00:04:90
— Scheisse !
Je lâchai un grand rire lorsque je me retournai vers ma grand-mère, qui venait de faire tomber des boîtes de jeux d'une étagère. J'accourus vers elle pour l'aider à ramasser et les replacer correctement avant qu'un employé ne nous regarde d'un mauvais œil, tout en continuant de me moquer d'elle. Celle-ci me gronda sans réel sérieux, et finit par ricaner à son tour. Les boîtes replacées, nous continuâmes de parcourir les rayons lentement. Je m'arrêtais à presque tous les mètres lorsque je voyais un motif intéressant de puzzle, pour ensuite demander l'avis à ma grand-mère, ou même à ma mère qui cherchait de son côté.
— Jungkook ! M'appela cette dernière, un peu plus loin.
En vitesse, je rangeai la boîte que j'avais dans les mains et rejoignis ma mère, qui venait de sortir la moitié d'une boîte de l'immense rayon. Elle la prit entièrement et nous la regardâmes ; c'était un puzzle de trois milles pièces d'une vue de New York. Je fronçai le nez, pas convaincu.
— Tu penses que ça peut lui plaire ?
— Mhh, il a déjà pas mal de puzzle comme ça... Et un trois milles pièces, il le finit en une semaine.
Ma mère lâcha un petit râle, et nous fûmes rejoints par ma grand-mère pour continuer nos recherches.
Cela faisait déjà plus d'une semaine que j'étais en Allemagne, et revoir mes grands-parents ainsi que de changer d'air me faisait vraiment du bien. Pratiquer la langue de ce pays était l'une des choses que j'aimais le plus lorsque je venais, et pas un seul jour je n'avais arrêté de sourire. Mon grand-père m'avait d'ailleurs fait la remarque quant à mon comportement beaucoup plus détendu et jovial qu'autrefois. Sachant qu'ils avaient toujours été ouverts d'esprit, je m'étais alors permis de leur avouer la raison de ce changement, que j'avais rencontré quelqu'un qui me rendait meilleur. Mon coming-out auprès de ceux-ci c'était très bien passé, car depuis toujours, ils ne voulaient que le bonheur de leurs petits-enfants. Ma mère n'avait pas cessé de sourire durant notre conversation, et le soir, avant de se coucher elle était venue me féliciter. Mes grands-parents m'avaient aussi posé beaucoup de questions à propos de Taehyung, et avaient été assez surpris lorsque je leur avais avoué que c'était le patron d'un café-restaurant très populaire, dans lequel, en plus, j'avais travaillé pendant huit mois. Désormais, mon contrat était terminé, et peut-être que j'allais demander à le renouveler à partir de Septembre, de sorte à ce que cela m'occupe avant ma rentrée en Novembre.
Avec Taehyung et mes grands-parents, nous avions ainsi prévu de nous appeler pour qu'ils fassent connaissance. Ce dernier avait été très touché au fait que j'avoue notre relation à l'ancienne génération, et le voir sourire à travers un petit écran me rendait nostalgique. Je me sentais bien en Allemagne, mais ce n'était pas comme en Corée, là où j'avais désormais mes amis et mon petit-ami.
Concernant ceux-ci, je n'avais pas vraiment eu de nouvelles à cause du décalage horaire qui nous empêchait de nous appeler. Minkyung rentrait bientôt de son séjour en Martinique, et je recevais tellement de photos de sa part que j'avais l'impression de voyager avec. Jimin et Haneul continuaient de réfléchir sur le tatouage pour cacher sa cicatrice, et prévoyaient de partir en croisière ensemble, dans les pays d'Asie du Sud. Ca me donnait envie de voyager moi aussi avec Taehyung durant ses deux semaines de vacances, après mon retour d'Allemagne.
— Und er ? Was denken Sie ? Demanda ma grand-mère.
Suivant son regard qui partait vers le haut, j'écarquillai les yeux lorsque je vis une très grosse boîte qui n'attendait que sa vente. Immédiatement, je sus que c'était le bon. C'était ce puzzle qui allait rendre Taehyung heureux.
— Gut gemacht, Oma ! La félicitai-je avec un grand sourire.
Elle me rendit mon sourire en levant son pouce en l'air tandis que je me mis sur la pointe des pieds pour attraper la boîte, qui, malgré ma taille, était très haute dans l'étagère. Je réussis malgré tout après avoir tiré sur mon bras, et, le puzzle dans mes mains, je me mis à le regarder sous tous les angles. Nous étions vraiment tombés sur une pépite, et celui-là, je ne l'avais pas vu parmi tout ceux qu'il avait fait et je trouvais que l'image me rappelait sa personnalité : le plafond de la chapelle Sixtine, avec dix-huit milles pièces.
Le nombre de pièces et la difficulté des détails reflétaient la complexité de son âme. Les fresques en liaison avec différents passages de la Bible : l'ivresse de Noé, le déluge, Noé rendant grâce à Dieu, la création d'Adam et Eve par Dieu puis leur bannissement du jardin d'Eden, celle du Soleil et des planètes, Dieu séparant l'eau de la terre, la clarté de l'obscurité. Tous ces passages symboliques étaient encadrés par des prophètes, des sibylles, et surtout, par la famille et les ancêtres de Jésus. Taehyung était comme cet ensemble de fresques, remplit d'histoire tout aussi compliquée les unes que les autres, avec des hauts et des bas, des moments fascinants comme mauvais. Après tout, ce qui avait forgé son âme et sa personnalité, c'était toute l'histoire qui se cachait derrière son magnifique sourire. Sa famille, pour qui il vouait son plus grand respect, en faisait majoritairement partie. Difficile, des milliers de pièces, c'était le puzzle parfait pour lui.
