𝟏𝟕 ¦ 𝐃𝐄́𝐃𝐀𝐈𝐍 𝐃'𝐄𝐌𝐏𝐑𝐔𝐍𝐓

SHINGEKI NO KYOJIN
ᴊᴀʀᴄᴏ
#jeanmarcoweek2021

     Lorsque Marco aperçut enfin l'imposant portail noir du domaine, il ne retint pas un soupir de soulagement. C'était la première fois qu'il voyageait à cheval, et si l'expérience lui avait semblé attrayante, il avait bien vite déchanté. Le trajet avait été fort long, les routes sinueuses et le bas de son corps était par conséquent terriblement douloureux. Malgré ses courbatures, le garçon avait regardé avec des yeux curieux les paysages inconnus qu'il découvrait. Il ne s'était jamais aventuré aussi loin de la maison qui constituait jusqu'à peu son chez-lui et, même si les circonstances de ce départ n'étaient pas des plus réjouissantes, il ne voulait pas perdre une miette du voyage. Son père, qui était assis derrière lui et tenait les rênes, avait eu des larmes au coin des yeux et un sourire au bord des lèvres à chaque fois que Marco prenait la parole. Il avait perdu un être cher aujourd'hui, mais il avait décidé qu'il ne voulait plus être absent de la vie de son fils.

     Bien qu'ayant pénétrés dans le domaine, leur cheval dû encore parcourir plusieurs centaines de mètres avant d'apercevoir le manoir qui s'y cachait. La bâtisse était encore plus grande que ce qu'avait pu imaginer le garçon. Ouvrant des yeux chocolats émerveillés, il admira la taille de ce petit château, les escaliers en pierre blanche qui menaient à la porte principale et la dizaine de fenêtres qui couvraient la façade. Au lieu de s'arrêter en face du manoir, son père les conduit jusqu'à l'écurie qui se trouvait en retrait. Ils y laissèrent leur monture à un palefrenier avant de remonter en direction du quartier des domestiques, situé dans une dépendance du bâtiment principal.

     Son père lui montra sa nouvelle chambre dans laquelle il déposa les quelques affaires en sa possession. La pièce n'était pas très grande, mais il y avait un lit avec des draps propres, un coffre pour ranger ses vêtements et même une petite lucarne qui donnait sur l'extérieur. Marco se retrouva bientôt dans la cuisine où s'affairaient déjà le personnel. On le présenta à tout le monde et il eut rapidement droit à des sourires bienveillants. Le garçon songea tout d'abord que son paternel, le majordome du manoir, devait être fortement apprécié, ce qui expliquait cet accueil chaleureux. Avant la fin de la journée, il comprit que les domestiques de la maisonnée étaient tout simplement les gens les plus aimables qu'il avait jamais rencontré.

     Molly, l'une des cuisinières, semblait l'avoir immédiatement pris sous son aile. Elle voulu connaître ses mets favoris et lui donna même des cookies tout chauds en guise de cadeau de bienvenue.

     — Ils sont pour le jeune maître, lui avoua-t-elle avec un clin d'œil, mais il n'y touche presque jamais. Prends-en donc quelque uns, il ne le remarquera pas.
     — Le jeune maître ?

     Sur le chemin, le père de Marco lui avait expliqué qu'il travaillait pour les Kirschtein, une famille issue de la petite noblesse. Le maître du manoir était souvent absent, ce qui faisait du domaine un endroit bien calme. Cependant, il n'avait évoqué aucun jeune maître devant lui.

     — Monsieur Kirschtein a un fils, Jean. Il doit avoir à peu près ton âge, l'informa-t-elle. Mais je serais toi, j'éviterais de lui parler. C'est un garçon très hautain et capricieux, je doute qu'il ait envie de se faire des amis.

     Marco aurait bien voulu lui demander ce qui l'avait amenée à de telles conclusions, mais il se retient. La cuisinière affichait un air troublé et son nez s'était froncé dans une moue plutôt triste. En discutant avec les autres membres du manoir, il comprit rapidement que Jean n'était pas du tout apprécié par les domestiques. Le jeune maître s'était vraisemblablement montré odieux avec la plupart d'entre eux, et ce malgré leurs efforts pour le comprendre. Il les regardait constamment de haut, refusait de leur adresser la parole et ne mangeait que par nécessité, non sans un regard méprisant à l'égard de son assiette. À en croire le vieux jardinier du domaine, le garçon lui aurait même lancé une malédiction avec l'aide d'un démon.

