𝐂𝐇𝐀𝐏𝐈𝐓𝐑𝐄 ⁰³ : « Tigresa ? Sérieusement ? »
— Clara, annulez mes rendez-vous pour la mâtinée, je tiens à écouter ce que cette demoiselle a à me dire, ordonna-t-elle avec douceur dans la voix. Oh, et je ne voudrais pas être dérangée durant l'entrevue.
— Oui, Madame, répondit simplement la réceptionniste, en lançant un regard douteux à l'adolescente qui ne s'en formalisa pas.
La journaliste, perchée sur ses talons aiguilles Louis Vuitton et son sac Chanel en main, se tourna ensuite vers la jeune fille. Cette dernière patientait tranquillement mais avec impatience, le corps appuyé contre le comptoir vernis d'un noir sombre et le regard rivé sur sa personne. La blonde l'observa des pieds à la tête, sous toutes les coutures : un style vestimentaire très moderne, de longs cheveux bruns, pas la moindre trace de maquillage, de longs ongles colorés d'un rouge sang. Une adolescente banale, probablement encore loin d'avoir terminé son école obligatoire et certainement pleine de rêves. Mais ce qu'elle tentait de trouver avec son inspection quelque peu indiscrète était la ressemblance avec Jace et pour être servie, Marisa l'était. De toutes les filles qui avaient défilé dans son bureau prétextant être le véritable enfant de Monsieur Ioans, jamais aucune n'avait eu l'audace de se montrer autant directe et de ressembler autant à cet homme. N'importe qui devinerait que cette étudiante est bien la progéniture du fameux chanteur : les même traits du visage, des yeux identiques malgré les quelques teintes de verts que l'on apercevait dans ceux de Ana, l'exact sourire en coin qu'il avait, un temps, abordé, son air sérieux. Tout concordait, les preuves étaient bien là, pour le plus grand plaisir de Carson qui aurait enfin l'honneur de l'interviewer, mais aussi pour grand malheur, car maintenant, elle devait se confronter à son passé qui commençait lentement à reprendre place dans son esprit à l'en faire rougir.
— Bien... bafouilla la rédactrice en chef, soudainement intimidée par le regard hypnotisant qui ne se détachait d'elle. Si vous voulez bien me suivre, nous allons discuter dans mon bureau, histoire d'être plus au calme, Mademoiselle Ioans.
Anastasia acquiesça lentement, tapant énergétiquement ses ongles sur le marbre brillant de la réception. La demoiselle fronça les sourcils, les yeux rivés sur la journaliste qui s'éloignait vers l'ascenseur privé, tentant de comprendre la raison de ce soudain chargement de comportement. Que lui arrive-t-il ? se demanda-t-elle. Pourquoi cet air intimidé dans le regard ? C'est alors qu'une petite lumière prit place dans son esprit et que la cause de cette gêne extrême lui apparut comme une évidence. Cette situation, Marisa n'était pas la première à la vivre et probablement pas la dernière qui croiserait la route de l'adolescente. La portugaise faisait cet effet à chaque femme qui se risquait à la regarder trop longtemps dans les yeux. Puis ces dernières prenaient conscience de qui elles avaient en face, et la fuyaient comme la peste. Il suffisait de l'observer attentivement pour se rendre compte de sa ressemblance avec son paternel qui, à l'époque, ne s'était pas privé de faire intimement connaissance avec la moitié de la population terrestre féminine. Toutes celles qui avaient batifolé avec lui, une voir plusieurs nuits, réagissaient de l'exacte manière que venait de le faire l'employée de Norv'Angency en sa présence.
— Elles sont partout, soupira bruyamment la brunette sans attirer l'attention. Pire que des extraterrestres.
La réceptionniste lança un regard chargé de critique et de jugement à la jeune fille qui en fit de même, avant de se laisser tomber lourdement sur sa chaise de bureau à s'en faire presque exploser les implants fessiers. Lime à ongles en main et un tas de feuilles éparpillés sur sa table personnelle, la prénommée Clara reprit sa conversation téléphonique sur les tendances de cet année, comme si discuter au lieu de faire son travail allait l'aider à gagner une augmentation de la part du boss.
