𝐈𝐈𝐈 | 𝒀𝒖𝒆̀𝒈𝒖𝒂̄𝒏𝒈
Yuèguāng (月光) :
terme chinois qui se traduit littéralement par « clair de lune ».
☾
Allongé dans l'herbe roussie par l'été, Jungkook laissait son regard errer dans l'infini du ciel. L'aube effleurait encore les toits de Sungkyunkwan, ses dernières lueurs rose-orangé glissant peu à peu dans un bleu profond. L'air tiède et empli du parfum des pins embellissait le silence du matin où rien ne pressait.
Aujourd'hui marquait un jour de pause. Comme à chaque premier et quinzième jour du calendrier lunaire, les études laissaient leur place aux rites et aux offrandes.
Et aujourd'hui, Jungkook était levé anormalement tôt. Le sommeil le fuyait depuis plusieurs nuits. Il tournait dans son lit, l'esprit agité.
Alors il s'était échappé ici, dans l'un des jardins luxuriants de l'école. Étendu parmi les hautes herbes, il pensait à tout ce qui pressait sa poitrine, à ces soirées de révision avec Namjoon. Elles auraient dû être studieuses. Et elles l'étaient. Mais derrière leur rigueur leurs discussions érudites, une tension s'était glissée.
Une retenue.
Une distance trop réfléchie pour être innocente.
Jungkook soupira, bascula une main sur son front pour masquer un sourire naissant malgré lui. Il ferma les yeux. L'image de Namjoon penché sur ses notes s'imprima derrière ses paupières.
Et il savait déjà que le sommeil ne viendrait pas cette nuit encore.
Parfois, leurs doigts s'effleuraient en cherchant le même livre, et ils retiraient alors leurs mains comme brûlées par une flamme invisible. Les rouleaux se refermaient brusquement, le papier craquait sous leurs gestes nerveux. L'un laissait tomber un pinceau, l'autre heurtait la table en tentant de l'aider en se penchant pour le ramasser. Leurs regards s'évitaient, leurs mouvements maladroits trahissaient leur trouble, emprisonnés dans une retenue mêlée de défi et de gêne.
Depuis le baiser du premier soir, un malaise s'était installé entre eux. Ils agissaient comme si comme une braise s'était allumée et qu'aucun d'eux ne savait comment éteindre. Jungkook ne l'évoqua plus jamais, et Namjoon n'exigea de lui rien d'autre qu'une concentration minimale sur les leçons qu'il s'efforçait de lui réenseigner.
Le jour, ils jouaient aux étrangers. Une indifférence si sérieuse qu'elle en devenait presque grotesque. Ignorer l'autre était une tâche consciente, pesante.
Seuls Yoongi, Mingyu et Seokjin connaissaient la vérité. Personne d'autre ne pouvait soupçonner ces rencontres nocturnes, ces heures où ils se mesuraient autant par les mots que par le silence.
Fidèle à son rôle d'amuseur public et de provocateur, Jungkook masquait habilement la vérité, tandis que Namjoon, enfermé dans son mutisme habituel, continuait de susciter le respect de leurs professeurs, l'admiration craintive de ses camarades et l'irritation de quelques aînés.
De temps à autre, les yeux de Jungkook se posaient sur Namjoon avec une lueur songeuse et curieuse. Ce dernier, qui n'avait jamais montré d'intérêt pour quelqu'un de son âge, lui paraissait de plus en plus ouvert. Il lui semblait à la fois distant et en quête de contact.
Peut-être que Namjoon avait succombé à ses désirs les plus profonds, à son besoin de contact humain, de sentir la présence réconfortante d'une autre âme près de lui.
Après tout, il l'avait embrassé.
Seigneur, ce baiser d'une perfection inoubliable.
Mais tout cela défiait la logique. Namjoon s'était-il joué de lui ? Était-ce un jeu, un caprice, une faiblesse passagère qu'il feignait désormais d'ignorer ?
Ou alors...
Était-il possible que Sunhi ait raison ?
Qu'il soit...
« Conneries ! », aboya-t-il en se redressant, le visage froissé par l'irritation.
Il refusait d'y penser. De lui accorder ce pouvoir.
Il ignora les regards curieux que son éclat de voix suscita. Avec une allure vive et bondissante, il traversa le jardin baigné de lumière matinale, ses pas le menant inexorablement vers l'aire des entraînements physiques. Les examens approchaient, et l'épreuve de tir à l'arc occupait ses pensées. Confiant en ses talents, il savait toutefois que quelques heures d'exercice ne pourraient que renforcer son assurance.
Il s'arrêta brusquement à l'orée du terrain lorsque ses yeux se posèrent sur une silhouette.
Namjoon avait visiblement été mû par la même idée, ayant déjà pris la place que Jungkook convoitait en devançant ses intentions. Délesté de son uniforme scolaire, le Kim arborait une tenue plus légère, un bandeau retenant ses mèches sombres. Des protections de cuir étaient lacées à ses avant-bras, et des bottes robustes enveloppaient ses chevilles, complétant sa panoplie.
Pieds fermement ancrés au sol, il vérifiait sa posture comme un maître archer. Il prit une lente inspiration, sa respiration s'accordant au rythme du vent qui glissait entre les feuillages. L'arc s'éleva au-dessus de sa tête, le bois poli scintillant sous le soleil. Doucement, il encocha la flèche, le regard rivé sur la cible au loin.
Jungkook suivait ses mouvements avec fascination. Il observait l'arme descendre lentement, tandis que Namjoon bandait l'arc, muscles contractés pour un tir parfait. La corde se tendit, et une atmosphère de calme absolu enveloppa les lieux.
Au maximum de son extension, la corde se libéra dans un chant vif, propulsant la flèche à une vitesse fulgurante. Le projectile fendit l'air, traçant une trajectoire parfaite avant de se nicher avec un claquement net en plein centre de la cible, comme une étoile filante trouvant sa place dans l'univers.
Namjoon relâcha enfin la tension de ses muscles. Un petit sourire adoucit la sévérité de ses traits. La lumière du matin caressa son visage, rehaussant cette expression.
À quelques pas de lui, Jungkook réalisa qu'il avait retenu son souffle tout ce temps, captif de la prouesse qu'il venait de contempler. Son cœur retrouva un rythme normal alors qu'il expirait lentement. Il secoua la tête, désireux de briser l'envoûtement par la grâce et l'assurance qu'incarnait Namjoon.
Il fit un pas pour le rejoindre et s'entraîner à ses côtés. Soudain, une pluie d'applaudissements vive et inattendue, l'arrêta net.
« Félicitations, Joonie ! »
La voix grave et radieuse résonna et le surprit. Jungkook plissa les yeux, cherchant à mettre un nom sur ce timbre chaleureux. Par réflexe, il se glissa derrière l'un des piliers de bois qui soutenaient l'auvent.
Une silhouette élégamment vêtue de l'uniforme blanc et bleu de l'école s'avança vers Namjoon, baignée d'un éclat qui ne tenait pas seulement à la lumière. Son sourire large et confiant semblait capable d'alléger le poids du monde.
Kim Taehyung.
Un an de plus qu'eux, leur seonbae. L'un des rares que Namjoon ne repoussait pas d'un regard acéré. Il avait le don de transformer les instants en joie. Un rire, un mot bien placé, et même les cours les plus ennuyeux prenaient des couleurs sous son influence. Son intelligence aussi affûtée que sa vivacité lui valait les honneurs des professeurs et l'admiration du doyen Jeong.
Il incarnait l'allégresse, un astre autour duquel gravitaient admiration et jalousie.
Mais Taehyung était plus qu'un élève brillant. Il était un nom. Un héritage. Fils du ministre de la Guerre, général de l'armée royale. Il portait dans son sang un respect qui précédait ses pas.
Accroupi près du présentoir, Namjoon décrocha une nouvelle flèche. Son regard ne quitta pas sa cible.
« Va plutôt t'exercer plutôt que de perdre ton temps à m'embêter, Taehyung. Je ne suis pas d'humeur », lança-t-il, d'un ton tranquille.
Un léger ricanement échappa à Taehyung.
« Te regarder est un spectacle en soi. Participer moi-même serait presque superflu, vois-tu. Et tu n'es jamais d'humeur, de toute façon. »
Il croisa les bras sur sa poitrine, l'air faussement sentencieux, tandis que Namjoon se redressait.
« Et c'est hyung, pour toi, sale insolent », poursuivit-il.
Un sourire creusa une fossette sur la joue de Namjoon. Il décocha sa flèche sans ciller.
« Ce n'est pas aujourd'hui que ça commencera... Taehyung. »
Ce dernier leva les yeux au ciel dans un soupir dramatique, mais l'amusement dans son regard le trahissait.
Le silence dura un instant, juste assez pour que Namjoon bande son arc et décoche une troisième flèche. Elle fendit l'air et se logea près des deux autres.
Jungkook sentit son sang bouillonner. Il avait toujours su que Namjoon était un solitaire endurci, mais il n'ignorait pas que Taehyung et Hoseok trouvaient souvent le moyen d'éroder cette solitude. Et maintenant, plus que jamais, un venin lui tordait le ventre, absurde et déraisonné.
Une colère naquit en lui à cause de ce sentiment qu'il jugeait complètement malvenu et incompréhensible.
« Dis-moi, cher ami, à quoi tu t'amuses avec le voyou Jeon ? » demanda soudainement Taehyung, la mine à présent sérieuse.
Jungkook tressaillit, son cœur bondissant à l'entente de son nom. Les voilà qui parlaient de lui, à présent !
« Je ne saisis pas ton allusion, répondit tranquillement Namjoon, tout en contemplant son arc avec une attention soutenue.
— Je fais allusion à vos charmantes retrouvailles nocturnes », répondit-il avec malice.