     En écoutant d'une oreille toutes ces accusations, Marco se demanda si les rumeurs n'étaient pas légèrement exagérées. Un soir, il demanda à son père pourquoi ce jeune maître avait si mauvaise réputation au sein de sa propre maison.

     — Jean n'a pas une vie très facile, souffla-t-il. Sa mère est partie depuis longtemps et son père n'est jamais à ses côtés. C'est un garçon très seul. Et pour une raison ou une autre, il cherche à le rester. Certains ont tenté de l'approcher, mais il nous a tous repoussé.
     — Comme Molly ?

     Pour toute réponse, le majordome acquiesça avec un sourire triste. Après avoir souhaité bonne nuit à son fils, il referma la porte de sa petite chambre, le laissant seul avec ses pensées. Ce soir-là, Marco remit de l'ordre dans les récits et les probables fables qu'on lui avait rapportés. Au lieu de se laisser influencer de la sorte, il attendrait de se retrouver face à Jean pour savoir si le jeune maître méritait son amitié, sa compassion ou sa rancune. Ce fut le cœur et l'esprit léger qu'il passa ses premiers jours au manoir des Kirschtein.

     Marco avait tout le loisir de s'ennuyer, mais il préférait de loin gambader un peu partout, demandant aux domestiques s'il pouvait se rendre utile de quelque manière que ce soit. On le retrouvait souvent dans la cuisine, aidant Molly à préparer le repas, ou dehors, explorant le vaste domaine qui entourait la demeure. Deux semaines après son arrivée, il n'avait encore jamais croisé le jeune maître. Celui-ci ne sortait que rarement de sa chambre où on lui apportait même ses repas lorsqu'il l'exigeait. Parfois, Marco montait discrètement les marches qui menaient à l'étage pour observer cette porte qui restait close.

     Pourtant, un jour, il aperçu enfin une tête aux cheveux châtains qui dépassait de l'encadrement. Le garçon, qui s'apprêtait à rejoindre la bibliothèque, se figea lui aussi, les conduisant tous deux à se dévisager durant un long moment.

     — T'es qui, toi ? lança finalement Jean.

     Au lieu d'une quelconque animosité à son égard, Marco eut l'impression que cette question qui lui avait été posée traduisait un véritable intérêt pour sa personne. Plein d'espoir, il s'apprêtait à lui répondre lorsqu'un bruit les fit sursauter de concert. Molly venait d'arriver en haut des escaliers, un plateau de pâtisseries encore chaudes dans les mains. Soudainement, l'expression du jeune maître se fit plus renfermée, son regard devint plus sombre. Avant même que Marco n'ait pu réagir, Jean avait disparu derrière la porte de sa chambre qui fut claquée brusquement. Interdit, le petit garçon brun se tourna vers la cuisinière qui lui adressa un sourire désolé.

     — C'est de ma faute, s'excusa-t-elle, je crois qu'il ne m'aime plus beaucoup.

     Afin de couper court à l'atmosphère étouffante qui s'était installée entre eux, Marco vint agripper son bras avec affection. Se redressant sur la pointe des pieds, il lui colla un baiser sur la joue tout en chapardant avec malice une des chouquettes du plateau. Puis il redescendit l'escalier d'un air joyeux en croquant avec gourmandise dans la pâte à choux sucrée. Cette première rencontre avec Jean fut légèrement étrange, mais il était désormais convaincu que ce garçon n'était pas animé par des intentions malveillantes ou possédé par un démon. Ses yeux ambrés qui l'avait détaillé de la tête aux pieds laissaient plutôt supposer une curiosité enfantine qui ne demandait qu'à être assouvie, une curiosité d'ailleurs partagée.

     Pour son plus grand plaisir, Marco pu confirmer son hypothèse quelques jours plus tard. Le soleil brillait haut dans le ciel en ce début d'après-midi et l'air était doux. Puisqu'il n'avait rien de mieux à faire dans l'immédiat, le garçon se rendit à l'extrémité nord du domaine où se trouvaient une roseraie et une fontaine. Malgré sa grande beauté et sa tranquillité, l'endroit demeurait étonnamment désert en tous temps. Quand il rejoignait ce petit coin oublié, Marco se demandait si une quelconque malédiction planait dans l'air, comme la promesse silencieuse de grands malheurs. À l'image de la roseraie, il y avait certaines choses dans ce manoir dont on préférait ne pas parler.