— I'll take this one ! M'écriai-je à ma mère.
Celle-ci et ma grand-mère écarquillèrent les yeux. Elles eurent beau tenter de ma raisonner d'en trouver un autre, d'abord à cause du prix qui frôlait les deux-cent cinquante euros, mais aussi parce que selon elles, un puzzle de dix-huit mille pièces leur paraissait irréalisable. Pourtant, rien ne put me faire changer d'avis, et grâce au salaire que j'avais eu pendant huit mois, je pus l'acheter sans me faire de soucis. Car après tout, il m'avait quand même payé une partie de mon téléphone, je lui devais bien cela. J'espérais qu'il plaise à Taehyung autant qu'il me plaisait.
A ce moment-là, en sortant du magasin avec un grand sourire et la boîte dans les mains, j'eus l'envie de repartir à l'autre bout du monde rien que pour le retrouver.
☯︎
Ce mois chez mes grands-parents n'avait jamais été aussi agréable. Le fait que je sois mieux dans ma peau en était pour beaucoup, car depuis quatre ans, c'était la première fois que je pouvais les embrasser et les prendre dans mes bras sans avoir peur de la Reine. Cela leur avait fait énormément plaisir, car ils ne savaient pas la raison du pourquoi j'évitais tout contact avec eux auparavant. Ma mère leur avait simplement dit que je passais par une crise d'adolescence retardée, mais c'était un peu trop gros pour y croire.
De toute manière, cela était terminé grâce au contrôle que j'avais sur la Reine. Certaines fois, elle revenait lorsque j'entrais accidentellement en contact avec une personne inconnue, mais il me suffisait d'imaginer la présence de Taehyung pour ne pas partir en crise.
Car quand je savais que j'allais le retrouver dans quelques jours, c'était beaucoup plus facile.
☯︎
Seize heures dix.
De retour en Corée en compagnie de mes trois chiens, je ne pu faire un détour par Séoul. Ma mère avait réservé depuis un bon moment un trajet en avion allant d'Incheon à Busan, quelques heures à peine après mon premier pas sur le sol Coréen. Porter ma valise avec en plus trois laisses n'était pas une mince affaire, j'avais énormément de chance que mes chiens soient très disciplinés et calmes. Avec la fatigue du voyage et du décalage horaire, je crois que je n'aurais pas supporté qu'ils soient dans leur quart d'heure de folie. Heureusement, ma mère avait rapporté le puzzle de Taehyung lors de son retour, il y a deux semaines et demie, ce qui faisait que je n'avais pas à me le trimballer. Jamais elle n'aurait tenu dans ma valise, et le porter à la main avec trois laisses aurait été totalement impossible.
En attendant mon prochain avion, lorsque mes bagages avaient été confirmés et pris, j'étais sorti dans le parc de l'aéroport pour permettre à mes chiens de faire leur commission avant de rester encore cloitré à rien faire pour une trentaine de minutes. J'avais vraiment hâte de rentrer. Tout en surveillant où ils se baladaient, je m'assis à un banc et sortis mon téléphone afin de vérifier si je n'avais pas eu de message. Ne voyant que la réponse de ma mère à mon message d'arrivée, je me mordis les lèvres en ne remarquant aucun signe de vie de la part de Taehyung. Aujourd'hui était son dernier jour de travail avant ses deux semaines de vacances, il devait donc sûrement finir de remplir des papiers ou veiller à ce que tout fonctionne pour le mieux durant son absence. Même s'il habitait au dessus de Coquelicot, il lui était tout de même naturel de garder toujours un œil sur l'organisation faite par Seokjin.
Il restait encore deux heures avant l'embarquement, et, las, j'éteignis mon téléphone pour regarder mes chiens courir dans le grand espace vert. A certains moments, je me retenais de piquer du nez. J'avais hâte d'être Lundi pour retrouver Taehyung. Je passais le Dimanche chez ma mère à Busan avant de remonter sur Séoul pour deux semaines. Peut-être qu'ensuite, j'y retournerai début Septembre pour de nouveau travailler à Coquelicot, comme j'en avais discuté avec Taehyung et ma mère.
Dix-neuf heures vingt-neuf.
Je n'arrêtais pas de parler durant le trajet jusqu'à notre douce campagne. Ma mère riait et commentait mes nouvelles histoires allemandes que je n'avais pas pu lui raconter pendant nos appels. Sur la banquette arrière, nos chiens dormaient à point fermés, sauf la femelle qui elle, attendait la gamelle. Je lui détaillais tout ce que j'avais fait avec mes grands-parents, et surtout, à quel point cela avait été dur de les quitter après un mois à leurs côtés. Ce qui me réchauffait le cœur, était que, voyant ma tristesse, ils m'avaient promis de venir en Corée pour les fêtes de fin d'années en espérant rencontrer Taehyung. A cause de leur âge avancé, ils ne pouvaient pas se permettre de faire plus de dix heures d'avion trop souvent. Supporter le décalage horaire était beaucoup plus difficile. Ma mère était ravie d'apprendre cette nouvelle ; cela faisait onze ans qu'ils n'étaient pas venu ici, la dernière fois étant pour l'enterrement de leur fils et de leur petit-fils. Alors les entendre parler de retour, cela ne pouvait que nous rendre fous de joie.
