→ 𝐑𝐞𝐦𝐮𝐬 𝐋𝐮𝐩𝐢𝐧 - Sᴘᴇᴄᴛᴀᴄʟᴇ ᴅ'ᴜɴᴇ Mᴏʀᴛ ᴇᴛ ʀᴇᴍᴇ́ᴍᴏʀᴀᴛɪᴏɴ ᴅ'ᴜɴᴇ Vɪᴇ

⸻⮚ 18 ᴊᴜɪɴ 1996 ﹣ Bᴀᴛᴀɪʟʟᴇ ᴅᴜ Dᴇ́ᴘᴀʀᴛᴇᴍᴇɴᴛs ᴅᴇs Mʏsᴛᴇ̀ʀᴇs ⮘⸻


La Bataille faisait rage. Je ne savais plus vraiment comment ni pourquoi j'avais atterri ici, mais peu importait, après tout. La seule chose qui m'obnubilait en cet instant, c'était de savoir que l'on allait peut-être enfin gagner, enfin pouvoir punir et interroger de nombreux Mangemorts. Il le fallait. Pour moi, pour l'Ordre, pour Sirius, pour Tonks, pour Harry...

Je lançais sans relâche de nombreux Sortilèges sur un partisan du Seigneur des Ténèbres à l'air farouche, à la voix et au rire nasillard qui m'insupportaient clairement. Je sentais mon cœur battre toujours plus vite, toujours plus fort, comme semblait grandir la crainte et l'épuisement de chacun des combattants – mêlés à une rage de vaincre évidente. 

De nombreuses piques fusaient, voulant déstabiliser l'adversaire, au même prix que les sorts qui volaient, cherchant à leur tour une nouvelle victime à détruire – ou blesser, au minimum.

⸺ Allons, tu peux faire mieux que ça ! s'écria une voix plus forte que les autres, qui résonna avec une puissance infinie dans la salle, en un écho fort et encourageant.

La voix de Sirius.

Ce son était magnifique. Le courage que j'avais m'avait toujours été donné par sa voix, et je savais qu'encore une fois encore, je pouvais m'en servir comme une arme pour pouvoir vaincre. Gagner. Enfin, gagner pour que ce monde soit meilleur.

Je m'imprégnai de ses mots, les laissant résonner dans mon esprit, les laissant s'insinuer sous ma peau pour faire frémir mes sens. Je lançai un dernier Sortilège sur le Mangemort qui s'écroula sur le sol, tressautant, comme à demi-mort.

À côté de Sirius, de petites étincelles crépitaient, illuminant son visage plus qu'à l'accoutumée. Le Sortilège qui l'avait manqué de peu était en train de s'évanouir. Mais pas complètement. La Magie laissait toujours des traces. Même cette Magie Noire, démoniaque, funeste et mortelle, laissait des traces. J'avais toujours été optimiste, et j'avais toujours su que la Magie Blanche, puissante, pure et merveilleuse, laissait des traces à jamais dans nos cœurs et nos souvenir bien plus que matériellement. L'amour était la plus puissante des Magies. La seule personne que j'avais, au cours de ma vie, aimée d'un amour amoureux, c'était Sirius. Lui qui se tenait devant une Mangemort à demi-cachée dans l'ombre, un sourire méprisant, insolent et moqueur dessiné sur ses traits.

Mais maintenant, il m'était difficile d'être optimiste. J'avais reçu un gros coup dans le ventre de la part de la vie lorsque, lors du mariage de Lily et James, Sirius avait rencontré Marlene. Marlene McKinnon. Une très jolie jeune fille aux cheveux brun foncé qui lui retombaient jusque dans le creux de son dos. Je me souviens de ma peine lorsque je les avais vus, tous les deux, pendant que Lily et James continuaient de danser avec virtuosité. Marlene, ses cheveux bouclés lui retombant joliment sur le tissu fin de sa robe bleue, un sourire aux lèvres et un verre de champagne Moldu à la main, qui observait Sirius avec une attention et une admiration non contenue. Sirius, les mains dans les poches, un air charmeur peint sur le visage d'ange qu'il possédait, ses cheveux noirs bouclés parfaitement propres encadrant son visage de manière légère, adoucissant son faciès tout en carrant sa mâchoire.

