𝐂𝐇𝐀𝐏𝐈𝐓𝐑𝐄 𝟏𝐎













— U  L  T  I  M  E    S  O  U  H  A  I  T —





















             UN SOUPIR FRANCHIT mes lèvres tandis que mon regard tombe sur les épaules d’Ace. Il est assis dans l’obscurité de cette taverne aux lueurs tamisées. Sur le comptoir, quelques verres vides s’étendent devant lui tandis qu’il demeure perché sur le haut tabouret de bar.

             Mes yeux s’attardent sur ses mèches noires et le chapeau orange tombant sur le haut de ses omoplates. Celui-ci dissimule le sommet du large tatouage violet à l’effigie de Barbe Blanche traversant son dos. Ses muscles roulent sous sa peau à mesure qu’il bouge.

             Des heures durant, je l’ai cherché. Après avoir tenté de trouver quelques solutions avec Olympe, j’ai bien compris que ce serait peine perdue. Je n’ai pas assez de temps pour perfectionner ma technique au point de sauver le noiraud et m’en sortir indemne.

             Alors, à moins de demander à la Vipère, la Louve ou l’Impereceo de s’en occuper à ma place, jamais je ne parviendrais à réussir cette mission.

             Cependant la Vipère est introuvable. Cette guerrière solitaire s’est faite oubliée après son mariage. Le dernier combat dans lequel elle s’est engagée lui a valu d’être connue en qualité de plus puissante Voyageuse mais il lui a aussi coûté de nombreuses blessures de guerre. A présent, elle ne veut plus rien avoir à faire avec ce peuple et je n’ai aucun moyen d’entrer en contact avec elle.

             La Louve, puissante Voyageuse ayant vécu longtemps sur Grand Line et même côtoyé Gol D. Roger lui-même — une vieille blague jamais mentionnée dans le manga mais qui court ici dit d’ailleurs que si Rayleigh était le bras droit, elle était le gauche — pourrait m’aider. Olympe m’a même certifié qu’elle l’avait déjà fait. Selon elle, la Louve est la personne ayant prévenu le Roi des Pirates du décès de son fils, vingt ans plus tard.

             Ce qui l’a poussé à m’envoyer d’une bien curieuse façon cette lettre, quelques heures seulement avant son décès.

             Cependant nul ne l’a revue sur Grand Line depuis le décès de Gol D. Roger. Et selon Olympe, une bien sombre personne, ennemi des Voyageurs, a réussi à lui mettre la main dessus. Les paroles de la femme ont été limpides. Je peux considérée la Louve comme morte.

             Quant à l’Impereceo, il est l’être ayant attrapé la Louve, l’ennemi abjecte contre qui elle m’a mise en garde.

             Autant dire que je ne peux compter sur l’aide de personne.

— Je te trouve enfin, je déclare en m’installant à côté d’Ace.

             Il hume légèrement pour unique réponse. La chaleur grimpe et l’air se fait plus épais. La tension est encore vive, entre nous.

— De l’eau, s’il-vous-plait ? je lance au tavernier.

             L’homme à la barbe épaisse et au ventre arrondi me jauge quelques instants avant d’abattre son torchon sur son épaule.

— Et puis quoi encore ?

— Elle prendra une bière, intervient aussitôt Ace d’une voix lasse sans même regarder le gérant.

— J’aime mieux ça, répond celui-ci.

             Là-dessus, il s’éloigne. Affreusement embarrassée, je toussote légèrement. Je ne connais personne ici, les torches accrochées aux murs n’éclairent que difficilement une pièce exigüe où s’étend quelques tables circulaires autour d’un large comptoir. Les clients se cachent dans les recoins et discutent à voix basse.

             Quelque chose me dit que s’ils découvrent ma véritable nature de Voyageuse, je suis foutue.

             Autant dire qu’entre le silence d’Ace, l’agacement du tavernier et l’hostilité des autres présents, je ne suis pas bien à l’aise. Une seule envie me traverse : décamper. Seulement j’ai mis du temps avant de retrouver le noiraud et j’aimerai avoir une conversation avec lui.

             Prenant une profonde inspiration, je m’apprête à m’excuser mais il me devance :

— Ne me sauves pas. S’il-te-plaît.

             Bien qu’il m’ait déjà demandé cela, je sursaute, saisie.

— Pas seulement car je ne veux pas avoir ta mort sur la conscience mais aussi parce que me sauver me mènerait à vivre sans mon véritable père. Je sais qu’il ne survivra pas. Je préfère mourir. Vraiment.

             Ma gorge se noue et je me tourne vers lui. Il me regardait déjà, son air colérique ayant laissé place à une douceur profonde et une sincérité qui me prend de court. Quelques mèches noires chutent sur son front tandis que ses yeux sombres me couvent avec tendresse.

