Alunissons - Erehisu
« Comment on a pu en arriver là?
Malgré une infinité de trajectoires possibles
Le destin a choisi de nous mener à cet instant précis dans l'univers
Qui aurait pu prévoir ce que le passé nous réservait? »
Installée sur cette chaise en bois grinçante, Historia cherchait le sommeil dans le ciel lunaire qui s'offrait à elle, à travers sa fenêtre. Sa lumière nacrée reflétait sur sa peau pâle ses biens tristes pensées. Celles qui l'empêchaient de trouver ses draps, celles qui lui arrachaient toute possible tranquillité.
Les étages surplombaient l'espace où elle se trouvait. En haut d'une tour, comme une princesse de conte de fée. Mais elle était reine, et de fantaisie, le monde en était dénué.
Ses prunelles azures s'étalaient sur cette vision qui semblait infinie. La jeune fille ne s'était jamais habituée à cette hauteur, à cette vue, à ce que sa chambre où elle dormait depuis deux ans lui montrait tous les soirs. Une vue sur toute la ville. Une vue sur une infime partie de ce que l'univers avait en réserve, certes. Mais cette part était pleine d'âmes qui connaissaient la sienne, et qui comptaient sur elle.
La petite blonde était devenue la figure principale du pays depuis longtemps maintenant. Elle ne pouvait que ressentir le poids des volontés, des désirs, des idéaux qui reposaient sur ses épaules. Pourtant, curieusement, l'adolescente n'endossait pas ce rôle avec déplaisir. Il était nécessaire, pour le peuple, d'être débarrassé de cet ancien régime, où manipulations et intrigues politiques désastreuses s'étaient enchaînées au nom d'un faux roi. La hauteur d'un tel siège qu'on lui avait promis l'avait premièrement terrifié, mais ses responsabilités lui semblaient aujourd'hui justifiées, et lui accordaient de plus une occasion pour se vider l'esprit chaque jour.
Eviter de penser. Ne se préoccuper que du royaume. Eviter de penser.
Eviter de lire cette lettre.
Les jambes d'Historia la titillèrent. Son corps lui faisait encore une fois passer un message douloureux. Mais son esprit tenait à garder sa raison claire, et la lecture de ces mots n'était que déstabilisation pure et simple. Elle le savait.
Son regard l'amena à toiser un instant cette lettre qu'elle avait laissé à découvert, sur sa table de nuit.
La jeune fille n'avait parcouru le papier de ses yeux qu'une seule fois. Pourtant, l'histoire que Ymir avait laissé derrière elle s'était gravée en sa personne comme une ritournelle infinie. Elle tournait dans sa tête dès que les préoccupations de la reine n'étaient pas emplies de devoirs.
Le visage impassible, ses iris éperdus dans le bleu froid de cette nuit chaude, les seuls bruits qui lui tenaient compagnie étaient ses propres soupirs, ainsi que les grincements de sa chaise. Sa respiration lente, qu'elle désirait tranquille, et les exaspérations qu'elle poussait contre elle-même.
La jeune femme l'attendait.
Cette dernière se redressa doucement de là où elle était installée, provoquant encore une fois ces bruits désagréables qui troublaient son silence obscur. Elle s'approcha de sa fenêtre jusqu'à s'adosser contre celle-ci. L'heure lui était inconnue, et elle préférait de toute évidence ne pas compter le sommeil qu'elle avait déjà perdu.
La ville qui s'étendait devant ses yeux était totalement éteinte. Pas une lumière ne voguait dans les rues, si ce n'est celles des soldats en garde à l'entrée du quartier général. Beaucoup d'autres devaient divaguer sur les pavés, vérifiant que tout se déroulait pour le mieux, mais il ne lui était guère possible de les distinguer. Les toits noirs des maisons du peuple étaient en grande majorité ce qui se dressait face à elle si elle baissait ses pupilles.
Lorsque Historia réorienta son regard bleuté vers le ciel, les premiers pas se firent entendre à son ouïe. Éloignés, elle devina que la personne attendue était en train de monter les escaliers de sa tour. Elle ne tarderait plus à pénétrer dans cette vaste pièce qui lui servait de chambre.
Un léger poids s'attarda un instant sur sa poitrine. Lorsqu'elle avait accepté, elle n'avait ressenti aucune culpabilité, aucune panique, aucun doute. Les jours s'étaient écoulés sans qu'elle ne pense particulièrement à ce qui allait arriver. Après tout, elle savait que cette personne ne lui requerrait pas le moins du monde une telle chose si ses motivations n'étaient pas les bonnes.