— Au fait, fit-elle avec un sourire, le regard droit sur la route, Jihyuk m'a annoncé hier qu'il allait se marier l'été prochain.
Brutalement, je manquai de m'étouffer avec ma salive, ce qui la fit éclater de rire. Les yeux écarquillés, je me tournai ensuite vers elle.
— C'est vrai ?! Avec qui ?
— Une jeune australienne de son âge, continuait-elle, enjouée. Elle s'appelle Maya, ça fait trois ans qu'ils sont ensemble.
Je m'accoudais à la fenêtre et regardai par-delà celle-ci avec une mise blasée.
— Mhh Maya l'abeille oui...
— Voyons Jungkook !
Grognant légèrement, je gonflai les joues.
— Tu ne l'as jamais rencontrée ! Tu ne t'y opposes même pas ?
— Certes pas physiquement, avoua-t-elle en empruntant la route régionale habituelle. Mais ça fait depuis longtemps qu'il me parle d'elle, je l'ai déjà eue au téléphone et elle a une personnalité très douce. C'est vraiment une femme agréable.
Elle soupira en comprenant ma seconde question.
— Jungkook... Si mon fils est heureux avec une personne, pourquoi je m'y opposerais ? D'autres parents seraient plutôt contre ta relation avec Taehyung, pas celle de Jihyuk.
Pris de court, je ne sus quoi répliquer.
C'est vrai, elle avait raison. Je ne pouvais que me réjouir de cette nouvelle tout en cachant ma relation à mon grand-frère avec son ami d'enfance. Sauf que je n'y arrivais pas. Je n'arrivais pas à être content pour lui. Pourquoi ? Etait-ce à cause de tout ce qu'il avait pu me dire depuis nos plus pas âges ?, de notre relation fraternelle approximant les zéros pourcents ? Et puis, Jihyuk ne m'avait pas recontacté depuis son dernier retour pour les fêtes de fin d'année de l'année dernière. Pourquoi m'aurait-il partagé cette nouvelle dans ce cas-là ? A quoi bon la partager à son petit-frère qui devient un inconnu au fil du temps ? Peut-être même qu'il n'a jamais parlé de mon existence à cette certaine Maya.
Au fond, cela m'attristait.
Est-ce que si Jihyung avait toujours été là, les choses auraient été différentes ?
— Où est-ce qu'ils vont se marier ? Demandai-je alors même que je ne voulais savoir la réponse.
— Ils ne savent pas trop encore, soit en Corée, soit en Australie.
— Mhpf...
Arrivés à la maison sans plus d'histoire et la voiture garée dans le garage, je fis descendre les chiens pendant que ma mère s'occupa de sortir ma valise. Seulement, mon attention fut attirée lorsqu'ils se mirent à tenter d'ouvrir la porte menant au couloir principal du rez-de-chaussée, comme si quelque chose se trouvait derrière. Leurs queues se secouaient dans tous les sens, et, intrigué, je finis par leur ouvrir. Immédiatement, une boule de poile brune haute comme trois pommes apparue et se mit à aboyer de joie, refaisant connaissance avec les whippets.
Mon cœur sauta dans ma poitrine en reconnaissant Yeontan, qui se fit courser à travers le couloir. Pourquoi le chien de Taehyung était ici, dans ma maison ? Je me retournai rapidement vers ma mère, qui se mit à regarder le plafond du garage comme si de rien n'était. Ce fut alors qu'un immense sourire étira mes lèvres et je ne perdis pas de temps pour parcourir à mon tour le couloir. Une odeur alléchante trainait dans l'air, et, arrivé dans le hall, je descendis les deux marches et me tournai vers la cuisine, où mon cœur fit de nouveau un bond.
Taehyung se trouvait là, à quelques mètres de moi, en train de caresser la tête de Naya coincée entre ces cuisses. Son regard se leva vers le miens, et je ne pus retenir un sourire qui me tirait férocement les joues. Un rictus illumina à son tour son visage et, automatiquement, je trottinai dans sa direction pour nous prendre d'un même mouvement dans les bras comme si notre vie en dépendait. Je le serrai. Je le serrai tellement que nos corps allaient se briser sous tant de pression.
Ma mère et lui avaient encore comploté dans mon dos, mais ce n'était pas comme la première fois. Cette fois-ci, notre relation avait beaucoup avancé au point que je ne pouvais plus me passer de lui, et réciproquement. Je le savais car ce fut le premier à m'embrasser alors même que je me concentrais à joindre ma chaleur avec la sienne. Dans son baiser sur lequel je me jetai dessus pour l'approfondir, je ressentais tout le manque qui s'était accumulé durant ce long mois. Le voir en appel et le voir en réalité n'étaient absolument pas la même chose, et savoir que je lui avais manqué autant qu'il m'avait manqué me rassurait énormément.
Comment pouvais-je expliqué à quel point je l'aimais ? A quel point mon corps s'ébouillantait et que mon cœur s'emballait rien qu'en le regardant ? Cette histoire était tellement magique.
Avant de nous séparer, je passai mes mains dans ses cheveux. Leur douceur n'avait pas changée, et je ne pus m'empêcher de sourire en quittant ses lèvres.