Namjoon se figea. Caché, Jungkook écarquilla les yeux et retint un juron de justesse.
« Comment tu sais ça, toi ? demanda Namjoon d'un voix plus basse, plus tendue.
— Allons, tu sais que j'ai mes petits secrets, répondit Taehyung avec un sourire radieux, en joignant les mains derrière sa tête. Ça, et le fait que Jeon galope littéralement dans les couloirs en pleine nuit pour rejoindre ta chambre. Pour la discrétion, on repassera.
— Cet imbécile, je lui avais pourtant dit d'être discret, pesta Namjoon.
Namjoon ferma brièvement les yeux, pinçant l'arête de son nez. Taehyung se délectait de son expression froissée, railleur.
« Tu connais Jeon. C'est comme demander à la pluie de ne pas mouiller. Il n'empêche que je serais curieux de savoir ce que vous mijotez, tous les deux. »
Namjoon soupira, mais son agacement sonnait trop vrai.
« Commère. Tu es venu pour ça ?
— Non, je t'ai vu au loin et j'ai voulu te rappeler que j'existais », sourit-il, taquin.
Namjoon le fixa, l'air las.
Comme si tu étais oubliable.
« Alors ? insista Taehyung.
— En quoi ça te concerne ? », soupira-t-il.
Taehyung balaya rapidement les environs du regard, avant de s'approcher d'un pas.
« Oh, disons simplement que votre comportement m'intrigue suffisamment pour éveiller ma curiosité », murmura Taehyung, un sourire goguenard au coin des lèvres.
Il inclina légèrement la tête, l'œil pétillant d'espièglerie.
« Toi, le froid et solitaire, lui, le sulfureux provocateur, quel duo improbable... À moins que vous partagez plus que de simples conversations ? »
Sa voix s'adoucit encore, caressante.
« Vous avez une alchimie irrésistible ? Vous êtes amants ? Un couple caché ? »
L'avalanche de questions fit bondir le cœur de Jungkook. Il étouffa un hoquet, manquant de s'étrangler d'indignation. Même Namjoon perdit contenance, une rare fissure dans son masque impassible.
Sans réfléchir, il lâcha son arc et agrippa vivement le col du hanbok de Taehyung, le tirant brusquement à lui.
Ce dernier ne broncha pas. Son souffle resta posé, ses paupières à peine plissées sous un amusement tranquille. Lentement, il leva les mains, effleura celles de Namjoon et desserra sa prise avec douceur et aisance, et Namjoon s'arracha à sa poigne, irrité. Imperturbable, Taehyung ajusta son vêtement, réajustant son col ouvert avec une nonchalance exagérée, tandis que l'espièglerie dansait toujours dans ses yeux.
« La violence ne règle rien, Namjoonie. »
Namjoon serra les dents.
« Peut-être pas, mais ça soulage, répliqua-t-il, la voix plus rauque. Et combien de fois je t'ai dit de ne pas m'appeler comme ça ? »
Taehyung haussa légèrement les épaules, indifférent.
« Tu penses vraiment que j'aurais attendu bien sagement que tu m'agresses ? Moi, le fils du général ? », plaisanta-t-il, balayant sa question d'un revers de la main.
Namjoon haussa un sourcil, acerbe.
« Pas besoin d'attendre sagement. Tu es si faible que te vaincre serait presque une insulte à moi-même. Pas étonnant que ton père s'acharne à vouloir endurcir ton corps de faiblard. »
Taehyung éclata de rire, son amusement résonnant comme une provocation supplémentaire. Il n'était ni vexé ni impressionné.
Puis, doucement, son sourire s'estompa. L'insolence céda la place à la gravité. Il planta son regard dans celui plus attentif de Namjoon, laissant passer un bref silence.
« Tu sais bien que je ne serais jamais celui qui vous trahirait », souffla son aîné.
Le silence s'attarda, vibrant, épais. Leurs regards parlaient, savaient, comprenaient.
Puis la bulle de gravité éclata.
Taehyung retrouva son sourire large et éclatant. Il inclina la tête, l'œil pétillant d'une malice trop évidente. Namjoon plissa les yeux, soudain méfiant, mais intérieurement amusé. Il était habitué à la singularité de Taehyung.
« Hé, à propos... On remet ça ? », susurra-t-il d'un ton soyeux.
Son regard s'attarda sur Namjoon, traînant sur la courbe de sa mâchoire, la lueur dans ses yeux à mi-chemin entre la séduction et la provocation.
Namjoon ne broncha pas. Il le fixa, imperturbable. Mais lentement, très lentement, un rictus discret ourla ses lèvres. L'amusement et peut-être même de flatterie traversèrent son regard, et Taehyung ne manqua pas de la percevoir.
« Moi ? Pourtant, j'ai entendu dire que tu t'acoquines avec le fils du ministre de la Justice. »
Taehyung éclata d'un rire franc, un brin insolent.
« Les nouvelles vont vite, dis donc.
— Quelles nouvelles ? Je vous ai simplement vus. Soyez plus discrets, la prochaine fois.
— Où ça ? Quand ? Et qu'est-ce qu'on faisait ? s'étonna Taehyung.
— Il y a deux jours. Dans le jardin derrière le temple. Des choses que je ne décrirais pas. »
Silence dans lequel Taehyung battit vivement les paupières.
« Et heureusement qu'il faisait nuit », acheva Namjoon.
Taehyung pouffa en se cachant derrière sa main, le visage légèrement incarnadin, et Namjoon esquissa un rictus en coin.
« Et qu'est-ce que tu faisais là-bas, aussi ? grommela Taehyung.
— Je n'arrivais pas à dormir. »
Taehyung perdit légèrement son sourire, mais Namjoon le rassura d'un regard. Alors, ses pupilles de retrouvèrent leur éclat taquin, et Namjoon plissa les yeux, méfiant.
« Alors ? minauda-t-il, se penchant légèrement vers lui.
— Pour qu'on se dispute encore sur qui prendra qui ? Très peu pour moi.
Taehyung battit des cils, faussement dramatique.
« Mais je suis prêt à céder... encore. »
Son ton glissa sur la fin comme une caresse.
Devant son air presque boudeur, Namjoon le toisa, les paupières mi-closes, et émit un rire bref et grave.
« C'est comme ça que tu charmes les gens ? En prenant un air de chien battu ? »
Taehyung esquissa un sourire, effleurant le poignet de Namjoon du bout des doigts, un contact aussi furtif que délibéré.
« Est-ce que j'ai vraiment besoin de te charmer ? », souffla-t-il.
L'amusement se refléta dans le regard de Namjoon, mais il leva les yeux au ciel, feignant l'ennui. Pourtant, la façon dont ses lèvres se retroussaient trahissait son divertissement.
« C'est tentant », concéda-t-il dans un murmure.
Bref silence.
« Mais je n'ai pas la tête à ça. »
Taehyung acquiesça.
Caché dans l'ombre, Jungkook était figé de stupeur. Les mots et les regards échangés ne laissaient aucun doute : ils étaient bien plus que des amis. Il ne prit guère conscience de ses mains fermement crispées contre le pilier de bois derrière lequel il se cachait.
Il aurait dû partir. Il aurait dû fuir avant que l'inconfort ne devienne une brûlure. Mais il resta là, l'oreille tendue, incapable de s'arracher à ce qui se jouait devant lui.
« Bon, tu n'as toujours pas répondu à ma question, Joonie. »
Taehyung ramena la conversation d'un ton léger, presque désinvolte, mais l'éclat curieux de ses yeux n'échappa pas à Namjoon.
« Sur quoi, déjà ?
— Le voyou. »
Jungkook retint son souffle. Namjoon lâcha un profond soupir, peu heureux que le sujet Jeon-son-maître-chanteur-et-élève-irritant soit remis sur la table.
« Je l'aide à réviser », maugréa Namjoon entre ses dents.
Taehyung battit des paupières.
« Réviser ? répéta-t-il, incrédule.
— S'il échoue aux prochains examens, il sera renvoyé. »
Un silence s'étira, uniquement dérangé par la brise bruissant les feuilles. Jungkook sentit un étrange frisson lui parcourir l'échine. Il n'aurait pas su dire si c'était à cause de la révélation ou de la manière dont Namjoon l'avait dite, avec une pointe d'agacement mais aucune réelle hostilité.
« Ah, je vois. Et dans ta bienveillance infinie, tu viens à sa rescousse, railla gentiment Taehyung.
— C'est si étonnant que ça ? demanda-t-il en lui lançant une œillade lasse, presque vexée.
— Non, bien sûr que non, Joonie », répondit-il d'un ton plus doux et bienveillant.
Namjoon se décrispa, et Taehyung lui offrit un sourire sincère.
« Ça m'étonne parce que tu paraissais le détester. »
Namjoon ferma brièvement les yeux, un soupir discret soulevant sa poitrine. Il baissa la tête, fixant un point invisible sur le gravier, comme s'il cherchait des réponses dans les minuscules fragments de pierre.
Il hésita.
Devait-il lui parler de l'étoffe avec laquelle Jungkook le faisait chanter ? Son poing se serra à cette seule pensée. Il en avait le droit, il n'avait rien à se reprocher... Pourtant, l'idée lui laissait un goût amer. Il ne voulait pas davantage ternir son nom en la présence de Taehyung.
« Il n'est pas comme les autres », confia Namjoon, sa voix si basse que Jungkook dut tendre l'oreille pour saisir ses mots.
Taehyung esquissa un sourire, amusé.
« Certainement, il est unique ! Qui l'égale, dans cette école ? », glissa-t-il avec un petit ricanement.
Namjoon ne put empêcher un petit sourire.
« Ce n'est pas ça. »
L'air changea, Namjoon releva les yeux, le regard perdu.
