Santa Telle Me | 2

| Santa, tell me if you're really there
Don't make me fall in love again
If he won't be here next year
Santa, tell me if he really cares
'Cause I can't give it all away
If he won't be here next year |


Grace et Maggie patientaient depuis vingt bonnes minutes, tendues, lorsque la dame en vêtements étrangement décontractés sortit de la salle d'audition pour appeler la jeune afro-américaine. Elle se leva tandis que sa tête flottait dans un état second, mi paniqué, mi détendu. Maggie s'apprêta à la suivre lorsque la dame la stoppa, lui demandant de rester dans la salle d'attente. Elle entra alors à la suite de Grace en refermant doucement la porte. 

— Bonjour Grace, dit-elle. 

Elle alla s'asseoir à côté d'un homme d'une trentaine d'années aux cheveux noirs courts. Une barbe de trois jours mangeait sa mâchoire, et sa chemise mal repassée ouverte sur un t-shirt d'un groupe de musique connu attira tout de suite l'œil de Grace. 

— Comme tu le sais, pour t'inscrire à cette audition il n'a fallu que ta catégorie et ton nom et prénom, mais je souhaiterais avant tout en savoir plus, alors pourrais-tu me donner ta date de naissance ?

— Le dix-sept août 2008. J'ai quatorze ans.

Tout en écrivant, la dame sourit.

— Au fait, je suis Laura, et voici Martin, ajouta t-elle en désignant l'homme de son stylo. 

Elle haussa un sourcil bien coiffé et regardant Grace par-dessus ses petites lunettes rectangulaires. 

— Années d'expérience dans le chant ?

L'auditionnée dut compter sur ses doigts avant de répondre :

— Dix. Et demi. 

Laura hocha la tête et posa son carnet sur la table devant elle. 

— Bien ! Nous voilà tout ouïe.

Comprenant que c'était maintenant à sa voix de se montrer, Grace jeta un coup d'œil à Martin qui prenait son téléphone en l'ouvrant sur une application musicale. 

— Je vais chanter Santa Tell Me. 

Dès les premières notes, Grace, emportée comme toujours par la mélodie, se mit à bouger d'abord les bras, puis tout le corps. Elle chanta alors, ses paroles rythmées de gestes et de mimiques accompagnant le sens. Lorsqu'elle arrêta, légèrement essoufflée, un sourire refusait de se détacher de son visage café au lait. Martin paraissait tout à fait sidéré, mais Laura gardait un air plus sobre. 

— Parfait, je pense qu'il n'y a aucune hésitation lorsque je te dis que tu es prise pour l'audition suivante, avoua t-elle avec un léger clin d'œil. 

Elle se leva et fit le tour de la table pour donner à Grace une feuille recto verso contenant des informations pour la suite des événements. 

— Merci, répondit Grace en redescendant lentement sur terre. 

Elle attrapa la feuille et se dirigea vers la porte, Laura sur les talons. Elle l'ouvrit et sortit, marchant avec assurance vers sa mère. Celle-ci se leva et tendit les bras vers sa fille, qui l'esquiva pour lui donner la fiche. 

— Je suis prise, sourit-elle avec malice.

— Tu m'étonnes, gloussa Maggie. On t'entendait jusqu'ici, et tout le monde s'entreregardait l'air de dire « Heu, tu crois pas que le niveau est un peu haut ? Et si on repartait ? » !

Grace rit, suivie de sa mère qui commença à descendre les marches pour rentrer. 

— Quand nous sommes arrivées, je me suis dit : « Mais dans quoi on s'est fourrées ? ». Ça ne payait vraiment pas de mine, il n'y avait même pas d'ascenseur, et tu as vu la tête de la dame ?

— Laura. Oui, j'ai eu un peu peur moi aussi, mais je pense – j'espère – que les suivants seront plus, comment dire... Sérieux. 

Maggie hocha la tête tout en laissant les portes vitrées du hall s'ouvrir. 