Exaspérée, Flor en roula des yeux, avant de tourner sa tête vers José. Ce dernier attendait depuis son arrivée les ordres de sa jeune patronne, guettant les lieux comme si une potentielle menace s'y dissimulait. Lisant de l'anxiété sur le visage angélique de la belle étrangère qui tentait de ne rien laisser paraître, le garde du corps lui sourit affectueusement, histoire de la rassurer et de lui promettre qu'il ne la quitterait pas de sitôt.
— Tu peux encore changer d'avis si cette femme te dérange, Ana, lui murmura doucement le chauffeur quand ils prirent l'initiative de rejoindre Marisa près des ascenseurs.
— Non, je veux des réponses et si elle sait quelque chose... Elle a intérêt à me le dire, je veux le savoir, répondit-elle avec détermination.
— Comme tu voudras, mon enfant. Fais juste attention aux questions qu'elle te posera, certaines risquent d'être difficiles.
— Ne t'en fais pas, Jojo, le rassura-t-elle. Je suis une grande fille qui réfléchit à deux fois avant de parler. Elle ne risque pas de connaître ma vie sur le bouts des doigts.
Appuyant pour la cinquième fois que le bouton gris métallisé, la rédactrice du journal de Norv'Angency priait pour que l'ascenseur arrive au plus vite, comme s'il allait la sauver de cette situation plus que gênante. Sa nervosité devait probablement se lire sur son visage et sa manie de taper frénétiquement du pied parterre, ainsi que de se mordre férocement les lèvres le prouvaient bien. Qu'est-ce qu'elle aurait aimé être chez elle, dans les bras de son chéri, et oublier ces délicieux souvenirs en compagnie de Jace. Malheureusement, son copain était devenu son ex, et cet homme à la beauté divine avait quitté ce monde pour le Paradis. Elle était donc littéralement seule, sans personne pour l'aider à échapper à son destin. Car, à l'époque, la blonde se tournait souvent vers le portugais pour oublier ses soucis et se vider la tête en passant d'agréables nuit dans ses bras. Mais maintenant qu'il était parti et que celui qui devait devenir son mari dans le futur l'avait trompée, Marisa ne savait plus vers qui aller pour trouver un peu de réconfort. Les bras chauds et musclés du chanteur lui manquaient indéniablement et ses baisers doux, tendres mais sauvages en même temps dont lui seul avait le secret. La norvégienne aurait tout donné pour se retrouver à nouveau face à lui et se réfugier dans ses étreintes pour ne plus le quitter.
Arrête de penser à lui, bordel ! se hurla-t-elle mentalement, en frappant sa main sur son front comme si ce geste allait suffire pour que Ioans quitte son esprit définitivement.
Quand la boîte métallique arriva enfin, la trentenaire se précipita à l'intérieur, retenant son souffle par peur d'affronter le regard de la surnommée Flora. Cette dernière se délectait de voir cette femme de nature si imposante et qui savait se démarquer fuir ses yeux et sa présence, car elle lui rappelait trop les soirées torrides passées avec son père. La brune finit par pénétrer dans l'habitacle, en compagnie de José.
Les portes se refermèrent aussitôt et l'ascenseur démarra sa montée vers le sixième étage. À l'intérieur, le silence était roi, brisé par l'insupportable et légère musique classique que la journaliste ne supportait plus entendre à longueur de journée.
— Vous avec couché avec mon père.
Sursautant à la voix d'Ana, Marisa ne comprit que trop tard les paroles de la jeune fille et se mit à rougir furieusement. Elle ferma les yeux, comme pour échapper aux délicieux souvenirs qui revinrent hanter son esprit. Son corps réagit automatique, comme si l'homme lui-même était dans cette pièce. La blonde avait encore l'impression de l'entendre lui murmurer des tas de choses érotiques à l'oreille et de sentir son parfum flotter dans l'air.
— Co-comment le savez-vous ? demanda-t-elle d'une voix peu sûre, tremblante.