     Alors qu'il reposait son corps contre les brins d'herbe qui lui chatouillaient la peau, Marco entendit quelqu'un s'approcher à petits pas. Connaissant déjà l'identité de cet intrus, il ne prit pas la peine de tourner la tête et continua de fixer les nuages cotonneux. Bientôt, une touffe de cheveux châtains apparut à contre jour dans son champ de vision. Le garçon l'observait avec ces mêmes yeux brillants qui l'avaient déjà détaillé, ne cherchant visiblement pas à dissimuler sa curiosité. Marco lui adressa un sourire sincèrement ravi qui sembla troubler son destinataire. Après un instant d'hésitation, Jean vint finalement s'allonger sur la pelouse, à côté d'un petit brun très heureux de la tournure que prenaient les événements.

     — Je m'appelle Marco, lança-t-il.
     — Moi, Jean.
     — Je sais.

     Ils passèrent des heures dans cette position, discutant parfois de tout et de rien. La plupart du temps, ils se contentèrent de regarder le ciel et de jeter des coup d'œil intrigués à l'autre. Ce moment passé ensemble fut le tout premier d'une liste si longue qu'on n'en vit jamais le bout. Quant il faisait beau au dehors, Jean emmenait son nouvel ami dans la roseraie qui constituait son petit jardin secret. Sinon, Marco n'avait qu'à toquer quelques coups à sa porte pour que des pas précipités se fassent entendre de l'autre côté et qu'elle s'ouvre à la volée. Loin de l'enfant méprisant que craignaient les domestiques, le jeune maître avait révélé au brun sa personnalité enjouée.

     Il se passionnait pour un millier de sujets dont il pouvait parler pendant des heures durant avec un enthousiasme communicatif. Lorsqu'il emmena Marco découvrir la bibliothèque du manoir, le garçon n'en crut pas ses yeux. Il ne possédait que très peu de livres, ces ouvrages étant généralement réservés aux classes supérieures. En voir autant réunis en un seul endroit lui provoqua des vertiges. Jean voulait tant lui montrer ses histoires favorites qu'il eut peine à lui avouer qu'il ne savait pas lire. Mais au lieu de se moquer de lui, son ami lui affirma avec un air plus sérieux que jamais qu'il lui apprendrait lui-même.

     — D'ailleurs, lui avait-il fait remarquer un jour, je ne t'ai jamais demandé pourquoi tu es venu vivre ici.
     — Oh. Ma mère est morte, répondit Marco avec un léger sourire triste.

     De son côté, le visage de Jean se décomposa immédiatement. Il craignait probablement avoir involontairement touché un sujet sensible. Marco le rassura aussitôt.

     — Sa maladie l'a emportée, expliqua-t-il. Ce sont des choses qui arrivent.

     Le brun faisait preuve d'une maturité qui surprit grandement son ami. Il n'y fit que peu attention, mais le jeune maître ne sembla pas se satisfaire de ses propos qui se voulaient rationnels. Prenant cependant conscience du lourd silence qui les menaçait de sa présence étouffante, Marco orienta la conversation vers un autre sujet. Jean parut toujours un peu perdu dans des pensées, mais ce fut avec entrain qu'il se lança dans la récitation de l'alphabet.

     Les deux garçons passaient presque toutes leurs journées ensemble, ce n'était plus un secret pour personne. Et même si cette amitié en surprenait certains, aucune réflexion ne leur fit faite. Marco sentait parfois des regards se poser sur lui, mais pas un seul domestique n'était venu lui demander quoi que ce soit. Cela étonnait un peu le garçon qui s'attendait à se faire gronder pour avoir fait ami-ami avec l'ennemi du manoir. Encore une fois, il pressentait que quelque chose lui échappait concernant cette famille et ses serviteurs. Un après-midi où Jean refusa encore les chouquettes que lui proposait Molly, Marco ne pu s'empêcher de lui poser lui-même la question qui lui brûlait les lèvres.

     — Jean, pourquoi tu es méchant avec les domestiques ?

     Il vit le principal intéressé se renfrogner soudainement, sa mâchoire se contracta et son regard se fit fuyant.