— Tu aimes bien venir à l'improviste chez moi, mmh ? Cranai-je en croisant mes doigts derrière sa nuque.
Son sourire s'agrandit et je pus apercevoir quelques dents blanches. Ses deux mains passèrent de mon dos à mes hanches, comme il aimait le faire depuis que nous étions officiellement ensemble.
— Oui, c'est amusant.
Je fis la moue pendant quelques secondes suite à sa réponse, ce qui le fit ricaner. En arrière plan, j'entendais ma mère disputer les chiens qui n'arrêtaient pas de jouer dans tous les sens, pour finir par les mettre dans le jardin. Elle devait sûrement nous voir enlacer, mais je m'en fichais.
— Tu ne devais pas travailler encore ce soir ? Lui demandai-je, intrigué par sa présence.
— Seokjin m'a foutu dehors, fit-il d'un air faussement vexé.
Je fus surpris, écarquillant légèrement les yeux.
— Comment ça, il t'a foutu dehors ?
Un sourire malin étira ses douces lèvres et son regard s'amusa à jongler dans le mien.
— Hier soir il a insisté pour que je prenne mon weekend entier avant d'enchainer sur mes vacances, expliqua-t-il naturellement. Au début, je ne voulais pas, mais tu le connais, il n'a pas lâché l'affaire et j'ai fini par laisser tomber, il me soûlait trop.
Je ricanai malgré moi en imaginant la scène qui devait être très comique.
— Ta mère a voulu m'inviter pour une semaine ici. Au départ, je devais venir Dimanche, mais elle a insisté elle aussi à ce que je vienne pour ton retour.
— Vous vous êtes tous passé le mot... Soufflai-je avec un rictus. Tu es arrivé quand ?
— Tu venais d'atterrir à Incheon je crois.
Soudain, il fit son immense sourire rectangulaire qui me fit fondre sur place. Je ne l'avais vu que quelques fois, mais il était tellement beau et tellement sincère qu'il m'illuminait plus que le soleil lorsqu'il apparaissait.
— Devine avec qui je suis venu.
Voyant son enthousiasme, je ne mis que quelques secondes à trouver :
— Moutardette ! Clamai-je, excité comme une puce.
L'information mit un petit instant à monter au cerveau lorsque d'un coup, devant mes yeux, Taehyung explose de rire. Un rire que j'entendais, parce que j'en avais désormais le droit.
Vingt-et-une heures trente.
Je lâchai un ricanement malsain en déposant mon pion sur la case anniversaire, puis tendis mes mains vers ma mère et mon petit-ami pour leur réclamer la somme indiquée sur le plateau de jeu. D'un râle, ils m'y donnèrent et, en triant les billets, ce fut au tour de ma mère de lancer le dé, qui afficha le chiffre six. D'un cri de joie qui fit sursauter les chiens, elle récupéra la grosse liasse entassée au milieu pour la lever en l'air tel un trophée.
Après avoir extrêmement bien mangé ce qu'avait préparé Taehyung pendant mon retour à la maison, nous avions décidé de jouer à un jeu de société avant d'aller nous coucher. Au début, je n'avais pas été pour à cause de la fatigue du voyage, mais au final, cela me permettait de passer du temps avec deux êtres que j'aimais au plus profond de mon cœur. Durant le repas, j'avais beaucoup embêté Taehyung sur le fait qu'il m'avait fait tourner en bourrique lorsque nous prévoyons de se retrouver le Lundi à Séoul pour les deux semaines, et celui-ci ne s'était pas gêner d'en être fier.
Malgré cela, je ne pouvais pas lui en vouloir. Sa soudaine présence alors que je m'attendais à passer le reste du weekend avec ma mère, avait été un soulagement. Après tout, un mois sans voir ce qui maintenait ma santé mentale, était long. C'était caché derrière un sourire.
Vingt-deux heures dix.
La partie finie et le vainqueur s'avérant être ma mère, je fis craquer mon dos en me levant lorsque d'un coup, je me rappelai du cadeau que j'avais acheté à Taehyung. Ce dernier commençait à tirer les billets et les cartes dans la banque, aidé de ma mère qui continuait de se réjouir de sa victoire. Je lui avais demandé de le cacher dans mon dessing, ce qui avait été normalement fait à son retour. Mais comment partir sans être suspect ? J'aidais d'abord à ranger avec eux et, lorsque la boîte fût fermée, je me rendis à l'étage en silence. Le regard de Taehyung me piquait la nuque, et j'espérais qu'il n'ait pas l'idée de me rejoindre en pensant que j'allais me coucher comme un mauvais perdant.
Sortis de leur champ de vision, je me précipitai dans ma chambre pour redescendre le plus vite possible avant que mes craintes ne deviennent réelles. A cause de mes chaussettes, je manquai de tomber en dérapant au niveau de ma porte, mais me rattrapai de justesse au mur. Entrer dans ma chambre pour la première fois depuis les vacances de printemps me fit du bien. Il y faisait frais, ça sentait bon, et je me dépêchai d'aller à ma salle de bain, prendre la boîte cachée à l'endroit prévu, et de refermer pour éviter que la chaleur ne rentre. Cette chaleur étouffante du début du mois d'Août séchait l'herbe et les plantes du jardin, et le manque d'eau en était la cause principale. Je n'avais donc pas envie que Taehyung ou ma mère ne me retrouve demain matin séché comme une herbe dans mon lit.
