𝐏𝐑𝐎𝐋𝐎𝐆𝐔𝐄
— S A N S M A N I E R E S —
負けるが勝ち
LE CIEL S'ASSOMBRIT déjà derrière les vitres de la salle de cours. Avec un soupir, je me laisse choir sur une chaise au deuxième rang tandis que mes camarades prennent place autour de moi. Je commence à peine ma première semaine de cette nouvelle année d'université et l'envie de décrocher me prend dès maintenant.
En même temps, lorsqu'on sait que j'ai commencé à neuf heures aujourd'hui et que ce dernier cours se finit à vingt-et-une heures, qu'il me faut une trentaine de minutes pour rentrer chez moi et que ma prochaine classe commence à huit heures tapantes demain, ma fatigue est compréhensible.
Cet emploi du temps a bien sûr ses avantages mais les inconvénients se font trop ressentir immédiatement. Je suis incapable de me concentrer, mes paupières sont lourdes et, les bras croisés autour de mon sac posé sur ma table, je fixe les murs bleus de l'endroit d'un œil vide durant de longues secondes.
Le tableau blanc est vierge. Le néon accroché au-dessus de celui-ci est déjà allumé tant la luminosité est basse. L'air est frais, laissant comprendre que la salle n'a pas été utilisée depuis plusieurs heures. Et, regardant le bureau vide de notre professeur que nous attendons tous en sortant nos affaires, je laisse échapper un bâillement.
Qu'est-ce que je ne donnerais pour rentrer chez moi, là, maintenant.
Une partie de moi se rassure tout de même avec l'intitulé de notre cours. Il s'agit d'une classe de méthodologie, ce dont notre formation manque cruellement. Lors des examens écrits de l'an dernier, je ne connais pas une seule personne ici qui n'a pas perdu des points sur la structure de son argumentation. Et, jusqu'à voir ce cours sur mon emploi du temps, j'avoue que je commençais un peu à désespérer.
Alors, même s'il prend place tardivement, je sais qu'il me sera utile.
Mes pensées sont coupées par la porte s'ouvrant brutalement. Les murmures des conversations autour de moi se taisent. Les trois filles à ma gauche finissent d'installer leurs ordinateurs et, laissant choir ma tête sur le mur de droite, je me dis que je ferais bien de faire de même.
Mais, présentement, je suis tellement fatiguée que je n'en ai pas la force. Alors je me contente de suivre du regard la femme qui vient d'entrer dans les lieux, son crâne rasé brillant sous la lumière des néons tandis que deux boucles d'oreilles créoles pendent à ses oreilles. Ses pas résonnent avec force sur le sol car formé par des escarpins noirs particulièrement soignés et ses longues jambes élancées sont habillées d'un jean taille basse brute. Au-dessus de celui-ci, un pull col roulé coupé au-dessus du nombril et sans manche laisse voir d'innombrables tatouages sur ses bras et un piercing sur son ventre.
Un murmure excité parcourt l'assistance. L'université est loin d'être un défilé de mode alors, qu'il s'agisse des professeurs ou des élèves, peu font l'effort de sortir le grand jeu. Et, de la part de la nouvelle venue, son élégance semble si simple et sans effort qu'elle arrache forcément un sourire admiratif.
Elle est jolie, confiante et souriante. De quoi redonner quelque peu d'énergie aux élèves endormis. Y compris moi.
Je me redresse sur ma table pour saisir mon sac et chercher l'ordinateur rangé à l'intérieur lorsque sa voix résonne.
— Je suis le professeure Andrews et je vous enseignerai la méthodologie cette année de sorte à éviter de retrouver les conneries que j'ai pu lire l'an dernier, lâche-t-elle d'une voix si enjouée en inscrivant son nom au tableau que quelques rires parcourent l'assistance.
Seulement, pour ma part, mes sourcils se contentent de se froncer et je me fige dans mes gestes. A peine la trentaine, sans doute encore étudiante parallèlement à son activité d'enseignante, une attitude décontractée et des paroles acerbes prononcées d'entrée de jeu... Je reconnaitrais entre mille ce type d'individus.