« À ses yeux, je suis simplement Namjoon. Je me sens réellement moi-même. Pas le fils du traître qui a tenté d'assassiner le yangban. Pas le fils de la femme qui a précipité son époux à l'échafaud. Il ne me fait porter aucun masque, là où tous me voient un paria. Les élèves, les professeurs, les citadins, toute la nation. Même Hoseok et toi. Seungmin et Yeseo, aussi sûrement... »
Jungkook ne sut ce qu'il devait ressentir. Culpabilité, peine et reconnaissance se bousculaient en lui. Plus troublant encore, il ne savait pas pourquoi cette confession lui faisait si mal.
Mécontent, Taehyung le scruta longuement, la mine dure.
« Quoi ? cracha presque Namjoon, sur la défensive.
— Je me demande quand tu arrêteras de nous mettre, mes parents, Hoseok et moi, dans le même panier que les autres. Eux ne t'ont pas vu grandir, contrairement à nous. Je peux accepter beaucoup de choses venant de toi, Namjoon, mais à force d'entendre ça... c'est blessant et vexant. »
Namjoon détourna le regard, bouleversé par son ton si rarement aussi tranchant. Pas blessé, pas suppliant. Juste las. Et cette lassitude et ce timbre de voix lui firent plus mal qu'une colère explosive.
Il rouvrit la bouche, puis la referma. Puis la rouvrit.
« Je suis désolé. C'est plus fort que moi. »
Jungkook sentit ses doigts se desserrer contre le bois, un léger tremblement le traverser. Pourquoi son cœur battait-il si fort ?
« Je ne voulais pas me montrer ingrat, ajouta Namjoon.
— Je sais que tu as du mal à accorder ta confiance. Je ne t'en veux pas. Plus important : prends un moment pour réfléchir à ce qui se trame entre toi et Jeon avant que la situation ne t'échappe.
Sujet clos. Pardon accordé. Namjoon le remercia silencieusement. Puis, il émit un léger rire, amer, fatigué.
— Je pense qu'il est déjà trop tard », soupira-t-il avec une lueur de mélancolie.
Jungkook sentit son souffle se bloquer.
Quelque chose en lui tangua violemment.
Taehyung l'observa un instant, comme s'il hésitait à ajouter quelque chose, puis, il tapota son dos avec affection.
« Ne pense pas trop, Joonie, ça ne te réussit pas, murmura-t-il, un sourire rassurant. Laisse-toi aller, pour une fois.
— Avec Jeon ? », dit-il, incrédule
Jungkook arqua un sourcil, partagé entre l'expectative et une moue agacée. Taehyung ne retint pas un ricanement léger.
« Pourquoi pas ? Il n'est pas méchant, tu sais. Il se donne un genre. Comme toi. »
Le cœur de Jungkook bondit. C'était une remarque lâchée avec légèreté, mais elle s'enfonça sous sa peau comme une écharde. Il baissa les yeux, indécis.
« Mine de rien, vous êtes semblables », poursuivit Taehyung, la voix basse.
Jungkook tiqua et fusilla Taehyung du regard, son irritation monta en surface, vive.
Ben, voyons. Et tu me connais, pour l'affirmer ?
Taehyung leva la main. Ses doigts glissèrent lentement entre les cheveux de Namjoon, explorant leur texture soyeuse, y traçant des sillons.
« Il pourra peut-être te comprendre mieux que nous. T'aider, d'une certaine manière ? », souffla-t-il, les yeux dans le vague, pensif.
Le souffle de Jungkook se bloqua.
Pardon ?!
L'idée même l'ébranla, tira entre l'envie furieuse de fuir et celle de protester. Il n'était pas un guide. Pas même son ami.
Et puis quoi encore !
Namjoon, lui, ne bougea pas. Pas un battement de cil, pas un souffle rapide. Mais quelque chose de plus profond se jouait, et il n'était pas sûr d'être capable d'en saisir toutes les nuances.
D'ordinaire, il aurait reculé, détourné la tête, esquivé ce contact comme il l'avait toujours fait lorsqu'ils n'étaient pas seuls. Mais cette fois-ci, il resta figé et, surpris par cette immobilité, Taehyung s'attarda une seconde de plus pour s'assurer qu'il ne rêvait pas.
« Qu'est-ce que tu racontes, Taehyung ? Tu le connais ? »
La voix de Namjoon n'était qu'un souffle, hésitante, décontenancée.
Taehyung sourit, un sourire doux, presque mélancolique. Il retira sa main avec une dernière caresse fugace, le bout de ses doigts effleurant la joue de Namjoon avant de disparaître.
« Non. C'était juste une pensée comme ça.
— Je ne comprends pas », dit Namjoon en fronçant les sourcils.
Taehyung fit un pas en arrière.
« Taehyung. »
Namjoon fit un pas en avant, comme si le retenir était un besoin.
Mais, sans un mot, son aîné se détourna. Son pas resta nonchalant, une illusion trompeuse masquant l'étrange compression qui lui serrait la poitrine.
Namjoon resta seul, les yeux fixant le dos de son ami, mais flottant aussi dans le vide.
Derrière le pilier, Jungkook était bouleversé. Son cœur battait si fort qu'il avait l'impression que son souffle allait trahir sa présence.
Il suivit du regard la silhouette de Taehyung qui disparaissait peu à peu entre les arbres. Son esprit était en ébullition, tournoyant autour des mots lancés avec tant de désinvolture, mais qui lui collaient désormais à la peau.
Puis, son regard dévia vers un Namjoon perdu dans ses pensées, la tête baissée, les poings serrés.
Un pensée surgit. Namjoon et lui... Peut-être qu'ils n'étaient pas si différents.
Ce constat le laissa étrangement troublé.
Jungkook quitta à son tour l'aire d'entraînement, à pas mesurés, le regard toujours accroché à la silhouette immobile de Namjoon.
Il ne détourna les yeux que lorsque ce dernier disparut enfin de son champ de vision.
Pourtant, l'écho de sa présence le suivit longtemps après.
☾
La nuit s'étirait lentement sur la ville, déposant sur les toits l'éclat mourant du crépuscule.
Jungkook venait de quitter ses amis, le cœur un peu plus léger, l'esprit pourtant toujours enchaîné à ses tourments. Ils riaient, insouciants, inconscients de l'orage qui grondait en lui. Mais il avait réussi à rire aussi, sans masque.
Ses pas l'entraînaient sans but précis, errant au gré des ruelles, accompagné de ce feu qui lui rongeait la poitrine. D'ordinaire, il savait comment étouffer l'agitation qui le gagnait : quelques coupes d'alcool, un mets exquis au Daedongjeong, une soirée avec ses amis, ou la douce chaleur d'une étreinte entre les murs parfumés du Jardin des Lys.
Mais ce soir... rien n'y ferait.
Il s'arrêta devant son restaurant favori. Derrière les fenêtres embuées, la lueur des lanternes dansait sur les visages détendus des convives. Une odeur de viande grillée et de soupe fumante flottait dans l'air. Son ventre, pourtant vide, resta muet.
De l'autre côté de la rue, la vie vibrait de rires et d'éclats de voix, là où il aimait se perdre. Ce soir encore, il aurait pu franchir le seuil, commander sans réfléchir, manger avec délectation, vivre pleinement, papoter et créer des liens, aimer son prochain. Il n'en fit rien.
Son esprit insoumis le ramenait toujours à une seule image.
Un arc bandé, le sifflement d'une flèche.
Namjoon.
Namjoon et ses yeux sombres d'ordinaire impassibles et froids, ou brûlants de passion, teintés de mépris, de sarcasme, noyés cette fois dans une mélancolie qui adoucissait ses traits.
Il avait même souri. Ri. Le tout dans un retenue noble.
Jungkook serra les poings. Il revoyait chaque détail. La ligne de cette mâchoire qu'il connaissait bien, la crispation infime de ses doigts sur l'arc, le souffle qu'il avait retenu au moment de décocher la flèche.
Et surtout, ces mots. Ceux qui, plus que la scène elle-même, l'avaient fendu de l'intérieur.
Il revoyait Taehyung, ses mots, les inflexions de sa voix, l'ébranlant plus qu'il ne le devrait. Confusion et colère lui brûlèrent la poitrine. Tout était contradictoire.
Il ferma les yeux un instant, expira lentement. En vain. Le trouble qui l'assaillait ne faiblissait pas.
Il en avait assez. Cela durait depuis des jours.
Alors, Jungkook cessa de fuir.
Impulsion irréfléchie. Son corps réagit avant son esprit. Il pivota brusquement sur ses talons et prit la direction de la boutique médicinale. L'odeur des herbes et des racines séchées l'enveloppa à peine eut-il franchi le seuil. Il acheta un onguent, ses doigts se refermant dessus avec une fermeté presque absurde.
Dans son esprit, une seule image.
L'ecchymose violacée marquant le dos de Namjoon.
Il s'interdit de penser à ce qui l'avait provoquée, quand bien même la sensation des lèvres de Namjoon effleuraient les siennes. Il pesta, les dents serrées.
Puis, il prit la direction de Sungkyunkwan, le pas rapide, les épaules raides, la mâchoire serrée. Quelque chose en lui criait l'urgence.
Il monta dans sa chambre. Il aurait pu s'égarer ailleurs, trouver un détour, ou rejoindre un de ses amis. Mais rien n'aurait suffi à le détourner du seul endroit où il voulait être.
Tout en lui brûlait d'aller le revoir.
D'un geste vif, il récupéra son pinceau et son encrier. Son cœur cognait fort. Trop fort.
Et il repartit. Puis revint, se recoiffa, n'aima pas son reflet, détacha ses cheveux, les lissa. Puis repartit.
Il se haït.
Arrivé devant la porte de la chambre de Namjoon, il hésita une seconde, juste une.
Puis, il toqua contre la porte.
