468 | BUCKY BARNES
- Oui je sais, je suis en retard ! Je sais aussi que les rues sont noires de monde, qu'il n'y a pas l'ombre d'un taxi de libre et qu'il fait un temps de chien ! lâches-tu
Et comme pour illustrer ta tirade excédée, tu jettes un regard noir au ciel tout aussi sombre et maussade. Les nuages ont ponctué toute cette journée sans relâche, déversant inlassablement des litres de pluie sur la ville. Tu te frayes un chemin entre les passants, les touristes et les gens tout aussi pressés que toi à la sortie du travail, tout en guettant les alentours à la recherche d'un taxi. Avec cette météo, peu de gens sont enclin à rentrer chez eux à pieds, si bien que les taxis sont pris d'assaut. Ce qui ne fait pas du tout tes affaires.
Ni celles de ton petit-ami, que tu entends bougeonner à l'autre bout du fil.
- Tu m'avais promis que tu serais là. À l'heure, râle-t-il
- Oui et bien je ne vais pas m'excuser éternellement d'avoir du travail moi aussi
Du coin de l'œil, tu captes un point jaune se rapprochant du trottoir. Tu presses le pas dans sa direction, soulagée d'enfin trouver un taxi libre.
- Écoute, je fais aussi vite que possible mais ne t'étonne pas si j'arrive trempée jusqu'aux os ... j'imagine que je n'ai pas le temps d'aller me changer ?
- Y/N !
- D'accord, j'ai compris, dis-tu sur un ton légèrement moqueur
Tu ouvres la portière arrière du véhicule et te penches, prête à te mettre à l'abri de la pluie en t'installant sur la banquette arrière mais tu t'arrêtes net. Quelqu'un d'autre a eu la même idée que toi et a fait exactement le même geste, de l'autre côté du taxi. Tu croises le regard d'un homme brun aux yeux bleus, tout aussi surpris que toi.
- Oh je suis désolée, je ne vous avais pas vu, t'excuses-tu en commençant déjà à reculer
- C'est moi qui suis désolé, s'empresse-t-il de dire. Je vous en prie, allez-y
- Vous êtes sûr ? lui demandes-tu en abaissant ton portable contre ton épaule pour ne plus entendre les jérémiades de ton petit-ami
- Oui bien sûr, je ne vais pas vous laisser attendre sous la pluie, te dit-il avec un sourire maladroit
Son geste galant te touche, tu ne peux en revanche pas l'accepter aussi simplement.
- Merci beaucoup, souris-tu. Montez vous aussi, on est arrivés en même temps après tout
- Oh je-
- J'insiste, ça ne me dérange pas de partager la course. Et puis, ce serait idiot que ce soit vous qui tombiez malade à cause de cette pluie glaciale. Allez, montez, l'invites-tu
Tu prends place sur le siège arrière gauche, tandis que l'inconnu hésite quelques secondes. Il finit par s'installer à son tour en te glissant des remerciements polis. Le conducteur vous demande vos destinations respectives, avant de démarrer et de s'engouffrer dans la circulation drue de New York.
- Je ne devrais plus en avoir pour très longtemps maintenant, glisses-tu à ton copain en reprenant votre conversation téléphonique
- Mon patron commence à s'impatienter, tous mes collègues sont déjà arrivés et ils sont tous accompagnés, te dit-il sur un ton irrité
- C'est l'une des raisons pour lesquelles je me félicite d'être ma propre patronne ! railles-tu
Si tu trouves ta réplique amusante, c'est aussi le cas de l'inconnu à tes côtés qui esquisse un sourire rieur. Par contre, ça passe beaucoup moins bien auprès de ton interlocuteur. Exaspérée de l'entendre geindre, tu coupes court à la conversation pour pouvoir enfin raccrocher et soupirer un bon coup.