Les professeurs en quête d'approbation de la part de leurs élèves, ceux qui veulent se la jouer « cool » parfois — et souvent — au mépris de leur rôle premier qui est de nous enseigner. Ceux qui préfèrent être invité en soirée et abonnés aux comptes instagram de leurs élèves que de les noter normalement pour qu'ils ne se foirent pas aux examens.
Je hais ces gens-là. J'en ai vu trop participer activement aux harcèlements d'élèves sous couvert de « bonne blague ».
Malgré cela, je tente d'ignorer ma première impression. J'avoue que ces personnes m'ont tellement marquée, à fuir leur responsabilité quand leurs étudiants n'allaient vraiment pas bien pour mieux s'intégrer, que leur comportement pathétique et ridicule m'a poussée à me méfier à un point tel du corps enseignant que j'ai la sensation de retrouver ces abrutis partout où je vais.
Le professeure Andrews n'a prononcé qu'une phrase pour l'instant. C'est bien trop tôt pour former une opinion sur elle.
— Je vous ai tous envoyé un texte par mail, lança-t-elle en s'asseyant à son bureau, posant son manteau sur celui-ci. Vous aurez comme ça mon adresse-mail, gardez-la en mémoire si vous avez des questions.
Je me tourne de nouveau vers mon sac, prête à l'ouvrir pour de bon, cette fois-ci, lorsqu'elle prend de nouveau la parole :
— Je vous fais rapidement le topos. Cette semaine, vous allez travailler seul sur votre texte durant deux heures. La semaine d'après, je vous donnerai vos corrections un par un à l'oral durant la première heure puis vous retravaillerez seul sur un autre texte l'heure d'après. Et ainsi de suite jusqu'à la fin du semestre, ça vous va ?
Un murmure parcourt l'assistance et je devine aisément ce qu'il se dit car je partage cette pensée. Allons-nous vraiment devoir venir chaque semaine de dix-neuf heures à vingt-et-une heures pour faire quelque chose que nous pourrions — et faisons d'ailleurs déjà — chez nous ?
S'adossant sur son siège, elle range ses doigts dans les poches de son jean en prenant une position décontractée.
— Evidemment, trois heures ne suffisent pas pour décortiquer des textes de ce genre donc vous allez aussi faire la même chose chez vous le temps de finir tout cela et vous me l'enverrez par mail.
Abasourdie, je me contente d'écarquiller les yeux. Travailler sur des textes et envoyer le tout par mail correspond aux devoirs que nous avons dans la plupart des matières. En faire un cours c'est perdre notre temps mais aussi notre argent puisque nous avons payé cette année d'étude.
Cette femme n'a aucune envie d'être enseignante, elle veut juste combler ses heures de cours. Alors, au lieu de faire classe comme dans n'importe lequel de nos travaux dirigés elle nous donne une quantité astronomique de travail que nous allons devoir faire durant ses heures de classe.
Je fulmine. Cette femme est une flemmarde qui profite clairement du système de cette université. Elle ne travaille pas, s'assoit les doigts de pieds en éventail durant deux heures et est payée pour cela.
Je ne supporte pas ce genre de comportement.
— En moyenne, vous devrez passer dix heures sur chaque texte donc c'est à vous de trouver du temps chez vous pour...
Sa phrase meurt dans sa gorge lorsqu'elle me voit me lever brutalement. Ses yeux verts se posent sur moi sans que je ne lui accorde un seuil regard et je sens toutes les têtes de la classe se tourner vers moi.
Il est tard, j'ai froid, je suis fatiguée, j'ai cours demain et sûrement pas l'énergie de m'adonner à ce genre de conneries. Si elle veut une dissertation sur son putain de texte, je travaillerai dessus quand j'en aurais le temps et l'énergie, sûrement pas dans une classe glacée où je ne peux pas me tenir comme je veux ni chantonner pendant que je travaille et ce, durant deux heures d'affilées sans pause. Et encore moins en songeant que la dinde assise devant moi et qui va passer ces quatre demi-heures devant une série sur son ordinateur est payée pour cela.