Un bruit de tissu froissé, des pas feutrés. Le battant s'entrouvrit, révélant un éclat sombre. Un œil d'abord surpris, puis perçant, qui l'épingla aussitôt d'un regard acéré, alors que la porte s'ouvrait davantage.
« Tu as oublié comment utiliser les Si* pour estimer l'heure ? Tu arrives trop tôt. »
Sa voix était basse, agacée, mais Jungkook y perçut autre chose. Peut-être parce que, ce matin, il avait entendu ce qu'il n'aurait jamais dû entendre.
Jungkook ne répondit pas. Il tendit simplement le petit bocal en verre.
Namjoon se figea. Bien sûr qu'il reconnut l'onguent. Bien sûr qu'il ne s'y attendait pas. Et bien sûr qu'il en fut touché. Mais il ne comprenait pas. Puis, les mots de Taehyung lui revinrent. Il n'est pas méchant. Il se donne un genre. Comme toi.
Lentement, presque machinalement, il prit le récipient. Leurs doigts se frôlèrent, une brève brûlure contre la froideur. Namjoon scruta son regard et n'y lut rien. Jungkook était impassible, fermé comme une muraille.
Mais son attention fut attirée ailleurs. Là, sur sa gorge. À l'endroit précis où son artère battait. Fort.
Namjoon retint un sourire.
« C'est comme ça que tu t'excuses ? »
Le cœur de Jungkook bondit. Son regard s'assombrit, ses narines frémirent d'irritation. Touché. Fierté écorchée, ego écrasé sous la désinvolture moqueuse de Namjoon.
Le silence. Chargé.
Puis la voix glaciale de Jungkook.
« Il ne reste plus que trois jours, et la tâche est encore immense. Alors, si tu le permets... »
Sans attendre de réponse, il poussa la porte, forçant Namjoon à reculer d'un pas. Leurs épaules se frôlèrent. Un contact fugace, mais suffisant pour qu'un frisson coure sous la peau de Jungkook. Il ignora la chaleur qui lui monta au cou et s'assit devant le bureau, posa ses affaires et croisa les bras, défiant Namjoon du regard, prêt à repousser toute tentative d'expulsion.
Derrière, Namjoon ne broncha pas. Seul un soupir fendit l'air, dissimulant son rictus.
« Vivement que cette comédie se termine... », marmonna-t-il en le rejoignant.
Jungkook pinça les lèvres. Il aurait pu répondre, lancer une réplique cinglante, mais le silence qui les entourait était trop dense.
Namjoon posa l'onguent sur son bureau, tout près d'eux.
Un souffle. Puis un autre. Les regards se fuyaient.
Namjoon le remercia.
Jungkook hocha la tête.
Et c'était tout.
Puis la leçon de calligraphie réclama leur attention.
L'encre, les parchemins, la discipline du geste. Tout semblait à sa place. Pourtant, rien n'était maîtrisé.
Namjoon s'assit près de lui, si près que la chaleur de son corps devint oppressante, tentatrice. Le souffle de Jungkook se coupait, un tremblement au bout de ses doigts le trahissait. Il prit son pinceau, s'efforçant d'ignorer la façon dont la main de Namjoon s'attardait près de la sienne. Un frôlement involontaire... ou prémédité.
L'encre s'étira sous son pinceau, mais sa concentration se fissurait sous la tension qu'il ne savait plus comment feindre d'ignorer.
« C'est ce que tu appelles un hanja* ? Recommence. »
Le ton était sans appel.
Jungkook releva brusquement les yeux, son regard accrochant celui de Namjoon, brûlant d'une frustration qui n'avait plus rien à voir avec la calligraphie. Ses doigts se crispèrent autour de l'encrier. L'envie de le lui jeter au visage était bien réelle. Mais tout en lui criait autre chose.
Une attente.
Et cette envie furieuse de briser enfin cette ligne qu'ils s'imposaient depuis trop de nuits.
Mais rien. Alors, il reprit sa tâche.
« Un enfant de cinq ans réussirait mieux. Applique-toi. »
Jungkook sentit un frisson de frustration lui remonter l'échine. Il serra les dents, les doigts crispés sur le pinceau, s'efforçant de contenir l'agacement qui rougissait son cou et ses joues, les traits trop crispés, trop rageurs.
Il froissa brusquement sa feuille. La jeta derrière lui. En prit une autre, la plaqua violemment sur le bureau. Et retraça les premières courbes.
Face à son manège colérique, Namjoon cacha son sourire amusé. En réalité, il le contemplait.
Jungkook s'appliqua.
Puis cette voix.
« Ce n'est pourtant pas si difficile », dit Namjoon avec une nonchalance insupportable.
Le pinceau s'arrêta net.
« Dans ce cas, je t'en prie, fais-le toi-même ! », s'écria Jungkook, sa patience brisée en mille éclats.
Un silence s'étira. Puis, un rictus amusé effleura les lèvres de Namjoon.
« Très bien. Tu ne me laisses pas d'autre option, de tout façon. »
Il se pencha sur lui, réduisant l'espace déjà infime entre eux. Jungkook eut un sursaut instinctif, reculant légèrement le buste, mais il ne pouvait aller bien loin.
« Qu'est-ce que tu fais ? », demanda-t-il, méfiant.
Namjoon ne répondit pas. Il s'approcha encore.
La chaleur de son torse frôla l'épaule de Jungkook. Un souffle effleura sa tempe. Le cœur affolé, il se mordit discrètement l'intérieur la lèvre, retenant un frémissement.
« Fais-moi confiance. »
Cette fois, Jungkook ne put réprimer son frisson.
« Jamais de la vie », répliqua-t-il.
Mais son ton manquait de conviction, trahi par la fébrilité de son corps.
Le souffle amusé de Namjoon glissa contre sa peau. Jungkook ferma fortement les yeux, et les rouvrit, plus troubles.
« Ne bouge pas. »
Et avant que Jungkook ne trouve la force de protester, Namjoon se glissa derrière lui, ses bras l'encadrant, alors qu'il appuyait ses mains contre le bord de son bureau. Son torse frôla son dos. sa respiration était là, tout près, diffusant une chaleur contre sa nuque.
Jungkook qui paniquait intérieurement, mais paralysé de l'extérieur.
« Repousse-moi si tu ne veux pas », dit-il d'une voix tranquille.
Jungkook aurait pu.
Il aurait dû.
Mais son corps tendu ne fit pas un seul mouvement.
Les jambes repliées de part et d'autre de lui, Namjoon enserra les flancs de Jungkook. Ses mains trouvèrent les siennes, chaudes, patientes, s'y superposant avec douceur.
Jungkook se figea. Un vertige le prit.
Son cœur s'emballa en un martèlement fou. La chaleur monta en lui, léchant sa nuque, enflamment ses clavicules, trahi par la rougeur vive qui colorait déjà la pointe de ses oreilles. Il tenta d'inspirer, de reprendre le contrôle, mais l'air lui manqua.
Il paniquait davantage en silence.
Qu'est-ce qu'il fait encore, merde !
« Détends-toi, dit-il, son souffle effleurant l'oreille de Jungkook. Je ne vais pas t'étrangler, je veux juste te montrer comment tenir correctement le pinceau pour réussir tes calligraphies.
Jungkook sursauta presque, un frisson lui remontant l'échine. Il ouvrit la bouche, cherchant un moyen d'échapper à cette proximité suffocante.
— Mais tu n'es pas obligé de...
— Shhh. »
Une injonction murmurée qui fit se contracter ses muscles.
— Mais Ki...
— Je t'ai dit de me repousser si tu ne veux pas, le coupa-t-il. Tu ne fais que parler. »
Son ton était si serein, comme s'il ne sentait pas cette tension vibrer entre eux, comme s'il ne percevait pas la crispation infime de Jungkook sous ses doigts.
Jungkook serra les paupières, les lèvres entrouvertes sur une réplique qui se perdit dans sa gorge.
« Bon sang, Kim, je n'arrive pas à te suivre », murmura-t-il, désemparé.
Un silence.
« Je suis tout aussi désorienté que toi », rétorqua Namjoon dans un souffle.
Jungkook se raidit.
Les mots le percutèrent de plein fouet, La confusion, l'incertitude. Un désir qui l'irritait et le bouleversait le submergea tout entier.
« A... alors arrête, balbutia Jungkook dans un murmure éteint.
— C'est ce que tu veux ? », s'assura-t-il.
Son souffle était toujours là, tout proche, effleurant sa peau à chaque expiration.
L'âme égarée, Jungkook ouvrit la bouche. Aucun son ne sortit.
Oui !
...Non ?
Tout en lui criait une réponse, mais il ignorait laquelle. Il n'avait jamais été aussi perdu qu'à cet instant, piégé entre l'inconfort de l'inconnu et cette chaleur qui, contre toute raison, lui apportait un apaisement insoupçonné.
Namjoon ne répéta pas sa question. Il ne pressa pas. Il attendit.
Et quand Jungkook ne recula pas, quand il ne trouva pas la force de le repousser, Namjoon prit ce silence pour ce qu'il était.
Un aveu.
Sa main se referma avec plus de fermeté autour de la sienne, guidant son poignet sans jamais briser l'enchantement de leur étreinte singulière. Lentement, il trempa le pinceau dans l'encre, et traça un premier signe sur le mot entamé par Jungkook. Puis un autre signe, et encore un, ses gestes précis glissant sur le papier.
Mais Jungkook ne voyait plus les caractères.
Il ne sentait plus que cette chaleur brûlante derrière lui, sa main sur la sienne, ce torse chaud et enveloppant contre son dos.
C'était comme s'il avaient dépassé un seuil.
Et que plus rien ne pourrait être comme avant.
Les muscles tendus, les sens accrus, Jungkook se laissait emporter par cette sensation aussi enivrante que terrifiante. Les traits s'écoulaient sur la feuille en colonnes, mais ils n'avaient plus de forme, plus de sens. Son esprit était ailleurs.