- Discussion difficile ? te demande l'homme à ta droite
- Oh ne vous en faites pas, je n'y accorde pas tellement d'importance. C'est bien ce qui fait constamment râler monsieur j'aime-me-plaindre-de-tout, admets-tu
- On dirait que ce type ne vous rend pas très heureuse
Tu tournes la tête vers cet homme, les sourcils arqués.
- Désolé, je n'aurais pas dû dire ça. Je suis très mal placé pour parler d'histoires de cœur en plus, s'excuse-t-il, mal à l'aise
- Ne vous excusez pas, vous avez entièrement raison, t'amuses-tu
Le taxi s'arrête brusquement, derrière une file si longue de voitures qu'il est impossible d'en voir le bout. De nombreux klaxons impatients proviennent d'un peu partout, sûrement d'automobilistes agacés d'être à l'arrêt forcé. Ce genre d'embouteillage n'est pourtant pas rare dans une ville aussi vivante que la grosse pomme.
- En fait, vous avez vu la situation très clairement ... vous êtes extra-lucide ou quelque chose du genre ? l'interroges-tu en plissant les yeux
- Non pas du tout, rit-il. Mais disons qu'on ne parle pas comme ça d'une personne qu'on apprécie vraiment. Et j'ai l'impression que ce gars là ne fait pas votre bonheur, simple constat
- Pour être honnête, j'oublie parfois que c'est mon petit-ami, avoues-tu dans un petit rire
Les beaux yeux de cet inconnu s'arrondissent légèrement, il te dévisage avec stupéfaction et une pointe d'amusement.
- Quoi ? Ne me jugez pas du regard comme ça !
- Et bien ... ça ne vous rend pas triste ? D'être avec quelqu'un que vous n'aimez pas vraiment ? Sans vouloir vous offenser mais ce n'est pas comme ça qu'on décrit le grand amour, ironise-t-il
Sa question touche quelque chose de profond en toi et tu t'étonnes que parler avec lui soit aussi facile alors que tu n'as jamais de conversations aussi profondes avec ton " petit-ami ". Tu croises les jambes en te penchant légèrement vers ton acolyte de taxi.
- Depuis des années, je suis persuadée d'une chose : la vie prend tout son sens lorsqu'on se trouve une raison de sourire. Moi, j'ai déjà trouvé ma raison et ce n'est pas un homme, lui expliques-tu
- Et qu'est-ce que c'est ?
- Mon travail, réponds-tu avec sincérité. J'ai toujours voulu faire un métier qui a du sens, qui sert une cause. Alors j'ai crée mon entreprise et ensemble, on s'occupe de dépolluer les océans et les mers. On agit concrètement, on ne cesse jamais d'intervenir et de réfléchir à des moyens de limiter les dégâts. Et ça fait un bien fou de se sentir utile chaque jour
Une étincelle de respect mêlée à de l'admiration illumine les prunelles de l'inconnu et ce regard suffit à éveiller quelque chose en toi. Tu t'étonnes de sentir ton cœur manquer un battement, tant que tu n'es pas habituée à ressentir ça.
- C'est une très belle mission, vous avez raison d'être fière, te complimente-t-il
- Merci, tout ceux qui veulent sauver la planète n'ont pas besoin de super-pouvoirs, plaisantes-tu
Tu arraches des rires à ton partenaire de galère, ce qui lui va à ravir.
- Et vous, vous avez trouvé une raison de sourire tous les matins en vous levant ? lui demandes-tu, curieuse
Ta question le plonge dans une intense réflexion, un pli se crée entre ses sourcils tandis que des secondes s'écoulent. Son silence te trouble, tu t'interroges quant au genre de pensées qui doivent remuer dans son esprit à cet instant. À quoi peut bien ressembler la vie de cet homme, qui ne sait même pas ce qui fait le bonheur de sa vie ? Quelles épreuves a-t-il traverser pour le mener jusqu'à ce point d'interrogation existentiel ?