Mon cœur battait. La grosse boîte cachée derrière mon dos me rendait perplexe. Je m'arrêtai au-dessus des escaliers, d'où résonnait la voix enjouée de ma mère. Ils parlaient calmement de ce qu'on allait pouvoir faire tout les deux durant son absence les journées ; parc, plage, cinéma, centre-ville, elle donnait beaucoup d'exemple d'activité. Mais Taehyung répondit quelque chose qui me donna les larmes aux yeux :
— Je voudrais rendre visite à ma mère avec Jungkook.
C'était très symbolique pour lui. Même si l'anniversaire de sa mort remontait à deux semaines, il tenait toujours à me présenter à elle, à lui parler de moi, et non pas à travers son écharpe. J'étais touché. Très touché. J'espérais que mon cadeau allait le toucher aussi quand bien même ce n'était pas du tout la même chose. C'était peut-être cela qui me rendait anxieux. Lui m'avait offert un téléphone, est-ce qu'un puzzle pouvait égaliser ? Le geste comptait certes, mais la valeur de la chose entrait-elle dans la jauge ?
Au Diable les questions, ça me faisait plaisir de lui offrir ça. Redevenu confiant comme lorsque je l'avais acheté, je descendis donc les marches pour le rez-de-chaussée, où ma mère et Taehyung étaient encore installés à la table à manger, le jeu mit de côté. Heureusement, celui-ci était dos à moi et ne pouvait pas voir que j'étais déjà revenu, ni même ce que je complotais très indiscrètement. La boîte ressortait sur les côtés et me tirait les bras en arrière à cause de son poids. Dix-huit mille pièces n'était absolument pas léger.
Le regard de ma mère, face à moi depuis la table, m'assigna un regard rapide avant de se lever en prétendant qu'elle avait oublié d'étendre son linge. J'eus alors un sourire en comprenant qu'elle voulait nous laisser seul. Partie dans la lingerie par de petits pas rapides, je m'avançai lentement en ne cachant plus ma présence.
— Mmh Tae... Hésitai-je en me présentant devant lui.
Son regard quitta son téléphone qu'il venait à peine de sortir et se leva vers le mien, intimidé. Mes lèvres tremblaient et mon cœur tambourinait dans mon crâne comme si j'étais devant une salle remplie de personnes pour raconter une histoire. Ses yeux sombres et intrigués se baissèrent le long de mes bras, et prenant peur qu'il ne voit un quelconque motif de la boîte, je me tournai un peu plus face à lui en tenant de tout cacher. Heureusement, mes manches larges de sweater aidaient, mais pas totalement. De toute façon, il devait sûrement avoir deviné que je voulais lui offrir quelque chose.
— Qu'est-ce qu'il y a ? Demanda-t-il, le sourcil légèrement levé.
— Mhhh...
Je ne savais pas par où commencer.
— E-En fait, je voulais te remercier pour tout ce que tu as fais pour moi... M'av-
Mon cœur manqua un battement lorsqu'il leva sa paume pour m'interrompre. Une larme de stress tenta alors de s'écouler sur ma joue, mais je me forçai à la retenir pour ne pas paraître bête et faible. Je baissai la tête. Il ne voulait pas m'écouter ?
— Jungkook.
Je ne voulais pas le regarder, vexé par son geste.
— Jungkook...
Dans mon champ de vision qui se résumait à nos pieds et ceux de la table, je vis sa main s'approcher et se poser sur ma hanche. Immédiatement, d'agréables fourmis me parcoururent les nerfs.
— Jungkook, regarde-moi...
Voyant que je ne bougeais toujours pas, il finit par se lever pour me faire entièrement face. Ses mains se posèrent sur mes joues et forcèrent à me faire lever la tête afin de le regarder. Je me retenais de pleurer de honte. Derrière mon dos, le poids de la boîte me tirait de plus en plus sur les bras, j'avais envie de lâcher prise. Son visage était si proche du mien que je me mis à trembloter lorsque ses souffles commencèrent à s'échouer sur mes lèvres. Bien que je veuille fuir ses yeux pénétrants, il n'y avait aucune échappatoire à cause de sa proximité. Je déglutis difficilement.
— On ne dit pas tu as... Murmura-t-il en détaillant mon visage. Ne me parle pas comme si tu allais bientôt partir...
J'écarquillai soudainement les yeux. Je venais de comprendre l'erreur de je venais de faire. Sans m'en rendre compte, j'avais parlé au passé, comme si, effectivement, j'allais partir dans peu de temps. On ne disait pas « tu as », on disait « tu fais » ou « tu feras ». S'il tournait dos au passé, ce n'était pas pour que je le replonge dedans la tête la première.
— Excuse-moi... Soufflai-je, les yeux dans les yeux. En fait... J'aimerais t'offrir quelque chose...
Il ne parut pas étonné, et se contenta de sourire. Après tout, il l'avait logiquement remarqué à cause de mes bras en arrière. Ses deux mains se retirèrent de mon visage et il se recula de quelques pas, afin de me laisser l'accès à la table. D'un tout petit sourire, je m'y avançai et déposai la boîte dessus, face à lui de sorte à ce qu'il puisse voir le motif du puzzle. Cela faisait bien trois semaines que je ne l'avais pas vu, et j'avais l'impression de redécouvrir la beauté qu'il dégageait. Fier, je levai les yeux vers mon petit-ami et mon cœur sauta dans ma poitrine.