             Pour la première fois depuis que nous nous sommes rencontrés, il semble à l’aise en ma présence et ne me regarde pas comme une ennemie.

             Encore pire, j’ai la sensation qu’il me perçoit comme une alliée maintenant qu’il me demande de le laisser mourir.

— Ace…, je lance d’une voix serrée.

             Mes yeux s’humidifient.

— Tu te rends compte que tu me demandes de te laisser mour

             Mais ma voix meurt dans ma gorge tandis que je réalise l’égoïsme dont je fais preuve. Il a conscience qu’il va décéder, que sa seule chance de survie est ma propre mort et qu’après celle-ci, plus rien ne sera certain. Ni moi ni sn père ne seront là pour lui.

             De plus, bien des personnes parmi ses proches comme moi décèderont en même temps que lui, à Marineford. Mon cœur se soulève et ma gorge se serre.

             Je suis égoïste de vouloir le condamner à une amère solitude par simple envie de fuir l’œil qui fixera mon front. La culpabilité persistante qui me suivra.

             Alors, prenant une profonde inspiration et tentant d’ignorer le déchirement de mon cœur, je murmure :

— D’accord, Ace.

             Une larme coule sur ma joue.

— Je n’interviendrai pas dans ton décès.

             Lorsque ces mots franchissent mes lèvres, il esquisse un sourire rayonnant qui me saisit. Nous discutons de sa mort prochaine, de ses derniers instants, je viens d’accepter de ne pas le sauver, le prévenir que je ne ferais rien pour lui lorsque ses entrailles brûleront…

             Et il sourit ?

— Tu es vraiment quelqu’un d’étrange, Portgas D. Ace.

             Son pouce glisse sur ma joue, y laissant une empreinte brûlante quand il y essuie mon unique larme. Je détourne les yeux, déglutissant péniblement.

— Ne t’inquiète pas, tu n’auras pas à me supporter longtemps.

— Oui, je réponds dans un sourire forcé.

             Là est le problème.

             Mon cœur se serre. Le noiraud et moi avons beau nous détester cordialement, je ne peux pas supporter son air hautain et moqueur tandis qu’il me hait pour une raison obscure — maintenant qu’il sait que je suis réellement une Voyageuse, il va s’empresser d’en trouver une nouvelle — je reste touchée par la décision que nous venons de prendre.

             Me coupant dans mes pensées, le barman fait claquer un verre épais et pourvu d’une anse devant moi. La moitié de celui-ci est rempli de liquide jaunâtre et l’autre, de mousse blanche. J’observe le breuvage d’un œil vide.

— Eh merci, ça lui arracherait la langue à la petite ? lance la voix bourrue du barbu.

             Je ne réponds pas ni ne le regarde. Ma gorge est trop serrée pour que je puisse parler et, même si je sais que je me montre cruellement impolie, je n’arrive tout simplement pas à lever la tête vers lui. Si j’attends un peu, il finira par s’en aller.

             Enfin, cela est sans compter sur l’égo fragile de certains mâles.

— Et, tu crois que parce que t’as des nibards je vais pas me mettre en colère ? Regarde-moi quand je te parle ! aboie-t-il.

             Mais mes yeux humides demeurent figés sur la bière. Je ne vais même pas la boire. Un étau serre mon œsophage, de toute façon.

— Putain, j’ai horreur des gonzesses comme ça !

             Mon cœur bat avec ardeur et j’entends le sang pulser dans mes oreilles. Ace est réel. Ace va mourir. J’ai été chargée d’empêcher cela.

             Mais il va réellement mourir.

— Eh ! Dis à ta pute de me…

             La voix du barman meurt dans un fracas assourdissant. Celui-ci m’arrache un sursaut et je me retourne aussitôt vers l’homme. Mes yeux s’écarquillent lorsque j’aperçois la scène devant moi. Les clients semblent tout aussi choqués, leurs sourcils haussés rivés sur le bar.

             La main d’Ace écrase le visage de l’homme à présent enfoncé dans le bois du comptoir fissuré. Ses épaules tremblent à cause du traumatisme crânien et il ne se défend pas. Le pirate, perché sur ses omoplates, fixe avec une haine que je ne lui connaissais pas le sang s’écoulant du visage du gérant.

— Que je dise quelque chose à ma quoi ? répète-t-il d’une voix oscillante.

             Jamais je n’aurais cru le voir dans cet état un jour. One Piece nous présente un jeune homme courageux et bienveillant, toujours désireux de venir en aide aux autres et particulièrement sympathique ne se mettant en colère que lorsque ses proches sont insultés.