— Tiens, il a arrêté de neigé.

° ° °


Grace râlait tout en marchant sur les trottoirs enneigés, les mains dans les poches et le menton rentré dans le haut de sa veste. Elle avait mis son cache-oreilles et une grosse écharpe en laine, mais le froid persistait à lui causer malheur. Maggie lui avait demandé d'aller acheter au petit supermarché du coin de quoi diner, et Grace détestait aller seule au magasin, pour plusieurs raisons dont communiquer avec les vendeurs. Elle ne savait jamais quoi dire, et ça la gênait terriblement. Et puis, il faisait glacial et nuit, malgré les réverbères. 

Une fois arrivée, elle s'apprêta à entrer lorsqu'un jeune homme l'arrêta. 

— Grace !

Perplexe, elle ne répondit pas, et la mine heureuse du garçon se déconfit.

— Tu... Tu es bien Grace Wilson ?

— Heu... Oui, je suis moi. 

Un silence plana, et elle se reprit :

— Enfin, je suis Grace Wilson, donc, heu, je suis moi... 

Le jeune homme retrouva son air joyeux et poursuivit :

— J'étais aussi à l'audition ce matin, et je t'ai entendu chanter, c'était sublime ! Je suis passé après toi, et je doute de pouvoir gagner, ayant aperçu ta prestation. C'était magique ! Du coup, je voulais te le dire, et tout à coup pouf ! tu apparais là ! Incroyable. 

Grace écouta le jeune homme parler encore de longues minutes, et s'adonna à de l'observation. De la même taille qu'elle, il était fin mais bien posé sur ses deux jambes. Son visage au menton légèrement avancé et aux yeux bruns grands ouverts lui conféraient un air adorable. Ses cheveux châtains étaient en broussaille et un casque audio entourait son cou. Habillé chaudement lui aussi, il n'avait pourtant pas du tout l'air d'avoir froid. Lorsqu'il termina enfin sa tirade, Grace le regarda un moment avant de répondre :

— Heu... Merci ?

— Au fait je suis Evan. Evan Butternut. 

— Butternut ? C'est un nom de famille ça ?

Grace rit, mais devant la tête d'Evan se stoppa net.

— Désolée. Ça ne doit pas être facile tous les jours. 

— Comme tu peux le constater... Mais je m'y fais. Il faut bien, de toute façon. Enfin bref. Tu vis près d'ici ? demanda t-il pour changer de sujet. 

Son regard ne quittait pas l'afro-américaine, qui répondit prestement :

— Oui, et ma maman m'a envoyé faire une course. Du coup, heu, ben, je vais y aller. 

— Je t'accompagne ! lança Evan avant de se reprendre. Enfin, si tu veux bien. 

— D'accord, accepta Grace en repartant d'un bon pas.


° ° °

Après avoir acheté une soupe en sachet qui se cuisait en cinq minutes – et que sa mère adorait pour la simplicité de cuisson que ça permettait –, Grace et Evan sortirent du supermarché. Il faisait vraiment nuit noire et le jeune homme dit :

— Dommage qu'on ne voit pas les étoiles... 

Grace leva la tête vers le ciel et remarqua qu'en effet, au centre-ville les points lumineux ne se voyaient pas le moins du monde. 

— Je n'avais jamais prêté attention à cela. De chez moi on les voit, mais je ne m'étais pas doutée qu'en ville elles disparaissaient. Comme par magie, souffla t-elle pour finir. 

Evan grimaça.

— J'habite pas loin, mais il y a tellement de réverbères et de lumières de vitrines que je ne les vois que très rarement, et jamais depuis ma maison. 

Grace remarqua qu'il paraissait attendre quelque chose et elle comprit. Après une mince hésitation, elle proposa :

— Tu n'as qu'à venir chez moi. Depuis mon jardin, la vue est imprenable. 

Elle sourit, et le visage du jeune homme châtain s'illumina. 

— Avec plaisir ! 

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