Les pas se firent de plus en plus proches.
Est-ce que j'ai fait le bon choix, en acceptant?
L'importance qui semblait émaner de cette demande l'avait convaincu de suite. La jeune femme lui faisait confiance. Mais elle avait tout de même réclamé des explications, qu'il devait lui offrir ce soir-même.
À sa propre surprise, un léger sourire vint peindre ses lèvres roses en se remémorant la tête du jeune homme lors de cette conversation.
Il était si grand, si important. Il avait été vital, pour leur monde. Et pourtant, il rougissait à sa propre requête, qu'il craignait d'être profondément déplacée. Elle l'était, dans un sens. N'importe qui d'autre que lui ne pouvait pas prononcer ces mots. Il devait sans doute être même le seul. Pourquoi le seul ? Pourquoi lui ? Il s'agissait de questions auxquelles les réponses apparaissaient à la petite blonde comme évidentes.
La marche de son invité se stoppa devant l'imposante porte qui les séparait l'un de l'autre. La pression s'était un peu plus emparée du corps et des membres d'Historia. Il fallait croire que cette situation la mettait tout de même mal à l'aise. Pourtant, elle demeura statique, et resta dos à la pièce même quand elle entendit l'entrée se dérober dans un lent mouvement prudent.
Le poids du trajet du jeune homme résonnait dans la totalité de la chambre. L'adolescente le devina ainsi en train de s'avancer jusqu'à elle.
Sa démarche était lourde.
Était-il pesé de venir en ces lieux ? De venir accomplir ce dont il avait besoin ?
- Personne ne t'a vu ? Les lèvres de la jeune fille murmurèrent, débutant l'échange.
Elle écouta la profonde inspiration que le visiteur prit. La reine de ce pays ne le confrontait toujours pas visuellement, et ses pupilles étaient toujours égarées sur l'horizon du soir. Elle ne pouvait empêcher la gêne de transposer sa poitrine, mais elle tachait de ne pas la faire ressortir dans ses verbes.
- Non, souffla la voix caverneuse d'Eren qui venait enfin d'arriver jusqu'à elle.
Sa présence se fit ressentir par la chaleur qu'il dégageait une fois près d'elle. Le temps était aux hautes températures, mais la nuit était paisible de ce côté-là. Elle n'était pas mécontente de la retrouver ainsi chez celui qu'elle attendait.
- Tu en es sûr ? Vérifia-t-elle, toujours d'une voix douce.
Elle devina son hochement de tête, alors qu'il s'adossait lui aussi contre cette fenêtre. Mais il ne contemplait pas la vue. Il s'était positionné sur le côté, de sorte à la confronter, elle.
- Je dois apprendre à me faire oublier, lui confia-t-il comme preuve.
Intriguée, elle dirigea une bonne fois pour toutes ses yeux bleutés dans sa direction.
Ce qu'elle y découvrit la prit de court.
La reine n'avait jamais pu observer le visage d'Eren peint de teintes aussi rosâtres.
Hébétée, ses yeux parcoururent quelques instants le visage désarmé de son camarade qu'elle côtoyait depuis des années, dévoilé par les reflets de la lune. Visiblement, il était encore plus stressé qu'elle. Cela eut pour effet de la rassurer instantanément. Après ces quelques secondes de surprise, elle ne put empêcher un léger souffle d'amusement de traverser son nez.
- Hé. Qu'est-ce qui te fait rire? Grommela-t-il.
Alors qu'il n'avait pas encore osé affronter son regard, il planta ses iris de cressons dans les siens. Mais la gêne caressait toujours ses joues, et cette teinte églantine ne le quittait pas.
Historia haussa les épaules, une esquisse de sourire encore présente au coin de sa bouche.
- Oublie, évita-t-elle, amusée.
- Mouais.
Le garçon se renfrogna quelque peu durant un court moment, mais il préféra finalement se joindre à l'humeur de son amie. Ils échangèrent un nouveau regard qui réitéra ce flottement léger.
- Je suis vraiment.. euh, débuta-t-il avec hésitation, après un petit silence. Je sais que c'était bizarre de te demander ça et-
La reine rougit à son tour. Elle garda néanmoins un sérieux qu'elle avait appris à conserver durant ces deux années sur son trône.
