brusque de ces chaînes – chaînes qu'il aurait pu défaire dès le début – pour asséner son poing au visage de cet insolent et incorrigible démon qu'était Taehyung.

« Empêchez-moi de commettre l'irréparable, cingla Namjoon.

— Hélas, tu ne le peux pas. Tes deux bras sont déjà pris, répondit Taehyung avec un clin d'œil à Jungkook.

— Oh, je peux toujours le lâcher, Tae hyung, plaisanta-t-il.

— Non », implora aussitôt Namjoon en le regardant, resserrant son bras autour du sien.

Le silence.

Son corps et sa langue avaient agi seuls. Il détourna le regard, se mordillant la lèvre du bas comme pour se réprimander.

Quel embarras.

« Bien. Allons manger », grommela Namjoon entre ses dents.

Sans un regard en arrière, il reprit sa marche, entraînant dans son élan brusque Taehyung et Jungkook, puis Seokjin qui gloussa, amusé.

Devant les joues empourprées de Namjoon et sa gêne évidente, Jungkook sentit son cœur s'emballer d'une joie secrète. Son regard croisa celui malicieux de Taehyung. Jungkook ne put s'empêcher d'éclater de rire, emportant avec lui le reste de la bande.

Bien qu'ils s'habituaient peu à peu aux taquineries audacieuses de Taehyung – et Hoseok, lorsqu'il s'y joignait – envers Namjoon qui leur avait toujours paru comme étant froid, cela restait pour eux un spectacle inédit à ne jamais manquer.

« Je regrette ma solitude, gronda-t-il, la mâchoire crispée.

— Quoi ? Mais la solitude n'est pas toujours une bonne compagnie, Joon, répliqua Taehyung d'un ton grave, essayant de masquer son inquiétude derrière une pointe de douceur.

— De quoi je me mêle », cracha Namjoon, son regard se durcissant.

Jungkook fronça les sourcils, échangeant un regard inquiet avec Taehyung qui, déconcerté par la violence de la réaction de Namjoon, se tut un court instant.

Derrière eux, Hoseok fixa la scène avec une mine navrée, habitué aux rejets de leur cadet. Yoongi et Mingyu furent atteints par le rabrouement véhément que subissait Taehyung. Si Mingyu fixait le dos de Namjoon avec mépris, Yoongi voyait en lui un homme qui se protégeait par crainte.

C'était si évident, le connaissant.

« Je m'inquiète pour toi, je n'ai pas le droit ?

— Je ne t'ai rien demandé, rétorqua-t-il, le ton sec, presque cassant.

— Mais c'est ce que font les amis, dit-il, perdant définitivement son entrain. On s'occupe des autres même quand on n'est pas sollicité... Je pensais que tu le savais. »

Namjoon émit un clappement de langue irrité.

« Je viens de te dire que je...

Hyungie », chuchota Jungkook en l'interrompant doucement.

Il s'était penché à son oreille, laissant ses mots glisser en un murmure discret, coupant net son élan de défense impétueux. Il avait senti son pouls s'accélérer, son corps se crisper et le timbre de sa voix diminuer d'une octave. Il sut que Namjoon se sentait attaqué dans ses choix.

« Il est totalement bienveillant. Il agit comme ça parce qu'il sait ce dont tu as réellement besoin. Il ne te reproche rien, tu le sais, n'est-ce pas ? », murmura-t-il.

Personne ne distingua le moindre de ses mots, sauf Namjoon.

La douce voix de Jungkook effleurait ses oreilles comme un air apaisant, dissolvant peu à peu la tension qui crispait ses muscles. Sous l'enchantement de ce murmure, toute résistance s'effaça, et il cessa de lutter contre Taehyung.

Contre ses peurs les plus tenaces et terrifiantes.

Si seulement il pouvait goûter la douceur des lèvres de Jungkook, là, maintenant.

« Hoseok et lui ont toujours été présents pour toi, est-ce une bonne manière de les traiter, tu penses ? Ouvre-leur simplement ton cœur, et tu ne le regretteras pas », dit-il dans un chuchotis bienveillant, esquissant un petit sourire encourageant.

Penchés, et malgré leurs efforts et leur attention minutieuse, Taehyung et Seokjin ne parvinrent guère à saisir la moindre syllabe.

« ... Eh bien, il semble que quelques murmures de ta part aient suffi à apaiser cet ours sauvage..., glissa Taehyung, impressionné. Si un jour tu es disposé à partager ton secret, je suis tout ouïe ! »

Jungkook pouffa et leva les yeux au ciel pour dissimuler le plaisir coupable qui montait en lui.