Namjoon était trop proche.
Sa respiration effleurait la courbe de son cou, faisant naître de discrètes décharges qui remontaient jusqu'à sa nuque et descendaient jusque son bas-ventre, le contractant. Jungkook savait qu'il les sentait. Ses frissons. Ses hésitations. Ses souffles tremblants qu'il tentait de contrôler.
Mais lui aussi percevait tout.
La cadence rapide des battements de cœur de Namjoon contre son dos. Une résonnance troublante du désarroi qui saccadait son propre cœur.
Namjoon, aussi perturbé que lui.
Un soupir tremblant lui échappa. Il sut immédiatement qu'il s'était trahi. Il ferma les paupières avec force.
Jamais personne n'avait su éveiller en lui un tel bouleversement. Une chaleur qui consumait, une tension qui ne trouvait pas de nom, une curiosité, un frisson électrisant.
Pourquoi maintenant ?
Pourquoi cette tendresse ?
Pourquoi s'abandonnait-il ainsi ?
Son esprit s'embrasait de questions, mais son corps réagissait avant même que les mots ne puissent y mettre un frein. Sa gorge était sèche, sa poitrine se soulevait toujours plus vite. Namjoon l'enveloppait tout entier. Il le possédait presque.
Son âme était si bouleversée qu'il perdit le fil de tout.
« Qu... qu'est-ce que je suis en train d'écrire... ? »
Sa propre voix lui sembla étrangère. Trop basse. Trop incertaine. Une fragilité qu'il ne se connaissait pas le trahissait, l'exposait.
Namjoon cligna des yeux, surpris. Un sourire effleura ses lèvres. Lent, amusé, presque carnassier.
Puis, son ton calme et son intonation parfaite perturbèrent Jungkook.
« Tu as déjà oublié le mot que tu as pourtant commencé à tracer ? »
Jungkook se figea. Oui. Oui, il l'avait complètement oublié, ce foutu mot qu'il avait pourtant commencé à tracer, avant que Namjoon ne le trouble. Anéanti par sa proximité qui l'encerclait, par cette voix douce et profonde qui s'enroulait autour de lui.
Il tenta de rassembler ses pensées, de se raccrocher à quelque chose d'autre que la tension qui le prenait à la gorge.
« C'était quoi, déjà... ? »
Le sourire de Namjoon s'élargit, enivré par la perte de contrôle de Jungkook. Il ferma les paupières une fraction de seconde, mordit sa lèvre, savoura l'instant, puis rouvrit des yeux plus sombres, plus sûr de lui. Reprenant le contrôle.
« Yuèguāng. »
Et dans le même instant, ses lèvres frôlèrent sa nuque.
Une onde brûlante parcourut Jungkook, s'enroulant autour de sa colonne vertébrale, se diffusant dans chaque parcelle de son corps. Son souffle se brisa en de légères bouffées, heurtées, désordonnées, incontrôlables, presque comme les ailes d'un colibri.
Ses doigts tremblèrent sur le pinceau, la pointe effleurant le papier sans but précis.
Et Namjoon... Namjoon qui s'abreuvait de chacune de ses réactions.
Il sentait sous ses doigts ses tressaillements, percevait ses frissons le traverser, ses soupirs d'abandon, d'hésitation. C'était enivrant. Il n'avait jamais mesuré l'ampleur du pouvoir qu'il pouvait avoir sur Jungkook, jusqu'à maintenant.
Et il s'en délectait.
Ce n'était pas un jeu, pas une provocation gratuite. C'était plus profond, plus déroutant. Plus dangereux aussi. Ce n'était pas seulement le corps de Jungkook qui répondait à lui, mais son âme tout entière qui vibrant sous l'influence de la sienne. Qui s'ouvrant à lui avec une intensité qu'il ne méritait peut-être pas.
Quelque chose les révéla à lui. Jungkook était peut-être le bon.
« ...Pourquoi, clair de lune ? demanda-t-il.
— C'est le premier mot qui m'est venu. »
Namjoon murmura ces mots contre sa peau, sa voix basse et intime, vibrante d'une émotion que Jungkook ne pouvait déchiffrer.
C'est plutôt la blancheur de ta peau qui m'a inspiré.
Namjoon ne l'avait pas dit, mais Jungkook le sentit. Il le devina dans l'intonation, dans la façon dont les mots avaient glissé hors de ses lèvres comme un aveu qu'il n'assumait pas tout à fait.
Il hocha timidement la tête, incapable d'articuler quoi que ce soit. Son cœur ardent et insensé cherchait à s'aligner sur le souffle de Namjoon contre sa nuque, sans même qu'il ne s'en rende compte. Un battement, une respiration.
Tout ce qu'il percevait, c'était lui.
Présence douce, enveloppante. Sa main chaude, agréable, posée sur la sienne.
Et ce mot qui résonnait dans son esprit comme une incantation.
Yuèguāng.
Namjoon était ivre. Il ne cessait de se perdre dans les réactions qu'il éveillait sur Jungkook. Il s'y accrochait comme à une drogue. Addictif et irréversible. Il en voulait plus. Encore. Il savait pourtant qu'un geste de plus pourrait les faire basculer.
Mais le pinceau sécha finalement, le mot entièrement calligraphié, et l'instant fut terminé.
Namjoon sentit une étrange sensation de vide s'installer en lui, comme si quelque chose venait de lui échapper au moment même où il aurait voulu le retenir. Lentement, à contrecœur, il ôta doucement sa main, recula, se replaça à ses côtés, sans complètement rompre leur proximité.
Le silence était toujours là, plus dense.
Pourtant, sa présence demeura tout près.
« Alors ? », dit Namjoon, son souffle chaud toujours proche de son oreille.
Jungkook cligna des yeux, perdu. Il lui fallut un moment pour comprendre que Namjoon parlait du mot calligraphié, et non de... ça. De cette chose étrange et intime qui s'était formée entre eux, le temps de cette étreinte.
Il détourna légèrement la tête, incapable de relever les yeux vers ceux qui le scrutaient. Sa main crispée sur le manche du pinceau tremblait encore.
Et sur la feuille immaculée, les traits s'étendaient avec finesse et beauté.
Quelle délicatesse.
Il n'aurait su dire si cette pensée s'appliquait à l'encre... ou à Namjoon.
Les courbes et les lignes gracieuses, le tracé parfait sans la moindre bavure. Les caractères si propres, si élégants, que la blancheur de la feuille en était sublimée, exaltée par la pureté de l'encre.
Mais ce qui le frappa le plus ce fut l'harmonie de leurs écritures mêlées.
Les traits de Namjoon, précis et affirmés, se fondaient dans les siens, plus impulsifs, plus instinctifs, mais beaux. Deux styles distincts, deux âmes opposées, et pourtant, sur cette page, ils se rejoignaient en un équilibre qu'il n'aurait jamais cru possible. Comme un dialogue silencieux entre leurs essences. Une fresque intime.
Jungkook sentit sa gorge se serrer.
Il ravala l'émotion qui menaçait de le submerger et haussa les épaules, feignant d'ignorer la beauté évidente du résultat.
« Passable », déclara Jungkook, tentant de masquer son admiration derrière un masque de nonchalance.
Namjoon arqua un sourcil, un rictus amusé effleurant ses lèvres. Son regard espiègle s'attarda intensément sur lui.
« Donc, tu parviendras à réitérer seul, cette fois ? »
Jungkook serra les dents, refusant de céder à la provocation.
« Tu me prends pour qui, aussi... », grommela-t-il de mauvaise foi.
Namjoon esquissa un léger mouvement de tête, un fin rictus, captivé par son profil renfrogné d'un Jungkook qui s'efforçait de conserver une apparence impassible. Et il y parvenait, du moins, si l'on omettait le rouge vif qui teintait ses joues et le bout de ses oreilles.
Doucement, il retira le pinceau des doigts crispés de Jungkook. Il ne protesta pas. Puis, d'un geste doux, il posa ses paumes sur ses épaules et exerça une légère pression, l'incitant à se retourner.
Jungkook se laissa faire, sans même comprendre pourquoi.
Enfin, ils se firent face.
Le temps s'étira.
Les sabliers s'effaçaient, les heures perdaient leur emprise.
Il n'y avait plus qu'eux.
Plus que cette proximité, cette attirance qui s'infiltrait entre leurs peaux.
Namjoon ôta ses mains, ses yeux ancrés aux siens.
« Tu as peur ? », murmura-t-il.
Jungkook manqua de lâcher un souffle ironique.
Peur ?
Il était terrifié.
Terrifié par ce qu'il ressentait. Terrifié par l'ampleur de ce que Namjoon lui inspirait, par cette évidence qu'il repoussait avec force.
Mais plus encore...
Terrifié par le fait qu'il ne voulait plus fuir.
Il aspirait à cette proximité autant qu'il la redoutait.
Jungkook secoua doucement la tête. Non. Mensonge. Son déni fragile ne trompa pas Namjoon.
Pourquoi je reste ? Pourquoi son simple regard suffit-il à me clouer sur place ?
Jungkook aurait dû partir. Il aurait dû s'éloigner avant de ne franchir un point de non-retour. Mais pour une raison obscure, il fut incapable de fuir l'intensité de ce moment.
« Tu n'as vraiment peur de rien, hein ? Ni des gens, ni des rumeurs à ton sujet. »
Un frisson discret lui remonta l'échine, mais il l'étouffa aussitôt. La voix de Namjoon était basse, douce, et pourtant, elle vibrait en lui avec une profondeur troublante. Jungkook la sentit résonner dans sa cage thoracique, s'infiltrer en lui.
« Je m'en fiche, des racontars, répondit-il dans un souffle. Qu'ils parlent de moi, ça m'importe peu. »
Il hésita une seconde.