Je me souviens qu'avant de me rendre au mariage, je m'étais promis de parler à Sirius. Pour lui dire quoi ? Je n'en savais rien à ce moment-là. Pour renforcer nos liens d'amitié, pour rire avec lui, manger quelque chose, observer la lueur brillante qui illuminait son regard lorsqu'il parlait, et pourquoi pas enfin lui faire part de mes sentiments. Je me cachais depuis notre troisième année, là où j'avais enfin compris que je l'aimais, et qu'il ne servait plus à rien de mettre mes sentiments en sourdine, de tenter d'étouffer le feu ardent qui tordait mes entrailles et embrasait mon cœur à chaque fois qu'il s'approchait de moi. Cela faisait des années que je l'aimais, et que je me cachais.

Avant le mariage de mon ami, le jeune Potter, je m'étais promis de tout déballer au courageux Black. Si mon amour était réciproque, tant mieux, sinon, je passerais à autre chose une bonne fois pour toutes. Je me l'étais promis.

Quand j'ai été prêt, enfin prêt, je l'ai cherché pour lui demander de lui parler. Je l'ai trouvé avec Marlene... J'ai attendu qu'il la quitte avant de me diriger vers lui, mais non, il restait avec elle... Je n'entendais que la musique qui battait son plein, les cris des gens autour de moi qui dansaient et les rires incontrôlés de personnes déjà bien ivres. Je n'entendais rien de ce qu'ils se disaient, aussi je sentais le stress monter en moi au fur et à mesure que le temps avançait. Je ne sais pas combien de temps je suis resté, debout dans un coin, les observant avec une fièvre d'appréhension presque maladive. Mais je sais à quel moment ça a commencé à partir en vrille.

Marlene, les joues rosées et le regard joyeux, riait d'une petite voix aux remarques du jeune Black. Sirius, ivre, semblait beaucoup s'amuser. Ils étaient seuls, à demi cachés par la pénombre. Je les voyais, et, plus le temps passait, plus je me sentais mal. Je sais. Je sais que c'est idiot de lui en vouloir. Mais je ne peux pas m'en empêcher. J'ai vu Sirius poser sa main sur la taille de Marlene, un sourire aux lèvres et les yeux réduits à deux fentes. J'ai vu la belle McKinnon se dresser sur la pointe des pieds. Jusqu'au dernier moment, je les ai ignorés. Mais quand j'ai vu Sirius déposer délicatement ses lèvres sur les siennes, j'ai vu mes espoirs voler en éclats. Voler en éclats, comme les morceaux de verres d'un miroir dans lequel on aurait enfoncé le poing, juste pour qu'il arrête de nous mentir en nous renvoyant l'image qu'on s'efforce de façonner pour masquer nos peines, nos pensées et ce qu'on aurait voulu dire.

Je ne m'étais jamais aimé. J'avais toujours été lâche. Je m'étais toujours menti. Je lui avais toujours menti. Et maintenant que j'avais décidé de me jeter à l'eau, je m'étais rendu compte que j'étais arrivé trop tard. Je suis resté là, pétrifié, à les observer s'embrasser. Je savais qu'ils n'étaient pas encore amoureux l'un de l'autre, mais je voyais bien que ça finirait par arriver. Ils ne me voyaient pas. Personne ne me voyait. Et je ne voyais personne. Tout le mouvement et le vacarme autour de moi semblait s'être arrêté. Les seuls sons que j'entendais étaient les battements de mon cœur résonnant à mes oreilles et la petite voix dans ma tête qui me critiquait encore et toujours, sans relâche.

Tu n'es qu'un lâche.

Tu aurais dû le lui dire avant.

Si tu avais été plus courageux, tu aurais pu savoir.

Mais tu n'as été qu'un ignoble lâche.

Je me souviens que je suis parti en pleurs et que je me suis écroulé sous un arbre, en observant le reflet de la lune qui miroitait sur la surface du lac devant mes yeux. Mes larmes ont fini par créer un nouveau lac. Un torrent de détresse au plus profond de moi.