- Tu ne me l'aurais jamais demandé sans raison valable, affirma-t-elle pour tenter de chasser le malaise qui régnait encore entre les deux jeunes gens.
Elle se détourna légèrement de la fenêtre, mais conserva son adossement sur cette dernière. La petite blonde planta ses yeux ardoise dans ces iris si forts en conviction et si fermes d'ambition. S'ils s'apprêtaient tous les deux réellement à faire cela ce soir, elle voulait en connaître les raisons. Il lui était indispensable de connaître au moins une bribe des idées de cet impulsif jeune homme.
- Pourquoi, donc ? Le convia-t-elle avec un ton peut-être un peu trop autoritaire.
Le grand brun demeura muet durant quelques secondes de plus. Il glissa l'une de ses mains dans sa chevelure brune nouvellement longue, et prit le soin de les attacher. Peut-être pour gagner du temps, et chercher ses mots. Historia l'observait.
Elle pouvait noter chaque transformation physique qui avait eu lieu chez le jeune homme depuis tous ces ans passés à ses côtés, quand bien même ils avaient finis par uniquement se croiser. Les réunions où ils se rencontraient étaient devenues de plus en plus rares, et elle avait été ainsi plus à même de constater à quel point cet homme titan avait évolué, autant par l'apparence que par le regard. Ces prunelles de jade se vidaient chaque jour de la flamme qui les avait un jour remplie pleinement.
Eren Jäger devenait livide. Pourtant, il semblait résonner de mille émotions, au creux de lui.
- Je quitte l'île du paradis dans quelques mois, comme tu le sais, ses mots graves étaient clairement énoncés, et Historia ne laissait pas un seul d'entre eux échapper à ses oreilles.
- Oui, comme il est prévu, confirma-t-elle en patientant pour la suite.
C'était une mission de la plus haute importance. Une mission qui avait été débattue et décidée, et qui brisait les règles pacifiques qu'on avait tenté d'instaurer avec le peuple de Mahr. Une mission où Eren avait pris le déroulement des événements sous sa charge. Connie, Mikasa, Sasha, Armin, Livaï et Jean se passeraient d'Eren, qui avait décidé d'infiltrer les terres voisines, durant une durée indéterminée. Très peu de personnes connaissaient les véritables détails du but final.
Le jeune homme lâcha un bref soupir avant de reprendre.
- Historia, chuchota-t-il dans un mince souffle, j'ai besoin que tu tombes enceinte de moi.
- C'est ce que tu m'as dit, oui, la petite blonde restait digne face à cette requête et à ces mots si importants.
- Il faut que je sauve quelqu'un, lui avoua-t-il un peu plus fermement, et pour cela, j'ai besoin de la faire renaître.
Il s'approcha un peu plus d'elle. Sa présence paraissait si imposante. La jeune reine était si petite, en face de lui. Une intimidation particulière commença à naître au sein du bas-ventre de la jeune femme. Lorsque la main longiligne d'Eren s'approcha de son visage, et que celle-ci l'effleura pour ensuite la déposer délicatement sur sa joue, l'adolescente constata le trouble qui naquît au sein d'elle-même.
- Je possède l'axe, lui affirma-t-il, doucement, veillant à être le moins brusque avec celle qu'il respectait plus que tout autre. J'ai besoin d'un membre de la famille royale.
- Qui veux-tu faire renaître? Le questionna-t-elle, attentive, mais en profonde incompréhension.
Son visage se peignit d'une immense frustration. Les traits de l'impulsif trahissaient son désir de tout lui dire, de lui confier l'intégralité de ce qu'il contenait au plus profond de son cœur.
- Je ne peux pas te demander de garder un tel secret, Historia, l'un de ses doigts caressa avec affection sa joue. Il avait conservé cette teinte embarrassée, mais il souhaitait plus que tout que la reine le comprenne. J'aimerais être totalement honnête, mais si je fais ça, je vais t'entraîner dans ma chute.
L'expression qu'affichait Eren donnait envie à la petite reine de le croire. Elle espérait sincèrement que ce qu'il avait l'intention de faire ne le mettrait pas en danger, néanmoins.
- Est-ce que c'est pour notre bien? Demanda-t-elle dans un ton qui annonçait que cela serait sa dernière interrogation. Intérieurement, l'accord avec déjà été donné pour la jeune fille. Pour le bien de l'île ?