— Je ne le savais pas, mais maintenant que vous avez répondu, je le sais, sourit malicieusement la portugaise.
Fière de son coup, elle l'observa perdre de ses couleurs, la tête baissée au sol cachée par sa chevelure blonde ondulée au millimètre près.
— Mon père était connu pour être un vrai dragueur avant de rencontrer ma mère, ça ne m'étonne pas de savoir qu'une journaliste renommée y est passée aussi.
Carson laissa échapper un rire nerveux et déclara :
— Oui, à cette époque il était très... Hum... Un peu comme Tony Stark, dans Marvel. C'est d'ailleurs à ce personnage là qu'il avait l'habitude de se comparer. Chose que je n'ai jamais compris.
Anastasia rigola sincèrement.
— Iron Man était son personnage préféré, donc je suppose qu'il a prit exemple sur lui.
— Certainement, oui, s'amusa Marisa.
Finalement, Anastasia s'était trompée sur cette journaliste aux allures de businesswoman. Et la blonde avait mal jugé la jeune fille, en se fiant à l'image qu'elle renvoyait et à son lien familial avec Katherine Olsen.
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— Prenez place, je vous en prie. Est-ce que vous souhaitez boire quelque chose ?
L'adolescente observa attentivement les lieux. Un bureau classiquement luxueux, peu meublé avec le stricte minimum, donnant vue sur la ville de Mosjøen et ses paysages enneigés. Pas de caméras en vue, à part celles de sécurité installée dans toute l'agence.
— Rien, merci, répondit-elle.
La brunette s'installa sur une chaise confortable placée face à celle de la rédactrice. Cette dernière l'imita, attendant que la jeune fille ne prenne la parole en l'informant de la raison de ce rendez-vous de dernière minute.
— Je voudrais parler de cet article que vous avez publié sur votre site Internet, déclara la portugaise, avant que la norvégienne ne se propose pour démarrer la conversation. Celui où vous parler de la possibilité à ce que ma mère soit coupable du meurtre de mon père.
— Est-ce que c'est elle qui vous envoie ? s'inquiéta Marisa, en se redressant brusquement sur son siège. Je lui ai dit ce que j'avais à dire et je ne supprimerai pas cet article de mon site.
— Non, ce n'est pas Katherine qui m'envoie, je suis venue de mon plein gré. J'avais envie de vous rencontrer pour, d'abord, vous féliciter pour votre sincérité et votre courage, mais aussi pour que vous éclairiez ma lanterne sur quelques points.
Carson lui fit un simple signe de main, histoire que Ana pose ses questions et pour lui monter son accord à tenter de lui apporter les réponses adéquates.
— Mais avant de commencer, reprit l'étudiante, en déposant un chèque d'une coquette somme sur la table et de le faire glisser jusqu'à la journaliste. Pour votre silence.
La blonde observa le bout de papier attentivement, lisant à plusieurs reprises les chiffres suivis de plusieurs zéros qui y figuraient. Puis elle le repoussa en direction de la fille de son ancien amant.
— Je ne vous ai jamais vu et vous n'êtes jamais passée dans mon bureau pour une entrevue, dit-elle avec sérieux.
Flora sourit en coin, récupéra le chèque et plongea ses yeux bleu-vert dans ceux de la trentenaire.
— Pourquoi pensez-vous que ma mère a fait assassiner mon père pour récupérer toute sa fortune ? questionna-t-elle.
— Parce qu'étrangement, Katherine Olsen n'a pas attendu avant de prendre le trône de la société que Jace tenait et de tout changer. Elle n'a jamais fait de déclaration directe sur la mort de son mari, et n'avait pas l'air de faire son deuil quand elle se déplaçait en dehors du pays. Ses nombreuses fréquentations laissent à penser qu'elle voyait d'autres hommes. Depuis le début de leur relation, votre mère a donner l'image d'une femme entretenue qui ne sait que gaspiller l'argent de son époux. Donc tout porte à croire que cette femme en avait après la fortune de Jace.