     — C'est comme ça, c'est tout, finit-il par marmonner avec hargne.
     — Je ne pense pas qu'ils aient mérité ton mépris, tenta Marco d'une voix à la fois calme et ferme.
     — Mais que sais-tu exactement ? explosa son ami. Rien ! Absolument rien ! Alors ne viens surtout pas me dire ce que je dois faire ou ne pas faire.

     C'était la première fois que Jean élevait ainsi la voix en sa présence. Le comportement qu'il réservait habituellement aux serviteurs du manoir avait refait surface. Ses paroles étaient teintées de colère, pourtant Marco ressentait aussi beaucoup de peine et une étrange peur. Cette hargne ne constituait qu'une façade dissimulant les vrais sentiments du jeune maître qui se ne montrait jamais honnête face aux autres et face à lui-même. En regardant d'un peu plus près son cœur, Marco arriverait certainement à déchiffrer les secrets qu'il lui cachait.

     — Tu as probablement raison. Mais je ne peux pas comprendre si tu ne m'expliques pas, murmura-t-il avec regret. Tu n'as pas l'air de vouloir en parler avec moi aujourd'hui, alors je m'en vais.

     Jean se mordit la lèvre inférieure, réalisant qu'il n'aurait pas dû s'emporter ainsi contre son seul ami. Sitôt que la porte se fut refermée derrière lui, il maudit son orgueil qui l'avait empêché de revenir sur ses mots. De son côté, Marco sortit prendre l'air au dehors, afin de s'aérer l'esprit. Il ressentait bien évidement une certaine déception à l'égard de Jean qui ne lui faisait pas assez confiance pour lui avouer ce qu'il avait sur le cœur. Mais il s'en voulait aussi d'avoir peut-être précipité les choses en lui posant soudainement cette question. Avec un peu de change, la colère de son ami ne serait que passagère et tout redeviendrait comme avant très rapidement.

     Ses pas le portèrent au hasard dans l'immense jardin de la propriété. Il fit inconsciemment trois fois le tour du manoir avant de se rendre du côté de la roseraie. Il songeait à rentrer pour s'excuser auprès de Jean quand un drôle de bruit attira son attention. On aurait dit une sorte de grognement mêlé à un halètement saccadé. En relevant les yeux droit devant lui, Marco tomba face à un gros chien sombre qu'il n'avait jamais vu. Le molosse en question montrait férocement ses dents pointues dans une posture très agressive. Le garçon déglutit difficilement, réalisant que ce chien-là ne voulait probablement pas juste jouer avec lui. Très lentement, il entreprit de faire un pas en arrière. Immédiatement, l'animal aboya dans sa direction et Marco se figea.

     Le pauvre garçon était si paralysé qu'il n'osa pas détourner le regard de celui de la bête, craignant qu'elle ne l'attaque soudainement. Il n'était pas assez confiant en ses capacités physiques pour clamer qu'il courrait plus vite qu'elle, mais peut-être parviendra-t-il à esquiver quelques uns de ses coups de mâchoire s'il se concentrait suffisamment. Lorsque l'animal fonça sur lui, il bondit de l'autre côté, évitant de justesse ses crocs acérés. Seulement, il n'eut pas le temps de se relever que le chien se tourna de nouveau vers lui. Dans une ultime tentative de se protéger, Marco couvrit son visage de ses bras et ferma les yeux très fort.

     Il s'attendait à ressentir une douleur foudroyante, mais au lieu de cela, quelque chose heurta son corps et le fit rouler sur quelques mètres. Des cris se firent entendre et les aboiements reprirent de plus belle. Le son d'un coup de feu retentit dans l'air, puis tout redevint silencieux. Un peu sonné, Marco ouvrit ses paupières pour comprendre ce qu'il venait de se passer. Ce qu'il remarqua en premier, c'était que la chose qui l'avait projeté hors d'atteinte du chien était en fait un corps. Celui-ci se trouvait d'ailleurs toujours fermement accroché à lui et tremblait beaucoup. Marco mit plusieurs secondes avant de comprendre que Jean venait probablement de lui sauver la vie et qu'il pleurait contre lui.