Il était là, à fixer la représentation de la chapelle Sixtine par des yeux écarquillés à leur maximum. Comme une image figée dans le temps, il ne bougeait pas d'un seul millimètre. Je ne savais pas ce que cela signifiait venant de lui, mais dans la logique des réactions humaines, cela ne pouvait qu'être positif. Au cas contraire, il ne serait pas mis en pause à cause du choc. Encore plus fier mais aussi nerveux, je croisai mes bras dans mon dos et attendis une quelconque parole de sa part.
Au bout d'une dizaine de secondes, il y amena sa main et effleura l'image, puis du nombre dix-huit mille.
— Tu l'as trouvé où... ? Demanda-t-il d'un ton bas, encore sous le choc.
— En Allemagne ! Souris-je, enjoué. Je suis allé avec ma mère et ma grand-mère dans un magasin spécial, et c'est Mamie qui a trouvé celui-là.
D'une main tendre, il prit la boîte et la regarda sous tous ses angles.
— J'ai bien retenu tout ceux que tu as chez toi, je sais que tu aimes ceux avec énormément de pièces, alors en voyant celui-là, je ne pouvais pas simplement le regarder pour l'oublier plus tard.
Son regard se tourna pour la première fois vers moi, et je ne pus retenir un immense sourire qui me donnait un mal de joue extrême. Une galaxie entière illuminait ses iris, comme s'il était profondément touché par mon geste.
— L'Allemagne a de très bonnes marques de puzzle, ça faisait déjà un moment que je prévoyais de t'en offrir un.
Il se tourna une nouvelle fois vers la boîte et s'en approcha pour détailler les dessins du plafond de la chapelle Sixtine, représentant plusieurs passages de la Bible.
— Tu ne t'es pas ruiné j'espère ?
Je ricanai et secouai la tête de droite à gauche. Certes j'en avais eu pour une belle somme mais le plaisir d'offrir passait bien avant tout cela.
— Il est vraiment magnifique... Continua-t-il dans son admiration.
Ses yeux se levèrent vers moi, et je mordis mes lèvres entre elles pour me retenir de sauter de joie lorsque je vis un bonheur infini rayonner sur son visage.
— Merci énormément Kook, fit-il en passant un bras autour de ma taille. Tu ne sais pas à quel point ça me fait plaisir.
Je crois que j'allais pleurer. C'était la première fois qu'il me remerciait pour quelque chose avec autant de sincérité. Qu'il me remerciait tout court, en réalité. Depuis que je le connaissais, je n'avais presque jamais entendu ce simple mot passer la barrière de ses lèvres, ou même, l'entendre parler de ses ressentis était très rare. Je ne pouvais pas expliquer à quel point j'étais fier de moi.
— Un mètre cinquante par trois mètres vingt ? Il réfléchit quelques instants avant de me regarder avec un très grand sourire. Je sais où est-ce que je le mettrai !
— Où ça ?
— A la mezzanine !
En le voyant s'enjouer autant devant un simple jeu de société, je me demandais si au fond, Taehyung ne nous cachait pas une facette enfantine derrière cette personnalité dure dont il usait auprès des autres. Avec moi, il devenait de plus en plus posé et serein, il se relâchait progressivement en craignant moins ce qu'il y avait autour de lui. Peut-être que le contrôle de son alcoolisme jouait beaucoup – en tout cas, cela faisait longtemps qu'il ne sentait plus l'alcool, mais en présence des autres, il n'avait pas la même attitude. Pareil envers Seokjin, il n'était pas le même Taehyung que moi je connaissais lorsque la bonne humeur était à son paroxysme.
Chaque jour, chaque heure et chaque minute passés à ses côtés me permettaient de le connaître toujours plus en profondeur. Comme si, depuis plusieurs mois, je nageais dans un océan, m'enfonçant progressivement en son sein, dans l'obscurité. Si la lumière était aveuglante et agressante, l'ombre était d'un calme et d'une sérénité apaisante.
Mais que ce passerait-il si je finis par poser les pieds dans le sable du fond ?
☯︎
Cette semaine chez ma mère en compagnie de Taehyung a été l'une des meilleures. Bien que se remettre du décalage horaire plombait un peu mon niveau de sommeil, je ne pouvais pas me permettre d'être fatigué afin de profiter un maximum de la présence de mon petit-ami. Ma mère n'étant plus en vacances, elle n'était plus là les journées et grâce à Moutardette, nous pouvions aller où nous voulions avec Taehyung. Nous allions en ville faire les boutiques, visiter des musées, des expositions, mais aussi bronzer à la plage pendant des heures avant de gueuler le soir par la naissance d'un coup de soleil. Pour nager tranquillement, nous allions aussi à la piscine municipale qui, grâce à la proximité de la mer, n'était pas autant peuplée qu'habituellement. N'ayant pas perdu mes aptitudes en nage, je le battais à plat de couture lorsque nous faisions des courses de crawl. Cela faisait longtemps que je ne m'étais pas baigné, et même si cela me rappelait mon père, la présence de Taehyung me faisait oublier les mauvais moments pour ne garder que les bons. Regoûter au plaisir de la natation me faisait beaucoup de bien, je m'étais même demandé si je n'allais pas me remettre à y aller au moins une ou deux fois par semaine. Après tout, je ne faisais plus de sport depuis la fin du lycée à cause de ma peur du contact.