— Qu'est-ce que vous faite ? demande-t-elle tandis que je passe une lanière de mon sac sur mes épaules.
Je lève les yeux au ciel à cette question. Encore un trait que je ne supporte pas chez certains professeurs d'université. Je suis majeure, adulte et ai payé pour être ici. Si je décide de quitter la classe pour rentrer chez moi ou juste aller pisser, je ne vois pas ce que ça peut lui faire.
Surtout que ce n'est pas comme si j'interrompais une classe puisqu'elle ne compte pas faire cours.
— Je me casse, je réponds simplement, passant derrière les trois jeunes filles qui avancent précipitamment leurs chaises pour m'aider à quitter leur rangée.
Une fois au milieu de la salle, entre les deux colonnes de tables et au centre de tous les regards, je ne m'embarrasse pas d'excuses et marche en direction de la porte d'entrée.
— Vous savez, si vous avez un rendez-vous, vous n'êtes pas obligée de passer par mon cours d'abord, vous pouvez directement y aller, me lance-t-elle tandis que je dépasse son bureau. Nous ne sommes pas au lycée, je ne préviens personne si vous êtes absente donc la prochaine fois, ne vous embêter pas à venir ici pour ne rester que quelques minutes.
Son ton est jovial, je devine un sourire sur ses lèvres. Elle n'a vraiment pas compris la situation. Jouant les femmes décontractées qui viennent davantage pour se détendre qu'autres choses et parlant sur un ton cassant, elle s'imagine peut-être se faire des amis en attirant les rires. Et cela aurait sans doute fonctionné au lycée.
Mais, comme elle l'a si bien dit, nous ne sommes pas au lycée. Nous tous ici avons payé notre inscription et nous attendons à recevoir des cours dignes de ce nom. Surtout quand ceux-là se terminent à vingt-et-une heures en semaine.
— Je n'ai rien de prévu, je réponds simplement en me tournant vers elle, la main déjà posée sur la poignée de la porte. Je ne vois juste pas pourquoi je vous respecterai en venant à vos cours si vous ne me respectez pas assez pour en donner, sachant que j'ai fais le déplacement jusqu'ici et que j'ai payé cette classe.
Je vois nettement son visage se décomposer. Sans doute ne s'attendait-elle pas à ce que je sois aussi franche. Mais, après des années passées dans divers milieux où j'ai dû hurler pour m'imposer et qu'on cesse de me marcher sur les pieds, j'ai depuis longtemps perdu la peur de dire ce que je pense.
Ses sourcils se haussent au-dessus de ses yeux verts tandis qu'elle redresse la tête, faisant teinter ses boucles d'oreilles dorées ressortant vivement à côté de ses très courts cheveux roux.
— Sous-entendez-vous par là que je ne travaille pas ? demande-t-elle, un sourire de façade sur les lèvres pour essayer de se donner de la contenance, prise au dépourvu.
— Je ne sous-entend pas, je l'affirme, je réponds sans embarras tandis que quelques exclamations retentissent parmi les élèves à ma gauche.
Ses sourcils se froncent et je vois de la colère dans son regard mais elle se contient. Sans doute n'a-t-elle pas envie de passer pour l'enseignante normale qui réprimanderait un de ses élèves dans ce genre de situation, ce qui serait logique. Non, elle, elle veut que nous continuions à la voir en cool professeure qui ne se laisse pas démonter et rit de tout.
Et j'avoue que ça me déçoit. Même si cela aurait été humiliant, j'aurais préféré qu'elle me hurle dessus et me renvoie.
Mais non, elle se contente d'un sourire stupide.
— Je vais tout de même corriger vos quarante copies toutes les deux semaines et j'ai d'autres classes, vous ne vous rendez pas compte que c'est un travail énorme.
— A qui la faute ? je rétorque d'une voix brutale, agacée. Vous avez choisi de nous mettre des devoirs toutes les deux semaines là où vos collègues en mettent maximum trois par semestre et justement par manque de temps. Si vous faisiez cours au lieu de vous foutre de nous, vous n'auriez pas ce problème.
Ses yeux s'écarquillent en entendant ces mots. Je n'y vais pas de main morte, cela est sûr.