« ...Ou de toi. »
Namjoon ne le lâchait pas du regard, scrutant la moindre trace de mensonge.
« Pourtant, tu connais la tragique histoire de ma famille. »
Jungkook ne cilla pas.
« Ça m'est égal, je te dis. »
Un silence.
Namjoon l'observa, ses pupilles sombres, insondables. Une tension se noua entre eux.
« Tu mens. »
L'éclat dans les yeux de Jungkook se fit plus farouche. Il retrouva son aplomb.
« On n'est pas proches, mais je pense que tu me connais suffisamment pour savoir que je n'ai aucune raison de te mentir sur ça. »
Les traits de Namjoon se figèrent. Vulnérable. Il baissa la tête, cachant ce que ces mots provoquaient en lui, ce que ces yeux sincères bouleversaient en lui. Mais Jungkook le vit, le sentit.
Jamais personne ne lui avait adressé de tels mots avec une telle sincérité.
Jamais.
Pourtant, en secret, Namjoon avait prié de longues nuits pour n'en connaître que la saveur.
Il soupira, comme s'il exhalait un poids.
« Je ne suis pas dans ta tête, c'est vrai, concéda Namjoon. Je ne devrais pas parler à ta place.
— Mais c'est plus fort que toi ? »
Jungkook faisait allusion à ce qu'il avait entendu ce matin. L'échange entre Namjoon et Taehyung lui était revenu en mémoire avec clarté. Namjoon fut pris au dépourvu. Son regard se troubla.
Mais il hocha simplement la tête. Il ne nia pas.
Jungkook baissa momentanément la tête, un fin sourire mélancolique captivant Namjoon. Puis, il releva son regard, plus intense.
« Tu as oublié l'année de nos quinze ans ? »
Namjoon tiqua à ce souvenir. Le sous-entendu était trop puissant pour être ignoré. Il se heurta de plein fouet contre la honte qui le submergea jusqu'à le faire vaciller. Il se mordit la lèvre, un souffle ténu s'échappant d'entre ses dents serrées. Puis, il porta une main à son visage, cherchant à masquer l'émotion brute qui l'envahissait.
Mais c'était inutile. Jungkook avait déjà tout vu.
Ce trouble trop évident.
Ce regard fuyant.
Cette tension dans ses épaules.
Jungkook en fut ébranlé.
Son cœur se serra sans qu'il n'en comprît la raison. Était-ce leur proximité ? Était-ce le seuil qu'ils avaient franchi, quelques instants plus tôt ? Étaient-ce les propos entendus ce matin ?
Non. C'était autre chose.
Il ne voulait pas le voir ainsi. Il ne supportait pas cette vulnérabilité qui crevait sous la surface, ce désarroi que Namjoon semblait vouloir taire à tout prix. C'était trop choquant. Comme si quelque chose n'était pas à sa place. Dérangeant. Brise-cœur.
Alors, son esprit s'éteignit.
Toutes ses retenues, balayées.
Il combla les derniers centimètres qui les séparaient.
« Je me permets... », souffla Jungkook.
Et sans réfléchir davantage, il passa lentement ses bras autour du cou de Namjoon, l'attirant à lui avec hésitation, fébrilité. Il tremblait de quelque chose de plus grand.
Le souffle de Namjoon se coupa. Son corps tout entier se figea sous l'étonnement, ses muscles tendus.
Jungkook, lui, ferma les yeux.
Il posa sa joue contre son épaule, cherchant à ancrer, à insuffler une chaleur, à donner un refuge qu'il ne se soupçonnait pas posséder, mais dont il avait besoin pour protéger.
Il le sentit trembler. Et cette vulnérabilité le troubla plus qu'elle n'aurait dû.
Un instant, il crut que Namjoon allait l'écarter. Qu'il allait retrouver cette distance qu'ils s'efforçaient de préserver, ce jeu qu'ils s'imposaient pour ne pas sombrer dans ce qui les appelait désespérément.
Alors, il rassura.
« Repousse-moi. Tu es libre. »
Mais Namjoon était figé entre le désir de fuir et l'impossibilité de le faire. Et Jungkook se réjouit qu'il ne l'écartât pas.
Mais il tremblait à l'idée que, désormais, Namjoon ne le ferait plus jamais. Il sentit son cœur cogner contre sa poitrine, aussi fort que celui de Namjoon contre la sienne.
« Qu'est-ce que tu fais ? chuchota Namjoon.
— Je suis mon instinct. »
Et Namjoon s'affaissa légèrement, ajoutant un peu de son poids.
Dans ses bras, Jungkook tenait un homme brisé et sans défenses. Et le plus troublant, c'était que Namjoon se permettait de s'effondrer contre lui. Une première. Une anomalie. Une césure dans l'armure qu'il avait patiemment façonnée pendant des années.
D'un geste désespéré, Namjoon agrippa ses avant-bras, le cœur tambourinant sous la surprise de cette proximité inattendue. Il en était si heureux, il ne pouvait le contrôler.
Il ne contrôlait plus rien.
Il ne voulait plus contrôler, pour une fois. Il cédait momentanément ce trait de caractère.
Jungkook paniqua un instant, puis, étrangement, se calma aussitôt.
Il aurait dû se sentir écrasé sous ce fardeau soudain que Namjoon lui laissait porter. Pourtant, ce ne fut pas le cas, parce que ce n'était pas un fardeau. C'était une confiance qu'il ne méritait peut-être pas, une permission muette qu'il n'avait jamais cherchée mais qu'il acceptait sans réfléchir.
Jungkook se perdait. Puis, encore cette panique. Encore suivie de ce calme.
Pourquoi étaient-ils enlacés ? Pourquoi cette attraction, ce besoin de s'accrocher l'un à l'autre, comme si tout allait s'effondrer s'ils brisaient leur étreinte ?
Il n'en savait rien. Et il n'en avait plus rien à faire. L'instinct primait. Les émotions étaient maîtresses. Le besoin était trop puissant.
« Tu me détestes parce que tu penses que je te juge bêtement comme les autres ? », demanda Jungkook dans un murmure.
Il connaissait déjà la réponse. Il l'avait entendue, ce matin. Ces mots que Namjoon avait soufflés à Taehyung et qui l'avaient frappé en plein cœur, l'avaient réchauffé, l'avaient surpris. Agréablement surpris.
Il n'est pas comme les autres.
À ses yeux, je suis simplement Namjoon.
Il ne me fait porter aucun masque.
Mais il voulait les entendre de sa bouche. Il voulait le comprendre davantage. Il voulait comprendre pourquoi, cinq ans plus tôt, Namjoon avait agi ainsi. Parce que, depuis longtemps, Jungkook avait intercepté ses appels de détresse.
Et maintenant... cinq ans plus tard, sans même s'y être préparé, il y répondait. Pas avec des mots ou des promesses creuses, mais avec la seule chose qu'il pouvait offrir et qui ne trahirait pas : son étreinte.
Une étreinte absolument pas calculée.
Peut-être que Taehyung avait raison, finalement. Mine de rien, vous êtes semblables. Ils pourraient se comprendre, s'ils essayaient, non ?
« C'est une question stupide », murmura Namjoon
— Tu ne souhaites pas répondre ? », s'enquit-il, le ton bienveillant.
Namjoon secoua la tête et clôt douloureusement les paupières, inhalant profondément la douce odeur de camphre et de musc émanant des cheveux de Jungkook.
C'était plus facile de me bercer de l'illusion de te détester. Mais, maintenant... À quoi bon ?
Jungkook respecta son silence, mais refusa de l'abandonner à lui-même.
« Tu aimes ta solitude ? », renchérit Jungkook.
Namjoon inspira profondément, laissant son front s'incliner légèrement vers lui, sa joue légèrement posée sur son crâne, son souffle effleurant les longues mèches sombres de Jungkook.
« Pas toi ? lâcha Namjoon.
— Non. Mais la mienne n'est pas comme la tienne. »
Namjoon ferma douloureusement les paupières, s'imprégnant de la présence de Jungkook. Il était là, dans ses bras, réel et chaleureux.
« Et je n'aime pas la tienne », souffla Jungkook.
Namjoon sentit son cœur se serrer.
« Pourquoi ?
— Tu t'isoles volontairement. »
Tu t'enfermes parce que tu crois ne plus rien avoir à perdre. Mais tu te trompes.
« Tu as donc ta réponse », souffla Namjoon, un sourire amer et résigné.
Mais Jungkook n'en avait pas fini. Il voulait encore comprendre, davantage creuser, prêt à pardonner. Son cœur battit plus fort, appréhensif.
« Pourtant, je suis venu te voir, il y a cinq ans. Avec Jin. »
Le corps de Namjoon se tendit. Son souffle jusqu'alors à peine irrégulier se coupa brutalement. Jungkook paniqua. Allait-il le repousser ? Se braquer ? Se refermer ?
« Pourquoi... ? », souffla Namjoon, dans une supplique qu'il ne put retenir.
Jungkook pinça les lèvres, hésitant, avant d'affronter pleinement la vérité.
« On ne te voyait pas d'un œil mauvais comme tout le monde. On avait quinze ans... mais on n'était pas des idiots. »
Le regard de Namjoon se troubla. Il voulait refuser ces mots, les repousser, mais il ne pouvait pas.
« Oui, mais... pourquoi ? », insista-t-il, presque avec colère.
Jungkook ne recula pas.
« Tu sais que Jin est aussi un Kim. C'est lui qui avait eu l'idée de t'approcher et devenir ton ami. Il ne supportait plus de te savoir seul alors que tu étais juste un garçon perdu et innocent. »
Il inspira, cherchant son courage.
« Moi non plus, je ne le supportais pas », poursuivit Jungkook.
Il se redressa légèrement, assez pour scruter son visage. Namjoon baissa aussitôt le regard, cligna des yeux, et l'espace d'un instant, Jungkook crut voir briller quelque chose. Une détresse qu'il tentait encore de masquer sous la rangée de ses cils baissés.