Quelque chose en moi s'est brisé ce soir-là.

Il ne s'agissait pas uniquement de mon cœur, non. En réalité, mon être entier avait été brisé. J'avais été brisé. J'en voulais terriblement à Marlene et Sirius. Marlene, car elle avait volé celui que je convoitais. Sirius car il avait comme tiré une balle dans mon âme. Je me sentais égoïste de leur en vouloir. Et je m'en voulais. Mais pour la première fois de ma vie, j'ai fait taire la voix qui me critiquait pour cela. J'ai laissé ma haine, ma tristesse et ma colère se déverser dans chacune de mes larmes. Le gouffre dans mon esprit s'est senti apaisé, le monstre de ténèbres qui rugissait en moi réclamait toujours plus de haine.

C'est pour cela que je me suis fait submerger par ma rancœur lorsque Sirius a été enfermé à Azkaban.

Peter avait été assassiné. Alice et Frank avaient perdu la raison. Lily et James étaient morts. Black s'était fait juger et enfermer à Azkaban car il était complice avec Celui-Dont-On-ne-Devait-Pas-Prononcer-Le-Nom. Je me souviens de son regard dément. Je me souviens simplement de la seule fois où je suis allé le voir, le lendemain de son incarcération. Il avait le visage émacié et le regard vide. Je n'ai pas su quoi dire. Je me suis contenté d'un murmure incrédule.

⸺ Comment as-tu pu faire ça, Sirius ? Tu étais mon ami et pendant tout ce temps tu nous as tous menti...

Son expression intense m'avait surpris, mais son rire vide m'a heurté. Il riait, assis, enchaîné dans sa sombre cellule, et moi je pleurais, les mains refermées autour des barreaux froids de la prison.

Ce n'était pas cette grille d'acier qui nous séparait, non. C'était son rire. Son rire vide. Ses nerfs avaient complètement lâché, il ne se contrôlait plus. Sirius était parti, il n'en restait plus qu'enveloppe corporelle et folie. Ce soir-là, ça n'a pas été Sirius que j'ai perdu. Ça n'a pas été le garçon que j'avais aimé jusqu'à la démence que j'ai perdu. Ça n'a pas été ses sourires que j'ai perdus. Non, ce soir-là, j'ai perdu un ami.

Toutes ces années, j'ai souffert. Mais ma haine envers lui m'aidait à survivre. J'étais le dernier des Maraudeurs. James et Peter était morts, et Sirius les avait tués. Dire que ce groupe était né d'une proposition de Black pour m'aider à mieux vivre ma lycanthropie... mais tout cela, toutes ces années où je lui avais voué un amour sans limites, il m'avait menti ! La haine que je ressentais envers lui était sans nom. Grande. Immense. Colossale. Elle s'étendait à l'infini, creusant toujours plus ce trou de noirceur et de ténèbres béant qui grandissait en moi.

Mais lorsque j'ai enfin compris que je me leurrais sur son compte, j'ai aussi compris que ce gouffre de désespoir et de haine ne me faisait pas tenir debout : il m'entraînait dans ses profondeurs pour me piéger à jamais. Il me faisait sombrer dans la folie. Sirius m'entraînait avec lui. À moins que ce ne soit le monde. Le monde était fou. Les Moldus détenaient des armes de Guerre plus puissantes que ce que pouvait définir l'imagination. Nous vivions dans la peur perpétuelle d'une attaque. Mais pas uniquement des Moldus. Depuis cette nuit-là, la nuit du 31 octobre 1981, le Seigneur des Ténèbres obscurcissait le monde. Nous sombrions tous dans la démence.

C'est alors que j'ai eu un déclic. J'ai compris. Ç'a n'avait jamais été Sirius.

Je me suis senti bête. Un monstre ! Mais cette fois, ce n'était pas le loup-garou en moi qui se réveillait. C'était ma culpabilité. Je devais l'aider. C'est d'ailleurs ce que j'ai fait.

