→ 𝐒𝐢𝐫𝐢𝐮𝐬 𝐁𝐥𝐚𝐜𝐤 - Rᴇᴛʀᴏᴜᴠᴀɪʟʟᴇs
⸺ Expelliarmus ! hurla une voix dans le vacarme.
Harry, me fixant d'un air meurtrier, fut stupéfait. Son visage passa d'une rage non contenue à une expression de frayeur. La baguette avec laquelle il me menaçait venait de lui échapper des mains. Un cri retentit également : les baguettes que tenaient Hermione venaient de tomber également. Je relevai difficilement la tête : Pattenrond, allongé sur moi, me comprimait la poitrine. Je pus cependant apercevoir Remus qui tenait les trois baguettes dans sa main tremblante.
Harry se tenait dans un recoin de la pièce, le regard vide. Harry...
Mon filleul.
Dit comme cela, je voulais bien croire que c'était étrange. Et pourtant, c'était la vérité. James et Lily m'avaient désigné « parrain » de leur fils nouveau-né. Considérant que cette tâche était importante, ils avaient changé leur Gardien du Secret : ils avaient désigné Peter Pettigrow afin de me remplacer. Ce lâche. Mais comme personne ne le savait, tout le monde avait cru que je les avais vendus au Seigneur des Ténèbres. Ce qui était faux, bien sûr. Mais ça, c'était impossible à faire comprendre aux gens bornés, aveugles et têtus. Soit le monde.
⸺ Où est-il, Sirius ? me lança Remus d'une voix rauque.
Des sanglots perçaient dans sa voix, mais il était bien trop habitué à les cacher. Remus avait eu vent que Peter était toujours en vie... mais comment ? C'est alors que je compris.
La Carte du Maraudeur.
Remus avait dû voir son nom inscrit sur ce bout de parchemin. Cette carte était notre plus belle réussite, à tous les trois. Nous avions mis des années à la mettre au point, alors même que nous essayions de devenir des Animagi. La Carte ne mentait jamais. Remus avait dû comprendre ce qu'il s'était réellement passé. Il avait toujours été le plus intelligent et futé de notre groupe... Contrairement au traître ignoble que j'avais appelé mon ami il y a de ça des années.
D'ailleurs, à l'époque, Peter montrait déjà des signes étranges... et nous n'avions rien vu. Nous avions été aveugles. Mais une fois que j'ai compris, il était trop tard.
Peter a été le dernier à réussir sa transformation en Animagus. Et puis, c'était un rat. Un petit animal rusé, fourbe, lâche. Il était ce rat. Il l'est toujours. Mais plus pour longtemps, si cet idiot de chat daignait bien descendre de ma poitrine...
À cause de ce menteur, j'avais passé douze ans de ma vie à périr à Azkaban. Ce qui m'avait fait tenir, c'était le fait de savoir que j'étais innocent. Sans cela, je serais sûrement mort à l'heure qu'il est. Je n'avais aucune nouvelle du monde extérieur. Mais quand un homme en visite est passé avec son journal, j'ai enfin compris. J'ai vu une photo de cette joyeuse famille, dont un gamin de treize ans. Dans sa main, il tenait un rat. Son rat de compagnie, disait-il. Son rat qui avait douze ans. Douze ans. Et auquel il manquait un doigt.
Aucun doute, c'était Pettigrow. Je l'avais retrouvé. J'allais enfin pouvoir lui faire payer sa trahison et la destruction de nombreuses vies.
Lentement, je levai ma main pour désigner le rat qui se terrait dans la poigne du garçon stupéfait. Harry et Hermione semblaient perdus et désespérés. Comme je les comprenais. Ils allaient enfin pouvoir entendre la vérité après la mort de Peter...
⸺ Mais, dans ce cas... murmura Remus comme pour lui-même.
Son regard transperçait le mien comme lorsque nous étions collégiens... Seulement, quelque chose s'était brisé.
L'amour.
Il me fixait désormais avec une intensité presque maladive, qui me faisait fondre lorsqu'il me regardait ainsi, il y a de nombreuses années. Mais seulement, cette fois, il me semblait différent. Presque calculateur. Tout ce qu'il avait cru sur moi pendant douze ans était faux, et il venait de s'en rendre compte.
⸺ Pourquoi ne s'est-il pas montré avant ? À moins que...
À moins que ce ne soit lui, le traître, pas moi. Remus, comment peux-tu encore en douter ? Après tout ce que nous avons vécu tous les deux... Remus... ouvre les yeux !
Soudain, ses deux pupilles s'agrandirent comme des soucoupes. Il avait enfin compris. Je sentis mon cœur se mettre à battre plus vite. Je me sentais misérable. Remus... dépêche-toi... cela fait douze ans que je cherche à le tuer ! Aide-moi... ce traître mérite de payer !
⸺ À moins que ce ne soit lui qui... À moins que vous ayez changé de... sans me le dire ?