Namjoon lança à Taehyung un regard acéré, auquel ce dernier répondit par un simple sourire. Sourire qui lui apparaissait désormais bienveillant. Un brin attristé. Le regard de Namjoon se fit moins perçant, à peine plus doux.

L'influence des paroles de Jungkook avait diminué l'opacité du voile qui dissimulait sa perception. La réalité se révélait sous un jour plus clair, telle qu'elle l'était réellement, sans le filtre de ses démons internes.

Une vague de remords l'envahit alors, conscient d'avoir été injustement sévère envers Taehyung.

Ce dernier détourna le regard, serrant légèrement le bras de Namjoon en guise de pardon. Il ne pipa mot, plus serein. Il savait que quelque chose changeait en Namjoon. Il remercia intérieurement Jungkook de le pousser à sortir de sa zone de confort, ayant d'ores et déjà perçu l'essence même de ce qui l'unissait Namjoon.

Il observa le profil de Taehyung, puis fit pivoter la tête pour regarder Hoseok, ce dernier lui offrant un petit sourire tout aussi bienveillant.

N'ai-je jamais perçu que leurs sourires avaient toujours été aussi chaleureux et sincères ?

Il détourna le regard, la gorge nouée. Les souvenirs affluèrent en Namjoon, lui rappelant que ses aînés avaient toujours été là.

Constants.

Fidèles.

Inébranlables.

Pendant de longues années, depuis le drame de sa famille, ils avaient agi en véritables amis loyaux. Et lui, que faisait-il ? Il faisait preuve d'une ingratitude sans pareille. Il les repoussait, les attaquait verbalement, se braquait, et se murait dans sa solitude, terrifié à l'idée de leur ouvrir son cœur.

Pourtant, leur place y était déjà inscrite en lettres gravées à jamais. Il ne faisait que nier l'évidence.

Jungkook a raison. Pourquoi je ne les ai pas acceptés en mon sein, comme je l'ai fait avec lui et Chan ?

Et pourquoi ai-je si naturellement accepté Jungkook, alors qu'avec ceux qui m'ont toujours soutenu, je m'efforçais de nier ?

Une angoisse familière ébranla son cœur, noua son ventre. La liste des êtres chers à son cœur s'allongeait dangereusement : Chan, Taehyung, Hoseok... Jungkook.

Et si je les perdais ?

Et si je le perdais ?

Et si j'étais condamné à être seu...

Une douce et discrète pression se fit autour de son bras. Il sursauta légèrement.

Leurs regards se croisèrent. Son cœur se fendit lorsqu'il plongea dans le gouffre sans fin, tendre et magnétique, que dévoilaient les iris inquiets de Jungkook. Namjoon ne s'était pas aperçu de l'expression égarée et tourmentée que son visage avait dû lui offrir.

Le chaos en Namjoon s'apaisa peu à peu.

L'ouragan mortel se mua en bourrasque infernale, puis en un blizzard hurlant, avant de se transformer en un orage léger, mais capricieux, et enfin de s'apaiser en une pluie mélancolique, douce et éternelle.

C'était toujours sous cette pluie tranquille qu'il se réfugiait dans l'univers lumineux de Jungkook, y trouvant un répit rare et précieux.

Mais en lui, son propre monde restait incapable d'accueillir la quiétude d'une brise douce, d'un zéphyr apaisant, d'un soleil éclatant.

Il était définitivement brisé, son cœur meurtri, son âme piétinée.

Ses démons étaient tenaces. Pour l'instant indomptables.

Mais sous le sourire tendre de Jungkook, la lourde étreinte de son cœur et la torsion dans son ventre s'évanouirent, laissant place à une agréable sensation de flottement. De chaleur.

C'était Jungkook, son soleil. Pour l'instant. Là, tout près, à briller, à le réchauffer, en attendant que les nuages noirs et denses de son monde intérieur se dissipent.

Si jamais ils se dissipent.

« Ils sont toujours comme ça ? demanda Yoongi à Hoseok.

— De quoi ? Qui ? demanda-t-il, confus.

— Taehyung hyung et Namjoon.

— Ah ! C'est une routine, répondit-il en riant. Surtout lorsque je m'y mêle.

— Ça, on l'a bien vu, pouffa-t-il.

— Ce n'est rien comparé à la dernière fois où on lui av... »

À l'instant où Namjoon perçut Jungkook se retourner, poussé par la curiosité d'entendre l'anecdote de Hoseok, il réagit aussitôt, l'esprit en alerte.