Nous allions aussi au cinéma pour regarder les derniers films sortis, et Taehyung aimait m'écouter commenter de quelle manière les scènes avaient été tournées lors de notre sortie. Il me posait des questions, s'intéressait à mon point de vue et à ma façon dont j'aurais moi-même tourné la scène pour différé le message que voulait faire passer le réalisateur. Certaines fois il était d'accord, d'autres non et m'expliquait pourquoi. J'aimais énormément parler de ma passion avec lui, il ne critiquait jamais un quelconque point de vue et argumentait toujours le fait du pourquoi il n'était pas d'accord. Souvent, il donnait même d'autres idées qui me faisaient imaginer différemment la scène, pour ensuite la trouver bien plus intéressante que ce que j'avais pensé moi. Je lui racontais aussi la signification des plans, et cela lui faisait comprendre certains passages plus en profondeur, avant qu'il ne me demande de lui expliquer plus en détails.
Ce jour-là, je n'ai jamais autant aimé discuter de ma passion. Nous nous étions assis sur un banc dans un parc à la sortie du cinéma, pour y rester jusqu'au coucher du soleil sans même avoir dîné. Nous avions donc prévenu ma mère que nous rapportions des pizzas à notre retour, ce sur quoi elle s'enjouait de ne pas à avoir à faire à manger.
En début de semaine, Taehyung avait tenu à ce qu'on fasse un tour à l'endroit où sa mère biologique avait été enterrée. C'était à un bel endroit empli d'arbres, où le nom des défunts étaient inscrits sur des plaques en bois. La hauteur et l'âge des arbres représentaient le temps écoulé, et celui de sa mère, Go Minha, était un magnifique olivier. Il avait alors parlé quelques temps, me présentait, racontait ce qu'il se passait dans sa vie, et mon esprit avait pris cet instant en photo pour ne jamais l'oublier.
De toute la semaine, je n'eus que très peu de contact avec Minkyung et Jimin. D'une part parce qu'ils profitaient eux aussi de leurs vacances, mais aussi parce que Taehyung me prenait tout mon temps et mon attention. Lui non plus se passait grandement de son téléphone. Il n'avait appelé que deux ou trois fois Seokjin pour lui donner des nouvelles et raconter ce que l'on faisait comme à son habitude, mais il s'était définitivement mis en mode vacances. Pas une seule fois je ne l'avais vu aller consulter ses mails ni même répondre à un appel provenant de l'entreprise LRP. Il me disait « je suis en vacances, je ne réponds pas. », et moi, je souriais.
Vingt-trois heures quarante deux.
— Qu'est-ce qu'on pourrait faire demain ? Demandai-je à Taehyung à travers la porte de ma salle d'eau.
Je me rinçai la bouche et posai ma brosse à dent à côté de la sienne. En vitesse, je me mis en boxer et retournai dans ma chambre, où mon petit-ami se trouvait. Placé à sa place habituelle dans mon lit, soit à gauche et moi à droite, il était adossé au mur, sous les lumières ambiantes et tapotait son téléphone sans m'accorder un regard. Il devait sûrement écrire à Seokjin. Attendant sa réponse, j'allai fermer les volets rapidement et ainsi éviter à la chaleur de l'été de rentrer.
— Je ne sais pas, fit-il en éteignant son écran. On a qu'à poireauté comme deux pépés pour rester un peu avec ta mère.
Ma fenêtre close, je me retournai en souriant, amusé par son programme. Etant Vendredi soir, ma mère ne travaillait pas le week-end, et rester avec elle ces deux prochains jours me paraissait être une bonne idée. Déjà qu'elle était seule la plupart du temps, je ne voulais pas qu'elle se retrouve encore seule alors que Taehyung et moi étions présent. Certes je passais énormément de temps avec lui, mais pour rien au monde j'en oublierai ma petite Maman.
— Ca me va.
Je marchai lentement en direction de mon lit, où je me laissai tomber dessus par le côté gauche, écrasant ainsi Taehyung qui râla par la suite. Le visage enfoui dans le drap, je lâchai un rire en l'entendant grogner. Son téléphone se fit jeter proche de moi, et je me sentis tirer en arrière, un bras étant passé sous mon ventre pour lui permettre de me bouger. L'instant suivant, je me retrouvai allongé au-dessus de lui, ses deux mains dans ma chute de rein pour m'éviter de fuir tandis que je me surélevais grâce à mes coudes pour le regarder dans les yeux. La basse lumière jaune des spots de mon pont d'étagère créait une atmosphère chaude et reposante qui réveillait en moi quelques petits papillons dans le bas ventre. Ses yeux brillaient et ne me quittaient pas une seule seconde. J'avais même l'impression qu'il se forçait à ne pas cligner des paupières afin de ne pas perdre une seule miette de mon visage.
De mon indexe, je me mis alors à parcourir doucement ses trais. Ses sourcils finement tracés et bien entretenus, ses longs cils, la courbe de ses yeux, son nez, ses lèvres rosées qui me donnaient à chacun instant envi de les embrasser, sa mâchoire bien définie et détendue. Depuis combien de temps n'avais-je pas crains la casse de ses dents à cause de sa nervosité et colère constante ? Le voir si serein me rendait tellement fier de notre chemin parcouru.