— Ecoute, reprend-elle avec un sourire nerveux et visiblement forcé, je ne t'ai pas manqué de respect alors...
— Je ne vous ai pas autorisé à me tutoyer, je la coupe, le visage inexpressif mais mon sang commençant à bouillir dans mes veines.
Sa mâchoire se contracte brutalement et elle abandonne immédiatement son sourire.
— Ce n'est pas parce que tu as payé cette année que tu peux te permettre d'agir comme si c'était l'université de ton p...
— Je ne vous ai pas autorisé à me tutoyer, je répète.
Au moment où je prononce cette phrase à nouveau, je le réalise à son visage, j'ai réussi à la faire craquer. Et, malgré les beaux draps dans lesquels je viens de me glisser, je ne peux m'empêcher de tirer satisfaction de son visage rougi et ses veines apparentes tandis qu'elle se crispe sur son bureau, retenant visiblement un geste physique contre moi.
La seule chose que j'aime chez ceux que je hais est le moment où je les pousse à perdre pied. Car il trouve toujours là-dedans un je-ne-sais-quoi d'humiliant qui les mène à garder un souvenir amer de mon visage.
Et c'est quand ils craquent, que leurs veines apparaissent, que leurs voix augmentent en intensité et que leurs mots dépassent leurs pensées que je sais que j'ai gagné. La simple idée d'une victoire me pousse à laisser un rictus presque imperceptible étirer mes lèvres.
Celui-ci, la professeure le surprend. Et il n'attise que davantage sa colère.
— Ecoute-moi bien, petite peste, tu as peut-être envie de jouer les marioles devant tes camarades mais l'époque du lycée est révolue. Ce n'est ni cool, ni thug ou je-ne-sais-quoi de manquer de respect à son professeur alors...
— Ce n'est pas non plus cool de manquer de respect à ses élèves, je la coupe, mon visage affichant toujours une moue impassible. Et, au risque de me répéter, je ne vous ai pas donné l'autorisation de me tutoyer.
Là, j'ai atteint le point de non-retour. Sa chaise racle le sol lorsqu'elle se lève brutalement et, pointant la porte derrière moi du doigt, lâche d'une voix si fébrile que je sens qu'elle use de toutes les ressources de son corps pour ne pas hurler :
— Dehors. Tout de suite. Et ne reviens jamais dans cette salle de classe.
Un sourire incurve mes lèvres. De la provocation. Elle est si bien partie, je veux la pousser à bout, la mener à craquer. Car, si elle voulait jouer à la petite dame irrespectueuse et fière de l'être avec moi, se foutant de ses élèves et en étant fière, elle apprendrait à ses dépends qu'elle était tombée sur une mauvaise cliente.
Voyant mon sourire, elle en laisse aussi un étirer ses lèvres. Je jubile intérieurement, pressée d'entendre sa réponse.
— Tu as voulu jouer à la plus maligne, tu vas perdre, lâcha-t-elle tandis que sa peau claire est maintenant cramoisie. Comme tu n'auras plus cours avec moi, tu auras zéro sur tous tes devoirs et comme ceux-là forment la moitié de la note du partiel final, à moins d'avoir un vingt à celui-ci, tu n'auras pas la moyenne et ne valideras pas cette matière. Alors sois tu réussi au rattrapage, que je corrige sois-dite en passant, sois tu foires cette épreuve lamentablement. Et tu foireras cette épreuve lamentablement.
Une explosion de chaleur se ressent dans mon estomac. Nous y sommes. L'erreur fatale. La frontière à ne pas dépasser.
Quarante élèves viennent d'être témoins du fait qu'elle comptait saboter mon examen puis mon épreuve de rattrapage. Même si elle ne l'a pas clairement déclaré, le sous-entendu est présent. Cela se devine d'ailleurs aux quelques exclamations que nous entendons parmi les rangées.
Mais je les fais taire d'une simple phrase.
— Qui est votre directeur de thèse ?
Son visage se décompose brutalement. Ses joues rouges redeviennent blanches en un battement de cil et ses bras levés dans un signe de colère retombent le long de son corps.