La petite main d'Historia vint se joindre à celle qui ornait sa joue. Leur contact provoqua une nouvelle vague de chaleur dans leur poitrine, réciproquement. Ils comprirent mutuellement qu'ils ressentaient la même chose face à cette proximité. Était-ce à cause de l'axe, du sang de la famille royale, qui ne demandaient qu'à faire qu'un à nouveau ? Ni l'un ni l'autre ne pouvait offrir de réponse. Mais l'ardeur qui commençait à s'immiscer dans leur peau prenait le dessus sur cette question.
- Je veux nous sauver, murmura-t-il, approchant son visage du sien, l'air grave. Quitte à éliminer tout le reste.
Un vif choc traversa la mine d'Historia. Son souffle trembla face à cette révélation. L'autre main d'Eren compléta sa douce étreinte sur son visage pour tenter de la calmer.
Ils se dévoraient l'un et l'autre des yeux, sans pouvoir s'en empêcher. Leurs soupirs, plus profonds, plus rapides, se mélangeaient, et dansaient ensemble dans une envie commune.
Après un temps, la jeune fille lui annonça solennellement :
- Je te fais confiance.
Les lèvres d'Eren affichèrent un sourire. Un sourire peiné et gratifiant, qui ne dégageait rien d'un quelconque bonheur sincère. Ce qu'il s'apprêtait à faire chez les Mahrs allait sans doute lui coûter. Il allait sans doute sacrifier énormément, plus que ce que tout être aurait pu supporter. Un mince rire cynique s'échappa de sa bouche. Il baissa la tête.
- Je dois gagner celle de mon frère, et perdre la leur, annonça-t-il, avec un chagrin déguisé sous une expression sarcastique.
- Eren..
- Je n'ai pas envie de vous perdre, poursuivit-il. Sa voix, éraflée par ce qui le rongeait, avait désormais du mal à articuler ses envies. Même si pour cela, vous devez me détester.
La sévérité qui se dégageait de ses termes camouflait l'amertume intense que tout cela lui infligeait.
Celle qui représentait le pays se tut. Elle ne prit pas la parole, et ne pouvait recevoir la peine du garçon qu'en elle.
Elle réduisit la distance peu importante qui les séparait pour se nicher dans les bras du grand brun. Ses doigts s'agrippèrent au t-shirt noir qu'il ornait. L'intégralité de son corps collé contre le sien, Historia souhaitait apporter tout le soutien qu'elle était capable d'offrir à celui qui s'apprêtait à tant souffrir. Dénués de pensées charnelles, ses membres l'avaient entouré pour tenter de lui ôter une partie de l'affliction qu'il portait.
- Historia.. lâcha Eren sous la surprise.
- Tais-toi, lui ordonna-t-elle.
Le jeune homme, prit au dépourvu, se contenta d'obéir.
Il lui rendit son étreinte calmement, longeant minutieusement de ses bras le dos de son amie. Elle portait une grande robe de nuit blanche, légère, et le tissu était d'une qualité royale qu'il pouvait toucher et reconnaître aisément. Le chignon qui se dressait au bas de sa tête dissimulait sa longue chevelure de blé.
Dans un geste que son corps sembla exécuter sans consulter sa volonté, Eren remonta ses mains jusqu'à celui-ci, et commença à le défaire. Historia émit un petit sursaut en sentant le garçon entremêler ses doigts dans ses boucles blondes, mais se détendit vite et patienta pour qu'il achève ce qu'il venait d'entreprendre.
- Tes cheveux sont longs, constata Eren alors qu'il ôtait le dernier élastique de ceux-là.
- Tu ne saurais tarder pour me rattraper, plaisanta-t-elle amicalement.
Le soldat s'esclaffa paisiblement. Les mots de la jeune fille provoquaient un souffle chaud sur le torse de son invité.
Ils demeurèrent une minute, puis plusieurs minutes, dans cette position, sans rien ajouter. Leur corps enlacés respiraient dans un même rythme la tension de cette nuit qu'ils partageaient.
Finalement, le grand brun finit par se détacher délicatement d'elle. Une fois séparés, il contempla la beauté de celle qu'il n'avait jamais semblé remarquer auparavant. Ce petit bout de chair lui avait toujours semblé si enjoliveur, mais si fade à la fois.