— Ce sont de bons arguments, je l'admets, avoua Anastasia. Mais pas assez pour me faire croire que ce soit elle la vraie meurtrière.
Sans laisser le temps à la journaliste de répliquer et d'argumenter encore, la jeune fille enchaîna avec le sujet des témoins.
— Il y avait trois personnes présentes sur les lieux, d'après mes recherches, répondit Marisa, en sortant d'un tiroir un dossier classé au nom de « l'affaire de Jace Ribeiro Ioans ». Un couple, et le chauffeur du camion qui a heurté la voiture, cette nuit-là. Le conducteur a été retrouvé mort, chez lui, deux semaines après l'ouverture de l'enquête, avec une balle en pleine tête. Quant au deux autres, personne ne sait où ils sont passés.
— Elle les aurait fait taire, selon vous, réfléchit la portugaise.
— Sûrement, souffla la blondasse. J'ai tenté d'en savoir plus sur ce qu'ils ont vu, mais ils n'ont pas parlé. La somme devait être élevée pour qu'ils n'osent pas ouvrir la bouche.
— Ou la menace était assez claire pour qu'ils prennent peur et se murent dans le silence. Je pourrais avoir leur adresse, s'il vous plaît ?
— Ce n'est pas moi qui vous l'ai donné.
— Bien évidemment, Madame Carson.
Les deux femmes continuèrent à discuter pendant plusieurs minutes sur ce que Marisa pensait être la véritable histoire. Anastasia tentait de prendre en compte son point de vue, tout en sa rappelant les informations qu'elle avait déjà en poche. Et peut-être qu'avec le témoignage de ce couple, l'affaire pourrait être réglé. Encore fallait-il trouver un moyen de les faire parler, sans que sa génitrice n'en soit mise au courant.
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Fatiguée du trajet retour et de faire travailler ses méninges sur cet événement passé de sa vie, l'adolescente pénétra dans la demeure, perdue dans ses pensées. Silencieuse et occupée à retirer ses chaussures, ainsi que sa veste, elle ne s'aperçut pas qu'elle venait d'attirer l'attention totale des garçons. C'est quand elle posa le pied dans la pièce à vivre et que son regard croisa celui de Martinus qui, en compagnie de son jumeau, jouait à la console, que la demi-roumaine comprit que les questions étaient pour bientôt. Lorsqu'un sourire en coin et qu'un air malicieux prit place sur le visage du cadet, Ana sut qu'il s'apprêtait à dire quelque chose de fortement idiot. La brunette tenta même de s'y préparer, avant que ce surnom ne quitte les belles lèvres du chanteur.
— Tigresa, tu avais disparue !
— Tigresa ? Sérieusement ?! s'exclama-t-elle.
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𝐉'𝐞𝐬𝐩è𝐫𝐞 𝐪𝐮𝐞 𝐜𝐞 𝐜𝐡𝐚𝐩𝐢𝐭𝐫𝐞 𝐯𝐨𝐮𝐬 𝐚𝐮𝐫𝐚 𝐩𝐥𝐮.
𝐍'𝐡é𝐬𝐢𝐭𝐞𝐳 𝐩𝐚𝐬 à 𝐦𝐞 𝐝𝐢𝐫𝐞 𝐬𝐢 𝐯𝐨𝐮𝐬 𝐭𝐫𝐨𝐮𝐯𝐞𝐳 𝐝𝐞𝐬 𝐟𝐚𝐮𝐭𝐞𝐬 𝐝'𝐨𝐫𝐭𝐡𝐨𝐠𝐫𝐚𝐩𝐡𝐞.
𝐐𝐮𝐞 𝐩𝐞𝐧𝐬𝐞𝐳-𝐯𝐨𝐮𝐬 𝐝𝐞 𝐥'𝐡𝐢𝐬𝐭𝐨𝐢𝐫𝐞, 𝐣𝐮𝐬𝐪𝐮'à 𝐦𝐚𝐢𝐧𝐭𝐞𝐧𝐚𝐧𝐭 ?
Claudia M.T.C
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