— Pardon ? demande-t-elle, prise de court.
Un sourire insolent prend place sur mes lèvres. Je fais un pas en sa direction.
— Vous venez de menacer de saboter mon examen et donc mon avenir. C'est un abus de pouvoir et je souhaite en référer à votre directeur de thèse, j'explique. Alors je souhaite son nom.
Je peux presque entendre les mille et unes pensées qui traversent son esprit lorsqu'elle prend conscience des mots que j'ai prononcé. Menace. Ce sont des menaces. Et elle risque en effet gros si son supérieur vient à apprendre ce qu'il s'est produit.
Le renvoie. Peut-être même la perte des subventions allouées à la thèse qu'elle écrit, qui sait ? Et si elle n'a plus d'argent pour écrire sa thèse, celle-ci tombe à l'eau et son avenir aussi. Elle qui a tenté de menacer le mien il y a un instant doit s'en mordre les doigts maintenant.
L'arroseur arrosé.
— Vous croyez pouvoir me menacer ? rétorque-t-elle, outrée.
Je note tout de même le retour au vouvoiement qui ne serait pas survenu si elle n'avait pas un peu peur de ce que j'ai déclaré. Je jubile.
Qu'est-ce que j'aime remettre les cons à leur place.
— Effectivement, je réponds simplement. Vous êtes loin d'être intouchable.
— Je suis votre professeure..., tente-t-elle de contester.
— Qu'il s'agisse du collège, du lycée ou de l'université, le rôle d'un professeur est de me guider, pas de s'essuyer les pieds sur moi. Celui qui me manque de respect devrait s'attendre à ce que je fasse de même en retour, je lâche. Vous avez voulu me traiter comme votre subalterne, voilà où vous en êtes maintenant.
Je vois bien que j'ai touché une corde sensible, qu'elle ne s'attendait pas à une telle conversation en entrant dans cette salle, que la façon dont les choses se déroulent maintenant l'outre profondément. Peut-être même qu'elle se demande si elle ne rêve pas.
— Vous vous croyez où, au juste ? rétorque-t-elle, ses sourcils se fronçant. Vous n'êtes pas dans une de vos séries...
— Justement, je suis dans la réalité. Et j'ai réellement travaillé pour payer mon année, ce cours m'a réellement demandé des efforts pour que je puisse y accéder, vous manquez réellement de devoirs envers votre métier, vous m'avez réellement menacée d'estampiller mon avenir donc je vais réellement voir votre directeur de thèse.
Elle ne répond rien. Je sais qu'elle ne sait tout simplement pas comment se défendre. Alors j'insiste, savourant le désemparement sur ses traits.
— Son nom, s'il-vous-plaît.
Ma formule de politesse lui arrache un spasme de colère qui me fait intérieurement rire mais je n'en laisse rien paraitre. Elle sait que déjà trop de témoins ont écouté cette conversation compromettante. Alors, si elle refuse de me communiquer ce nom, elle ne fait que s'enliser davantage dans ses problèmes.
Elle lâche un soupir, vaincue, avant de déclarer :
— Sieg Jäger.
Un sourire profondément gentil étire mes lèvres, acte ultime de provocation. Et je lâche simplement :
— Merci sincèrement, professeure.
Là-dessus et savourant l'éclair de colère dans ses yeux, je tourne les talons et ouvre la porte, quittant les lieux. Mais je ne suis pas dupe, elle va se venger. Je le sais.
J'ai marqué un but. J'attends la riposte.
ꕥ
Mon téléphone indique neuf heures du matin. J'amorce ma deuxième et dernière heure de ce cours avec lequel j'ai commencé mon mardi. Hier, ma dispute ave le professeure Andrews m'a permis de rentrer plus tôt me reposer mais je suis quand même encore un peu dans les vapes. Alors, profitant de la pause que le professeur Traoré nous accorde, je me détends.
J'apprécie vraiment la pédagogie de ce monsieur. Ma première journée de cours de l'année s'étant tenue hier et n'ayant pas bien finie du tout, j'ai un peu appréhendé celle-ci. Mais, avec son calme olympien et sa volonté de motiver le travail de groupe, ce monsieur d'une cinquantaine d'années a su me conforter.