« Poursuis donc ta phrase, Hoseok, et je veillerai à ce que tu ne puisses plus jamais parler », gronda Namjoon sans daigner se retourner.

Il se contenta de fusiller un Taehyung hilare du regard.

« Quand vas-tu nous respecter, sale insolent ! protesta Hoseok avec un reproche teinté d'amusement.

— Comportez-vous en conséquence, et on en reparlera », rétorqua-t-il, caustique.

Un éclat de rire général s'éleva, vibrant en harmonie, arrachant à Namjoon un léger rictus fier.

Il croisa le regard de Jungkook, s'immergeant dans ses prunelles étincelantes de joie. Son cœur s'emballa, emporté par un bonheur presque irréel, ravi de le voir ainsi radieux, loin des tourments de la veille.

Quant à Jungkook, son âme s'épanouit dans une paix, satisfait de voir Namjoon entouré, même sous des airs bourrus. Mais il n'était pas dupe ; il distinguait cette lueur de crainte dans ses yeux. Elle ne partait jamais. Il voyait aussi de l'espoir dans son désespoir.

Le reflet d'un rêve secret, longtemps chéri sans jamais croire qu'un jour, il deviendrait réalité ; être entouré et aimé.

Lorsqu'ils franchirent le seuil du réfectoire, tous les regards se tournèrent vers eux, surpris par ce groupe de nouveaux venus, et plus encore par cet étrange quatuor enlacé, bras dessus bras dessous.

« Si tu es d'accord, Kim, j'aimerais m'entretenir avec toi, après le repas », déclara Namjoon d'une voix assurée, alors qu'ils entamaient leur dîner.

Mingyu, Seokjin et Taehyung se figèrent : Mingyu, la baguette suspendue près de ses lèvres, Seokjin, encore en pleine mastication, et Taehyung, interrompu en pleine discussion animée avec Yoongi et Hoseok.

Leurs regards se tournèrent d'abord vers Namjoon, qui continuait de manger avec une sérénité imperturbable, tandis que les trois autres Kim se fixaient, perdus.

Leurs voix se chevauchèrent.

« Qui ? Moi ? demanda Taehyung.

— Tu me parles ? grommela Mingyu.

— ... Moi ? », souffla Seokjin, presque incrédule.

Le silence.

Yoongi et Jungkook pouffèrent, et une vague de rires balaya la tablée. Ils devaient bien admettre que l'instant était assez cocasse. Même Namjoon ne put réprimer un sourire.

« ... Seokjin », répondit-il dans un soupir, les yeux brillants d'un amusement discret.

D'abord figé, Seokjin acquiesça, son étonnement cédant rapidement la place à un sourire éclatant.

« Ah ! Sois plus précis, tout de même ! s'esclaffa Taehyung, alors que Mingyu, impassible, reprenait son repas. Tu sais combien il y a de Kim dans cette académie ?

— Hm », grogna Namjoon, l'air blasé.

Assis à côté de lui, Jungkook demandait désespérément à plonger dans les yeux de Namjoon afin de le remercier silencieusement, mais ceux-ci restèrent insaisissables. Pourtant, à l'abri des regards, leurs mains se cherchèrent sous la nappe. Elles se trouvèrent instantanément. Leurs doigts s'entrelacèrent tendrement. Si Namjoon masquait ses émotions derrière un visage impassible, Jungkook réprimait difficilement son sourire.

Il s'était rarement senti aussi comblé.

Namjoon tiendrait parole, il le savait. Il irait voir Seokjin. Lui demanderait pardon pour ses erreurs et sa violence passées.

Le regard de Namjoon se posa finalement sur lui, imprégné d'une tendresse si profonde qu'il était aisé d'y lire une vénération proche du culte.

C'est grâce à toi.

À ta lumière qui m'a conquis et apprivoisé, faisant de toi mon refuge, ma force. Le seul qui habite mon cœur et règne en mon âme.



Jusqu'à ce que les Cieux m'emportent.



À suivre...


Un truc en plus que j'adore écrire en plus de la camaraderie : les taquineries entre un couple (bon ils sont pas en couple mais t'as capté) 🤭🤌🏼

J'espère que tu as aimé ce chap comme j'ai aimé l'écrire ♡

À dimanche ! 

(P.S. : Le chap 14 se termine par quelque chose de très... poignant... Rien que le titre en dit long "Black like Love too deep" 👀)


𝑾𝒊𝒕𝒉 𝑳𝒐𝒗𝒆, 𝑫𝒂𝒓𝒌 𝑬𝒚𝒆𝒍𝒆𝒕 🖤

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