Tu es si intriguée par cet inconnu que tu ne remarques pas le trafic repartir de plus bel.
- Pour être honnête, je ne suis pas sûr de savoir comment répondre à cette question, finit-il par admettre dans un rire nerveux
- Ne pas savoir comment répondre est déjà une forme de réponse. Si vous le saviez, vous n'auriez qu'à écouter ce que vous dit votre cœur
Une pointe de tristesse glisse sur son visage, ça ne dure qu'une fraction de seconde avant qu'il ne reprenne le contrôle de ses émotions et qu'il plante à nouveau son regard dans le tien.
- À vrai dire, je suis un peu perdu ces derniers temps, t'avoue-t-il. Je ne sais plus trop où est ma place, ni si ce monde en a une pour moi. Ce que je veux, ce que j'aime ... tout ça n'est plus très clair. En fait, je ne suis pas sûr de connaître celui que je suis aujourd'hui
- C'est une chose merveilleuse !
- Pardon ? s'étonne-t-il, confus
- Ça veut dire que toutes les possibilités s'offrent à vous ! Toutes les portes sont entrouvertes face à vous et vous êtes libre de toutes les franchir. Vous pouvez aller où vous voulez, essayer des dizaines et des dizaines de choses, vous réinventer à volonté. Voyez ça comme un nouveau départ : vous pouvez devenir qui vous voulez être
Tes mots lui donnent matière à réfléchir, tu le vois dans son regard.
- L'aventure vous attend, alors ne perdez plus de temps et foncez, ajoutes-tu
- Alors suivez votre propre conseil : ne perdez plus de temps avec votre soi disant petit-ami, réplique-t-il avec un sourire en coin
Un petit sourire progressif soulève tes traits, bien que tu te sois faite prendre à ton propre jeu. Au fond de toi, sa phrase sonne avec un écho cohérent et tu sais qu'il a visé juste.
- Vous avez bien raison, lui accordes-tu
- Je pourrais peut-être devenir conseiller, plaisante-t-il
- Vous êtes arrivé à destination, monsieur, vous interrompt le chauffeur du taxi
Un peu déçue que votre conversation doive prendre fin, tu tournes néanmoins la tête vers ton acolyte avec un sourire.
- On dirait que c'est à mon tour de descendre ..., constate-t-il avec une petite moue en payant le chauffeur
- C'était un plaisir de discuter philosophie de vie avec vous ..., commences-tu en laissant la phrase en suspens d'un air interrogateur
- Bucky, complète l'homme. Je m'appelle Bucky
- Et moi, Y/N
- Je suis content de vous avoir rencontré Y/N, j'espère qu'on se reverra un jour
Il ouvre la portière et sort de la voiture, rejoignant les rues toujours bondées et la pluie toujours diluvienne. Avant que le taxi ne reparte, tu baisses la fenêtre et l'interpelles. Le beau brun se penche au-niveau de la fenêtre, expectatif.
- N'oubliez pas de sourire, ça vous entraînera pour le jour où vous aurez trouvé votre raison
Et comme pour illustrer tes propos, Bucky t'offre un sourire parfaitement naturel.
Tu éclates de rire sans pouvoir te retenir, le faisant sourire pour de vrai cette fois.
- Continuez de vous entraîner !
- Je crois que j'en ai besoin, s'amuse-t-il
Lorsque le taxi repart, s'éloignant ainsi de Bucky, tu sens ton cœur être léger comme une plume. Cette simple rencontre t'a fait du bien, beaucoup de bien, et tu en sors changée. Une intuition te souffle que ce n'est pas la dernière fois que tu croiseras la route de cet homme ...
Quoi qu'il en soit, tu es certaine d'une chose à présent : ne pas sous-estimer un jour de pluie à New York.
*****
Vous avez l'habitude avec moi maintenant ... je me suis inspirée d'un film pour écrire cette histoire 🙈
La dernière phrase vous mettra sur la voie 😌
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