Même s'il nous a réuni en équipe de cinq et poussé à faire des recherches de notre côté, il ne s'est pas assis devant une série. Régulièrement, il passe entre les tables pour s'assurer que tout se déroule bien et prend le temps de répondre à nos questions. Il fait réellement cours, même s'il ne parle pas durant deux heures d'affilées. Contrairement à madame Andrews.
La plupart de mes professeurs ne me posent honnêtement aucun problème. J'ai plus de difficultés avec certaines méthodes d'enseignement que d'autres mais je ne me considère pas légitime de remettre en cause tout ce qui ne me convient pas. Et, partant du principe que tous les enseignants que j'ai connu pour l'instant m'ont clairement fait l'impression d'avoir préparé leurs cours en amont ou au moins d'être prêts à m'enseigner quelque chose, jamais je n'ai fait part de mon opinion défavorable quant à leur façon de mener leur classe car je considère cela comme du manque de respect.
S'ils travaillent réellement, je n'ai rien à dire sur leur méthode.
Ce qu'il s'est passé hier, en revanche, est différent. Madame Andrews n'a rien fait pour notre classe et se moquait clairement de nous. Même si certains élèves désapprouvent la façon que j'ai eu de la pousser à la faute, je sais que tous sont d'accords sur le fait que son plan d'origine — d'attendre sagement que l'heure passe — était irrespectueux envers ceux qui avaient fait le déplacement, avaient payé cette classe et restaient tard pour y assister.
Je n'ai pas encore eu le temps de contacter ce dénommé Sieg Jäger. Mais son nom ne m'est étrangement pas inconnu.
Je ne sais honnêtement même pas si je vais prendre rendez-vous avec lui, en fin de compte. Pour accuser un professeur, il faut être prêt à prendre certains risques. Et si je n'ai pas de preuves de ce que j'avance, c'est moi qui vais être virée et qui gâcherai mon avenir.
Seulement les preuves sont des témoignages. Et, si la plupart des élèves m'ont félicitée de ne pas m'être laissée faire ou m'ont simplement remerciée d'avoir pris la parole en critiquant néanmoins mes méthodes, je sais que rares seront ceux prêts à risquer de prendre une plainte pour dénonciation calomnieuse de la part du professeur en témoignant contre elle.
Or je ne compte pas me présenter, la bouche en cœur, devant ce dénommé Jäger sans aucune preuve. Le spectacle d'hier était aussi intéressant que divertissant mais peut-être n'aura-t-il pas de suite, finalement.
Enfin, jusqu'à la prochaine manche.
Comme si l'univers avait entendu ma réflexion intérieure, la porte de la salle s'ouvre soudainement. Les quelques élèves restants qui prenaient leur pause à l'intérieur de la salle se tournent vers la nouvelle venue ainsi que notre professeur, assis à son bureau.
Un joli visage rond profondément doux à l'air quelque peu fatigué balaye la salle du regard. Ses yeux sombres ressortent tant sa peau est pâle et ses longs cheveux lisses, noirs. Elle porte un pull par-dessus une jupe longue lui donnant une allure de mère épuisée qui me rassure.
— Je vous prie de bien vouloir excuser mon interruption, professeur, mais je viens chercher une élève, annonce-t-elle.
Sa voix est douce.
— Allez-y, je vous en prie, rétorque-t-il avec un sourire aimable.
Elle acquiesce pour le remercier et se tourne vers les tables.
— (T/P) (T/N) ? appelle-t-elle.
Quelque peu surprise, je mets quelques instants avant de réagir.
— Oui ? je rétorque après un bref silence, intriguée.
Ses iris se posent sur moi et j'entends la classe murmurer des paroles, excitée, lorsqu'elle prononce ces mots :
— Le professeur Sieg Jäger souhaiterait s'entretenir avec vous. Suivez-moi.
負けるが勝ち
3895 mots.
voici le prologue de ce
sieg x reader.
il ne se passe pas grand
chose, évidemment, mais
j'espère qu'il vous a tout
de même plu.
:)
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