Alors, Jungkook reposa sa joue sur son épaule, préservant la pudeur émotionnelle de Namjoon.
« Tout le monde te pointait du doigt, chuchotait derrière toi. On était sincèrement en colère pour toi. »
Moi, surtout. La connerie humaine est aberrante.
Namjoon ouvrit la bouche, mais aucun son n'en sortit. Quand enfin il trouva la force de parler, ce ne fut qu'un murmure brisé.
« Vous n'auriez jamais dû. »
Son ton trahissait un regret trop grand pour être formulé autrement.
Jungkook serra inconsciemment ses doigts contre la nuque de Namjoon.
Et tu n'avais pas l'air de vouloir t'en sortir, mais... tu appelais quand même à l'aide. J'ai su le voir, Jin aussi. Même Mingyu et Yoongi qui nous ont encouragés à te parler », dit-il en fronçant les sourcils, une incompréhension sincère traversant son regard mi-clos.
« Pourquoi ? Je sais combien la solitude tue à petit feu. »
Et il le savait mieux que personne. Un pli soucieux barra son front, comme s'il tentait encore de comprendre ce que son cœur avait déjà deviné. Alors, sa voix se fit plus douce, inquiète.
« Tu ne semblais pas vouloir t'en échapper... Pourtant, tu appelais à l'aide. Je l'ai vu. Jin aussi. Même Mingyu et Yoongi nous ont poussés à venir vers toi. »
Namjoon inspira, le dos légèrement courbé sous son fardeau traîné d'un passé qu'il ne savait comment affronter. Mais un fardeau à présent soutenu par Jungkook. C'était... juste un peu moins lourd. C'était revigorant et... si rassurant.
Alors, Namjoon laissa tomber ces mots. Une confession qu'il avait enterrée pendant cinq longues années.
« Je n'aime pas ma solitude, mais elle me sauve. Puis, je n'étais pas prêt à vous... »
Il se tut.
Pas prêt à accepter d'aimer de nouveau. Pas prêt à risquer de perdre encore. Pas prêt à laisser quiconque franchir mes murs. Vous m'aviez effrayé et vous m'auriez brisé.
Ces mots ne franchirent jamais ses lèvres. Un poids trop lourd pour Jungkook. Il refusait de le charger davantage.
Jungkook ferma à son tour les yeux. Namjoon n'avait fait que se protéger des cruautés du monde, et il l'avait plus ou moins deviné, par le passé.
Mais savoir ne signifiait pas tout pardonner. Même s'il espérait ne plus redevenir cette absence dans sa vie, une rancune persistait, nouée dans son cœur comme une cicatrice mal refermée.
Et il voulait la refermer.
Alors, il laissa sa rancune s'exprimer.
« Je t'ai tellement détesté depuis que tu as levé la main sur Jin. »
Un silence brutal. Namjoon se tendit sous l'impact de ces mots. Jungkook ne le voyait pas, mais il sentit son souffle se rompre. Il sentit la pression de ses doigts sur ses bras se relâcher légèrement, comme si tout l'air autour d'eux venait de se vider.
« Je sais... », murmura Namjoon, le cœur compressé.
Sa voix était rauque, étranglée par quelque chose de bien plus ancien qu'un simple remords.
« Je suis désolé, souffla-t-il.
— C'est à lui que tes excuses sont dues, répondit-il, le ton légèrement plus froid. Même s'il ne t'en a jamais voulu, contrairement à moi. »
Namjoon sentit une poignante douleur lui perforer la poitrine et s'écraser sur son âme avec la force d'un millier de regrets.
Seokjin...
Le seul Kim — avec Taehyung et ses parents — à lui avoir tendu la main. Celui qui s'était tenu là, sans arme, sans méfiance, sans malveillance. Et lui, lui n'avait vu qu'un ennemi à abattre. Le souvenir le frappa avec violence , le ramenant cinq ans en arrière, là où son monde s'était effondré une fois de plus.
Il s'était retrouvé face à Seokjin.
Un simple sourire.
Des yeux clairs, soucieux, sereins, sincères.
Une lueur de douceur qu'il n'avait pas su supporter.
Il n'avait même pas entendu ce que Jungkook lui disait ce jour-là. Il n'avait vu que cette lueur dans le regard de Jin, cette lumière paisible qu'il n'avait plus jamais retrouvée dans ses propres yeux, ni dans celle des autres.
Et alors, tout avait explosé.
Une rage aveugle et si brutale qu'il ne distinguait plus ce qui était juste de ce qui était impardonnable. Mais avant même de céder à sa violence, une lueur de lucidité avait percé : jamais il ne pourrait lever la main sur Jungkook. Lui, qui lui avait parlé et exposé ses demandes.
Pourtant, il devait expulser sa rancœur, comme une marée déchaînée brisant les rivages de sa conscience, car ce jour-là, il avait revu sa mère. Ce jour-là, un trop-plein avait inondé son cœur. Ce jour-là, il avait perdu tout contrôle.
Ce fut la goutte de trop.
Alors, sans un souffle d'hésitation, il avait frappé Seokjin. Un coup, deux, trois, brisant tout ce qu'il lui restait de lucidité.
Jusqu'à ce qu'un coup plus violent encore l'arrête net. Jusqu'à ce que la douleur lui perce la mâchoire. Jusqu'à ce que Jungkook, le poing serré, le souffle heurté, le regarde avec une haine si noire que son cœur s'était déchiré sur place.
Ce regard... Gravé en lui, marqué au fer rouge dans son âme fissurée. Il savait qu'il l'avait mérité. Mais il aurait tout donné pour que Jungkook comprenne et voie encore mieux ce que personne n'avait jamais voulu voir.
Que ce n'était pas Seokjin qu'il frappait.
Que ce n'était pas Jungkook qu'il voulait repousser.
C'était ce fardeau qui l'écrasait depuis des années.
C'était cette solitude voulue, mais insupportable qui lui lacérait la poitrine.
C'était le regard des gens qui l'avait détruit.
C'était sa mère qui l'avait condamné.
Et Jungkook...
Jungkook s'était juste présenté au mauvais moment.
Seokjin... au pire moment.
« Je n'étais pas disposé à accepter qui que ce soit. »
La voix de Namjoon était un murmure rauque érodé par la peine et l'épuisement.
« J'étais déjà assez tourmenté à repousser Hoseok et Taehyung, qui me collaient chaque semaine et refusaient de me laisser seul dès mon premier jour, ici. J'étais... »
Ses mains tremblèrent autour des bras de Jungkook, les serrèrent, accablé par la détresse. Il avait peur qu'en le lâchant, il retombe dans le vide.
Son ego et sa dignité se heurtaient, s'entrechoquaient, hurlaient. Namjoon ne se livrait pas. Jamais. Il préférait endurer en silence, encaisser sans jamais céder, sans jamais offrir la moindre faille à ceux qui pourraient s'en servir contre lui. C'était ainsi qu'il s'était protégé.
Mais ce soir...
Ce soir, il se sentait en confiance.
Un concept si lointain qu'il en avait presque oublié la saveur. Une sensation qu'il avait toujours jugée dangereuse, capable de trahir ceux qui s'y abandonnaient.
Pourtant, il n'y avait pas d'explication rationnelle. Juste que son cœur avait toujours battu différemment en présence de Jungkook.
Mais pourquoi maintenant ? Pourquoi, après cinq années à dresser des murailles contre lui ? Pourquoi ce n'était pas une menace, mais un appel ?
Parce que c'était... lui ?
Alors, sans vraiment comprendre comment, il sentit qu'il se lâchait. Qu'il se livrait. Et que Jungkook écoutait sincèrement. Qu'il cherchait réellement à le comprendre. C'était un baume au cœur autant qu'une terreur immense.
Mais plus encore, il sut qu'il en avait désespérément besoin.
Et pire encore...
Il avait besoin de lui.
« J'étais habité par la colère... Je le suis encore. »
Sa voix s'éteignit presque, à bout de souffle, avant de se reprendre.
« Je ne sais plus distinguer les mauvaises personnes de celles qui ont de bonnes intentions à mon égard. C'est presque impossible. »
Il aurait voulu que ce soit une excuse. Que ça suffise.
Mais ça ne suffirait jamais.
Pourtant, tu es le seul rayon de lumière dans mon monde enténébré.
Jungkook hocha la tête. Instinctivement, le serra un peu plus. Et Namjoon s'accrocha un peu plus. Il se demanda si Jungkook savait seulement à quel point ce geste le maintenait debout.
« Tu sais ce qui me surprend le plus ? », souffla Jungkook.
Namjoon ne sur guère pourquoi son propre corps se tendit.
« Jin continue de s'inquiéter pour toi. Il te défend chaque fois que l'un de nous dit du mal de toi, ou quand on entend des choses à ton sujet. »
Namjoon ferma lentement les yeux.
Jin... Toujours Jin. Toujours ce cœur trop grand pour le monde.
« Qu'il te défende alors que tu l'as frappé ne me plaisait pas. Si ça ne dépendait que de moi, je t'aurais déjà refait le portrait. »
Namjoon eut un infime sursaut.
« Tu ne peux pas imaginer sa peine et sa colère lorsque j'ai seulement suggéré de te faire regretter ton acte. Je ne l'ai plus jamais envisagé parce qu'il t'a préservé de moi. Il m'a forcé à lui jurer de ne rien te faire. Et je ne pouvais pas lui mentir, alors je ne t'ai rien fait. »
Le monde sembla tanguer sous les pieds de Namjoon. Son souffle se coupa brutalement. Son cœur se serra si fort qu'il en frémit, parce qu'il comprit que Jin avait pris un coup à sa place. Que Jungkook avait retenu sa rage pour lui.