Oui. James et Lily avaient changé de Gardien du Secret. Ç'a été la seule chose que je ne t'aie jamais cachée, Remus... Nous partagions tout ensemble... et ne rien te dire... a détruit ma vie. J'ai passé douze ans enfermé, innocent. J'aurais dû le lui dire. J'aurais dû !
Sans le quitter des yeux, j'hochais la tête d'un air approbateur. Oui. Oui, tu as raison, Remus. Je t'en supplie, ne me rejettes pas comme tu l'as fait il y a douze ans.
Après que Peter se soit enfui, mes nerfs ont lâché. Le lâche s'était coupé un doigt pour faire croire à son assassinat et me faire porter le chapeau de la mort de douze Moldus. Et moi, détruit, anéanti, j'étais là, en plein milieu de la rue, à rire. J'étais vide. Mon âme m'avait quitté, je n'étais plus rien. Je ne réfléchissais plus, je n'étais plus. J'étais fou. Complètement fou.
Lorsque la police magique est arrivée et m'a embarqué, je n'ai pas pu leur révéler la vérité. Et même si je l'avais fait, j'aurais été emprisonné quand même. Ils ne m'auraient pas cru. Et même s'ils m'avaient cru, j'étais un Animagi illégal... mais non. Je n'ai pas ouvert la bouche. Je n'en étais plus capable. Je n'étais plus capable de rien.
Avant de me jeter lâchement dans une cellule moisie de cette prison maudite, j'ai pu voir quelques personnes au parloir.
Ma famille n'a pas jugé bon de venir. J'étais reconnu comme un traître à mon sang.
Quelques inconnus sont venus m'insulter et me cracher dessus, mais je n'y ai pas fait attention. Non. Je suis revenu à moi en le voyant.
Remus.
Il se tenait là, dans l'embrasure de la porte, sale, amaigri, le visage émacié. Il avait aussi été détruit par la mort de nos amis, et il croyait que c'était ma faute. C'était ça, qui l'avait achevé.
⸺ Je n'arrive pas à croire que tu aies pu faire une telle chose, Sirius, m'a-t-il dit à l'époque. Comment as-tu pu ? J'avais confiance en toi... Je...
Les mots étaient restés bloqués dans sa gorge. Je me suis approché de lui, et j'ai ouvert la bouche. Je voulais lui dire. Je voulais lui faire comprendre. Si lui me savait innocent, je pourrais partir à Azkaban l'esprit reposé. Mais non. Dès que mes lèvres se sont entrouvertes, il a grogné et m'a asséné d'un ton sec :
⸺ Ne dis rien. Je ne veux plus jamais t'entendre, tu entends ? Jamais ! Je t'ai tout donné : mon temps, mon amour ! Et toi, tu étais du côté du Seigneur des Ténèbres ! Tu lui as vendu nos amis ! Je te déteste, je te hais !
Une lueur vive brillait au plus profond de ses yeux. J'ai secoué la tête et je me suis approché vers lui.
⸺ Je t'aime.
Ma voix rauque m'a surpris, mais j'étais presque inconscient. Je n'en pouvais plus. Pourquoi ? Pourquoi fallait-il que je vive cela ? Pourquoi moi ?
Je me suis approché de lui et j'ai tenté de l'embrasser. Juste une dernière fois. Mais il m'a vivement repoussé et je suis tombé en arrière. J'étais détruit. Détruit.
⸺ Ne m'approche pas, sale traître, sale menteur ! Je te hais ! m'avait-il hurlé.
La porte du parloir s'était refermée, et j'avais sombré dans la folie. Ce n'étaient pas les Détraqueurs, l'ambiance d'Azkaban ou les cris des détenus qui m'avaient rendu fou. Non. Ç'avait été Remus. Mais maintenant, tout pouvait être réparé...
Harry commença à balbutier, mais alors Remus me tendit la main pour m'aider à me relever, tandis que le chat sautait à terre en crachant méchamment. Pendant une fraction de seconde, je croisai le regard de Remus. J'espérai, pendant un instant, retrouver son amour... mais non. Ce qui s'était brisé avait été réparé durant cette nuit, mais trop de choses avaient été pulvérisées pour pouvoir reformer, dans son regard, ce sentiment qui nous faisait vivre au lieu de simplement exister.
Mais quand il m'étreignit, je ne pensais même plus à Peter. Oh non.
J'avais perdu mon amour de jeunesse, oui, mais j'avais retrouvé un ami. Un allié. Cet homme que j'avais tant aimé venait de comprendre. Et je savais qu'il m'aiderait. Quoiqu'il en coûte.
Hermione commença à hurler, et, à contrecœur, je dus me séparer de Remus. Il était temps d'expliquer à Harry ce qu'il s'était vraiment passé. Il était temps de réparer les erreurs et les mensonges que le monde croyait.
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