Au bout de quelques minutes de silence durant lesquelles on se dévorait du regard, je finis par déposer mes lèvres sur les siennes. A cause de nos corps collés et de la chaleur de l'été, je commençais à bouillir de l'intérieur mais nous n'en avions que faire. Lui-même intensifia notre baiser en caressant mon dos, remontant jusqu'à ma nuque pour pouvoir l'approfondir.
A cause de nos journées épuisantes à courir et à rire dans tous les sens, nous n'avions jamais vraiment pris le temps de profiter l'un de l'autre dans le calme. A part s'échanger quelques baisers avant d'aller dormir ou de se lever, nous n'étions pas allé plus loin par fatigue. Aussi parce nous n'en avions pas spécialement envie, car ceci n'étant pas notre dada à tous les deux, ce genre de pratique ne passait pas en priorité dans notre relation.
Vingt-trois heure quarante-neuf.
Mais au fond de moi, j'étais curieux de ce qu'il se trouvait au bout de ce nouveau chemin que nous avions légèrement emprunté lorsqu'il m'avait touché pour la première fois. D'un autre côté, j'en avais peur tout comme lui. C'était pour cette raison que nous prenions le temps qu'il nous fallait, car le respect de l'un envers l'autre était primordial.
Sauf que, ce soir, les papillons virevoltants dans mon bas ventre m'annonçaient à nouveau ce plaisir de vouloir toujours aller plus loin à ses côtés. La manière dont il me caressait de plus en plus sensuellement le dos et mes côtes me faisait perdre mes repères. Il n'y avait que lui et moi, il n'y avait que nous.
— Jungkook... Souffla-t-il entre deux baisers.
Sans même avoir le temps de réagir à ses murmures, il nous renversa d'un seul coup de sorte à ce que nos positions changent, et que je me retrouve sous lui, agréablement écrasé par sa carrure. Nous recommençâmes à nous embrasser de plus en plus rapidement, à mélanger nos langues et nos souffles. Ses mains passaient sur mon torse à répétitions tandis que les miennes restaient plus timides et n'osaient pas vraiment faire la même chose que lui. Je me contentai de les lier à sa nuque, ou de parcourir doucement son dos et ses bras musclés.
Minuit.
Nos jambes s'entrelaçaient d'elles mêmes ensemble, nos basins se mouvaient l'un contre l'autre sans contrôle, et il m'arrivait de ressentir des petits coups d'adrénaline dans tout le corps qui faisait dangereusement monter la chaleur. Au bout de quelques minutes où la pression entre nous s'aggravait, l'une de ses mains s'arrêta aux abords de mon boxer alors qu'elle commençait à y descendre progressivement. Contre ma volonté, je lâchai un grognement et mes doigts s'enroulèrent autour de son poignet pour lui autorisé l'accès. J'avais bien compris pourquoi il s'était stoppé en plein élan, c'était pour me demander s'il avait le droit. Ses lèvres embrassaient à répétition mon cou et ma poitrine, jusqu'à ce qu'il décide de complètement me retirer le bas pour un accès plus simple. J'aimais la façon dont il prenait soin de ne pas faire un faux mouvement au risque de me briser, il me caressait soigneusement et m'apportait un plaisir nouveau.
Ce fut cette nuit-là que nous fîmes l'amour pour la première fois en tant que couple. L'épisode de Tokyo était très loin derrière nous. C'était arrivé naturellement, sans se presser ni s'obliger. Mutuellement, nous demandions à l'autre l'autorisation de faire quelque chose car après tout, c'était inconnu autant pour lui que pour moi. J'avais été étonné que Taehyung ait le matériel nécessaire pour éviter les maladies ainsi qu'un tube de lubrifiant, mais il m'avait avoué que lui-même ne s'en était rendu compte quelques jours auparavant. Il avait alors émit l'hypothèse qu'une souris au nom de Seokjin avait dû mettre son grain de sel dans son sac. Bien qu'au début c'était un peu maladroit, l'atmosphère avait été très vite détendue lorsque nous nous étions pris d'un fou rire commun avant même qu'il n'entre en moi.
A la fin de notre premier ébat, lorsque nous reprenions notre souffle, les yeux rivés au plafond, je m'étais mis à pleurer. Non pas à cause de la douleur, mais parce que j'avais été soulagé que Taehyung n'ait pas été possédé par les erreurs d'Eunji. Cette peur était toujours encrée en moi, car malgré tout, je ne digérais pas le fait qu'un ange comme lui avait été abusé pendant sept longues années. Mais dorénavant, tout cela était rayé d'une croix par ce simple fait d'être passé à l'acte, car cela prouvait qu'il maintenant suffisamment fort psychologiquement pour décider de faire quelque chose sans qu'il ne soit stoppé par les pièges de ses souvenirs.
En regardant Taehyung qui me priait de ne pas pleurer et qui me demandait s'il m'avait fait mal, je me rendais compte que la raison de mes larmes était bel et bien réelle. Un poids énorme s'était retiré de ses épaules, cela se voyait dans sa façon de me fixer. L'obscurité de son regard était devenue calme, et non plus agitée comme à notre première rencontre. Et ce fut avec ce dernier échange que je finis par m'endormir sans même m'en rendre compte.
Eunji ne lui avait pas enseigné les bonnes choses, et malgré cela, Taehyung avait su contrer cette réalité pour créer la sienne, une réalité beaucoup plus puissante et capable de détrôner n'importe quoi.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top