Et que, quelque part, cela signifiait qu'il en avait toujours valu la peine.
« Mais juste avant, on s'était violemment disputés à tel point que j'ai cru que notre amitié s'était brisée », acheva-t-il d'une voix plus basse, plus rauque.
Namjoon sentit quelque chose se fendre en lui, il ne savait pas quoi. Un désarroi ? Mais il savait que c'était irréversible.
Jungkook resserra à peine son étreinte, une fraction de seconde, comme pour l'empêcher de sombrer sous cette nouvelle vérité.
Et puis, un souffle à peine audible, presque comme une prière.
« Prends le temps de te rendre compte qu'il existe des personnes prêtes à veiller sur toi. »
Bouleversé, Namjoon baissa légèrement la tête pour lire ses yeux. Il voulait le sonder. Il pouvait enfin croiser ses yeux sans sombrer.
Mais Jungkook ne bougea pas. Toujours appuyé contre lui, sa joue pressée contre son épaule, il releva simplement son regard. Pas pour s'éloigner ou pour lui offrir une sortie, mais pour lui faire face. Ses yeux étaient graves, plus intimes que Namjoon ne lui avait jamais vue auparavant.
Puis, ce que ses lèvres formèrent fissura quelque chose en lui.
« Tout le monde ne te veut pas du mal. »
Ses yeux tombèrent sur ses lèvres. Son cœur bondit au doux et fin sourire de Jungkook.
« Je peux te le jurer sur ma vie. »
Et à cet instant, Namjoon sut.
Sut qu'il était à bout.
Sut qu'il ne pourrait plus faire semblant très longtemps.
Sut qu'il était terrifié, autant qu'il était heureux.
Ses lèvres frémirent. Il tenta de contenir l'émotion sur le point de le submerger, cette marée de tristesse prête à se changer en sanglots déchirants. Il sentait la douleur monter, un torrent qu'il repoussa avec force.
Pas maintenant.
Pas devant lui.
Il voulait garder cette souffrance pour lui, l'étouffer jusqu'à ce que la nuit vienne l'engloutir. Attendre ces heures solitaires où il pourrait enfin s'abandonner à sa peine et à ses failles, où seule la lune était sa source de réconfort.
Comme tant de nuits précédentes.
Mais ce moment, cette vérité, cette voix qui lui disait ce qu'il n'avait jamais osé entendre... Cela brisait tout ce qu'il avait tenté d'enfouir. Jungkook venait de soulever le pire de ses souvenirs. Celui qu'il n'avait jamais abordé avec quiconque. Celui qui l'avait consumé lentement depuis ce jour où il avait injustement frappé Seokjin.
Le remords et la culpabilité... C'était trop lourd.
Une envie de tout réparer le tenaillait. Il aurait tout donné pour effacer cette scène, pour faire disparaître ce regard noir et blessé, ce regard méprisant et colérique qui l'avait transpercé ce jour-là, qui l'avait ébranlé jusqu'au fond de son âme.
Le regard de Jungkook.
Et maintenant que Jungkook en parlait, Namjoon se sentait mis à nu. Exposé à ses propres erreurs, incapable de détourner le regard, contraint de faire face à ce qu'il avait toujours enfoui.
La tristesse de Jungkook était là, palpable, et il savait qu'il en était la cause. Cela le rendait vulnérable. Fragile.
Son cœur se serrait, la douleur perçait ses battements, alimentée par la conscience de son propre échec.
Alors, enfin, il laissa tomber les mots qu'il aurait dû dire depuis longtemps.
« Je m'excuserai auprès de lui. Auprès de Seokjin », souffla-t-il.
Pour la première fois, il en sentit l'urgence.
Les mots de Namjoon étaient certes maladroits, mais ils portaient en eux toute la sincérité de son cœur. Il voulait que Jungkook le sente. Qu'il comprenne combien il était prêt à tout pour réparer ce qu'il avait brisé.
Il avait peur.
Peur de ne jamais pouvoir effacer cette douleur, de ne jamais être digne de pardon.
Mais plus encore, il avait peur de le perdre.
Et alors que son cœur battait d'un rythme erratique, il prit une résolution : il refusait d'abandonner.
Jungkook n'avait jamais pensé qu'un jour, voir quelqu'un prendre ses responsabilités et assumer ses erreurs serait aussi séducteur, aussi profondément attirant. Lui-même n'aurait pas assumé aussi ouvertement.
À cet instant, quelque chose céda en lui.
Il abandonnait enfin ses armes après un combat acharné contre lui-même.
Un simple murmure d'excuses, une responsabilité assumée, et la carapace de rancœur qu'il portait depuis si longtemps se fissura. La brume qui l'empêchait d'apprécier Namjoon à sa juste valeur se dissipa, révélant un diamant brut.
Et pour la première fois depuis cinq ans, il sentit une paix naître en lui envers Namjoon. À peine née, timide, mais bien réelle.
Son cœur se réchauffa.
Il se redressa légèrement, se détachant à peine, juste assez pour regarder Namjoon dans les yeux.
Namjoon ne bougea pas, il attendait, fébrile. Il y avait tant de choses que Namjoon aurait voulu dire, tant de mots qu'il aurait voulu offrir, tant de sentiments qui brûlaient en lui. Mais aucun mot n'était assez juste, assez puissant pour exprimer tout ce qu'il ressentait.
Jungkook ne parla pas.
Et alors, tout se figea.
Sa conscience s'était arrêtée, laissant son âme seule régir ses véritables intentions.
Il inclina doucement la tête. Son geste ; instinctif, sincère, dénué de toute hésitation. Il déposa un baiser sur le front de cet être sans défense qui s'accrochait à lui. Éphémère, tendre, mais intense.
Namjoon ferma les yeux sous le contact, anéanti par une telle douceur. Ses doigts se crispèrent involontairement autour des bras de Jungkook, comme s'il craignait de le voir s'éloigner. Comme si ce baiser, si fugace soit-il, était son seul repère.
Ce baiser, aussi léger qu'une une plume caressant la surface de l'eau. Mais lourd du pardon de Jungkook, lourd de toute la douceur qu'il avait retenue. De toute la compassion qu'il n'avait pas su exprimer autrement que par le contact de ses lèvres.
Embrasser Namjoon ainsi... Avec cette pureté. Avec cette innocence. Cela lui avait paru la plus éclatante des inspirations.
Il recula.
Il sut qu'il avait agi avec sagesse lorsqu'il s'engouffra dans l'infinité noire des yeux de Namjoon. Il y plongea entièrement, sans résistance, sans retenue. Ils étaient intenses et magnétiques. Brumeux et légèrement embués.
Et ce que Jungkook y trouva le frappa de plein fouet.
Une profondeur qu'il n'avait jamais remarquée auparavant. Une vulnérabilité tendre qui lui fit comprendre qu'il n'avait jamais vraiment regardé Namjoon.
Pas comme ça.
Pas avec cette ouverture d'âme. Pas avec ce désir de comprendre tout ce qui se cachait derrière ces yeux sombres habituellement froids, mais porteurs de tant de choses. Ses yeux parlaient à ceux qui savaient écouter.
Et Namjoon n'avait jamais eu un regard aussi doux qu'à cet instant. Une lumière y scintillait. Comme si pour la première fois...
La tendresse elle-même avait trouvé refuge dans ses perles noires.
Un frisson ténu secoua Jungkook, remontant le long de sa colonne vertébrale. Son cœur défiait la vitesse de la lumière, battant avec une frénésie qu'il n'avait jamais connue, comme s'il tentait de rattraper des années de silence, des années de non-dits.
Son âme, jusqu'alors enfermée dans une retenue qu'il s'imposait sans cesse, chanta enfin la plus belle des mélodies. Une harmonie délicate et vibrante. Un murmure céleste qui s'élevait dans l'infini, comme une prière muette vers le ciel étoilé de ses pensées.
Parce qu'en cet instant...
Namjoon était plus beau qu'il ne l'avait jamais été à ses yeux.
Ce n'était pas une beauté physique, bien que cela fût indéniable.
C'était une beauté qui émanait de son aura, de cette faiblesse qu'il osait enfin laisser transparaître. De cette tendresse qu'il ne lui soupçonnait pas, de cette lumière qui filtrait à travers ses ombres, illuminant ses fissures.
Et alors, son cœur s'éveilla.
S'éprit.
S'enivra.
Et dans les profondeurs de ces yeux, il découvrit un paradis.
Quant au cœur de Namjoon...
Cette éclosion était déjà une vieille compagne.
Une explosion de couleurs et de carillons dont il avait longtemps connu les résonances en son âme.
Il n'avait fait que la taire.
Jusqu'à aujourd'hui.
À suivre...
Alors, ce chap ? Plein de douceur, je sais, héhé. C'est inattendu ? 😚
C'est l'alchimie qui les pousse à vouloir le contact de l'autre. L'alchimie c'est bcp + puissant que l'attirance et amplifie même l'amour. Tu as tjrs envie de te fondre dans la présence de l'autre
Et nope, ce n'est pas vraiment un slow burn, mais leur relation évoluera quand même avec une certaine « lenteur » et douceur !
... Sauf si tu veux une histoire de 40 chapitres mdrrrrr
Je te rappelle que c'était un OS, à la base, donc si les choses vont « vite », c'est voulu (le but des histoires courtes, quoi)
Enfin « courte »... 🙄 On s'est compris mdrrr
ANYWAAAAAAAAAY
À dimanche ! Et j'espère que tu aimes toujours ce début, il va vite se passer des choses, parce que n'oublie pas, c'est aussi une histoire avec une intrigue politique ! 🤭
𝑾𝒊𝒕𝒉 𝑳𝒐𝒗𝒆, 𝑫𝒂𝒓𝒌 𝑬𝒚𝒆𝒍𝒆𝒕 🖤
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