Depuis qu'elle avait perdu Ymir, elle avait retrouvé ce qui la caractérisait : le vide. Celui qui l'emplissait, celui qui s'intégrait depuis toujours dans les parcelles de son corps. Celui qui lui rappelait qu'elle n'était qu'une âme sans couleurs, sans passion, sans traits de caractères. Pourtant, au fil du temps et des épreuves qu'ils avaient traversé ensemble, avec les autres, mais surtout tous les deux, elle devenait vraiment elle.
Elle. La reine de ce royaume. Une reine à l'humble personnalité qui comprenait les plus faibles et les plus démunis. Une reine qui possédait la force et le courage nécessaire pour terrasser un titan alarmant de ses mains. Une reine qui affrontait ses peurs pour frapper un caporal grognon sous les yeux ébahis de tout le monde.
Christia avait toujours été un brin de femme charmante et agréable à regarder. Eren ne s'était jamais caché à lui-même que sa beauté avait un jour peut-être pu le troubler.
Mais Historia était ensorcelante. Et puissante. Le garçon titan était admiratif de ce qu'elle était réellement, et se sentait perdre pied face à la vue de ce visage d'ange.
Il voulut lui dire qu'elle était belle, mais une barrière de fierté l'en empêcha. Il se contenta de détourner le regard.
Il avait besoin d'elle. Pour sa mission. Mais il sentait que son cœur lui chuchotait tout autre raison qu'il avait du mal à admettre.
Cette fois, ce fut au tour de la petite blonde de le ramener à elle. Elle lui prit doucement le visage, tendrement, et s'approcha à nouveau de lui. Les lèvres d'Eren s'abaissèrent presque jusqu'à elle. Éperdu dans ses yeux saphir, il eut le plus grand désir de joindre sa bouche à la sienne. Et il sentait qu'il en était de même pour Historia.
Le soldat déposa ses mains autour de la nuque de cette dernière, et prit possession de ses lèvres dans un geste d'abord délicat. Les deux jeunes gens apprécièrent avec une certaine satisfaction cette union, et une agréable chaleur s'empara d'eux-mêmes au fur et à mesure que leur baiser s'intensifiait.
Des papillons semblaient voler dans le bas du ventre de chacun. Leurs langues valsaient dans une danse d'excitation qu'ils se surprenaient à partager autant. Lorsqu'ils durent reprendre leur souffle, ils constatèrent le désir qui régnait chez l'un et chez l'autre, et ils ne purent attendre plus longtemps pour joindre à nouveau leurs lèvres. Leurs corps, en parfaite harmonie, chantaient l'envie et leur besoin de ne faire qu'un.
Les pensées d'Historia voguaient dans tous les sens. Elle n'aurait jamais pensé éprouver cela un jour, et même plus particulièrement avec Eren. Pour la reine, il n'y avait toujours eu qu'Ymir. Il n'y avait toujours eu qu'une seule et unique personne qui l'avait comprit, et qui l'avait entièrement accepté.
Pourtant, au sein de cette nuit où pour la première fois elle s'apprêtait à se donner, elle était heureuse. Elle sentait la vive folie et la chaleureuse joie qui s'était emparée d'elle dès qu'elle était entrée en contact avec le soldat. Lorsqu'il posait ses yeux sur elle, elle revoyait un semblant de celle qui avait jadis eu son cœur, deux ans auparavant. Mais c'était une émotion plus franche, plus présente, plus complète, et elle ne pouvait stopper ce qui était en train d'arriver. Elle en était incapable, et n'en avait pas la volonté. Elle le voulait à elle, ce soir, et partager avec lui le grand désespoir qu'ils connaissaient.
Peut-être qu'ils étaient désormais les seuls à se comprendre l'un et l'autre. Peut-être qu'ils avaient dû grandir, mûrir et changer, pour enfin se rendre compte de leur similarité. De leur grande solitude commune, qui ne pouvait être comblée. Sauf peut-être par leur unité.
Dans leurs baisers ardents de tendresse et de passion, ils se criaient silencieusement leurs émotions. Ils savaient ce monde fou, ils savaient que rien n'avait de sens, ils savaient que rien ne pouvait être parfaitement blanc. Mais ils savaient également que le jour suivant, ils devraient à nouveau affronter ces vérités, y faire face, et résister. Donc ce soir, dans cette proximité qui leur dévoilait à tout deux leurs sentiments autrefois cachés, ils devaient en jouir. Jouir de ce moment, jouir de cet instant où les secondes semblaient permanentes.
Devenir éternité au cours de cette nuit, où seule la lune les éclairait.
Aimer, même pour un court moment.
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