     Des pas précipités se dirigèrent vers lui et il aperçut Molly, l'air plus inquiète que jamais, qui s'était laissée tomber à leurs côtés. Juste dernière elle, le majordome du manoir n'avait jamais été aussi pâle de toute sa vie. Aussitôt, des larmes dévalent les joues de Marco qui subissait le contre-coup de la frayeur qu'il avait eut. La cuisinière poussa un soupir de soulagement en réalisant que les garçons allaient bien et les pris tous les deux dans ses bras chaleureux. Tous trois pleurèrent beaucoup avant que l'on ne remarque la manche déchirée de Jean qui s'était teintée de rouge. On les emmena sur le champ à l'intérieur pour désinfecter leurs égratignures. En se relevant, Marco lança un regard désolé à la carcasse inanimée du chien que son père avait abattu d'un coup de fusil.

     Heureusement pour eux, les deux garçons n'avaient que quelques blessures superficielles. Molly les nettoya avec soin et appliqua un pansement sur l'avant-bras de Jean que les griffes du chien avait légèrement entaillé. En sortant de l'étreinte dans laquelle la cuisinière les avait fait prisonniers, le jeune maître avait saisi la main de Marco dans la sienne et la tenait toujours fermement depuis. Une fois leurs plaies propres, Molly s'en alla ranger la trousse médicale en promettant de revenir très vite. Le brun ne pleurait plus, mais Jean laissait encore échapper des sanglots de temps à autre. À la surprise de Marco, ce fut lui qui parla en premier.

     — Je venais m'excuser, renifla-t-il. Je n'aurais pas dû te crier dessus. Tu es mon ami, alors tu as le droit de savoir.

     Il y eut un léger silence au cours duquel les deux garçons serrèrent un peu plus fort leurs doigts emmêlés.

     — Ma Maman est morte, il y a longtemps. Sa femme de chambre l'a poussée du haut des escaliers, avoua enfin Jean. Maman la considérait comme son amie. Papa dit qu'elle est morte parce qu'elle était faible, qu'elle faisait confiance à ceux qui ne le méritaient pas. Je pensais que... qu'en étant méchant avec eux, ils resteraient à distance.

     Ainsi, ce n'était pas vraiment par plaisir qu'il agissait de cette manière. Il ressentait bien évidement de la colère et du ressentiment à l'égard de cette femme, mais c'était avant tout pour se protéger qu'il se montrait méprisant envers le reste des domestiques. À ces yeux, aucun ne devait être digne de confiance car ils n'hésiteraient pas à lui planter un couteau dans le dos dès qu'une occasion se présenterait. Jean n'était pas un enfant profondément méchant, il avait simplement peur de réitérer les mêmes erreurs que sa génitrice et de connaître la même fin tragique qu'elle.

     Marco eut énormément de peine pour ce garçon qui avait côtoyé le malheur et n'avait jamais vraiment fait son deuil. Au lieu de le soutenir, son père lui avait mis dans la tête qu'il ne pouvait plus compter que sur lui-même et Jean s'était retrouvé tout seul dans un territoire rempli de potentiels ennemis.

     — Je suis désolé pour ta Maman, murmura Marco. Mais cette femme n'est plus là aujourd'hui. Tu dois laisser le passé derrière toi, le ranger dans un coin de ta tête. Tous ceux qui habitent aujourd'hui ce manoir s'inquiètent pour toi.
     — Ça ne servirait à rien de regretter maintenant. Ils me détestent tous déjà, marmonna son vis-à-vis. C'est mieux comme ça.
     — Alors, pourquoi tu pleures ?

     Un peu surpris, Jean vint rageusement essuyer ses yeux mouillés. Quoi qu'il pouvait en dire, cette solitude dans laquelle il s'était enfermé le faisait souffrir lui aussi. Remarquant que de nouvelles larmes venaient glisser sur les sillons salés des anciennes, Marco attira son ami dans ses bras.

     — Tu sais, même si tu n'y touches jamais, Molly vient t'apporter ton goûter tous les jours. Tout le monde ne te déteste pas. Mais tu en a blessé beaucoup, alors il faudra que tu ailles t'excuser. D'accord ?

     Jean tremblait un peu contre lui, mais il sentit son hochement de tête. Quelques instants plus tard, Molly revint en compagnie du père de Marco. Le châtain se détacha de son ami et hésita un peu avant d'encrer son regard dans celui des adultes. Ce fut là le début d'une longue série d'excuses qui mirent un peu de baume au cœur à chacun.

On va ignorer le mois de retard que j'ai pris sur cette week ahahah. Ce récit fut assez compliqué à écrire sans que je ne sache pourquoi, je suis donc vraiment contente de l'avoir enfin fini !

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