Je me souviendrais pour toujours de ce que j'ai ressenti lorsque nous nous sommes retrouvés et qu'il m'a pris dans ses bras. J'ai retrouvé Sirius, j'ai retrouvé mon ami. Je me sentais de nouveau complet, de nouveau moi-même. J'avais perdu le garçon dont j'étais amoureux, oui. Mais retrouver un ami m'a fait me sentir vivant. J'ai tourné ma rancœur vers sa seule personne légitime : Peter. Comme je regrette de ne pas l'avoir tué, ce soir-là ! Comme le disait le jeune Black, ç'avait été notre chance, une chance que nous n'avons jamais saisie.

Un hurlement dément attira mon attention.

Cette démence folle.

Bellatrix Lestrange.

J'eus l'impression de voir cette scène au ralenti, mais elle était bien réelle.

Un jet de lumière frappa Sirius en pleine poitrine. Il n'eut même pas le temps de dire un mot. Ses yeux s'arrondirent.

Ce n'est qu'à partir du moment où son corps commença à se pencher en arrière, défiant toutes les lois de la gravité, que je compris.

Et le monstre tapi dans mes entrailles explosa, me rendant sourd à tout ce qui se passait autour de moi. Je ne ressentais plus rien, le monde vacillait, je ne voyais plus que Sirius, et tous les mots que j'avais intériorisés partir avec lui.

Je ne voyais presque plus rien, et les hurlements retentissaient en sourdine. Oui, je ne voyais plus que Sirius, traversant le voile avec une lenteur tortueuse, et la détresse surprise dans ses iris. L'étoffe noire se souleva et Sirius disparut. La tête me tournait. J'avais cru le perdre une fois déjà, et la folie dans laquelle je sombrais lentement et sans m'en apercevoir m'avait presque englouti.

Je ne pouvais pas...

Pas une deuxième fois...

Non. Non. Non.

⸺ SIRIUS ! SIRIUS ! hurla une voix forte.

Ce cri désespéré me fit brutalement revenir à la réalité. Harry. Harry, le fils de James, courrait vers le socle de pierre. Je me précipitai vers lui et l'enserrai pour l'immobiliser.

⸺ Tu ne peux rien faire, Harry... dis-je d'une voix brisée.

Harry continua de se débattre, une lueur indéchiffrable dans le regard. Alors je compris qu'il ne savait pas.

⸺ Il faut aller le chercher, commença-t-il. Le sauver. Il est simplement passé de l'autre côté !

Ces mots courageux et plein de détermination me firent rêver un instant. Mais je savais quelque chose qu'il ne savait pas. Son ordre désespéré sonnait creux.

⸺ Il est trop tard, Harry.

⸺ On peut encore le rattraper, insista-t-il d'une voix tonitruante.

Je le sentais se débattre, mais je ne pouvais pas le lâcher.

⸺ Tu ne peux rien faire, Harry... Rien... C'est fini pour lui.

Je retins un sanglot. J'avais déjà cru le perdre. Je ne pouvais pas le perdre une deuxième fois... pas maintenant... il était mon seul espoir de survie dans cette folie... et maintenant...

⸺ Non, ce n'est pas fini ! SIRIUS ! SIRIUS !

⸺ Il ne peut pas revenir, Harry, balbutiai-je d'une voix brisée.

Je n'avais pas l'impression de dire cela pour lui expliquer. J'avais l'impression que me faire saigner le cœur tournerait ma douleur en culpabilité pour m'empêcher de sombrer pour de bon. Autant finir le travail.

⸺ Il ne peut pas revenir parce qu'il est m...

⸺ IL N'EST PAS MORT ! SIRIUS !

La bataille continuait de faire rage. Je maintenais Harry, qui se débattait comme un beau diable. Après de longues secondes, qui pesaient chacune comme un poids dans mon cœur, je sentis le fils de James cesser de se débattre.

Le monstre continuait de prendre du terrain. Mais je le fis taire, ravalai mes larmes.

Je ne pouvais pas me laisser submerger par le désespoir pour une simple question d'égoïsme. Il était plus simple de ne rien ressentir.

Comme Sirius avait momentanément disparu pendant son passage à Azkaban, je sentais que Remus mourrait, étouffé par la folie des non-dits perdus à tous jamais sur le chemin sinueux qui séparait la vie et la mort.


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