             Mais par « colère », j’entends des combats durant divers chapitres. Pas… ça.

— A… Ace ? j’hésite.

— Quoi ? répond-t-il sans me regarder.

— Ce n’est vraiment pas grave, tu sais. Il est impoli mais beaucoup de personnes le sont et ce n’est pas une raison pour…

— Insulter quelqu’un à qui je tiens est une raison valable pour que je me mette en colère.

             Mes sourcils se haussent et mes muscles se figent. Ai-je bien entendu ? Vient-il réellement de dire qu’il tient à moi ?

             Mes pensées sont vite coupées par le comportement inhabituel des hommes autour de nous. Tous se sont levés et je les vois nous approcher, leur visage menaçant éclairés des lueurs vacillantes des torches. Mon estomac se soulève. Ils sont une dizaine. Ace fera peut-être le poids contre eux mais ils auront le temps de m’attraper pendant le combat et m’amocher.

— Ace… S’il-te-plaît, partons.

— Je veux qu’il s’excuse, gronde-t-il pour seule réponse.

— Ace, ce n’est vraiment pas grave, j’insiste en sentant une chaise râcler dans mon dos.

— Je ne suis pas d’accord.

— Il n’est pas conscient et ne pourra pas parler. S’il-te-plaît, Ace, partons…

             Ma voix oscille à cause de la peur. Je sursaute quand un souffle retentit sur ma nuque. Me retournant, je réalise qu’il ne s’agissait que d’un courant d’air. Mais quelques silhouettes se découpent tout de même dans mon dos, menaçantes.

             Une peur panique me prend.

— Ace, je répète un peu plus fort.

             Mais il ne me répond pas, comme en transe.

— ACE ! je hurle d’une voix terrorisée.

             Là enfin, il lève les yeux vers moi. Aussitôt, la colère dans son regard fond, laissant place à une véritable inquiétude. Comme si mon ton terrifié avait suffi à dissiper sa haine. Ses sourcils se haussent et il remarque les hommes s’approchant de moi.

             D’un geste gracieux, il bondit du comptoir. Avant de me laisser le temps de réaliser quoi que ce soit, son bras s’enroule autour de me taille et, me soulevant de terre, il s’aide de son autre membre qu’il glisse sous mes genoux pour me porter avant de courir.

             Dans notre dos, les raclements de chaise se font aussitôt plus bruyants et des pas précipités retentissent. Ils nous poursuivent. J’enroule mes bras autour du cou d’Ace à l’instant où la luminosité brutale m’assaille, m’indiquant que nous sommes sortis de la taverne.

             A toute vitesse, le pirate court. Par-dessus son épaule, je vois quelques hommes claudiquant sous les effets de l’alcool le suivre sur quelques mètres. Mais il les distance relativement rapidement. Leurs silhouettes ne deviennent bientôt que des points noirs au loin, parmi les maisons et autres établissements.

             Puis, nous prenons un angle et ils sortent entièrement de notre champ de vision. Là, les bras d’Ace se détendent et il me pose au sol. Je le laisse faire avant de libérer son cou de mon étreinte. En me reculant d’un pas, il me semble apercevoir des rougeurs sur ses joues.

             Mais, très vite, je me dis qu’il s’agit d’un effet d’optique puisqu’elles disparaissent.

— Merci, je souffle.

— C’est normal. J’aurais dû agir plutôt.

             Remettant son chapeau sur sa tête, il me sourit légèrement. Il ne semble même pas essoufflé d’avoir couru en me portant sur cette distance. Je suis ébahie.

— Euh, Ace…

— Oui ?

             Je détourne les yeux, ne parvenant à affronter son regard.

— Par rapport à ce que tu as dit… Tu sais, sur le fait que tu tenais à moi…

— Oui ? répond-t-il sans sembler le moins du monde gêné.

             Son manque d’embarras ne me met que plus mal à l’aise. Il agit comme si ses paroles étaient normales alors que nous ne nous connaissons à peine et avons passé le plus clair de notre temps à nous disputer.

             Je ne dis rien, ne sachant comment formuler ma phrase. Mais il comprend mon silence.

— Je vois…, soupire-t-il.

             Je lève les yeux vers lui. Il ne me regarde plus, fixant un point, au loin.

— T’es insupportable et l’idée de passer le restant de mes jours avec toi n’a rien d’agréable.

             Une pierre tombe dans mon ventre. Il pose à nouveau ses iris sur moi.















— Mais tu as accepté un énorme sacrifice pour moi alors je te serais à jamais redevable, (T/P).


























2141 mots

ça se gâte un peu niveau
mission mdrrrrrr

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